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Collection « Les auteur(e)s classiques »

sous la direction de Roger-J. Bédard, L'ESSOR ÉCONOMIQUE DU QUÉBEC. (1969)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre sous la direction de Roger-J. Bédard, L'ESSOR ÉCONOMIQUE DU QUÉBEC. Montréal: Librairie Beauchemin ltée, 1969, 524 pp.

[7]

Préface


La croissance économique est en voie de passer aux tous premiers rangs des préoccupations de la société québécoise. Immédiatement après l'éducation et la réforme constitutionnelle.

Un nombre toujours croissant de Canadiens français commencent à réaliser que la richesse matérielle rend possible la diffusion du bien-être et de la culture dans toutes les couches de la population. Nous avons finalement acquis assez de maturité pour reconnaître que la prospérité est une condition indispensable au rayonnement de nos valeurs de civilisation.

Édouard Montpetit écrivait il y a un demi-siècle : « Pour s'instruire et se cultiver, pour acquérir la force intellectuelle, ferment de l'énergie nationale, il faut être d'abord maître chez soi et bien renté ». C'est tout aussi vrai aujourd'hui qu'en 1919.

Cet ouvrage vise deux objectifs :


Premièrement, citer des témoignages de qualité sur la condition économique du peuple canadien-français depuis un siècle ;
Deuxièmement, assembler des études valables sur les moyens pour les Canadiens de langue française d'occuper la place qui doit être la leur dans la vie économique du Québec.


Comme l'antique divinité, l'ouvrage a deux visages, l'un qui contemple le passé ; l'autre qui scrute l'avenir.

Nous suivrons donc l'évolution de notre situation économique en marquant les progrès et les reculs. Nous esquisserons également les éléments d'un programme de « conquête économique ». En une phrase, cet ouvrage propose un résumé d'histoire et un programme d'action économiques.

Ces pages renferment les réflexions d'une trentaine de nos auteurs les plus avertis sur les questions de la richesse matérielle. « L'Essor économique du Québec » doit être abordé dans l'esprit du compte-rendu d'un symposium qui aurait eu pour thème : évolution et avenir des Canadiens français dans l'économie de leur patrie.

[8]

Dès 1846, Étienne Parent, directeur du journal « Le Canadien », insiste sur la nécessité pour notre peuple de s'occuper d'industrie, de commerce, de finance, si nous voulons durer comme communauté nationale distincte.

La science des richesses n'a malheureusement pas reçu à l'époque une attention proportionnée à son importance. Attardés dans une agriculture routinière, nous avons pris du retard dans l'organisation de la production et de la distribution des biens.

Nous revenons de très loin en matière économique. L'article de M. Rodolphe Laplante pose un jalon qui permet de mesurer la distance parcourue depuis la capitulation de 1760.

Contrairement à l'opinion très répandue, les problèmes économiques ont retenu l'attention de quelques concitoyens à chaque génération depuis le milieu du XIXe siècle. Il existe une certaine quantité d'études sur l'économie du Québec, ses possibilités d'industrialisation, l'exploitation locale de ses richesses naturelles, etc.


Le plan suivi.

La première partie discute l'aspect économique du problème national.

À tout seigneur, tout honneur. Nous commençons par une causerie extraordinairement lucide d'Étienne Parent sur « l'industrie comme moyen de conserver notre nationalité ».

Ces réflexions sur la condition des Canadiens français vue de l'angle économique sont complétées par des articles d'Edouard Montpetit, de François Vezina et de l'abbé Lionel Groulx.

La deuxième partie de l'ouvrage fait le point de la situation.

Nous avons voulu savoir quelle a été depuis un demi-siècle et quelle est exactement aujourd'hui la part des Canadiens d'expression française dans l'économie du Québec.

« En dehors de la terre, nous n'avons rien, vous me comprenez, nous n'avons rien », écrivait M. Victor Barbeau dans « Mesure de notre taille » en 1936. Il exagérait quelque peu, mais M. Barbeau avait raison d'écrire qu'à de très rares exceptions près, nous étions pratiquement un peuple de gueux.

Heureusement, écrivent des auteurs récents, la situation a changé. Aujourd'hui, les actifs de la Banque Canadienne Nationale et des

[9]

Caisses Populaires Desjardins dépassent le milliard. Les Canadiens français sont propriétaires d'une soixantaine d'entreprises dont les actifs s'expriment par huit ou par neuf chiffres.

La réussite de la Société générale, entièrement dirigée par les nôtres, établit que nous ne sommes nullement un peuple de sous-doués pour les affaires, l'industrie manufacturière notamment.

Aussi, avons-nous étudié dans la troisième partie les facteurs de relèvement.

Les vendeurs d'orviétan et de formules-miracles ont été écartés sans ménagement. Un large éventail de solutions a nos problèmes économiques ont été retenues et groupées sous les huit rubriques suivantes :

1. Les études économiques ;
2. L'intervention de l'État ;
3. L'agglomération de capitaux canadiens-français ;
4. La coopération ;
5. La pratique de la solidarité ;
6. La planification ;
7. L'invention et l'innovation ;
8. Les initiatives de l'entrepreneur canadien-français.

