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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

ÉTUDE SITUATIONNELLE SUR LA FAMILLE EN GUINÉE (2006)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'étude Sous la direction de : Alpha Amadou Bano Barry, Alpha Bacar Diallo et Mohamed Campbel Camare, ÉTUDE SITUATIONNELLE SUR LA FAMILLE EN GUINÉE. Étude réalisée par l’Observatoire, Université de Conakry, Guinée, juillet 2006, 132 pp. [Autorisation formelle accordée par M. Amadou Bano Barry le 1er juin 2007 et reconfirmée le 26 décembre 2007 de diffuser cette étude dans Les Classiques des sciences sociales.]

Introduction

L’enjeu familial est crucial pour tous les individus et tous les pays du monde. Durkheim (1988 :24) constatait que :

Ces questions nous touchent de si près que nous ne pouvons nous empêcher d’y mêler nos passions. Les uns vont chercher dans la famille d’autrefois des modèles qu’ils proposent à notre imitation […] Le but des autres est au contraire de faire ressortir la supériorité du type actuel et de nous glorifier de nos progrès.

Quand les familles cessent de mettre au monde suffisamment d’enfants, que les couples divorcent ou que les adolescents agressent les parents, les enseignants et autres personnes âgées, l’Etat et les chercheurs (démographes, philosophes, psychologues, sociologues et économistes) crient à la catastrophe. On a aussi coutume de le dire, et les recherches l’attestent, que la famille est plus que partout dans le monde, au cœur même des sociétés africaines et "tout en découle et tout y converge" (Ferry, 1978  et Loch, 1988b, cités par Wakam 1996 et Rwengué Mbourano, 1997). Elle est le lieu souhaité de la procréation, celui de l’éducation des enfants, de repli pour les membres en difficultés et le lieu où s’exprime la réussite sociale.

Si les chercheurs sont partagés entre la description de la réalité et le cri de cœur relayé par la presse avec des clichés sur la dislocation de la famille et son dépérissement, les instances des organisations internationales s’inscrivent dans la promotion de la famille. C’est le cas des conférences internationales sur les femmes et/ou la population, notamment celles des années 90 (la plate-forme d’action de Beijing, la conférence internationale sur la population et le développement (CIPD/1994) ainsi que dans la déclaration de Dakar/Ngor) sont convenues de l’importance de la famille en tant qu’unité de base de la société et, par conséquent, sa nature centrale à toute stratégie viable de développement. Tous les acteurs du développement en Afrique conviennent, qu’en dépit de la situation socio-économique, démographique et politique dans laquelle se trouvent les familles africaines, la famille en Afrique est d’une importance vitale en raison de l’appui en matière de survie, mais aussi du point de vue social et psychologique, surtout dans les situations difficiles.

Partant de cette évidente réalité et d’autres considérations d’ordre socio-économique, l’Assemblée générale des Nations Unies, dans ses résolutions 44/82 du 8 décembre 1989 et 47/237 du 20 septembre 1993, a insisté sur l’importance de la famille. Le sommet mondial sur les enfants de 1990 a, aussi, mis en exergue la grande importance de la famille en indiquant qu’une famille harmonieuse reste le cadre approprié pour la survie, la protection et le développement de l’enfant. Dans l’Agenda 21, la Déclaration de Rio de 1992 a exhorté les gouvernements à proposer et à appliquer des lois qui protègent les femmes de toute forme de violence et à mettre en œuvre des programmes relatifs à la paternité/maternité responsable. Le Plan d’Action de la Déclaration de Vienne de 1993 a inscrit dans ses préoccupations la protection des membres de la famille en raison du rôle positif que les familles jouent dans la promotion et la protection des droits de l’homme.

Dans le Programme d’Action du Caire de 1994, il a été souligné le rôle que la famille devrait jouer, signifier le respect que l’on devrait accorder à ses structures. En 1995, à Copenhague, la communauté internationale reconnaît le rôle de premier plan de la famille dans les efforts de développement, et exhorté les gouvernements à adopter des mesures visant à éliminer les inégalités dans la famille. A Istanbul (1996), un agenda est négocié et adopté. Celui-ci stipule que l’habitat salubre est un droit pour toutes les familles. De même, le droit de la famille de bénéficier d’une protection globale et d’un accès aux services de base a par ailleurs été réaffirmé. Dans l’ensemble, la communauté internationale reconnaît que la famille est l’unité de base de la société et le point de mire de toutes les préoccupations relatives au développement durable. C’est ce qui justifie que l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé l’année 1994 comme Année Internationale de la Famille, et le 15 mai de chaque année comme la Journée Internationale de la Famille afin de sensibiliser davantage les gouvernements, les décideurs et le public aux questions relatives à la famille.

