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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Georges Balandier, “La mise en rapport des sociétés ‘différentes’ et le problème du sous-développement”. Un article publié l’ouvrage de l’Institut d’études démographiques sous la direction d’Alfred Sauvy, Le “Tiers-Monde”. Sous-développement et développement, pages 119-132. Réédition augmentée d’une mise à jour par Alfred Sauvy. Paris: Les Presses universitaires de France, 1961, 393 pp. Collection: Travaux et documents. Cahier no 39. [Autorisation formelle de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales accordée par M. Balandier le 28 janvier 2008.]

Georges BALANDIER

La mise en rapport des sociétés ‘différentes’
et le problème du sous-développement
”.


Un article publié l’ouvrage de l’Institut d’études démographiques sous la direction d’Alfred Sauvy, Le “Tiers-Monde”. Sous-développement et développement, pages 119-132. Réédition augmentée d’une mise à jour par Alfred Sauvy. Paris : Les Presses universitaires de France, 1961, 393 pp. Collection : Travaux et documents. Cahier no 39.

Introduction
I. La mise en relation des sociétés « différentes »
II. La nature des relations entre sociétés inégalement développées
Iii. Les problèmes que posent les relations actuelles entre « développés » et « sous-développés »



INTRODUCTION

La notion de sous-développement s'est imposée avec un étonnant succès au cours de cette dernière décennie ; l'urgence des problèmes qu'elle évoque justifie la place qu'elle occupe dans la littérature politique la plus quotidienne, comme dans les controverses académiques. Seulement, cette vulgarisation du concept ne doit pas faire illusion. L'analyse scientifique du phénomène est encore loin d'être achevée ; en dépit, comme il le fut montré précédemment, de sa permanence. Et nous voudrions à cet égard suggérer une nouvelle orientation de recherche.

Les études les plus valables se sont attachées à retenir des critères, ou des caractères structurels, propres à définir d'une manière interne toute société insuffisamment développée. Il est alors insisté sur des aspects démographiques, économiques et sociaux qui sont remarquables par leur relative généralité ; dans cet ouvrage même, un chapitre particulier apporte une définition fondée sur ces caractéristiques communes. Une telle démarche exige néanmoins d'être complétée. Le concept de sous-développement implique au départ une comparaison : il s'emploie par rapport à un certain type de société - celle que portent les pays hautement industrialisés - et par rapport à un certain type d'activités humaines - celles qu'il est convenu de qualifier de technico-économiques. Cette remarque naïve nous conduit à souligner qu'il y a en l'occurrence bien plus qu'un système de référence. Il existe entre les sociétés, situées aux différents niveaux de l'échelle du progrès matériel, des relations qui ont contribué à poser les problèmes examinés ici. Il est un aspect relationnel du sous-développement, évoqué en particulier de manière partielle et schématique sous le couvert de la critique du colonialisme et de l'impérialisme, que nous devons analyser avec minutie. C'est là une seconde et nécessaire démarche.

I. - LA MISE EN RELATION
DES SOCIÉTÉS « DIFFÉRENTES »

Constatons au départ que toutes nos questions auraient peu de sens, en principe, dans un monde parfaitement cloisonné. Et non pas simplement dans la mesure où cette comparaison, rappelée à l'instant et qui a joué en faveur d'une véritable prise de conscience, n'aurait pas la possibilité de se réaliser. Il est des raisons beaucoup plus permanentes qui tiennent à la dynamique même des rapports entre sociétés globales.

Toute société vivant en état de quasi-isolement, disposant donc intégralement de la marge de liberté que lui laisse l'adaptation au milieu qui la porte, serait toujours capable de maintenir ses points d'équilibre et d'évoluer selon sa propre « logique ». Elle aurait la possibilité de maintenir une harmonie qui lui est spécifique puisque, selon l'expression de CI. Lévi-Strauss, « elle serait, en quelque sorte, une société en tête-à-tête avec soi » [1]. Ce n'est là qu'une hypothèse. La mise en rapport intervient toujours, même entre sociétés considérées comme primitives ; elle joue en affirmant la pression des unes et en développant, au sein des autres, des discordances et des déséquilibres plus ou moins menaçants. CI. Lévi-Strauss note le fait en examinant le prétendu archaïsme de certaines sociétés sud-américaines ; il montre que « celles qui pourraient sembler le plus authentiquement archaïques sont toutes grimaçantes de discordances où se découvre la marque, impossible à méconnaître, de l'événement ». Mais s'il en est ainsi dans le champ des relations établies entre sociétés homogènes, les phénomènes - de pression d'un côté, de déséquilibre de l'autre -apparaîtront avec un véritable effet de grossissement lorsqu'il s'agira de rapports entre sociétés radicalement différentes.

