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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du Pierre Beaucage, “Un ethnologue et un mouvement autochtone au Mexique: critique d’une coopération à long terme.” In ouvrage sous la direction de Françoise-Romaine Ouellette et Claude Bariteau, Entre tradition et universalisme. Recueil d’articles suite au Colloque Entre tradition et universalisme tenu à Rimouski par l’ACSALF du 18 au 20 mai 1993, pp. 365-378. Québec: Institut québécois de recherche sur la culture (IQRC), 1994, 574 pp. [Autorisation accordée par la présidente de l'ACSALF le 20 août 2018 de diffuser tous les actes de colloque de l'ACSALF en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[365]

Entre tradition et universalisme.
Recueil d’articles suite au Colloque Entre tradition et universalisme
tenu à Rimouski par l’ACSALF du 18 au 20 mai 1993.

DEUXIÈME partie
C. LES SOLIDARITÉS
24

Un ethnologue
et un mouvement autochtone
au Mexique :
critique d’une coopération
à long terme
.”

Par Pierre BEAUCAGE

Département d'anthropologie. Université de Montréal

Parmi les spécialistes de l'anthropologie appliquée, il existe un débat ancien quant à l'utilité et la légitimité de l'intégration, dans des institutions étatiques, d'interventions au sein des populations autochtones. Jusque dans les années 1960, la position dominante était la suivante : il est préférable de se trouver près des centres de décision pour les influencer dans la bonne direction (ou la moins mauvaise), tandis que le travail non institutionnalisé transforme l'ethnologue en apprenti sorcier. C'est en ces termes, ou presque, que l'Américain Allan Holmberg contrastait l'approche scientifique du changement social adoptée à Vicos (Pérou) et ses aventures antérieures chez les Sirionos de l'est bolivien. À partir des années 1960, une autre position commença à se faire jour, à l'effet qu'une intégration du chercheur dans l'appareil d'État est à la fois illusoire et dangereuse, puisque l'influence qu'il peut exercer sur les politiques est dérisoire tandis qu'il se trouve obligé par contre d'abandonner toute perspective critique. Le débat fit rage tant dans des pays capitalistes avancés comme la Grande-Bretagne, le Canada ou les États-Unis (Assad, Copans) que dans des pays du tiers [366] monde comme le Mexique ou le Brésil (Warman et al. ; Stavenhagen) *. Les deux camps correspondaient souvent aux deux volets classiques de la pratique professionnelle : les administrations spécialisées, d'une part, l'enseignement et la recherche universitaire, de l'autre (l'université étant un endroit beaucoup plus sûr que le ministère pour exercer une « fonction critique »).

Depuis deux décennies, la situation s'est modifiée considérablement. En premier heu, on a assisté au développement de la recherche contractuelle en anthropologie, non plus seulement comme « travail à côté » d'universitaires, mais comme activité principale de chercheurs professionnels. On a également vu émerger des organisations autochtones qui dans le cadre d'un processus de revendications territoriales, politiques et culturelles, ont entrepris de (re)prendre en charge, partiellement ou totalement, des aspects importants de leur vie : services de santé, exploitation des ressources, éducation, etc. Et enfin (surtout dans les pays du tiers monde), on a vu proliférer des organisations non gouvernementales : internationales, d'abord, puis de plus en plus nationales, œuvrant, entre autres, en milieu amérindien. Ces changements ont modifié toute la pratique de l'anthropologie, à commencer par le fameux « terrain », à la fois source privilégiée du donné ethnologique et rite de passage par excellence.

Quelles avenues ces changements ouvrent-ils (et ferment-ils) pour l'anthropologie appliquée ? Quels problèmes nouveaux apparaissent ? J'esquisserai une réponse à ces questions en examinant les hauts et les bas de sept années d'interaction entre un ethnologue québécois, d'une part et, d'autre part, deux organisations paysannes d'un même mouvement autochtone, chez les Nahuats de la Sierra Norte de Puebla (Mexique), ainsi que divers organismes étatiques et une organisation non gouvernementale (ONG) nationale qui œuvrent depuis 15 ans dans le même milieu [1]. Je situerai enfin la dynamique de ces interactions dans le contexte économique, social et politique de la dernière décennie, pour tenter de mesurer l'impact de facteurs tels que la politique néo-libérale, la récession, etc.

