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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Pierre Beaulne, “Budget du Québec pour 2009-2010: sur la marge de crédit.” Un texte publié sur le site web ÉCONOMIE autrement.org, le 25 avril 2009. [L'auteur nous a accordé sa permission de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales le 26 février 2010.]

Pierre Beaulne

Budget du Québec pour 2009-2010 :
sur la marge de crédit
”.


Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Jean-Marc Piotte, ADQ à droite toute! LE PROGRAMME DE L'ADQ EXPLIQUÉ, chapitre 5, pp. 115-130 Montréal: Les Éditions Hurtubise HMH, ltée, 2003, 252 pp.


Avec le budget déposé le 19 mars 2009, les finances publiques du Québec entrent dans une nouvelle ère de turbulences provoquées par l’approfondissement de la crise économico-financière. Déjà serrées, les finances du Québec seront soumises à de fortes tensions au cours des prochaines années. Pour cette année, ça va encore. Le gouvernement a choisi d’absorber le choc de la récession en laissant gonfler le déficit, plutôt qu’en tentant en vain de forcer un équilibre qui n’aurait fait qu’empirer la situation. À l’exception de la fonction publique, les coûts de système des réseaux sont couverts. Mais pour l’avenir, le budget met la table pour les débats sociaux qui devront être faits sur la manière de rétablir la situation.

Le budget ne comporte pas de plan de relance en tant que tel. Le gouvernement publicise ce qui a déjà été annoncé, particulièrement les investissements dans les infrastructures (8,9 milliards en 2009) et ceux d’Hydro-Québec (4,9 milliards en 2009). Il opérationnalise et complète les initiatives du gouvernement fédéral, notamment en matière de formation de la main-d’œuvre. Il prend aussi certaines mesures, dont les coûts budgétaires totalisent à peine 500 millions sur deux ans. Cela se rajoute aux initiatives, d’un ordre de grandeur similaire, prises en novembre 2008 ainsi qu’en janvier 2009.

Si l’équilibre budgétaire pour 2008 peut être préservé, grâce à la disponibilité d’une réserve, le gouvernement envisage par contre des déficits pour les prochaines années. Un déficit de 3,9 milliards est prévu pour 2009, soit l’équivalent de 1,3% du PIB, et de 3,8 milliards pour 2010.

Le budget présente un cadre financier balisant le retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2013-2014. Le schéma soumis table sur une reprise de la croissance du PIB nominal atteignant un rythme de 4,5% à compter de 2011; il limite la croissance des dépenses de programme à 3,2% par an et suppose une progression modérée des intérêts sur la dette. Comme ces paramètres ne permettent pas le retour à l’équilibre budgétaire, le gouvernement annonce certaines mesures de revenu, notamment la hausse de 1% de la taxe de vente du Québec à compter de 2011; l’indexation de tous les tarifs publics, sauf les services de garde, de même qu’une révision des tarifs, ainsi que l’intensification de la lutte contre l’évasion fiscale. À elles seules, ces mesures sont jugées insuffisantes pour rétablir l’équilibre, si bien que des mesures additionnelles de revenu ou de dépenses devront être envisagées. Tout en chiffrant l’ampleur des mesures à prendre, le budget ne fournit pas d’autres indications, se bornant à évoquer un « défi de taille, (qui) interpelle tant le gouvernement, les syndicats, les entreprises que les citoyens ».

Un des aspects les plus notables du budget est la suspension pour deux ans des effets de la loi antidéficit de 1996. Il n’y a guère de surprise de ce côté. Dès l’origine, il était évident qu’une telle loi ne tiendrait pas la route en cas de récession. Dans le budget, le gouvernement reconnaît que l’application des exigences de cette loi l’empêcherait de proposer des mesures de relance et le forcerait plutôt à appliquer des compressions massives de dépenses pour compenser la chute des revenus, aggravant de ce fait la récession [1].

