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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

LE QUÉBEC DANS L’ESPACE AMÉRICAIN. (1999)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Louis Balthazar et Alfred O. Hero Jr., LE QUÉBEC DANS L’ESPACE AMÉRICAIN. Montréal: Les Éditions Québec/Amérique, 1999, 374 pp. Collection: Débats. Une édition numérique réalisée par mon épouse, Diane Brunet, bénévole, guide de musée retraitée du Musée de la Pulperie à Chicoutimi. [Autorisation de diffuser toutes ses publications accordée par l’auteur le 9 octobre 2004.]

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LE QUÉBEC
DANS L’ESPACE AMÉRICAIN

Introduction

Cet ouvrage est le fruit de vingt-cinq années de collaboration. Les deux auteurs se sont rencontrés au début des années soixante-dix à l'occasion d'activités conjointes du Centre québécois de relations internationales (CQRI) de l'Université Laval (maintenant Institut québécois des hautes études internationales) et de la World Peace Foundation dont Alfred O. Hero Jr était alors directeur. Ce dernier s'intéressait activement aux affaires canadiennes depuis une dizaine d'années et avait « redécouvert » le Québec au cours d'un voyage, quelque temps après la Deuxième Guerre mondiale. Ses origines louisianaises de souche française, qu'il peut faire remonter à la Nouvelle-France de la première moitié du dix-huitième siècle, le prédisposaient à mieux connaître l'îlot francophone le mieux organisé d'Amérique du Nord. Quant à l'auteur québécois, un long séjour aux États-Unis à l'occasion de ses études avancées en science politique, à l'Université Harvard, l'avait déjà prédisposé à approfondir les liens du Québec avec son voisin du sud. Il avait été particulièrement frappé par l'ignorance profonde de ce qui se passait au Québec, en pleine révolution tranquille, de la part des Américains, même dans une ville comme Boston (à une heure de vol de Montréal). En contrepartie, les Québécois, même les plus instruits, affichaient souvent leur indifférence et [16] une méconnaissance abyssale à l'endroit de la culture américaine, de sa richesse et de sa diversité.

Dès 1974, nous avons conçu le projet de travailler ensemble. Il en est résulté d'abord quelques articles dans le journal Le Devoir sur le Québec vu de Washington, puis une communication présentée lors d'un colloque américano-québécois et publiée dans une brochure de la collection « Choix » du CQRI [1]. Par la suite, nous avons échangé à l'occasion de colloques et séminaires divers, conçu des projets de recherche qui ont donné lieu à des publications de part et d'autre. Une de ces rencontres à l'Université Harvard réunissait, en juin 1982, des chercheurs américains et québécois sur les relations entre le Québec et les États-Unis. Un livre, reproduisant la plupart des communications de ce séminaire, fut publié sous la direction d'Alfred O. Hero Jr et de Marcel Daneau (alors directeur général du CQRI) et dans lequel Louis Balthazar signait un chapitre sur les politiques québécoises aux États-Unis [2]. Un peu plus tard, alors qu'Alfred O. Hero Jr bénéficiait de deux fellowships successifs, l'un au Centre des affaires internationales de l'Université Harvard (1982-1983), et l'autre à titre de professeur invité à l'Université de Toronto (1983-1984), nous nous sommes mis à la tâche de préparer un livre entièrement consacré aux divers aspects des relations Québec-États-Unis. Cet ouvrage parut en anglais en 1988 [3] . Il fut bien reçu de tous ceux qui [17] s'intéressent à la question mais ne connut pas une très large diffusion au Québec. Nous avons donc cru qu'une publication en langue française, destinée d'abord à un public québécois, serait appropriée. Mais il nous fallait en même temps modifier légèrement notre objectif, laisser tomber les aspects qui visaient à informer des lecteurs américains et anglo-canadiens de la réalité québécoise et insister davantage sur le volet américain des relations. Il fallait surtout éveiller le lecteur québécois à l’importance primordiale des rapports du Québec avec les États-Unis.

Le livre qui suit se propose donc de démontrer en détail que le Québec appartient irrémédiablement à la mouvance américaine et qu'il se doit d'en prendre conscience, d'en tenir compte et de poursuivre des politiques appropriées. Est-il nécessaire de souligner que nous n'entendons pas signifier par là, en aucune façon, que le Québec n'a d'autre choix que de s'américaniser et de se constituer en fidèle vassal de son voisin ? On peut fort bien tenir compte de la réalité des dépendances et des interdépendances tout en poursuivant une politique autonome à l'intérieur d'une marge de manœuvre définie. Nous souhaitons donc ardemment que le Québec affirme et développe son identité propre, mais nous croyons du même souffle qu'il ne gagnera rien en ignorant le contexte dans lequel cette identité est appelée à se manifester et à s'épanouir. Ce contexte est d'abord celui du Canada, de toute évidence, quel que soit l'avenir constitutionnel du Québec. Mais il est aussi, d'une manière de plus en plus significative, celui de l'Amérique du Nord.