Errol Bouchette fut un véritable prophète. Il affirme dès 1903 que seul l'État québécois a les reins assez forts pour amorcer la reprise en main de notre économie sans être brisé par la puissance du grand capital étranger.

De fait, bon nombre des grands centres de décisions économiques que nous contrôlons aujourd'hui - l'Hydro-Québec, la Commission de Transport de Montréal, la Régie des Alcools, la Société générale de financement - sont dus à l'initiative du gouvernement provincial.

Dans le sillage de ces grands navires ou en convois avec eux, nombre de maisons d'affaires de chez nous avancent rapidement depuis dix ans - nos institutions financières notamment.

La pratique d'une plus grande solidarité dans l'utilisation de notre revenu disponible d'environ $10 milliards par année réussit des prodiges pour la croissance de notre avoir national, ainsi qu'en témoignent les [10] récents bilans de nos trois banques, de nos maisons de fiducie et de nos mutuelles de placement.

Technique d'utilisation des ressources, la planification pourra également contribuer à rendre aux citoyens du Québec une plus large mesure de contrôle sur leur destinée économique. Les intéressantes collaborations du père Émile Bouvier et de M. Jacques Parizeau sur ce sujet méritent de retenir notre attention.

Les coopératives font également œuvre utile. Les Caisses populaires Desjardins restent, après l'occupation du sol, la plus grande réussite collective du peuple canadien-français. Fondées avec les épargnes de quelques petites gens, les Caisses disposent aujourd'hui d'un actif qui dépasse le milliard de dollars.

Une douzaine de réussites comme celle-là et la « conquête économique » pour employer l'expression chère à M. Édouard Montpetit sera chose faite.

Deux personnes sur trois exercent aujourd'hui des types d'occupation qui n'existaient pas en 1920. La prospective nous indique qu'à la fin du présent siècle, un emploi sur deux sera la conséquence d'innovations pratiquement inconnues aujourd'hui. Dans ces conditions, l'innovation par l'entrepreneur canadien-français pourra contribuer à notre expansion économique dans une mesure que nous aurions tort de sous-estimer.

L'action simultanée et coordonnée de ces divers facteurs de relèvement pourra sans doute transformer la condition matérielle des Canadiens de langue française dans le sens des aspirations profondes de la population.

La quatrième et dernière partie de l'ouvrage scrute les perspectives d'avenir. Pas d'optimisme béat ni de pessimisme déprimant, mais des regards sereins vers l'horizon.

Tout comme leurs prédécesseurs, M. Philippe Garigue et M. François-Albert Angers discutent avec beaucoup de réalisme l'avenir immédiat.

L'évolution économique de notre peuple ne dépendra d'aucune fatalité inéluctable. Elle résultera de décisions humaines prises au jour le jour. Notre avenir économique dépendra dans une très large mesure des décisions que prendront le Canadiens français eux-mêmes, soit à titre individuel, soit à titre collectif.

[11]

Cette anthologie veut être aussi représentative que possible d'un siècle de pensée économique en notre milieu. Elle n'a toutefois pas la prétention d'être exhaustive.

Le lecteur pourra s'étonner que les remarquables essais d'Edmond de Nevers et de Léon Gérin soient absents ; il aura raison de déplorer que le nombre de pages accordées à M. Esdras Minville soit trop réduit. Ces trois auteurs ont été réédités chez Fides récemment [1] et leurs ouvrages sont facilement accessibles en librairie.

Seulement deux des importantes causeries de M. Édouard Montpetit sont reprises ici. Cette carence sera partiellement comblée dans un ouvrage entièrement consacré à M. Montpetit publié par l'auteur dans une autre collection [2].

Faute d'espace, le récent courant de pensée qui entend résoudre tous nos problèmes économiques par des décisions politiques rendues à Québec n'a pu être présenté dans ce volume. Nous nous en excusons.

Chacun de nos collaborateurs livre en quelques pages le fruit d'années de réflexion : maints chapitres ont la densité du mercure. Le lecteur devrait y trouver l'inspiration de réflexions personnelles très fructueuses.

De même que l'éducation a marqué d'importants progrès dans le Québec durant la dernière décennie par une abondante discussion publique, de même aussi, la discussion intelligente de notre situation économique pourrait-elle contribuer à notre essor en ce domaine. Voilà la raison-d'être même de cet ouvrage.

Nous exprimons notre gratitude à tous les auteurs et à toutes les revues qui nous ont autorisé à rééditer leurs travaux.

Ile Verte, mai 1968

ROGER-J. BÉDARD



[1] De Nevers, E., L'avenir du peuple canadien-français, Fides, Montréal, 1964. [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

Gérin, L., Aux sources de notre histoire, Fides, Montréal, 1946. [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

Minville, E., L'homme d'affaires, Fides, Montréal, 1965. [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[2] Les Classiques canadiens.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1 décembre 2011 12:50
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cegep de Chicoutimi.
 



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