Il est par ailleurs étonnant de voir le gouvernement persister à maintenir les contributions au Fonds des générations (FG). Le gouvernement y consacrera 715 millions en 2009 et 880 millions en 2010. Ces sommes proviendront essentiellement des redevances sur l’eau versées par Hydro-Québec et les centrales privées. Sur le plan technique, cela n’a guère de sens. Le Fonds des générations est une cagnotte qui vient réduire la dette totale. Cette dernière est augmentée, en partie, du montant du déficit. Ainsi, si le gouvernement suspend sa contribution de 715 millions au FG et consacre plutôt cette somme aux dépenses, son déficit se trouvera réduit d’autant. La dette totale demeurera inchangée dans une figure comme dans l’autre. Il y a donc d’autres motifs qui ont influencé la décision du gouvernement: maintenir le cap sur la politique adoptée quitte à gonfler artificiellement le déficit; conforter les agences de notation de crédit; accommoder certains lobbys comme les jeunes libéraux ou Force jeunesse; renflouer la Caisse de dépôt et placement qui gère les placements du Fonds.

Bilan 2008-2009:
maintien de l’équilibre par l’épuisement de la réserve

C’est de justesse que les équilibres financiers de l’année qui s’achève pourront être préservés, grâce au recours à la réserve. Plus exactement, le gouvernement devra utiliser 2 milliards de la réserve de 2,3 milliards qu’il possédait pour équilibrer les comptes de 2008-2009. C’est 636 millions de plus que ce qui avait été prévu initialement. En fin de compte, les dépenses en cours d’exercice ont excédé les prévisions de l’an dernier de 452 millions, ce qui a porté à 4,7% l’accroissement des dépenses de programme pour 2008-2009. Ce rythme n’a rien de surprenant. Il correspond à celui enregistré en moyenne depuis 2004.

Budget 2009-2010:
la récession a bon dos

Pour 2009, le déficit atteindra 3,9 milliards après l’utilisation du solde de la réserve de 295 millions.

Le gouvernement prétend que les deux tiers de ce déficit sont imputables à une chute des revenus de 2,5 milliards en raison de la récession. Le reste s’expliquerait par une révision à la hausse de l’objectif de dépenses de programme de 1 milliard, portant le taux de croissance à 4,5%, ainsi que les nouvelles mesures. Ces projections reposent sur une prévision de recul du PIB réel de 1,2% en 2009 et de stagnation du PIB nominal à 0,1%.

En fait, il y a 715 millions du déficit qui s’expliquent par le versement au Fonds des générations. Pour le reste, c’est la stagnation des revenus (62,507 millions en 2009-2010, en incluant la réserve de 295 millions, comparativement à 62 479 millions en 2008-2009), alors que les dépenses totales augmentent de 3,3%, ce qui explique le déficit. Cette stagnation des revenus s’explique par une baisse prévue des revenus autonomes du Québec de 2,4% (-1 184 millions), atténuée en grande partie par une majoration de 6,6% des transferts fédéraux (917 millions). Cette baisse des revenus autonomes s’explique elle-même par les mesures des budgets antérieurs: mesures de relance, mais aussi réduction de l’impôt des particuliers en 2008 et réduction de la taxe sur le capital, nouveau partenariat avec les municipalités. Les baisses d’impôts consenties expliquent à elles seules un manque à gagner de 1,771 millions en 2008 et de 2,150 millions en 2009 [2]. La récession n’a rien à voir là-dedans.

Dépenses de programmes: coûts de système des réseaux couverts, compressions dans les ministères

Les dépenses totales atteindront 66,1 milliards. Le budget prévoit un accroissement des dépenses de programme de 2,589 millions (4,5%), alors que le service de la dette baissera de 485 millions (-7,3%).

 

Budget
19 mars

Répartition

Taux
de croissance

M$

M$

%

Santé et Services sociaux

26 962,4

1 455,3

5.7%

Éducation, Loisirs et Sport

14 431,0

490,2

3,5%

Famille et Aînés

2 066,5

119,3

6,1%

Transports

2 777,9

423,9

18,1%

Autres portefeuilles

13 858,1

100,4

0,7%

Dépenses de programme

59 988,9

2 589,1

4,5%

Conseil du Trésor du Québec, Budget de dépenses 2009-2010, volume 4, pp. 6 et 14.


L’essentiel de l’accroissement des dépenses est consacré aux grandes missions sociales, comme l’éducation, la santé et les services sociaux, et les services de garde. Mais le portefeuille des transports reçoit aussi une augmentation substantielle de 18,1%, en raison des coûts d’amortissement des programmes d’infrastructure. Les autres ministères subissent des compressions. Les augmentations budgétaires en santé et en éducation serviront essentiellement à couvrir les coûts de système et à assurer le financement de certains engagements du gouvernement. En revanche, le budget contient peu de chose concernant les nouveaux investissements.