On pourrait dire que la reconnaissance des problèmes du sous-développement est liée, pour une part, à la découverte de ces déséquilibres graves que crée la mise en rapport de sociétés inégales en puissance. G.-F. Hudson l'affirme, en écrivant à propos des pays asiatiques : « Le véritable facteur de crise en Asie n'est pas la pauvreté sans espoir des masses - ce qui n'est pas nouveau - mais la désintégration sociale qui, durant deux générations, a été le résultat des contacts existant entre l'Asie et l'Occident [2] ». Les études de « communautés » telles qu'elles se sont réalisées en Afrique, et surtout en Asie, ont associé en fait la prise de conscience du retard économique à l'état de « crise » conséquent aux rapports établis avec les puissances dominantes. Des équilibres, efficaces bien que se situant à un bas niveau, ont été atteints ; les processus internes du changement social ont pris une importance secondaire par rapport aux processus conditionnés « de l'extérieur » -échappant donc au contrôle direct de la communauté. Des remarques de cette nature, qui sont nombreuses comme le montre la littérature récente, suggèrent l'obligation où l'on se trouve de procéder à une approche de caractère relationnel. L'analyse relève autant de la science des relations entre sociétés globales que de la science économique.

Ceci est d'autant plus vrai que l'avance d'un petit nombre de nations, sur le plan des activités techniques et économiques, n'a pu être le fruit que de certaines conjonctures. Comme l'a souligné Cl. Lévi-Strauss, la révolution industrielle, qui a rendu la civilisation occidentale plus cumulative que les autres, parait être le résultat d'une « coalition » culturelle presque unique. Elle est née d'influences multiples qui, toutes orientées dans le même sens, ont fini par réaliser un véritable processus de réaction en chaîne [3]. Mais il convient d'ajouter un complément à cette observation - important quant au problème examiné ici. Cette mise en relations qui peut avoir des effets positifs d'une imprévisible extension, comme dans le cas évoqué à l'instant, a aussi des effets négatifs. Les zones « fortes », qui se constituent ainsi, ne peuvent maintenir leur dynamisme qu'en accentuant le caractère dépressif des zones « faibles » avec lesquelles elles sont en rapport ; ce qui est apparent à l'intérieur d'un même cadre national, où se dessinent des régions dont le retard s'accentue, et dans le champ des relations entre nations inégalement « puissantes ».

Les sociétés les moins bien « situées » à cet égard se trouvent soumises à des effets de domination qui s'expriment au maximum, et de la manière la plus directe, à l'occasion de la doctrine dite du pacte colonial ; leur progrès économique s'accomplit d'abord en fonction des besoins particuliers aux sociétés qui les contrôlent de quelque manière. L'histoire économique du XIXe siècle montre comment s'est organisée la soi-disant « division internationale du travail » entre pays agriculteurs et pays industriels, pays producteurs de matières premières et pays porteurs d'une industrie en expansion ; elle révèle, en même temps, que cette division ne s'est pas effectuée sur la base de la réciprocité mais a, bien au contraire, accentué l'avance des sociétés industrialisées. Le fait reste vrai, même lorsque les pays moins développés s'efforcent de rattraper leur retard. M. Fanno l'a indiqué en remarquant que « la transformation des pays agricoles en pays industriels tend à augmenter la puissance d'expansion des pays les plus anciennement industrialisés » [4]. Il intervient, pour ces derniers, un processus d'accélération qui contribue plus à élargir l'écart qu'à le résorber. Les documents officiels les plus récents confirment ce phénomène. Selon les services statistiques des Nations Unies, les pays développés ne sont pas seulement très « en avant », ils sont en train de gagner de l'avance. Leurs taux de développement continuent à être beaucoup plus rapides que ceux des régions dites attardées [5]. La disparité dans les niveaux de vie s'est accusée au cours des années récentes, un seul exemple le manifeste : en 1938, le niveau de vie est 15 fois plus élevé aux U.S.A. qu'aux Indes ; en 1952, il l'est 35 fois plus. C'est à partir d'une telle constatation que les observateurs marxistes peuvent renforcer la comparaison (et identification) qu'ils font entre les relations de classes et les relations existant entre pays inégaux à l'intérieur du système capitaliste. N'y a-t-il pas, dans l'un et l'autre cas, affirmation de l'appauvrissement relatif ?

Mais l'aspect relationnel nous intéresse d'une autre manière, dans la mesure où il a contribué à cette prise de conscience déjà évoquée. Les sociétés que nous disons « traditionnelles » ne maintenaient leurs équilibres qu'à l'occasion d'une relative fermeture - ou, tout au moins, à la faveur d'une activité d'échange n'opérant qu'à courte distance et dans un champ assez homogène. Il est devenu banal de constater que « le temps du monde fini » a commencé. Les déplacements de personnes, multiples et accélérés, l'animation toujours croissante de l'économie mondiale, l'efficacité accrue des communications établies par la radio, la presse et le cinéma sont parvenus à briser les frontières socio-culturelles les plus lointaines. L'exemple des nations industrielles, et à hauts niveaux de vie, s'impose jusqu'aux peuples les plus « périphériques » ; il suggère une modalité de l'existence qui n'aurait pu être imaginée, par ces derniers, il y a moins d'un demi-siècle. La pauvreté est ancienne, mais la découverte qu'il y a des remèdes à cette pauvreté est récente. C'est la constatation que fait le Dr Ambedkar à propos des populations de l'Union indienne ; et il ne manque pas de considérer l'événement comme ayant en soi une portée révolutionnaire.

