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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Louis Balthazar, “Conservatisme dans l'espace américain”. Un article publié dans le journal Le Devoir, Montréal, Édition du vendredi, 11 mai 2007, page A-9 — opinion. [Autorisation de diffuser toutes ses publications accordée par l’auteur le 9 octobre 2004.]

Louis Balthazar 

Politologue, professeur émérite, département de science politique, Université Laval
président de l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand à l'UQÀM

“Conservatisme dans l'espace américain”. 

Un article publié dans le journal Le Devoir, Montréal,
Édition du vendredi, 11 mai 2007, page A-9 — opinion.

Mots clés :
vote, conservatisme, Gouvernement, États-Unis (pays)
 

 

Pour une bonne part, loin d'être exclusive, le conservatisme américain accompagne une certaine croissance du niveau de vie chez les classes moyennes. Toutes proportions gardées, plus on est riche, aux États-Unis, plus la tendance est prononcée en faveur de positions conservatrices et du vote républicain. 

Ainsi, des groupes ethniques comme les Irlandais et les Italiens ont pu vouer une reconnaissance à Franklin Roosevelt et au Parti démocrate, dont les politiques avaient contribué à relever leur niveau de vie. Cependant, quand ces groupes ont vraiment accédé à la richesse, ils se sont éloignés dans une proportion notable de leurs allégeances traditionnelles pour accorder, en plus grand nombre, leur appui au Parti républicain. Cela s'est produit notamment à la faveur de l'exode qui a mené quantité de populations de plus en plus loin du coeur des villes dans les couronnes successives de banlieues. 

Le phénomène le plus récent est celui dit des ex-urbs. On caractérise ainsi, pour les distinguer des suburbs désormais saturés, les lieux d'habitation situés à plus de 30 kilomètres des centres-villes et qui peuvent s'étendre jusqu'à plus de 100 kilomètres. Outre leur éloignement, ces zones sont caractérisées par une densité de population plus faible encore que celle des banlieues traditionnelles. Les propriétés sises sur ces territoires sont généralement plus vastes et les maisons qui y sont bâties sont de plus en plus spacieuses. 

Ces territoires ne sont ni vraiment urbains ni vraiment ruraux. Les gens qui y vivent conservent plusieurs habitudes de consommation propres à la vie urbaine. Ils se déplacent beaucoup, surtout en fonction de leurs lieux de travail. En conséquence, ils passent une bonne partie de leur vie dans leurs automobiles. 

Leur vie sociale peut être intense, mais elle est de plus en plus virtuelle. Les valeurs individualistes et familiales sont chez eux beaucoup plus fortes que chez les habitants des villes. Ils en deviennent très préoccupés par la sauvegarde de leurs propriétés, par leur sécurité et par celle de leurs familles. Paradoxalement, aux États-Unis, plus on est éloigné des dangers des villes, notamment la criminalité et la possibilité de devenir une cible des organisations terroristes internationales, plus on craint ces dangers et plus on a tendance à appuyer un parti politique qu'on juge plus apte à assurer la sécurité à tous les chapitres. 

Il était sans doute excessif de souligner une fracture géographique dans le pays de l'oncle Sam après les dernières élections présidentielles et législatives. Et il était sûrement plus excessif encore de prétendre relever une fracture profonde entre deux idéologies, celle des républicains conservateurs et celle des démocrates libéraux. Les choses ne sont pas aussi simples. Le conservatisme n'est pas le monopole du Parti républicain, et plusieurs des nouveaux élus démocrates au Congrès ne sont pas particulièrement progressistes sur plusieurs questions. 

On peut cependant établir une nette corrélation entre les tendances conservatrices et les régions à faible densité de population. Les ex-urbs, en particulier, apparaissent comme un terreau de choix pour le conservatisme. Il est vrai qu'à la faveur de la baisse de popularité du président Bush et des faillites de cette administration vouée aux causes conservatrices, la droite a marqué un recul aux États-Unis. Mais ce recul devrait demeurer limité dans la mesure où la population des ex-urbs est celle qui accuse le plus fort taux de croissance.  