[367]

LES ACTEURS, LES OBJECTIFS, LES CHOIX

Un mouvement institutionnalisé :
la Tosepan Titataniske


C'est en 1969 que je commençai des recherches d'anthropologie économique et sociale dans la région, la période 1969-1972 étant consacrée à la recherche de terrain, avec une équipe canado-mexicaine. À l'époque, en dehors des structures communautaires traditionnelles (réactivées surtout lors des fêtes, mais parfois aussi lors de conflits agraires) il n'existait, dans la région, aucune organisation paysanne ou indigène. La recherche se déroula en suivant la division classique du travail entre les anthropologues et les autochtones : ces derniers fournissent les données, tandis que les premiers les compilent, les analysent, les interprètent. lien résulta plusieurs publications, tant au Canada qu'au Mexique, qui montraient la différenciation interne de la paysannerie par la concentration foncière, la crise de l'agriculture vivrière, le cul-de-sac de l'agriculture d'exportation, l'autoritarisme politique. Mes recherches antérieures, au Honduras, s'étaient déroulées dans un contexte d'« anthropologie impliquée » (Beaucage, 1974) de sorte que je cherchai à établir des liens avec les responsables de l'Instituto nacional indigenista, qui venait tout juste d'ouvrir un Centro coordinador dans la Sierra et qui, me semblait-il, pouvait profiter des résultats de nos recherches. Peine perdue, le directeur, un anthropologue sympathique et progressiste, m'informa que le programme de l'INI était tracé d'avance et excluait toute action remettant vraiment en cause les structures du pouvoir régional. Bien peu de nos travaux rejoignirent les gens de la Sierra, encore moins l'immense majorité indienne. Après 1972, peu attiré par la perspective d'effectuer des analyses de plus en plus fouillées d'une misère rurale dont la nature et les causes m'apparaissaient d'ores et déjà évidentes, je choisis d'interrompre ces travaux et de me consacrer plutôt aux mouvements sociaux québécois, alors en pleine effervescence : un peu comme chercheur, beaucoup comme militant.

Je repris le contact avec la Sierra en 1979, et j'y trouvai une situation radicalement modifiée. En haute montagne, l'Union paysanne indépendante (UCI), bien qu'affaiblie par la répression et les conflits internes, menait encore la lutte des paysans sans terres pour le partage des grands domaines, tandis qu'en basse montagne l'Union de los pequeños productores de la Sierra (UPPS) regroupait des petits paysans désireux de se procurer des vivres à meilleur prix et de commercialiser leur production sans intermédiaires. Le premier mouvement m'intéressait davantage (peut-être à cause de son radicalisme...), mais il n'avait pas besoin des services d'un anthropologue : la direction, clandestine, avait déjà une lecture définitive de la situation et trouvait auprès de groupes d'extrême-gauche le porte-parole qu'il lui fallait. En basse montagne, au contraire, l'organisation [368] était ouverte et encadrée par de nombreux conseillers (asesores), dans le cadre du Plan Zacapoaxtla. Ce plan gouvernemental était conçu comme la prolongation du Plan Puebla, un programme-pilote de modernisation agricole dirigé spécialement vers la paysannerie. Les conseillers (agronomes, surtout, mais aussi éducateurs, administrateurs) semblaient intéressés par les résultats des recherches qu'ils n'avaient pas le temps de faire. J'établis de bons liens avec eux et, en 1984, j'effectuai un stage de six mois dans la région de Cuetzalan.

L'UPPS, après plusieurs années comme mouvement de pression, était devenue en 1982 une coopérative régionale, avec plus de cinquante groupes de base, dans autant de communautés. Pour plusieurs anthropologues de la tendance « critique », elle avait, en s'institutionnalisant, accepté la tutelle de l'État (à travers les conseillers) et perdu son caractère indépendant pour rejoindre le mouvement paysan « officialiste », c'est-à-dire contrôlé par l'État. Mon but était d'étudier ce mouvement paysan, mais je voulais également tenter d'établir avec l'organisation des liens plus étroits, étant tout disposé à inclure dans mon projet de recherche des thèmes pouvant correspondre à leurs besoins : par exemple, la rédaction d'une histoire du mouvement.

La directiva, constituée d'autochtones élus par l'assemblée régionale, reçut très froidement mon offre de services : « On a déjà perdu beaucoup de temps avec deux chercheurs de Puebla qui devaient écrire une « histoire » et on a jamais vu aucun résultat ». Déconfit, je m'en ouvris à l'un des agronomes qui me suggéra : « Si tu veux travailler avec la Tosepan, propose-leur une étude de marché pour des produits non traditionnels : oranges, miel, épices... Ça les intéresse beaucoup présentement ». Ainsi fut fait. La directiva accepta une deuxième rencontre : ils réalisèrent que j'avais parlé à l'agronome et virent, dans mon projet remanié, une preuve d'une réelle volonté de produire des informations qui leur serviraient.

Une fois l'objectif accepté, la discussion du protocole de recherche me permit de constater la divergence entre les conceptions de la direction du mouvement et ce que j'estimais être les conditions d'un travail scientifique. Ils voulaient une étude des conditions du marché et me donnaient mon congé pour que j'aille en ville ! Je soutenais qu'en l'absence d'une connaissance des coûts de production locaux, une telle étude serait de peu d'utilité. J'irais donc, d'abord, dans un certain nombre de communautés, pour interroger des producteurs, dont la directiva me fournit la liste.