En 2004, les Nations Unies ont organisé à Cotonou (République du Bénin) une conférence sur la famille. Lors de celle-ci les stratégies pour la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation du plan d’action sur la famille en Afrique ont été adoptées. Dans cet ordre d’idées, l’acte constitutif de l’Union Africaine (UA) a aussi exprimé la détermination de relever les défis à facettes multiples auxquels les continents et les peuples sont confrontés, en raison des changements socio-économiques et politiques qui se produisent dans le monde.

Ces changements sont perceptibles dès la période coloniale avec l’introduction de l’économie de traite (arachide, coton et caoutchouc) et la monétarisation de la vie économique avec l’introduction du salariat. Les effets de ces nouvelles règles ont, dès les premières décennies de l’intrusion coloniale, commencé à bouleverser les relations entre les groupes humains, à modifier les hiérarchies sociales, à affecter la structuration et le fonctionnement de la famille, à influer sur les stratégies individuelles et collectives, à transformer les esprits et à agir sur les représentations.

À ces effets, il faut ajouter, dans le cas de la Guinée, les conditions spécifiques de l’indépendance (brutale rupture avec la France, ouverture au bloc de l’Est) et le contexte propre à la Ière République qui ont mis en cause les anciens repères (suppression de l’esclavage, remise en cause des castes et dévoilement des sociétés sécrètes) et accéléré un certain nombre d’évolutions (émancipation des femmes et grande autonomie des jeunes). De même, l’économie étatique de la 1ère République et le durcissement du contrôle social et politique, les vagues successives de répression ont contribué à façonner la société guinéenne et du coup affecté les normes et le fonctionnement du tissu familial.

À partir de 1985, suite au changement de régime, le Gouvernement en collaboration avec les bailleurs de fonds (FMI/IDA), a entrepris un ambitieux programme de reformes économiques et financières (PREF) qui visait à : (i) réduire le poids de l’Etat dans la conduite des activités économiques ; (ii) redéfinir et renforcer son rôle dans l’orientation de la politique économique, (ii) promouvoir le secteur privé. Si l’application du PREF a permis d’enregistrer des résultats encourageants dans maints domaines, au plan social, la dévaluation de la monnaie nationale a provoqué des tensions inflationnistes qui ont affecté le marché de biens et services de base tout en aggravant l’état de pauvreté des familles. De 1994 à 2003, la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté est passé de 40 % à près de 50 %. Cette extrême pauvreté contribue fortement à la baisse de l’autorité parentale, l’affaiblissement de la solidarité traditionnelle, l’accroissement du nombre de divorces, d’enfants abandonnés, le recours à la prostitution, et la recrudescence de la délinquance juvénile dont la consommation de la drogue et du coup, l’on assiste à la progression du grand banditisme, à la criminalité, au viol, et la prolifération des Infections sexuellement transmissibles (IST) dont les VIH/SIDA.

À ce contexte socio-économique difficile s’ajoutent les conséquences liées à la modernisation, à la guerre civile répétée dans certains pays frontaliers de la Guinée à partir des années 1990, et aux attaques rebelles dont le pays a été victime en 2000 dans sa partie sud. Ces phénomènes engendrent des mouvements migratoires contraignants des millions d’individus à se déplacer vers d’autres régions ou pays se traduisant ainsi par la dislocation des familles. On assiste alors à la mise en place de nouveaux types de familles (famille nucléaire, monoparentale, enfant chef de famille, femmes chef de ménage etc.). Partant de cette problématique alarmante, plusieurs questions surgissent. Dans l’ordre de ces questions, il apparaît urgent de chercher à comprendre les effets de la modernisation (scolarisation, urbanisation, médias) et le contexte économique et politique d’après les indépendances sur les familles [1] guinéennes. Spécifiquement, il sera question de chercher à comprendre les effets de la modernisation et des mutations socioéconomiques (libéralisation de l’économie, réduction des emplois dans le secteur public, invasion rebelle, MST/SIDA) sur :

1. L’encadrement des enfants au sein des familles ;

2. La transaction matrimoniale au sein des familles ;

3. La solidarité des membres de la famille (indigents, handicapés, personnes âgées, citadins et ruraux, etc.) ;

4. La perception des populations sur la signification de la famille.

Toutes ces interrogations doivent permettre d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques, des stratégies et des programmes à la fois efficaces et efficients, destinées à améliorer les conditions de vie des populations.