Notons, par ailleurs, qu'une telle reconnaissance des carences et des besoins, née d'une vie de relations élargie et de la comparaison, est devenue plus aiguë en raison des perturbations consécutives à l'intervention des puissances à l'intérieur même des pays « attardés ». Il est facile d'observer que les problèmes, réunis sous l'expression commode « d'état de sous-développement », ne dépendent pas seulement de conditions propres à la société « en retard », mais encore des incidences sur cette dernière de l'expansion des sociétés plus puissantes. Ces incidences interviennent comme autant de circonstances aggravantes ; leur étude fait comprendre que la « question sociale » et la « question nationale » soient étroitement liées. Cette association entre les deux termes, et le fait d'une prise de conscience incontestable sinon claire, constituent un ensemble significatif des pays en cours de modernisation [6].

On ne saurait évidemment affirmer, ou sous-entendre, que les sociétés puissantes aient découvert de même manière le fait du sous-développement. Elles évaluent ce dernier de façon toute extérieure. En fonction de leurs besoins d'expansion, d'abord, à l'époque du colonialisme direct ou indirect : elles voient alors dans les pays « attardés » la possibilité d'accéder à des richesses peu ou pas exploitées, indispensables à leurs industries, et de créer un marché pour leurs produits manufacturés. Elles justifient leur pression, économique puis politique, en affirmant l'immobilisme des sociétés et cultures portées par les pays insuffisamment développés ; un jugement de valeur est exprimé, qui vise à inférioriser toute société non industrielle. Le fait même des différences profondes de civilisation sert à justifier les politiques d'expansion et les pressions exercées. Actuellement, les jugements, pour être devenus moins schématiques, n'en révèlent pas moins une orientation de même sens. Les besoins en matières premières (comme le manifeste le « Rapport Paley » qui établit les prévisions concernant les U.S.A. pour la période 1950-1975) et le souci de maintenir une sorte de « leadership » économique restent déterminants. Quant à ce dernier point, des exemples très divers peuvent être rassemblés. K. Mandelbaum, envisageant l'industrialisation des régions attardées, pose une question révélatrice : « Que se passera-t-il lorsque les économies nouvelles auront atteint leur maturité ? ». Il n'examine le problème que pour souhaiter implicitement, grâce à l'accélération du progrès technique, le maintien d'une large distance entre les pays avancés et les pays en cours d'équipement [7]. F. Notestein, démographe et économiste, exprime des inquiétudes plus nettes quant aux risques encourus par cette minorité que constituent les peuples aujourd'hui puissants. Il affirme sans équivoque : « En lançant un programme de modernisation, les puissances dominantes actuelles créeraient en fait un monde futur dans lequel leurs propres peuples deviendraient des minorités, de plus en plus petites, et posséderaient une proportion, de plus en plus petite, de la richesse et de la puissance mondiales » [8].

D'un autre côté, on ne peut sous-estimer le fait que l'importance actuelle des pays sous-développés, du point de vue des nations prépondérantes, s'explique d'abord par des considérations d'ordre stratégique, par l'enjeu majeur qu'ils représentent dans le champ des antagonismes entre « blocs ». C'est en cela, donc d'une manière indirecte, que les problèmes de sous-développement ont pris un soudain caractère d'urgence.

Certains ouvrages dus à des auteurs nord-américains montrent combien les considérations politiques ont pu devenir prédominantes. Les trop grandes inégalités entre nations y sont surtout envisagées comme créant des conditions favorables à l'expansion du socialisme marxiste. E. Staley présente une semblable remarque et tente de la justifier « en doctrine » ; il affirme : « Un élément essentiel de la stratégie communiste en vue de la conquête mondiale est l'idée du conflit de classes inévitable non seulement à l'intérieur des nations, comme les Marxistes l'ont déjà souligné, mais aussi entre nations qui se trouvent à des niveaux de développement économique différents » [9]. Ce caractère d'enjeu, que revêtent les pays moins avancés en fonction des luttes de puissance, est ancien. J. Harmand le remarque aux premiers temps de la colonisation. Il présente cette dernière sous la forme d'un phénomène mettant en cause au moins trois éléments : deux sociétés dynamiques, qui se menacent mutuellement, recherchent dans un champ de moindre résistance la force additionnelle qui soit propre à renforcer leur sécurité [10]. Déjà, l'attitude adoptée vis-à-vis des pays « attardés » apparaît conditionnée, pour une large part, par les conflits latents existant entre grandes sociétés rivales. Il y a là un aspect permanent, dans les relations entre sociétés globales, qu'il convient de signaler.