Je découvris bientôt que mes déplacements étaient étroitement contrôlés. Le fait d'être allé interroger un ancien président de la Tosepan me valut une sainte colère du titulaire actuel : « Je sais tout ce qui se passe. [369] Tu ne pourras pas manigancer dans mon dos ! » Quelques jours plus tard, il m'invitait aux assemblées et me demandait de prendre la parole sur ^éducation coopérative » ! La recherche fut complétée par une enquête sur les prix pratiqués dans les divers marchés de Puebla et de Mexico. Naviguant à vue dans des eaux que je ne connaissais pas, profitant parfois des conseils des agronomes, je produisis mon rapport, trois mois plus tard. J'y répondais à plusieurs des questions qu'on m'avait posées : que la culture du maïs n'était rentable nulle part ; que le café rapportait dix fois plus par hectare, malgré la baisse du prix, que la vente des oranges sur les marchés urbains était rentable, mais en début de saison seulement, etc. Les conseillers le lurent et en firent des critiques intéressantes. Les membres de la directiva le reçurent, le soupesèrent, le feuilletèrent... et le rangèrent définitivement.

En en discutant avec les paysans, je faisais des heureux ... et des mécontents. Tel agriculteur réalisait les pertes considérables que lui causait la culture du maïs et changeait son mode d'utilisation du sol. Les apiculteurs, pour leur part, étaient déçus : ils espéraient que je recommande de tripler le prix qui leur était payé : un examen de leurs coûts révélait qu'en doublant le prix, ils faisaient aisément leurs frais. Après un essai - qui s'avéra infructueux - de commercialisation des oranges, le rapport ne fut jamais plus utilisé.

J'avais cependant passé l'épreuve. La semaine suivante, on me proposait un autre sujet d'enquête, beaucoup plus « chaud » : la conscience coopérative. J'avais cette fois carte blanche dans mes déplacements et je pouvais assister à toutes les assemblées locales et régionales. Mon rapport fut assez dévastateur ; une telle « conscience » n'existait pratiquement pas, sauf dans les quelques villages où était né le mouvement : ailleurs, les gens s'étaient joints à la Tosepan pour obtenir du mais à bon compte et vendre leur café, leur pimienta gorda et leurs sapotilles. Il était trop facile d'attribuer cette situation à la jeunesse du mouvement et de s'imaginer qu'elle se corrigerait. Je démontrais que les « séances de formation » épisodiques n'avaient aucune prise sur les paysans, et que le seul endroit où s'effectuait une véritable éducation était l'assemblée, régionale ou locale, à condition qu'on y apporte des explications concrètes aux facteurs qui influençaient la vie quotidienne des paysans : inflation, pénurie de grains, etc. En effet, un véritable fonctionnement démocratique s'était peu à peu installé dans les assemblées, ce qui constituait une innovation dans la vie communautaire. Habitués de déléguer les responsabilités à une hiérarchie civile et religieuse, les autochtones avaient rapidement pris l'habitude de commenter et critiquer les faits et gestes des élus et les décisions majoritaires avaient remplacé le consensus traditionnel [2].

[370]

Le rapport, reçu de façon mitigée au début, eut finalement beaucoup plus d'impact que le précédent. Sous l'impulsion des conseillers, la coopérative régionale s'était lancée en 1984 dans un vaste programme d'investissements : construction d'entrepôts et d'une énorme décortiqueuse, et surtout réfection des routes, grâce à un programme d'aide à l'emploi. Les connaissances financières et techniques requises dépassaient considérablement les capacités tant des élus autochtones que de l'assemblée régionale, qui remirent toutes les décisions entre les mains des conseillers. L'assemblée régionale, si loquace sur les questions touchant le quotidien (l'approvisionnement, les services, la moralité des cadres) demeurait muette sur des questions pouvant remettre en cause la survie même de l'organisation.

Faisant le bilan de ma collaboration avec la Tosepan, j'en arrivai aux conclusions suivantes. D'abord, le type de relation qui s'était établi dépendait entièrement de la double médiation des élus et des conseillers. Je partageais avec ces derniers - qui avaient participé au mouvement étudiant des années 1970 - une même « vision du monde » : en résumé, que l'organisation indépendante des paysans constitue un facteur positif et peut déboucher sur une prise en charge de leurs conditions matérielles et politiques d'existence. Mais les asesores dépendaient de l'État mexicain, plus particulièrement du ministère de l'Agriculture (SARH) que l'administration du président Lopez Portillo (1976-1982) avait investi de pouvoirs très étendus dans les campagnes. La centralisation administrative entrait régulièrement en conflit avec l'autonomie supposée de la coopérative : en bref, l'État voulait qu'ils profitent de leur situation privilégiée à la Tosepan pour l'orienter dans le sens des politiques officielles de modernisation de l'agriculture. Je découvris qu'ils ne comptaient pas seulement sur moi pour faire des recherches qu'ils n'avaient pas le loisir de faire mais - surtout - pour dire des choses qu'ils n'avaient pas la possibilité de dire (sous peine de représailles administratives) : par exemple, expliquer à l'assemblée régionale que les retards infinis de l'État à régler ses comptes avec les producteurs de café lui permettait d'économiser la moitié de la somme (puisque l'inflation dépassait à l'époque les 100 % par an).

