La philosophie et le Québec.
Des noms et des notes. 1

Avant-propos

La compréhension de ce qui en est, maintenant, de l'activité philosophique au Québec et le souci de ce qui suivra ne deviennent, il me semble, justement estimables qu'à partir du respect et de la reconnaissance que l'on porte à ce qui a précédé — reconnaissance inaugurée dans mes travaux par l'amorce d'une transformation et d'une réforme : la transformation radicale de la perspective en histoire de la philosophie au Québec, passant désormais à travers l'historiographie habituelle vers la parabiographie * ; la réforme des recherches concomitantes, émanant d'une exigence de conformité avec la réalité socio-historique et fondée sur la connaissance préalable de la réalité biographique.

Il s'agit en somme de proposer et de permettre d'abord, de produire et présenter ensuite, une histoire de la pensée au Québec par le croisement — par la mise en relation systématique et méthodologiquement pertinente — des informations obtenues dans l'examen attentif, la lecture attentive, l'observation ordonnée et compréhensive d'itinéraires intellectuels copieux, diffus et drus, bourrés de documents, de notes et de références.

Comment en suis-je arrivé là ? Pourquoi la biographie et surtout les notices biobibliographiques et les récits d'itinéraires intellectuels — pourquoi cela tout particulièrement s'est-il introduit dans mes recherches sur l'histoire de la pensée au Québec ? La réponse est simple : parce que je cherchais à comprendre, et comprendre n'est-ce pas simplement savoir à quoi s'en tenir quant à la situation dans laquelle on se trouve.

Quelle était-elle, cette situation ? Elle était ce qu'elle demeure : celle de quelqu'un qui cherche à retrouver aussi chez [10] ceux qui l'ont précédé une certaine solidarité dans les questions et qui ressent comme une exigence intime la nécessité de reconnaître et de nommer ses prédécesseurs, et de les nommer en commençant par ceux qui sont le plus près de lui. C'est ce que j'ai fait, en prenant la position de considérer la vie comme objet de savoir — la vie intellectuelle, dans ses circonstances et son extension, comme objet de savoir socio-historique et philosophique —et en discernant dans la biographie intellectuelle un genre interrogatif, urgent et culturellement signifiant.

Je ne répète pas ici ce qu'on peut trouver dans le Dictionnaire pratique des auteurs québécois, dans le Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, dans celui de l'Union des écrivains québécois, dans les volumes 53, 60 et 68 du Dictionary of Literary Biography ou ailleurs. J'expose simplement des notes et les présente à peu près comme je me les ai écrites à moi-même pour établir des rapports à la philosophie, en proposant toutefois, maintenant, au lecteur, des relectures et en pensant que ces notes préliminaires pourront aussi, peut-être, parfois, surprendre.

J.B.