Nous venons de montrer combien l'analyse du fait du sous-développement conduit à accorder la plus précise attention aux aspects relationnels ; c'est par ces derniers qu'il est « révélé » et accusé. Mais il est nécessaire d'aller au-delà de cette simple constatation.

II. - LA NATURE DES RELATIONS ENTRE
SOCIÉTÉS INÉGALEMENT DÉVELOPPÉES

La longue permanence des relations inégales, notamment sous la forme de rapports coloniaux ou para-coloniaux, a été notée par divers auteurs - y compris Lénine. Elle a été rappelée au début de cet ouvrage dans une perspective historique. Des tentatives ont été faites afin d'expliquer un tel phénomène. La plupart d'entre elles sont vulnérables, surtout lorsqu'elles s'efforcent d'en appeler à d'incertaines « lois naturelles ». Il apparaît alors un transfert d'explication, de l'ordre biologique à l'ordre social, qui est assez caractéristique de la fin du XIXe siècle. J. Harmand, à l'instant cité, ne manque pas d'y recourir en consacrant un chapitre de son ouvrage à « l'expansion naturelle ». Après avoir rappelé que « le besoin d'expansion se rencontre partout dans la nature », il affirme que ce dernier se fonde, dans le cas des sociétés humaines, sur « l'instinct de durée ou de conservation qui se double de l'instinct de sécurité ». Une loi vitale ferait, de la possibilité d'expansion, la condition nécessaire à toute société voulant « persévérer dans son être ».

Il n'est plus possible de se satisfaire d'explications aussi simplistes. Mais il reste fréquent d'envisager le développement des sociétés les plus avancées comme devant entraîner leur expansion, et leur emprise sur certaines des sociétés plus faibles. La pression due au progrès des techniques et de la production, à l'accroissement démographique ne laisserait pas d'autre issue. M. Fanno, dans le cadre de sa théorie économique de la colonisation, considère cette dernière comme répondant à un besoin des pays industrialisés à population croissante et des pays en cours d'industrialisation. Dans l'un et l'autre cas, les problèmes qui se posent ne pourraient trouver leur solution d'une manière exclusivement interne ; les relations inégales, qui résultent de cette recherche d'appuis extérieurs, auraient alors pour résultat de consolider la position des pays à économie industrielle [11]. Cet examen, ayant le mérite de rappeler que les sociétés n'entrent en rapport que pour des fins qui sont d'abord économiques, exige cependant une précision. Les processus qu'il met en évidence se réfèrent tous à une expansion économique de type capitaliste. Et c'est justement à cet aspect que le sociologue R. König accorde une attention particulière : en observant que les problèmes, auxquels se heurtent aujourd'hui les anciens peuples coloniaux, tiennent non seulement au retard de leur civilisation technique mais encore au fait que leur tentative de développement accéléré reste souvent conditionnée par le système capitaliste traditionnel [12].

Une des recherches les plus originales, réalisées au cours des années récentes, est due à l'économiste S.H. Frankel. La définition qu'il donne du concept de colonisation - donc d'une certaine modalité des rapports entre sociétés à la fois différentes et inégales en puissance - ne nous éloigne cependant pas trop des observations précédentes. Après avoir noté le caractère imprécis de la terminologie, Frankel souligne que les tentatives d'explication du procès de colonisation ne sont pas satisfaisantes parce qu'elles n'atteignent pas les racines du phénomène : à savoir, les forces de croissance économique (fundamental forces of economic growth). Et c'est dans ce sens nouveau qu'il oriente son analyse.

Il ne veut pas envisager la colonisation sous le seul aspect des relations existant entre une métropole et ses dépendances ; le phénomène lui apparaît à la fois plus complexe et moins précisément localisé. Toute période de développement économique exige non seulement des transformations à l'intérieur des sociétés qui en ont l'initiative, mais encore le recours à de nouveaux partenaires jusqu'alors extérieurs au système. Elle entraîne des relations d'un nouvel ordre au sein des sociétés les plus dynamiques (aspect interne de la colonisation), en même temps qu'elle suscite de nouveaux rapports au dehors. Elle fait ainsi apparaître des liaisons d'une nature complexe « entre anciennes et nouvelles structures de l'activité humaine », entre sociétés d'un type « ancien » et sociétés d'un type « moderne ». Frankel, apportant une définition inhabituelle, précise : « La colonisation n'est rien de plus, ni de moins, que le procès de développement économique et social à l'échelle du macrocosme et du microcosme » [13]. Se refusant à accepter l'opposition entre métropoles et territoires coloniaux, sociétés dites développées et sociétés dites sous-développées, il affirme que les forces qui produisent ou freinent le changement sont partout les mêmes. Dans toute société, précise-t-il, « le procès de croissance économique et sociale s'associe à l'émergence de nouvelles structures économiques et sociales » ; de là sa définition : « la colonisation est le procès par lequel ces structures nouvelles sont appelées à l'émergence » [14]. Il y a, dans toute cette analyse, une identification directe entre colonisation et croissance économique (economic growth), procès de colonisation et procès de changement structurel.