Quant aux élus, aussi bien du comité central et des divers comités spécialisés (comisionados), tout en respectant scrupuleusement les termes de notre entente verbale, ils me maintenaient à distance respectable du fonctionnement quotidien de la coopérative. Je me rendis compte aisément que la croissance institutionnelle de la Tosepan avait modifié leur statut et leurs conditions matérielles. Les premiers responsables avaient été les notables des villages, des hommes d'âge mûr qui avaient passé les principaux cargos des hiérarchies civile et religieuse. Face à l'accroissement des tâches bureaucratiques, la plupart avaient été remplacés par des plus jeunes, plus scolarisés. [371] Ces derniers n'étaient plus des bénévoles, œuvrant pour le service de la communauté, mais touchaient le salaire minimum légal... un luxe dans la Sierra ! En 1984, le poste de délégué n'était plus un mandat qu'on accepte en ayant hâte qu'il s'achève, mais pouvait déboucher sur un emploi permanent. Tandis que la complexité croissante des grandes décisions les empêchait d'orienter la marche de la coopérative, ils avaient trouvé dans les jeux du pouvoir une occupation à plein temps : alliance, rivalités, formation de cliques et de factions, occupaient une part croissante de l'énergie des directivos et comisionados.

La base percevait maintenant l'écart qui la séparait de ses représentants [3]. Les comisionados avaient compris que dans un milieu rural pauvre comme la Sierra, il y avait peu de chance que quelque activité économique que ce soit puisse, du moins à court terme, dégager un surplus intéressant. Par contre, les transferts étatiques, obéissant à une toute autre logique, celle de la politique, semblaient une source intarrissable : tel organisme, national ou international, proposait-il des ruches, ou des pépinières, on acceptait d'emblée, pour les « retombées », même si l'échec était hautement probable. Suite à une dénonciation de malversation, il s'en fallut de peu que la coopérative ne s'effondre. C'est alors, et alors seulement, qu'il fut résolu de mettre en pratique les principales recommandations de mon rapport concernant l'éducation coopérative !

Après six mois avec la Tosepan, je pouvais conclure à l'existence d'un véritable mouvement indépendant. Cette indépendance provenait cependant autant de l'influence consciente des conseillers, que de la pression spontanée des paysans indiens, dont la volonté de survivre heurtait parfois de front les politiques étatiques [4]. Quant aux élus autochtones, malgré la rhétorique combative qui avait cours lors des réunions, ils auraient été souvent enclins à favoriser une adhésion plus forte aux desseins de l'État, garante de bénéfices à court terme. La double médiation qu'on m'avait imposée, par rapport à deux groupes aux tendances souvent divergentes, rendait extrêmement aléatoire l'impact que pouvaient avoir mes recherches, même définies en fonction des priorités de l'organisation. Les élus n'en avaient que faire et craignaient plutôt que ma trop grande connaissance de l'organisation et de ses failles ne débouche sur une publication compromettante, ou simplement utile à leurs adversaires internes. L'utilisation de mes travaux par les conseillers - avec lesquels j'étais globalement d'accord - était aussi soumise aux aléas des rapports de pouvoir internes et externes. Les uns comme les autres demeuraient extérieurs à la recherche, dont le déroulement suivait les mêmes canons qu'en 1970 : la seule différence en étant le sujet. Or, je voulais travailler avec le monde, pas seulement pour le monde, et pour ça - même si je continuais de collaborer avec la [372] Tosepan au niveau d'activités de formation - je décidai d'aller au niveau des communautés.

Organisation communautaire et ONG :
l'Atelier de tradition orale de San Miguel Tzinacapan
.

Avant même la fin de mon engagement avec la Tosepan, je reçus une offre provenant d'une communauté autochtone : au détour d'un sentier, un jeune Indien, Eleuterio me dit : « À l'Atelier de tradition orale, on veut t'inviter pour que tu nous aides avec une étude qu'on est en train de faire sur des récits qu'on a recueillis. Viens à notre réunion, dimanche matin. »