Bien avant la présente étude, la Guinée a ratifié des déclarations, chartes et conventions visant à éliminer toute discrimination à l’égard des enfants (CDE), des femmes (CDF), des personnes âgées et des personnes handicapées. La Guinée a aussi participé activement aux rencontres internationales sur la famille notamment :

  • La conférence panafricaine de la famille (Casablanca, 1988) ;

  • La conférence internationale sur la politique familiale globale et droit des familles au présent et à l’avenir (Moscou, 1990) ;

  • La conférence mondiale de la famille arabe et africaine (Benghazi, 1990) ;

  • La conférence mondiale préparatoire des Nations Unies pour l’année internationale de la famille de l’Afrique et de l’Asie occidentale (Tunis, 1993) ;

  • Le sommet mondial pour le développement social (Copenhague, 1995) ;

  • Le deuxième sommet mondial sur le vieillissement (Madrid, 2003).

A la suite de la conférence mondiale sur les femmes à Beijing (Chine), la Guinée a changé la dénomination du Ministère en charge des questions sociales et à créer une division au sein de ce ministère en charge de la promotion de la famille. Ce ministère s’est vu confié les tâches suivantes :

a. Assurer la promotion et la protection de la famille ;

b. Prévenir la délinquance, la toxicomanie et la désunion de la cellule familiale ;

c. Elaborer des projets de texte de lois régissant la famille ;

d. Organiser des campagnes d’information et de sensibilisation sur :

1. Les droits de la famille ;

2. L’allaitement maternel ;

3. La prévention des IST/SIDA au sein de la famille ;

4. L’organisation et la célébration de la journée internationale de la famille (le 15 mai de chaque année) et de la journée internationale des familles et des personnes âgées (26 octobre).

Dans le cadre de ce mandat, le Ministère des Affaires Sociales et de la Promotion Féminine et de l’Enfance a initié depuis 1990 la rédaction d’une série de textes de lois. C’est notamment le cas du code des personnes et de la famille. Ce texte, qui doit être intégré au code civil guinéen, est le cadre qui régit les rapports entre les époux, les enfants et les parents. Des efforts sont aussi en cours pour mieux assurer la protection les personnes handicapées, les personnes âgées et les enfants.

La présente étude est donc la première du genre sur la famille en Guinée dans ce qu’elle a de permanence et de rupture. Dans les pages qui suivent, le lecteur trouvera successivement les hypothèses, les objectifs et la démarche de recherche utilisée. Dans la seconde partie de ce document, les principaux résultats sont présentés à l’intérieur de quatre chapitres.

SECTION I.  HYPOTHÈSES DE L’ÉTUDE

L’étude sur l’analyse situationnelle de la famille en Guinée, première du genre par son ampleur, présume que la famille guinéenne (de l’année 2005) est un syncrétisme culturel ou les valeurs traditionnelles sont revisitées par des considérations et des influences nouvelles tout en restant ancrées dans des logiques qui perpétuent les gestes, les habitudes et les principes.

Cette étude sur la famille guinéenne postule que la famille guinéenne ressemblerait dans ses fondements à celle ancienne :

  • Primauté des aînés dans la régulation familiale ;

  • Domination des hommes sur les femmes par l’accès à l’héritage et le droit à l’expression ;

  • Contrôle de la famille sur les transactions matrimoniales ;

  • Obligation de solidarité pour les actifs envers les inactifs et les parasites ;

  • Obligation des citadins envers les ruraux ;

  • Éducation des enfants en fonction du sexe.

En même temps, cette étude présume que :

  • Les très anciens trouveraient que les jeunes et les femmes ont acquis un statut de contestation plus important ;

  • Le mariage reste le lieu principal de procréation mais que les composantes de la transaction matrimoniale ont changé et que ;

  • L’acceptation de la prise en charge de la solidarité familiale s’effrite de plus en plus. 
SECTION II.  OBJECTIF DE L’ÉTUDE

L’étude a pour objectif de contribuer à une meilleure connaissance de la famille guinéenne en identifiant le profil socioculturel type des familles et en évaluant l’impact de la modernisation sur les comportements et les attitudes des familles vis-à-vis des normes culturelles traditionnelles.

Les objectifs spécifiques de cette étude sont les suivants :

  • Répertorier les types de comportements et attitudes des parents vis-à-vis des enfants ;

  • Décrire les perceptions et les attitudes des populations vis-à-vis de la famille guinéenne actuelle ;

  • Identifier les éléments de stabilité de la famille guinéenne ;

  • Formuler des recommandations en vue d’améliorer la situation actuelle de la famille guinéenne.

[1] En choisissant le pluriel pour désigner notre objet d’étude (famille), nous présumons qu’il n’y a pas une famille en Guinée mais une pluralité de réalités au sein de cette unité sociale.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 28 décembre 2007 7:11
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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