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Plusieurs conviennent facilement de cette évidence. Mais plus rares sont ceux qui prennent la peine d'en mesurer les implications. Combien peu de Québécois, par exemple, s'intéressent sérieusement et activement aux États-Unis. La population du Québec baigne quotidiennement dans une ambiance américaine, mais ses élites politiques, économiques, culturelles, intellectuelles et autres commencent à peine à examiner d'une manière élaborée ce qui se passe au sud de la frontière. Les gouvernements québécois ont découvert tardivement et lentement la nécessité des relations américaines. Les leaders économiques sont sans doute plus orientés vers cet énorme marché et toutes les ressources que représentent les États-Unis, mais on peut encore se demander si leur expertise américaine est adéquate. Au niveau culturel, même si on s'est tourné vers le sud plus que jamais au cours des dernières années, on connaît encore mal la production artistique et littéraire américaine de qualité. Enfin, on enseigne encore beaucoup trop peu les États-Unis dans les universités du Québec où on compte plus de spécialistes de quelques pays d'Afrique, par exemple, que du grand pays voisin.

Cet ouvrage entend établir un bilan des rapports américano-québécois. Dans une première partie, qui peut être vue comme une sorte de brève entrée en matière, nous entendons souligner la vocation américaine du Québec en montrant qu'elle s'enracine dans l'histoire (chapitre 1) et qu'elle se situe dans un triangle dont il faut sans cesse tenir compte. En d'autres termes, l'américanité du Québec ne peut se comprendre sans une prise de conscience de la réalité canadienne et du rôle important de la majorité anglophone du Canada dans les relations canado-américaines (chapitre 2).

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La seconde partie s'attaque aux relations américano-québécoises sous trois aspects. D'abord les relations proprement politiques, celles qui ont été établies par les gouvernements, ceux du Québec et, dans une certaine mesure, ceux des États-Unis à divers niveaux, même si Washington refuse de considérer le Québec comme un véritable interlocuteur politique (chapitre 3). Le chapitre suivant est consacré à l'examen de la situation économique du Québec pour en dégager les paramètres de son insertion croissante dans un réseau nord-américain. On verra que les aspects les plus dynamiques de l'économie québécoise sont étroitement liés au commerce avec les États-Unis. Tout en intensifiant ses propres synergies locales, l'économie du Québec a donc tout à gagner à poursuivre et développer ses liens avec les partenaires américains. C'est là la voie québécoise par excellence de la mondialisation. Le chapitre 5 s'arrête aux implications du lien américain dans l'univers de la culture entendue aussi bien au sens large d'un univers de significations ou d'un mode de vie qu'au sens plus restreint de production culturelle. Nous en dégagerons à la fois la nécessité d'une affirmation culturelle québécoise propre dans le contexte nord-américain et les réelles menaces que représente l'envahissement de la culture de masse américaine, c'est-à-dire l'américanisation.

Nous avons cru bon de consacrer toute une section de cet ouvrage, la troisième partie, à l'examen des perceptions américaines. Le lecteur y trouvera peut-être quelques révélations inédites. Les Québécois ont parfois tendance à s'illusionner sur l’image qu'ils projettent aux États-Unis. Il est arrivé, par exemple, que des médias du Québec ont donné de fausses impressions en laissant entendre que les visites de responsables politiques ou d'autres personnalités québécoises avaient eu un impact considérable, bien au-delà de la [20] réalité. On a pu aussi se féliciter trop rapidement de rapports « amicaux » avec des interlocuteurs américains. Nous verrons, dans les faits, quelles sont les perceptions de ce petit nombre (tout de même croissant) d'Américains qui connaissent quelque peu le Québec. Le chapitre 6 porte sur l'opinion publique américaine, ses prédispositions et ses tendances à l'endroit du Québec. Nous nous tournerons ensuite vers les médias pour en analyser un échantillonnage restreint mais significatif au cours des années mouvementées qui ont suivi la faillite de l'accord constitutionnel du lac Meech (chapitre 7). Le chapitre suivant rendra compte des hauts et des bas dans l'appréciation de la situation du Québec de la part de divers agents économiques, surtout dans les milieux financiers, tout particulièrement aux moments où le mouvement souverainiste est devenu plus saillant (chapitre 8). Les perceptions propres aux acteurs politiques seront ensuite examinées et analysées surtout à la lumière de la politique américaine sur la question de l'unité canadienne (chapitre 9). Enfin, un dernier chapitre est consacré aux perceptions des milieux intellectuels - surtout universitaires - où se sont développées considérablement les études canadiennes, une grande association vouée à la promotion de ces études et même une association d'études québécoises. Il arrive que les congrès d'études canadiennes ou québécoises aux États-Unis donnent lieu à des débats qui n'ont rien à envier à ceux qui se poursuivent au Canada. En outre, les enseignements, les recherches et les publications sur le Québec sont de plus en plus nombreux. Les universitaires américains sont donc de mieux en mieux informés et, en général, bien disposés à l'endroit du Québec.