Le gros village nahuat de San Miguel Tzinacapan avait été l'un des initiateurs du mouvement coopératif régional et avait fourni plusieurs de ses cadres autochtones. Il avait également été la scène d'une expérience de développement communautaire, initiée par une sociologue mexicaine, Mme Maria Eugenia Sanchez, qui avait fondé à cette fin une ONG : PRADE A.C. Les membres de cette dernière provenaient des milieux urbains et poursuivaient leur travail dans la perspective de la théologie de la libération. Religieux et laïcs, une douzaine de jeunes professionnels, avaient mis sur pied plusieurs comités liés à des projets dans les domaines de l'éducation (préscolaire et secondaire), de la santé, de la nutrition, de l'agriculture et de l'élevage, de l'artisanat et enfin de la culture. À la différence de nombreux projets lancés par l'État dans la région depuis 1975, ceux de San Miguel semblaient fonctionner remarquablement bien. Dans les premières années de la Tosepan, des membres de PRADE avaient collaboré activement à sa mise sur pied : en 1984, leur action était redevenue strictement d'ordre local. L'Atelier de tradition orale, institué en 1979 par M. Alfonso Reynoso, instituteur et membre de PRADE, s'était donné pour objectif de recueillir la littérature orale nahuat et avait à son actif plus de cinq cents contes, chants et récits ethnohistoriques. C'est à ce groupe, constitué majoritairement de jeunes autochtones, qu'on m'offrait de participer ; ce devait être le début d'une collaboration qui s'est poursuivie jusqu'à ce jour.

Pour leurs adversaires, plus particulièrement les instituteurs du syndicat officiel, les gens de PRADE « manipulaient les Indiens » et se servaient de l'école et des divers projets comme couverture pour endoctriner les Indiens, en violation de l'article 3 de la Constitution mexicaine, qui institue une séparation absolue entre l'Église et l'État. Pour ma part, je faisais l'hypothèse que l'action des « étrangers » avait constitué le déclencheur d'un processus où s'était révélé le potentiel d'organisation et de leadership autochtone. L'offre qui m'était faite me permettait à la fois de connaître de près les militants de base du mouvement, et de collaborer directement avec eux. Par ailleurs, le Taller représentait le seul volet du [373] mouvement où les revendications ethniques étaient explicites. La Tosepan Titataniske, malgré son nom nahuat et malgré le fait que les réunions locales se tenaient généralement en nahuat, s'était donné des objectifs économiques et politiques, mais non culturels [5]. Le Taller venait d'avoir une expérience négative avec un anthropologue étranger [6] et on me proposa d'établir par écrit les droits et obligations de chacune des parties. La division ethnique du travail lors de ce premier contact fut significative. Il semble que cette manière de procéder ait été proposée par les autochtones, en suivant la tradition indienne de l’acta, document écrit qui accompagne les transactions importantes et qui a valeur légale devant les autorités locales. Mais ce furent les membres de PRADE qui l'élaborèrent, devant les yeux attentifs des jeunes autochtones du Taller. L'accord, qui fut reconduit par la suite, établissait, entre autres : a) la propriété du Taller sur toutes les données qui seraient recueillies - tous les originaux devaient demeurer sur place, et je n'emporterais avec moi que des copies ; b) les recherches futures seraient élaborées en collaboration, et réalisées conjointement ; c) toute publication serait discutée conjointement par le Taller et le chercheur, et les noms des deux apparaîtraient comme co-auteurs ; d) l'anthropologue étranger chercherait à obtenir des fonds pour financer la recherche.

L'esprit général du document m'apparut celui d'une réappropriation culturelle, parallèle à la réappropriation économique qu'effectuait la Tosepan, et à la réappropriation politique qui serait tentée plus tard. Les jeunes autochtones, à travers le contact avec des gens de l'extérieur, avaient pris conscience de la valeur d'un patrimoine et voulaient à la fois l'empêcher de se perdre et éviter d'en être dépouillés. Comme le disait un des membres du Taller :

Jusqu'à présent, nous avons reçu la visite d'anthropologues ; ils nous ont demandé des données, nous avons été leurs informateurs, leurs interprètes [...] Et ensuite, ils retournent dans leur pays et écrivent leurs livres. Et nous ne savons même pas ce qu'ils disent de nous. À présent, c'est nous qui voulons écrire des livres.

Les « livres » dont il s'agit ici étaient conçus sur le modèle des publications antérieures du Taller, qui portaient sur les chants et les contes nahuats : des fascicules et des brochures bilingues, bon marché et disponibles dans la région. Et, effectivement, on considéra la production d'un « livre » comme le terme obligé de chaque projet de recherche, les autres étapes étant : la définition, la collecte des données et l'analyse. À chaque étape, les deux parties devaient collaborer. J'avais un rôle prépondérant quant à la définition du projet, le Taller faisant des commentaires. L'aspect le plus marquant de cette collaboration avec le Taller a été incontestablement une nouvelle division du travail scientifique, au cours des trois recherches que nous avons effectuées ensemble, de 1984 à 1991. En 1984 et [374] 1985, je travaillai à élaborer avec eux un cadre d'analyse pour des récits ethnohistoriques qu'ils avaient déjà recueillis, et à encadrer la collecte de données pour combler des lacunes du corpus. De 1986 à 1988, on réalisa un vaste projet concernant les connaissances de la faune et de la flore, ainsi que la toponymie de cette région extrêmement accidentée et pluvieuse, intermédiaire entre la haute montagne froide et la forêt tropicale de la côte. Les membres du Taller avaient exprimé leur intérêt de recueillir le savoir des aînés concernant les « herbes qui guérissent » (xiujpajmej). On résolut d'élargir l'enquête à l'ensemble des plantes et de consulter des informateurs provenant de l'ensemble de la population, au lieu des seuls guérisseurs (tapajtiani). De 1989 à 1991, il fut décidé d'explorer les archives (uejkau-jkayoamamej) locales et régionales, travail qui avait déjà été initié par les membres du Taller, et avait dû être abandonné, faute de temps. La première tâche fut la mise en ordre des monceaux de documents accumulés depuis le début du XIXe siècle, date approximative de la fondation du village. Puis la sélection et la transcription de documents jugés significatifs de chaque période historique. Une recherche parallèle menée dans les archives régionales de Cuetzalan permit de compléter les données.