Le budget de la santé et des services sociaux augmente de 5,7%, ce qui permettra de couvrir les coûts de système liés au vieillissement de la population, l’introduction de nouvelles technologies, la croissance du coût des médicaments, l’indexation des paramètres salariaux et les ententes avec les médecins, l’ajout de médecins et la mise en place de nouveaux groupes de médecine familiale.

Le budget du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport augmente de 3,5%. Il couvre les coûts de système des réseaux relatifs aux conventions collectives, aux variations des clientèles et au service de la dette. Le budget permet aussi de poursuivre la mise en oeuvre du nouveau régime pédagogique et le plan d’action visant l’intégration des élèves en difficulté, et de poursuivre le réinvestissement dans les universités amorcé l’an dernier (13,3 millions).

L’année dernière, en 2008-2009, le budget de l’éducation avait augmenté davantage que celui de cette année, 612,4 millions comparativement à 490,2 millions, 4,6% au lieu de 3,5%. Le réinvestissement du fédéral pour l’enseignement supérieur de 187 millions en 2008-2009 explique une bonne partie de la différence.

Par ailleurs, le gouvernement s’était engagé à investir, d’ici 2012, 1 milliard de plus que l’enveloppe de dépenses consentie à l’enseignement supérieur en 2006-2007, sans compter les réinvestissements du fédéral.

Dans le budget de 2008-2009, le gouvernement accélérait les investissements en injectant 40 millions. Il indiquait que cette somme serait majorée à 53 millions à compter de 2009-2010, donc 13 millions de plus. Dans le budget de 2009- 2010, on retrouve la concrétisation de cet engagement. En revanche, le budget ne contient aucune indication sur le chemin parcouru ou à parcourir pour atteindre le milliard promis. L’année dernière, on en était à 453 millions, en excluant les 187 millions de réinvestissements du fédéral.

Au ministère de la Famille et des Aînés, la hausse de 119,3 millions, ou 6,1%, permettra de couvrir les coûts salariaux et les coûts générés par l’ajout de 6 000 places en services de garde. Un montant de 4 millions sera réservé pour le plan d’action visant à contrer la maltraitance envers les aînés.

Dans les autres ministères, à l’exclusion de celui des transports, la hausse des dépenses sera limitée à 0,7%, ce qui implique des compressions puisque la hausse des coûts salariaux et celle de l’inflation ne seront pas couvertes.

La politique de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique se poursuivra. L’effectif de la fonction publique sera réduit de 1000 postes, passant de 55 212 à 54 214. Dans les ministères, le budget prévoit une diminution de 4,9 millions des dépenses de rémunération, comme effet net résultant de l’augmentation salariale de 2,0% au 1er avril 2009 et de l’impact des départs à la retraite [3].

Négociations du secteur public:
premières semonces


En ce qui a trait aux négociations dans les secteurs public et parapublic, qui doivent s’amorcer sous peu, le budget demeure plutôt vague, mais n’est guère rassurant.

« Le renouvellement des conventions collectives doit être envisagé dans un esprit d’ouverture, en considérant notamment la particularité du contexte économique actuel qui requiert que toutes et tous s’impliquent et contribuent par un effort additionnel à aider le Québec à sortir de cette crise [4] ».

Cela peut être mis en relation avec l’objectif annoncé de limiter à 3,2% la croissance des dépenses à compter de 2010-2011.

La tarification:
nouveau Klondike du régime d’imposition ?


Pour générer des revenus additionnels, le gouvernement a annoncé trois initiatives, à compter de 2011.

  • Relèvement de 7,5% à 8,5% du taux la taxe de vente du Québec (TVQ);

  • Enclenchement de l’indexation de tous les tarifs qui ne font pas l’objet d’une indexation, à l’exception des tarifs pour les services de garde;

  • Poursuite des efforts pour contrer l’évasion fiscale et l’évitement.

Le relèvement du taux de la taxe de vente rapportera au gouvernement 1,2 milliard par an. Parallèlement au relèvement de 1,0% de la taxe de vente, le gouvernement majorera le crédit d’impôt remboursable pour la taxe de vente de 150$ pour un couple et de 125$ pour une personne vivant seule, afin de compenser les ménages à faible ou à moyen revenu.