Dans l'analyse de ces perceptions, la question de la souveraineté du Québec occupe une assez large place. S'il [21] advenait entre-temps que celle-ci ait perdu de sa pertinence, il faudrait alors se rappeler que la possibilité de l'accession du Québec à l'indépendance ou à une forme ou l'autre de souveraineté a été bien réelle tout au long de la dernière décennie du vingtième siècle et a préoccupé, en conséquence, tous les observateurs du Québec aux États-Unis. Cette question pourrait momentanément être reléguée au second plan, mais il serait bien étonnant qu'elle ne resurgisse pas dans l'avenir. Dans cette perspective, les analyses de cette hypothèse telle que l'entrevoient les Américains n'auront pas été vaines.

Nous nous portons tous deux signataires et responsables de l'ensemble de ce livre, bien que nos contributions n'aient pas toujours été parallèles. Louis Balthazar a rédigé le texte en s'inspirant, parfois de très près, mais sans jamais traduire littéralement, de la majeure partie d'un ouvrage que prépare Alfred O. Hero Jr pour un éditeur anglophone et qui est une mise à jour du livre de 1988. Le chapitre sur l'économie (chapitre 4) provient tout particulièrement des recherches et analyses de l'auteur américain qui est aussi responsable de la collecte des données qui ont servi aux chapitres 7, 8 et 9. Nous nous appuyons le plus souvent sur des sources secondaires mais assez variées pour qu'elles confirment leur validité. Il serait plutôt étonnant, par exemple, que La Presse, Le Devoir, le Montreal Gazette et le Globe and Mail aient tous erré dans leurs présentations des faits.

Au surplus, nous croyons en toute modestie que nos expériences jumelées des relations entre le Québec et les États-Unis au cours des quelque trente dernières années sont garantes d'une appréciation bien fondée des événements et faits que nous rapportons et interprétons dans ce livre. Cela ne nous met pas à l'abri des erreurs dans nos [22] descriptions ou narrations et encore moins dans nos analyses. Cela n'efface pas non plus nos préjugés. Nous nous sommes efforcés d'être objectifs en tenant compte des diverses approches et tendances dans l'étude d'un sujet aussi vaste. Néanmoins nous demeurons bien conscients de n'avoir pas tout à fait réussi à échapper à nos propres préconceptions. Il apparaîtra au lecteur, tout au long de ce livre, que nous favorisons l'aménagement de relations plus étroites et plus suivies entre les partenaires concernés tout en souhaitant ardemment le maintien d'une forte identité québécoise, laquelle ne saurait s'affirmer sans un certain degré d'autonomie politique. Nous ne croyons pas cependant que cette autonomie doive nécessairement prendre la forme d'une souveraineté complète au sens classique de cette expression. Quoi qu'il en soit, il nous semble tout à fait évident que le Québec est lié aux États-Unis à tel point qu'il ne saurait se dispenser de développer des relations suivies et diversifiées avec les Américains. Nous ne pouvons que souhaiter, en même temps, que l'identité et la spécificité du Québec soient de mieux en mieux reconnues aux États-Unis.



[1] Louis Balthazar et Alfred O. Hero Jr, « La politique étrangère américaine et le rôle du Québec en Amérique du Nord », dans Le nationalisme québécois à la croisée des chemins, coll. « Choix », Centre québécois de relations internationales, Québec, 1975, p. 278-297.

[2] Alfred O. Hero Jr et Marcel Daneau (dir.), Problems and Opportunities in U.S.-Quebec Relations, Boulder (CO) et Londres, Westview Press, 1984, p. 220-248.

[3] Alfred O. Hero Jr et Louis Balthazar, Contemporary Quebec and the United States : 1960-1985, Cambridge (MA), Harvard University, Center for International Affairs, et Lanham (MD), University Press of America, 1988.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 9 février 2015 8:28
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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