Les résultats pratiques furent d'abord la constitution d'imposants corpus de données conservés par le Taller, sur l'ethnohistoire, l'ethnobotanique, l'ethnozoologie et la toponymie, ainsi qu'un fonds d'archives municipales ordonnées. Au plan formation, les jeunes membres du Taller ont acquis une expérience de recherche, en ce qui touche l'élaboration de projets, la collecte des données, leur analyse et la rédaction de textes.

Quant aux livres, un seul a vu le jour (les plantes médicinales nahuats), tandis que deux autres manuscrits (ethnozoologie et ethnohis- toire) attendent chez l'éditeur que des ressources financières soient disponibles. (Ironiquement, c'est la collection de mythes dérobée par un ethnologue de passage qui a trouvé le plus rapidement un éditeur : mais à un prix évidemment inaccessible pour les autochtones !) Les publications étaient destinées plus particulièrement aux élèves et professeurs de la Telesecundaria de Tzinacapan, dont le programme comprend l'enseignement du nahuat comme langue écrite ; en second lieu, au personnel des cliniques rurales et aux Nahuats adultes alphabétisés de la région, comme source d'information quant à l'utilisation des ressources locales à des fins alimentaires et médicinales ; et enfin, à tous les Mexicains, Indiens et non-indiens, impliqués dans la promotion des cultures autochtones. En fait, la diffusion et surtout l'utilisation ont été beaucoup moindres que prévu, problème qui affecte beaucoup de projets similaires de publications destinées aux paysans et aux Indiens. Les civilisations orales contemporaines semblent passer directement à l'électronique (radio-cassettes et télévision) sans s'arrêter beaucoup à la lecture, et les instituteurs ruraux qui veulent développer chez [375] leurs élèves la passion des langues autochtones cherchent des textes plus amènes que l'ethnoscience. Le « retour » prévu de la connaissance ethnoscientifique vers les gens requérait la coordination de plusieurs acteurs sociaux et institutions (instituteurs, personnel des cliniques, etc.). Toute médiatisation ajoute un risque supplémentaire de déperdition ou de blocage, comme nous l'avons constaté. On peut faire la comparaison avec l'activité théâtrale du Taller, qui illustre, lors des fêtes villageoises, divers épisodes de la tradition orale, rejoignant ainsi beaucoup de gens qui n'auraient jamais lu ses publications.

Dans le même ordre d'idées, le principal résultat pratique de l'enquête d'ethnobotanique était totalement imprévu au départ. Un groupe de femmes, dont plusieurs épouses de membres du Taller, avaient souligné le caractère incomplet de l'enquête sur les plantes médicinales : plus particulièrement en ce qui concerne les problèmes de santé des jeunes enfants (pilkokolis) et les « maladies des femmes » (siuakokolis : terme qui chez les Nahuats comprend aussi bien la grossesse et l'accouchement que les diverses maladies gynécologiques). Elles rattachaient cette lacune au fait que sept membres sur huit du Taller étaient des hommes et que les guérisseurs et guérisseuses n'avaient sans doute pas vu l'intérêt d'expliquer des thérapies à des gens qui ne comprendraient pas. Elles se formèrent en groupe (Youalxochit, « belle de nuit »), sollicitèrent et obtinrent des fonds d'une ONG canadienne pour poursuivre l'enquête et organisèrent ensuite des ateliers avec des femmes du village pour enseigner la préparation et l'administration de remèdes à base de plante pour traiter les affections les plus courantes.

Si on fait un bilan provisoire de l'expérience de recherche-participation de San Miguel, il apparaît que la levée des principaux facteurs de médiation entre le chercheur et la population concernée a eu des avantages indéniables. La recherche elle-même a pu être orientée en fonction d'un projet communautaire axé sur la revalorisation de la culture autochtone. Cette adéquation était renforcée du fait de la redéfinition de la division ethnosociale du travail entre les autochtones et le chercheur. Par exemple, lors d'une discussion, il apparut que l'organisation du matériel botanique pour la publication, en fonction des grandes catégories taxonomiques, ne correspondait pas aux attentes du public régional, qui préférait un regroupement selon les catégories pratiques : plantes médicinales, comestibles, artisanales, etc. Plusieurs souhaits concrets exprimés par le groupe de jeunes autochtones ont pu être directement exprimés et satisfaits : qu'il s'agisse de questions de principe, comme l'appropriation collective des données originales, ou de l'autogestion financière de l'équipe [7].