On ne peut qu'être réservé quant à cette conception inhabituelle, et surtout partielle - en ce sens qu'elle envisage le procès de développement sans différencier les systèmes économiques à l'intérieur desquels ce dernier s'exprime. Néanmoins, elle apporte des observations importantes. Elle insiste sur le fait que le développement économique n'opère qu'à partir de foyers très limités en nombre et qu'il s'associe à des transformations structurelles à la fois internes et externes. D'un autre côté, Frankel souligne cet aspect relationnel sur lequel nous insistons tant. Il montre que les rapports inégaux entre « développés » et « sous-développés » ne sont pas univoques ; ils ont un caractère de « réciprocité »qui apparaît comme « l'une des caractéristiques les plus significatives » du procès de colonisation [15]. on ne peut, certes, douter que ce soient ces effets en retour (ou leur crainte) qui contribuent aux hésitations et incertitudes des sociétés avancées, vis-à-vis des problèmes que posent les pays « attardés ».

Les « théories », que nous venons de rapporter en premier lieu, réintroduisent la question de l'extension et de la frontière des sociétés globales. Les limites entre ces dernières ne sont jamais consolidées à la manière dont l'affirment nos atlas. La doctrine dite de la « frontière mouvante », telle qu'elle prévalait au cours du XIXe siècle pour justifier l'occupation des soi-disant terres « fibres », montre combien les sociétés globales peuvent laisser subsister de larges zones d'incertitude aux marges du territoire qui les supporte. Nous sommes ainsi conduits à introduire des considérations d'ordre spatial et des considérations d'échelle.

Us économistes se sont attachés à « l'analyse générale du phénomène de la frontière » [16] et se sont efforcés de préciser, en même temps que les traits distinctifs, les liaisons existant entre « espace étatique » et « espace économique ». L'un d'entre eux, C. Ponsard, souligne que « la frontière ne se situe pas économiquement comme un contenant par rapport à un contenu... (qu')elle crée des seuils marquant des discontinuités dans les aires qu'elle traverse ». Il apporte une définition intéressante, niais ne manque pas de souligner combien une théorie reste difficile à établir. On doit noter, à partir de ces remarques, combien les sociétés « sous-développées » sont celles pour lesquelles les discontinuités sont les moins nettement affirmées : parce que leur niveau technique et économique ne leur a pas permis de disposer de limites économiques bien défendues. Elles portent surtout, en elles, ces frontières provisoires que les sociétés « équipées » dessinent au dehors en fonction de leurs compétitions « pour le territoire économique » ; les discontinuités qu'elles ont pu manifester étaient le résultat d'affrontements qui leur restaient étrangers. De ces faits, nous avons la manifestation dans la politique récente de certaines sociétés « attardées », qui aspirent à se créer des frontières presque étanches à l'abri desquelles elles conserveraient la maîtrise de leur développement économique. Retenons donc ce premier point. Dans un monde porteur de sociétés globales compétitives, les vicissitudes, affectant l'extension des plus puissantes d'entre elles, tendent surtout à agir sur ces « frontières lointaines » qui partagent les sociétés les moins équipées en zones d'influence. C'est au niveau (et au détriment) de ces dernières que les puissances stabilisent provisoirement leurs rapports de forces.

De telles remarques conduisent à observer que les sociétés « avancées », et celles dites « attardées », ne sont pas construites à une même échelle. Et cela quelle que soit leur importance respective sur la carte mondiale. Des sociétés aussi massives que la Chine et l'Union Indienne ne sont pas encore organisées à l'échelle du territoire qui les supporte. Elles apparaissent d'abord comme un ensemble de communautés rurales mai reliées entre elles : rappelons l'expression devenue banale (et maintenant en partie inexacte) qui présentait l'Inde comme « le pays des 700.000 villages ». Le fait devient immédiatement apparent lorsqu'on envisage les territoires africains qui s'efforcent aujourd'hui, à la faveur des mouvements de caractère unitaire, de faire prévaloir des ensembles politiques de plus grande ampleur. Les sociétés sous-développées sont non seulement celles qui maîtrisent les espaces économiques les moins vastes, mais encore celles qui restent les plus affaiblies par les particularismes. Cette double caractéristique s'explique par le niveau de leurs techniques matérielles - celles d'aménagement de l'espace et celles de production - et par la nature de leurs méthodes d'organisation sociale.

Le fait du décalage d'échelle doit être souligné. Les sociétés les plus avancées techniquement et qui sont en même temps organisées à plus grande échelle - nations, puis fédérations et confédérations - n'entrent en rapport avec les sociétés « moins développées » que sur un pied d'inégalité ; elles tendent à inscrire ces dernières dans les limites de leur espace économique et politique. De ce point de vue, le procès de colonisation paraît révélateur : il conduit à l'aménagement d'ensembles sociaux de grandes dimensions, sur la base d'une différenciation économique et d'une inégalité entre éléments préexistants ; mais il ne fait que manifester un type de relations dont on ne saurait sous-estimer le caractère durable.