Les revenus de tarification des organismes dépendant du gouvernement totalisaient 22,7 milliards en 2007-2008, dont 10,3 milliards provenant des ventes d’électricité par Hydro-Québec, 6,6 milliards provenant des ministères, des organismes et des services de garde, et 5,7 milliards en assurances. Le gouvernement estime à 3 milliards les revenus provenant de la tarification des services qui ne sont pas indexés. L’indexation annuelle selon le même taux que celui appliqué au régime d’imposition des particuliers, à l’exception des services de garde, générerait des revenus additionnels de 60 millions. Ce n’est pas énorme.

Cela toucherait, par exemple, les permis de conduire, les permis de publicité, les analyses de laboratoire, le transport ambulancier, les certificats de naissance ou de mariage.

Mais le budget va bien au-delà de ces dispositions. Le gouvernement annonce aussi une révision en profondeur de toute la tarification des services. À cet effet, un document accompagnant le budget et intitulé Assurer la qualité et le financement des services publics, enjoint les ministères et les organismes à évaluer d’ici 2011 les coûts des services fournis pour lesquels une tarification est exigée et de déterminer des cibles d’autofinancement.

De manière plus générale, la réflexion devra aussi porter sur le mode de financement des services à privilégier, soit par tarification, soit par le biais de l’impôt et des taxes. Les ministères devront déterminer les coûts des services tarifés ou pouvant l’être.

On peut donc s’attendre à une multiplication de tarifs et à une escalade des coûts de tarification d’ici quelques années. Manifestement, un glissement s’opère vers une fiscalité d’usager. Sans nier l’intérêt d’une politique de tarification, on peut se demander si l’approche retenue ne conduit pas à une sorte de bar ouvert concernant la tarification des services.

La question des impacts financiers et de l’accessibilité aux services par les ménages à faible revenu se pose également. À ce sujet, le document du gouvernement présente un inventaire des mesures d’adoucissement qui existent, mais ne propose rien pour l’avenir. Comme politique, c’est décevant.

Pour ce qui est des efforts pour contrer l’évasion fiscale, estimée entre 3,0% et 5,7% du PIB, soit plus de 10 milliards, le gouvernement se fixe comme cibles de récupérer 200 millions en 2010-2011, 300 millions en 2011-2012, 600 millions en 2012-2013 et 900 millions en 2013-2014.

Plusieurs mesures intéressantes,
mais administrées à dose homéopathique


Le budget comporte un grand nombre de mesures, dont certaines intéressantes et d’autres nettement plus douteuses. En voici un inventaire:

  • Élargissement de l’admissibilité à la prime au travail pour les personnes participant au programme Alternative jeunesse (0,9 million);

  • Nouveau crédit d’impôt remboursable à l’égard d’un véhicule neuf écologique (2,3 millions);

  • Hausse à 25,000$ de la limite maximale de retrait dans le cadre du Régime d’accession à la propriété (RAP) (5 millions);

  • Bonification du crédit d’impôt remboursable pour frais de garde d’enfants (22 millions);

  • Instauration d’un congé fiscal favorisant la commercialisation d’une propriété intellectuelle (3 millions);

  • Bonifications de certains crédits d’impôt pour la culture (2,6 millions);

  • Hausse de 400,000$ à 500,000$ du montant de revenu admissible au taux réduit d’imposition des petites entreprises (15 millions);

  • Congé de redevances de cinq ans pour l’exploitation gazière (3 millions);

  • Création d’un fonds d’urgence Fonds de solidarité des travailleurs (FSTQ) et Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) de 500 millions de dollars pour la relance des entreprises (12,5 millions);

  • Favoriser la croissance de Fondaction (20 millions);

  • Appui aux entreprises technologiques (12,5 millions);

  • Amélioration des infrastructures du Nord québécois (2,7 millions);

  • Stimuler l’exploration gazière au Québec (3,5 millions);

  • Développement des technologies de l’énergie verte (4 millions);

  • Parcs et sentiers nationaux (2 millions);

  • Investissements de 370 millions pour la construction de 3000 logements sociaux et la rénovation de logements (dépenses de 14,7 millions en 2009 et de 28,4 millions en 2010, dont 26,4 millions pour le soutien financier aux personnes handicapées pour adapter leur domicile);

  • Investissements pour le développement local (9,5 millions);

  • Bonification du programme Renfort en faveur des secteurs forestier et touristique (40 millions);

  • Autres mesures pour soutenir le développement forestier (59 millions);

  • Appui au secteur agroalimentaire (4,2 millions);

  • Soutien additionnel au développement culturel, dont 5 millions pour des investissements additionnels dans Placements Culture, et 3 millions pour la promotion des artistes sur la scène internationale.