[376]

Pour le Taller, l'ethnologue étranger se présentait comme une ressource, une ressource alternative par rapport aux militants chrétiens. Les plus jeunes membres du groupe, qui s'estimaient injustement écartés de tâches plus prestigieuses (traduction, rédaction) vinrent y chercher les éléments de formation qui leur manquaient pour se hisser au premier rang. Les ressources financières que j'apportais, même limitées à deux mois de travail par an, étaient aussi les bienvenues à un moment où les politiques de restrictions budgétaires supprimaient les contrats du ministère de l'Education dont le Taller avait profité depuis sa fondation.

Mais la question de la médiation se pose également à San Miguel, à un autre niveau. Les militants chrétiens engagés dans le travail communautaire jouissent d'un ascendant certain dans le village : par leurs connaissances, par leur origine sociale (plusieurs proviennent de la grande bourgeoisie de Puebla), par leur insertion formelle dans les institutions (p. ex. d'enseignement). En outre, et surtout, ils disposent de contacts privilégiés avec un réseau national et international d'organisations non gouvernementales qui leur permettent de mobiliser des ressources provenant de Frères des Hommes autant que de la Ford Foundation. Leur position était donc structurellement similaire à celle des conseillers de la Tosepan. Comme ces derniers, ils étaient présents d'office aux réunions des paysans, qu'il s'agisse de l'adduction d'eau potable, de la culture ou de la porcherie communautaire. Leurs interventions étaient nombreuses et bien préparées, visant à rallier la communauté à leur point de vue [8]. De plus, à la différence des agronomes gauchistes de Cuetzalan, leur ferveur religieuse catholique les avait rapidement intégrés dans les réseaux de compérage, qui impliquent des flux constants de prestations, symboliques et matérielles. Dans le cas des relations asymétriques, comme celles qu'on établit avec des étrangers puissants, la loyauté politique, de bas en haut, est la contrepartie des faveurs matérielles, qui vont de haut en bas.

Si les gens de PRADE m'avaient si généreusement accueilli et offert, au début, le gîte et le couvert, c'est qu'ils me considéraient, tout comme les conseillers de la Tosepan, comme une ressource politique, non pas dans un sens aussi immédiat que ces derniers qui avaient besoin de moi pour contourner les pressions politiques dont ils étaient l'objet. Leur visée était à plus long terme : dans un pays comme le Mexique, une ONG religieuse se trouve en permanence dans une situation difficile : ils avaient besoin d'alliés laïcs. Quand ils virent que mon analyse de leur rôle, bien que globalement positive, s'accompagnait de critiques importantes, ils prirent leurs distances. Par ailleurs, le caractère très décentralisé de l'organisation sociopolitique actuelle dans une communauté ouverte comme San Miguel faisait en sorte qu'il n'y avait pas une élite indienne à travers laquelle je devais passer pour atteindre les gens.

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CONCLUSION

Dans le débat qui oppose les tenants de l'insertion institutionnelle à ceux de l'indépendance critique, la question de la médiation des rapports entre l'anthropologue et ceux qu'il prétend servir est cruciale. La structure de médiation était auparavant assez simple : tout passait par l'appareil d'État : les rapports de pouvoir se limitaient, pour l'anthropologie appliquée, à ce que Bastide appelait « le dialogue de l'ethnologue et de l'administrateur ». Aujourd'hui, avec le développement des organisations autochtones, la structure de médiation est souvent double, sinon triple : les élus, les cadres des appareils étatiques, et des éléments de la société civile qu'on appelle ONG. La combinaison de ces médiations et les jeux de pouvoir qu'ils sous-tendent peuvent enlever toute pertinence à l'anthropologie appliquée (« la mouche du coche »), et ce, indépendamment de la valeur des recherches effectuées, en raison de l'incompatibilité des définitions que les divers acteurs en donnent. C'est, je crois, en réduisant au maximum ces médiations, et non en en privilégiant une comme plus légitime (p. ex. le leadership autochtone) que la pertinence de la recherche et la spécificité de notre apport seront sauvegardées.