Cependant, ces effets de domination ne peuvent manquer d'être freinés en raison des antagonismes et compétitions existant entre puissances, en raison des changements survenus à l'intérieur même des sociétés sous-développées. Dans la mesure où le nombre des partenaires majeurs tend à s'accroître, la maîtrise du jeu politique international se relâche à l'avantage des partenaires les plus défavorisés. Si nous utilisons la terminologie à l'instant suggérée, nous pouvons constater combien les plus importants des problèmes de notre époque sont liés à l'émergence de nouvelles sociétés organisées à grande échelle. L'ensemble de questions que pose le fait du sous-développement est, pour une large part, conditionné par cette poussée de nouveaux grands ensembles sociaux. Et l'on ne peut, à cet égard, que constater combien nous sommes encore mai armés pour examiner des problèmes qui se formulent avec cette ampleur.

Il faut maintenant revenir à une observation faite au début de l'étude les sociétés dites développées et celles dites sous-développées, lorsqu'on les compare, apparaissent hétérogènes au plus haut degré. Ceci se comprend aisément puisque ces diverses sociétés, au cours de leur histoire, ont excellé dans des secteurs très différents de l'activité humaine ; elles révèlent toutes une avance considérable en quelque domaine et un retard en quelque autre. Les études des anthropologues, au cours des dernières décennies, se sont employées à lutter contre l'ethnocentrisme (cette habitude que nous avons de classer les sociétés en fonction de nos seuls critères) et à manifester la valeur particulière de toute société (d'une certaine manière donc les points où elle se révèle « en avance »). Ceci est maintenant admis plus largement - et représente un acquis récent des sciences de l'homme [17] - mais exige d'être complété. Lorsque les sociétés globales entrent en rapport, c'est pour des raisons économiques - l'ouverture de circuits d'échange. La réciprocité n'intervient que lorsqu'il s'agit de sociétés situées approximativement au même niveau technico-économique. Plus le décalage est accusé, ce qui s'est produit dans la mesure où le progrès des communications a multiplié et diversifié les contacts, plus les relations établies tendent à être inégales. Si bien que la diversité des sociétés globales, à la suite d'une mise en rapport généralisée, a tendance à s'organiser en un classement hiérarchisé de ces dernières.

C'est là un phénomène appréhendé par des auteurs ayant écrit à des époques différentes. J. Harmand, à qui nous devons l'un des ouvrages fondamentaux de la théorie coloniale française, fait intervenir la notion d'hétérogénéité en évoquant « l'expansion des nations ». Selon lui, cette dernière ne pourra s'accomplir, sans qu'il y ait violence et domination, « tant que l'humanité ne sera pas devenue sensiblement homogène » [18]. Plus tard, l'historien britannique E.A. Walcker affirme de même que les relations inégales, entre sociétés globales, ne cesseront d'exister qu'au jour où tous les peuples de la terre manifesteront une relative homogénéité « sur tous les plans de la vie ». Et à une date récente, le sociologue R. König précise que le problème du sous-développement apparaît, envisagé du point de vue de sa discipline, « comme un problème né de la rencontre de systèmes sociaux différents » alors que « l'un des systèmes est plus évolué que l'autre » [19]. Ce sont non seulement des rapports inégaux qui s'établissent, à l'occasion de cette rencontre, mais encore des transformations importantes qui interviennent au sein du système le plus faible.

La conjonction de ces deux caractéristiques constitue une partie de la définition du sous-développement.

III. - LES PROBLÈMES QUE POSENT
LES RELATIONS ACTUELLES ENTRE
« DÉVELOPPÉS » ET « SOUS-DÉVELOPPÉS »

Dans la préface du Capital, Marx affirme que les pays les plus avancés en fait d'équipement industriel donnent aux pays « attardés » une image de leur avenir. On peut se demander quelle est la portée d'une telle remarque : y a-t-il entre les deux types de pays une relation de maître à élève ? Les anciens procès de développement doivent-ils se répéter au point d'avoir une valeur d'enseignement incontestable ? Les auteurs qui ont essayé d'apporter une réponse à ces deux questions, ainsi l'économiste américain A. Gerschenkron. [20], ont souvent conclu en rappelant les difficultés éprouvées à tirer les leçons de l'Histoire. On doit insister sur les traits distinctifs - ne serait-ce que pour freiner la tentation de « colporter » des modèles de développement mal adaptés au contexte particulier à la société réceptrice.

a. En premier lieu, soulignons le fait que les incitations au progrès technique et économique sont pour une large part d'ordre externe. Il n'y a, en aucun cas, cette lente préparation qui a fait « mûrir » la révolution industrielle du XIXe siècle en Angleterre. Les pays « attardés », pour des raisons qui tiennent à leurs traits culturels spécifiques et à la situation de dépendance directe ou indirecte qu'ils ont connu (ou connaissent encore), ont été conduits à un développement économique dont il& n'avaient guère le contrôle. lis se sont ainsi trouvés devant un double obstacle : réaliser le progrès, ce qui exige une véritable mutation économique et sociale, à un rythme rapide ; se soumettre à un processus de développement, incomplet et mai intégré localement, qui obéit à des sollicitations d'ordre externe plus que d'ordre interne. Cette situation explique l'importance de la réaction nationaliste dans toute société en cours de mutation. Elle explique de même que, l'indépendance politique une fois acquise, l'accent porte sur la conquête de la « souveraineté économique » : sans laquelle, précise un sociologue indonésien, « la souveraineté politique serait vide de tout contenu » [21].