Comme on peut le constater, le gouvernement a fait un effort pour accommoder à peu près tout le monde.

Pacte pour l’emploi Plus

Tout un volet du budget concerne la bonification du Pacte pour l’emploi, entraînant des investissements de 450 millions sur deux ans. Les sommes injectées proviennent essentiellement du fédéral, par le biais du Fonds de développement du marché du travail, un fonds affecté au fonctionnement d’Emploi-Québec. Ces sommes seront disponibles dès qu’une entente aura été conclue entre les gouvernements. Grâce à l’apport de 416 millions provenant de ce fonds, l’impact budgétaire des mesures du Pacte pour l’emploi se limite à 33,3 millions sur deux ans. Nous retrouvons ici la traduction, pour le Québec, du volet emploi du plan de relance du gouvernement fédéral.

Les principales mesures à ce sujet concernent la bonification des allocations de formation d’Emploi-Québec (99 millions), la bonification de l’initiative ciblée pour les travailleurs âgés (ICTA/PSTA) (20 millions), l’élargissement à tous les secteurs d’activité du Programme de soutien aux travailleurs licenciés collectivement (PSTLC) (5 millions), la bonification de la mesure subventions salariales (5,2 millions), reconduction des mesures de soutien aux travailleurs du secteur forestier (13,2 millions), la bonification de la participation financière du gouvernement au financement des projets de formation (MFOR-Entreprises) (20,5 millions), la bonification de la mesure Soutien aux entreprises à risque de ralentissement économique (SERRÉ) (12,5 millions).

Financement élargi des entreprises

À titre de rappel, signalons qu’en novembre 2008, le gouvernement a autorisé un élargissement du financement des entreprises administré par Investissement Québec pouvant atteindre un milliard, visant surtout les PME (programme Renfort). En janvier 2009, le gouvernement a accordé à la Société générale de financement (SGF) une contribution d’un milliard pour qu’elle augmente ses interventions dans les entreprises québécoises. Cette fois les entreprises de plus grande taille étaient visées.

Dans le budget de 2009, pour faciliter davantage l’accès au crédit pour les entreprises de taille moyenne ou grande en cette période de crise, le gouvernement annonce la mise en place d’un fonds d’urgence de 500 millions pour la relance des entreprises. La capitalisation proviendra à parts égales du FSTQ et de la SGF, qui pourront mettre en commun leurs ressources et leur expertise. Dans le cas de la SGF, la contribution sera fournie par le gouvernement. Voici donc un nouveau joint venture entre ces deux acteurs de Québec Inc.

En somme, le gouvernement du Québec exploite autant que possible les moyens institutionnels à sa disposition pour atténuer les effets sur les entreprises du resserrement du crédit.

Par ailleurs, le régime Actions-croissance PME (Accro PME) instauré en 2005 en remplacement du Régime d’épargne actions (RÉA), lequel existait depuis 1979, sera bonifié et rebaptisé Régime d’épargne-actions II. Il accordera des avantages fiscaux temporaires aux acheteurs d’actions afin de faciliter l’obtention de capitaux par les entreprises émettrices. Un autre coup de pouce de l’État à Québec Inc.

Accroissement de la « bonne dette »

La « bonne dette » est celle qui correspond à des investissements. La « mauvaise dette » est celle qui est encourue pour payer les dépenses courantes, appelées aussi « dépenses d’épicerie ».

Les investissements du gouvernement du Québec ont bondi de 5 milliards en 2007 à 8,3 milliards en 2008, ce qui explique en partie la résilience de l’économie à la récession. En 2009, les investissements seront portés à 8,9 milliards. Ce n’est pas une très grosse augmentation, mais le volume demeure à un niveau historiquement élevé [5]. Cette orientation est tout à fait justifiée dans les circonstances.

Ces investissements sont financés par emprunt, le gouvernement inscrivant au budget les amortissements qui s’y rapportent. Il en va de même pour le déficit, qui est synonyme d’emprunt. Tout cela concourt à l’augmentation de la dette publique.

Les mises de fonds de 625 millions dans la SGF, les investissements nets dans les infrastructures, ainsi que le déficit de 3,9 milliards, augmenteront la dette de 10 milliards en 2009 et d’un autre 10 milliards en 2010, faisant grimper la dette brute de 151,4 milliards en 2008 à 170,1 milliards en 2010. En proportion du PIB, le poids de la dette passera de 49,9% en 2008 à 54%.