ÉPILOGUE

À partir de 1989, un facteur imprévu vint modifier complètement le panorama économique et social de la Sierra. Les grands pays consommateurs de café, États-Unis en tête, refusèrent de renégocier l'accord international sur les quotas et les prix de garantie. Dans une conjoncture de production excédentaire, les prix s'effondrèrent, passant de 4 000 $ US la tonne en 1987 à 800 $ en 1991. Le gouvernement mexicain mit fin aux activités de l'agence paragouvernementale INMECAFE, lourdement endettée, et, en décembre 1989, une gelée catastrophique vint donner le coup de grâce aux plantations. La Tosepan, qui avait obtenu un gros prêt pour acheter du café, dut vendre au-dessous du prix payé aux producteurs et se trouve aujourd'hui en faillite technique. Or tout le processus de consolidation de la paysannerie parcellaire et de la revitalisation de la culture autochtone était fondé sur la production de café, pour laquelle la région a un avantage comparatif indéniable. Les paysans, encore assez jeunes, troquèrent le vêtement traditionnel et les huaraches pour le jeans et les espadrilles et partirent pour Puebla et Mexico, s'embaucher comme aide-maçons et porte-faix. Ceux qui restent sèment du maïs dans les plantations abandonnées.


* Assad, Talal (dir.), Anthropology and the colonial Encounter, Londres, Ithaca Press, 1973. Copans, Jean (dir.), Anthropologie et colonialisme, Paris, Maspéro, 1975. Warman, A., M. Nolasco, G. Bonfil, M. Oliveira, E. Valencia, De eso que llaman antropologia mexicana, Mexico, Nuestro Tiempo. Stavenhagen, Rodolfo, « Comment décoloniser les sciences sociales appliquées », in Copans (dir.) 1975 : 405-413.

[1] Les données qui ont servi de base à cette communication ont été recueillies au Mexique, entre 1979 et 1991, dans le cadre d'un projet de recherche à long terme financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) et le Comité d'attribution des fonds internes de rattrapage (CAFIR) de l'Université de Montréal. Je tiens à remercier les membres de la Sociedad Cooperativa Agropecua- ria Régional Tosepan Titataniske, de Cuetzlan, Puebla, et du Taller de Tradición Oral del CEPEC, de San Miguel Tzinacapan, Mun. de Cuetzalan, pour leur collaboration ; de même que les professionnels du Plan Zacapoaxtla et les membres de PRADE A.C.

[2] Un ancien dirigeant de la coopérative régionale résumait ainsi cette évolution : « Au début, quand on faisait une réunion, je devais dire sans cesse : jXiuiki, tokniwan ! (« Approchez, frères ») car tout le monde restait à la porte, personne n avançait. Ensuite, je leur disais : jXitajtokan, tokniwan ! (« Parlez, frères ! ») car ils ne faisaient qu'écouter ce que disaient les conseillers. Et maintenant il faut dire : Por favor, orden ! (« À l'ordre, s'il vous plaît ! »), car tout le monde parle en même temps.

[3] Un dicton local en témoigne : « Quand quelqu'un « va a la Tosepan » (c.-à-d. devient cadre), il se passe trois choses : un, il grossit, car il mange mieux et ne travaille plus aux champs ; deux, il prend une autre femme, car il ne retourne plus dormir au village ; trois, il se met à boire et alors, ça devient sérieux ! »

[4] C'est cette pression paysanne qui fut responsable de la croissance du secteur de l'approvisionnement en denrées de base, que l'État cherchait à restreindre tandis qu'il poussait l'expansion de l'agriculture d'exportation (particulièrement le café). La restriction systématique des livraisons de maïs soulevait la colère des paysans. L'un d'eux expliquait ainsi la participation intense aux réunions de la junta de abasto (comité d'approvisionnement) : « Nous avons tous besoin de manger, tandis que ce n'est pas tout le monde qui cultive du café. »

[5] Dans ces statuts, elle se définissait comme « une organisation de paysans et d'artisans pauvres, en majorité indigènes ». On ajoutait qu'il n'y avait « pas de place en son sein ni pour les riches ni pour les coyotes [intermédiaires] ni pour les professionnels ».

[6] Le Taller de Tradición Oral réclame la propriété de dix-neuf mythes qui ont été appropriés, puis publiés à son nom par l'ethnologue italien Enzo Segre, lequel avait demandé à « consulter » leur corpus. Voir à ce sujet mes articles : « À qui appartient le patrimoine culturel autochtone ? » Recherches amérindiennes au Québec, vol. 22, n° 1, 1992, pp. 80-84 et « Ciencia y ética », Ojarasca, n° 6, marzo 1992, pp. 85-87.

[7] Conformément au fonctionnement antérieur du groupe, les fonds disponibles étaient placés dans un compte d'épargne au nom du Taller. Chacun inscrivait ses heures de travail et touchait un salaire en fonction du taux horaire défini par le groupe (approximativement le double de celui des journaliers agricoles).

[8] Cette omniprésence de PRADE dans le village était vécue par les paysans avec un mélange d'acceptation résignée et d'agacement : « Eux, ils sont à toutes nos réunions, mais nous, ne sommes jamais invités aux leurs », me disait un autochtone, pourtant favorable à PRADE.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 14 janvier 2021 8:10
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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