Les Canadiens à l'abri
du conservatisme américain?

 

Les Canadiens ont voulu se croire à l'abri de ce conservatisme américain. Plusieurs auteurs se sont appliqués à décrire les valeurs épousées par la population canadienne comme étant généralement plus progressistes et plus ouvertes à une certaine évolution. Cela peut être vrai, tout particulièrement pour les Québécois, qui se sont opposés massivement aux entreprises belliqueuses américaines et qui se sont montrés beaucoup plus libéraux en matière sociale. 

Notre intégration à l'univers nord-américain n'en demeure pas moins très forte. À bien des égards, en dépit de nos différences, notre mode de vie demeure calqué sur celui des États-Unis. Arrêtons-nous à l'aménagement urbain. Tout comme aux États-Unis se sont développées ici autour des villes des couronnes d'habitation dépendant essentiellement de l'usage de l'automobile. Comme aux États-Unis, les populations dites urbaines vivent de plus en plus loin des centres-villes et leurs communautés d'habitation sont relativement beaucoup plus homogènes et isolées les unes des autres. 

La vie sociale y est animée en grande partie par des communications virtuelles et de moins en moins par des contacts directs. Repliés sur eux-mêmes, leurs propriétés, leur entourage immédiat et leur famille, les habitants de ces communautés «ex-urbaines» ont tendance à se retrancher dans un certain conservatisme. Ils tendent à se démarquer du pluralisme urbain et de ce qui l'accompagne, notamment le contact avec les communautés culturelles issues de l'immigration. 

On peut voir dans ce phénomène croissant une explication partielle de l'appui électoral à l'ADQ tel qu'il s'est manifesté le 26 mars dernier. Cet appui a été substantiel dans la région de Québec. Il faut noter tout de suite que la nouvelle ville de Québec est constituée dans sa majorité des anciennes municipalités de banlieue récemment fusionnées. Cette région est proportionnellement la mieux desservie en autoroutes de tout le Québec. Elle constitue un tissu de petites communautés dispersées sur un assez grand espace. Pour l'essentiel, les comtés urbains issus de ce qu'était autrefois la ville de Québec sont demeurés fidèles ou au Parti québécois (Taschereau) ou au Parti libéral (Jean-Talon). Une bonne partie de la Basse-Ville de Québec demeure quant à elle sous l'influence d'un certain populisme qui rappelle celui de certains leaders d'opinion aux États-Unis. 

Le reste des appuis à l'ADQ se situe surtout dans les couronnes semi-urbaines désignées par les codes régionaux 450 et 819. C'est là que le mode de vie nord-américain, tel que décrit ci-dessus, est davantage visible. 

Petites communautés, propriétés individuelles, valeurs familiales, usage incessant de l'automobile, urbanisation virtuelle. C'est là que le PQ a perdu des plumes pour diverses raisons. D'abord, la politique des fusions qui allait à l'encontre d'une volonté de retranchement par rapport à tout ce que représente la ville centre. Aussi sans doute parce que le PQ est associé, à tort ou à raison, avec un certain nationalisme civique sans âme. Ce nationalisme est vu, bien à tort je crois, comme étant dépourvu de références à la majorité francophone du Québec et à ses traditions. 

Cette montée spectaculaire de l'ADQ représente-t-elle un tournant significatif de l'histoire politique du Québec? Peut-être ce scrutin en est-il un réalignement comme le furent ceux de 1970 et de 1973. Mais il se peut aussi que la victoire de l'ADQ soit assimilable à celle de l'Union nationale en 1966, qui représentait une remontée bien éphémère, tout comme les succès du Crédit social à cette époque. 

Quoi qu'il en soit, il serait étonnant que disparaisse le conservatisme associé au mode de vie des régions semi-urbaines. En effet, plusieurs de ces régions, tout comme les ex-urbs américains, connaissent des accroissements démographiques remarquables.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 1 novembre 2010 8:36
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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