Cela étant, si l’on considère plutôt la dette représentant les déficits cumulés, son poids relatif variera très peu, passant de 31,5% du PIB en 2008 à 32,3% en 2010. Cela peut être comparé au niveau de 43,8% du PIB enregistré en 1997.

La différence entre la dette brute et la dette représentant les déficits cumulés est constituée des actifs financiers et non financiers du gouvernement. En d’autres termes, le gros de la progression de la dette s’explique par des investissements, pour lesquels le gouvernement détient des contreparties sous forme d’actifs financiers ou non financiers. En somme, nous assistons essentiellement en ce moment à un accroissement de la « bonne dette ».

Impacts de la crise financière: balayés sous le tapis

On aurait pu s’attendre à des ravages assez sérieux sur les finances du gouvernement découlant de la baisse des rendements sur plusieurs fonds détenus par le gouvernement. Assez curieusement, les dégâts semblent plutôt limités, grâce aux prouesses comptables du ministère des Finances. La section qui traite du sujet dans le Plan budgétaire semble davantage destinée à rassurer le Vérificateur général quant à l’observance des normes comptables qu’à éclairer le public [6].

Les principaux fonds déposés par le gouvernement à la CDPQ sont le Fonds d’amortissement des régimes de retraite (FARR) et le Fonds des générations (FG). Ils accusent tous deux une baisse de rendement de l’ordre de 25,5% en 2008.

Le FARR est une sorte de cagnotte où s’accumulent des provisions que le gouvernement pourra utiliser pour payer les pensions promises à ses employées et employés. Présentement, ce fonds couvre environ 50% des obligations actuarielles. Le gouvernement alimente le FARR par des contributions d’argent emprunté sur les marchés, soit de 2 à 3 milliards par année qui sont ensuite placés à la CDPQ dans le but d’obtenir un rendement supérieur au coût de l’emprunt. Jusqu’à présent cette stratégie a bien fonctionné.

Dans ses livres, le gouvernement continue à inscrire la valeur comptable du fonds. Ainsi, on impute à ce fonds des revenus de placement de 2 216 millions en 2008-2009, portant sa valeur totale à 36 milliards. Mais la valeur marchande est tombée à 26 milliards à la suite d’une chute de rendement de 25,5% enregistrée par les placements à travers la CDPQ.

L’écart entre le rendement réel et le rendement prévu est ajusté sur cinq ans. Ces écarts sont à leur tour pris en compte au moyen d’un amortissement sur environ 14 ans. Il en découle une réduction des revenus imputés au FARR qui se reflète sur le service de la dette. « Globalement, les pertes de la Caisse en 2008 entraîneront une hausse du service de la dette de 285 millions de dollars en 2009-2010 et de 595 millions de dollars en 2010-2011 » [7]. Une vraie aubaine !

Dans le cas du Fonds des générations, il s’agit d’une cagnotte dont l’actif vient réduire l’ampleur de la dette du gouvernement. À la différence du FARR, qui est alimenté à partir d’emprunts, le FG est principalement alimenté par des redevances sur l’eau versées par Hydro-Québec et les producteurs privés d’électricité. La performance de ce fonds n’affecte pas le service de la dette.

Dans ce cas, la valeur comptable du FG s’établissait à 1 934 millions en mars 2009, grâce à l’injection de 132 millions supplémentaires en cours d’exercice. En comptant aussi les sommes versées depuis janvier, la valeur marchande du fonds en mars 2009 est estimée à 1,660 millions. Le gouvernement rajoutera 715 millions en 2009-2010, ce qui portera la valeur comptable du fonds à 2 649 millions à la fin du présent exercice. Les incidences de ces fluctuations sur la dette de plus de 150 milliards sont négligeables.

Budget de l’Ontario: quand on se compare…

Le budget ontarien pour 2009-2010 reflète une situation beaucoup plus difficile que celle du Québec. Pour l’année écoulée, l’Ontario accusera un déficit de 4 milliards. Pour la présente année financière, le manque à gagner atteindra 14,1 milliards. Le retour à l’équilibre budgétaire n’est envisagé qu’en 2015-2016, soit dans sept ans.