Mais ce caractère externe des conditions du développement doit être aussi entendu dans un autre sens. Les instruments du progrès économique sont pour la plupart apportés du dehors : ils imposent une discontinuité brutale par rapport aux moyens traditionnels de production, par rapport aux relations sociales que ces derniers impliquaient. Le phénomène s'accuse d'autant plus que les pays « attardés », pour remédier à une situation qui les maintient en position d'infériorité, sont incités à rechercher les techniques les plus modernes, Ainsi note-t-on les efforts faits en faveur de l'industrie lourde de type moderne ou, comme dans le cas de l'Inde, le désir d'accéder à l'industrie fondée sur l'énergie atomique. De tels foyers de modernisme apparaissent longtemps comme des éléments « étrangers » ; ils créent une rupture brutale entre milieu industriel et milieu traditionnel. Et dans de telles conditions, le « coût social » du progrès paraît encore plus lourd [22] que dans le cas des sociétés d'Europe occidentale ayant porté la première révolution industrielle.

b. En second lieu, il convient de remarquer combien les incitations au progrès sont plus contraignantes dans le cas des sociétés « attardées » qu'elles l'étaient, au cours des deux siècles passés, dans le cas des sociétés européennes. Cela pour des raisons multiples, dont au moins deux s'imposent à l'attention d'une manière immédiate : a. La poussée démographique, due à l'implantation des techniques sanitaires modernes, devance de beaucoup l'accroissement des moyens de production ; b. La multiplication du nombre des points de déséquilibre, sociaux et économiques, est conséquente à une croissance économique incomplète et conditionnée du dehors. L'urgence où se trouvent les gouvernements d'apporter des solutions aux problèmes ainsi posés, la possibilité d'introduire des techniques complexes, conduisent à envisager un développement accéléré. Il n'est pas concevable que le procès graduel, qu'a connu l'Occident, puisse se répéter. Un lent devenir y avait emporté dans un même mouvement les transformations économiques et sociales : il a été unique et ne s'est plus reproduit, même en Europe à l'époque où l'Allemagne devint une puissance industrielle. Par contre, les sociétés où se réalisa une modernisation tardive et rapide n'ont pu parvenir àleurs fins sans recourir à des techniques économiques et politiques impliquant la contrainte, et conduisant à une sorte de « marche forcée » au progrès. L'exemple du Japon paraît révélateur ; ce pays s'est construit en société industrielle grâce à une exaltation du prestige national et à une politique autoritaire opérant au détriment des libertés civiles [23]. On ne saurait donc oublier ce fait : le développement économique rapide exige un « climat » particulier et des méthodes qui ne peuvent s'inspirer de l'exemple occidental. Il requiert, selon la formule suggestive de A. Gerschenkron, « un New Deal des émotions » [24].

c. En troisième lieu, si l'on rappelle que toute société développant ses forces productives tend à devenir expansive, on doit noter une différence fondamentale entre les opportunités actuelles et celles qui s'offraient aux sociétés dites « avancées »à l'époque de leur révolution industrielle. Ces dernières trouvaient de larges possibilités d'expansion dans les zones déprimées que recelait le monde du XIXe siècle ; pour elles, selon la formule de J. Ferry, « la politique coloniale est (sans trop de difficultés) fille de la politique industrielle ». Elles ont pu assurer leur progrès en s'appuyant sur les pays économiquement attardés et en mettant ces derniers à leur service. La situation est aujourd'hui toute autre, presque inversée : les sociétés en cours de transformation sont soumises à une forte pression au niveau de leurs frontières et ont à s'insérer dans un réseau d'échanges strictement contrôlé par les « puissances ». Elles accèdent àl'activité économique moderne à un moment où le marché mondial est structuré. On conçoit donc que la solution soit loin de dépendre d'elles seules.

d. Enfin, s'il est vrai que le développement n'est pas seulement un fait d'ordre matériel et technique, il est nécessaire d'accorder la plus minutieuse attention aux conditions culturelles et sociales auxquelles ce dernier est associé. Il est créateur de discordances, en même temps qu'il apparaît comme un complexe de changements interdépendants.