Quand il est question de l’Ontario, il ne faut pas perdre de vue que la taille de l’économie est le double de celle du Québec. Le PIB est de l’ordre de 600 milliards comparativement à 300 milliards au Québec. Le déficit prévu en 2009- 2010 pour l’Ontario représente 2,4% du PIB, comparativement à 1,3% pour celui du Québec. C’est 1,0% du PIB de plus. L’équivalent au Québec serait un déficit se 7 milliards.

Pour faire face à la situation de crise économique, qui est nettement pire qu’au Québec en raison de la débâcle de l’industrie automobile, l’Ontario lance de grands travaux d’infrastructures. Il compte injecter 32,5 milliards sur deux ans (2,7% par an). Entre autres, avec l’aide d’Ottawa, une somme de 1,2 milliard sera consacrée à la rénovation et à la construction de logements sociaux.

Pour positionner l’économie à plus long terme, le gouvernement entreprend des réformes importantes de son système d’imposition. En juillet 2010, la taxe de vente provinciale de 8% sera harmonisée avec la taxe sur les produits et services (TPS) fédérale, ce qui donnera un taux combiné de 13%. (au Québec: 13,9% en 2011). Pour ménager la transition, un chèque de 1 000$ par famille sera accordé aux personnes à revenu faible et moyen. Le taux d’imposition le plus bas sera aussi réduit. Les prestations pour enfants seront augmentées, ainsi que l’aide sociale.

Pour faciliter la transition, le gouvernement fédéral accordera un montant de 4,3 milliards à l’Ontario.

Du côté des entreprises, le taux d’imposition sera abaissé de 14% à 10% au cours des quatre prochaines années, comme le souhaitait le gouvernement Harper. En tout, les entreprises bénéficieront d’allègements fiscaux de 4,5 milliards au cours de cette période.

Un fonds de 250 millions sur cinq ans sera créé pour le développement des technologies émergentes.

La santé et l’éducation ne sont pas laissées en plan par ce budget. Quelque 361 millions seront injectés pour réduire les temps d’attente dans les salles d’urgence. Les dépenses d’éducation augmenteront de 1% de plus que lors du budget précédent. En plus des investissements considérables de 780 millions dans les infrastructures des établissements, le gouvernement accorde 715 millions pour la recherche et l’innovation, et 150 millions pour atténuer les pressions découlant de l’augmentation des effectifs. Au cours des deux prochaines années, quelque 700 millions seront consacrés à des programmes d’alphabétisation et de formation professionnelle. L’aide aux jeunes pour les emplois d’été sera augmentée de 50%. Dans un communiqué conjoint, les recteurs des universités d’Ottawa, de Carleton et du Collège Algonquin ont accordé la note « A » au budget pour l’éducation. (Il faut dire que Allan Rock, ancien ministre libéral sous Jean Chrétien et aspirant défait à la chefferie du PLC, est présentement recteur de l’Université d’Ottawa)

En somme, le budget de l’Ontario combine un accroissement appréciable des dépenses sur une base temporaire avec des réductions d’impôts permanentes. Toutes proportions gardées, il fait davantage que le gouvernement fédéral pour stimuler l’économie, mais à long terme, il mine la capacité de financer adéquatement les services publics.

Une des retombées intéressantes pour le Québec du budget de l’Ontario est l’effet de la compensation fédérale pour l’harmonisation des taxes de vente. Dès le lendemain de ce budget, la ministre des Finances du Québec a réclamé d’Ottawa une compensation de 2,6 milliards, une somme proportionnelle à ce qui a été consenti à l’Ontario. En effet, quand le Québec a harmonisé sa taxe de vente avec la TPS en 1992, il n’a reçu aucune compensation. Les Provinces atlantiques ont reçu du fédéral une compensation de 1 milliard quand elles ont opéré cette harmonisation quelques années plus tard, et l’Ontario vient de recevoir 4,3 milliards. Le gouvernement fédéral aura beau gigoter pour se déprendre, on voit mal comment il pourrait continuer à refuser le même traitement pour le Québec.


[1] Plan budgétaire 2009-2010, Annexe H.7.

[2] Finances Québec, Plan budgétaire 2009-2010, p. C.17.

[3] Budget de dépenses 2009-2010, volume 4, pp. 24 et 40.

[4] Budget de dépenses 2009-2010, volume 4, XVIII.

[5] Plan budgétaire, p. C.34.

[6] Plan budgétaire, section D.

[7] Plan budgétaire, p. D -30.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 28 février 2010 8:25
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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