Soulignons au moins les plus apparents de ces aspects. Ni les civilisations asiatiques, ni le monde musulman et le monde négro-africain n'auraient, maintenus isolés dans leurs frontières respectives, accordé la priorité aux activités technico-économiques. Ils manifestent d'autres options, d'autres modalités de l'existence. Si bien qu'il y a rupture entre les buts modernes qu'ils sont incités à poursuivre et le dynamisme qu'ils recèlent sous leurs formes traditionnelles. D'un autre côté, les pays « attardés » accèdent au progrès matériel à un moment où s'impose l'organisation d'ensembles politiques à grande échelle. Or, les sociétés que portent ces pays sont en général structurées à petite échelle, affaiblies par les particularismes ; elles ont à se construire en tant que nation ou fédération en même temps qu'elles se modernisent et s'industrialisent - deux phases qui furent séparées (ou au moins décalées) dans le cas de l'Histoire européenne. Surtout, dans la mesure où le procès de modernisation ne correspond pas à un mouvement interne, mais révèle le jeu d'influences extérieures, les pays attardés ont une possibilité de choix quant au modèle de développement qu'ils entendent adopter. Il n'y a pas, pour eux, de phases « nécessaires » du développement (dans le sens où le capitalisme a représenté une phase inéluctable du progrès de l'Ouest Européen), mais la possibilité de faire appel à la formule qui semble la plus efficace et la plus appropriée aux conditions locales. Ce choix ne s'effectue pas sans heurts et sans incertitudes, pour des raisons qui tiennent au rapport local des forces socio-économiques et au retentissement international qu'à l'adoption de telle ou telle formule.

Ces remarques, en dehors des données culturelles sur lesquelles il est insisté dans une autre partie de l'ouvrage, montrent assez le caractère spécifique du procès de développement affectant les pays attardés. Mais il reste nécessaire d'insister sur le fait que ce procès a d'importantes implications et conséquences extérieures au pays qu'il transforme ; nous retrouvons ici l'aspect relationnel présenté d'abord comme fondamental. Une transformation des relations internationales, dans le sens d'une aide en capital et en moyens techniques, d'une réorientation des échanges propice à une meilleure accumulation du capital local, reste indispensable. D'un autre côté, le progrès des zones « attardées » modifie les relations de puissance et affecte les marchés des pays industriels. Diverses études ont évoqué ces derniers effets en considérant le processus d'industrialisation : incidences destructrices sur le marché, compétitions accrues dans certains des secteurs industriels ; ils peuvent être compensés en partie par la demande de biens d'investissements et de produits nouveaux trouvant un écoulement à la faveur d'une élévation des niveaux de vie. Mais les risques néanmoins apparaissent réels pour certains représentants des pays équipés. Un ouvrage comme celui de E. Staley, The Future of Underdeveloped Countries, est révélateur : si les U.S.A. ne peuvent concevoir de contrarier l'industrialisation des pays attardés, ils ont néanmoins le souci de maintenir leur « leadership industriel » (industrial leadership). De même, les difficultés rencontrées à l'intérieur des Nations Unies, pour obtenir des grandes puissances la création d'un fonds d'aide aux pays « attardés », sont significatives ; elles révèlent les incertitudes de ces dernières autant que leurs antagonismes.

On comprend ainsi que le problème du sous-développement, s'il exige, pour être résolu, une transformation des structures internes, requiert tout autant un réaménagement des relations internationales. En ce domaine, il n'est pas suffisant d'espérer une collaboration intensive, associant toutes les nations, et de réactiver les investissements privés ou les échanges commerciaux. Introduire de nouveaux partenaires dans le système de l'économie moderne, construire de nouveaux ensembles socio-politiques, ce n'est possible qu'à la condition que les pays dits développés réalisent eux aussi les « mutations » nécessaires.



[1] Cf. LÉVI-STRAUSS. La notion d'archaïsme en ethnologie. Cah. Intern. de Sociologie, XII, 1952.

[2] G.F. HUDSON. Stern und Unstern über Asien. Der Monat, 42, mars 1952, p. 594.

[3] C. LÉVI-STRAUSS, Race et Histoire, 1952, p. 37 notamment.

[4] M. FANNO, La téoria economica della colonizzazione. Edizioni Einaudi, 1952, p. 149.

[5] Constatation que fait à nouveau le rapport de la 22e session du Conseil économique et social des Nations Unies : « L'écart entre la production des pays économiquement développés et celle des autres pays est allé en s'agrandissant ».

[6] Cf. pour des indications sur le rôle du nationalisme notamment : D.R. GADGIL. Preconditions of Economic Development, Indian Economic Review, Feb. 1952, p. 17-18.

[7] The Industrialization of Backward Areas, Oxford, 1947, VII, 112 p.

[8] Étude de F. NOTESTEIN dans : Demographic studies of selected areas of rapid population growth, Milbank Memorial Fund, New-York, 1944.

[9] Cf. l'ouvrage bien révélateur de E. STALEY, The future of under-developed countries, New-York, 1954 ; citation : p. 124.

[10] J. HARMAND. Domination et Colonisation. Paris, 1910.

[11] Op. cit., fin du chapitre V, p. 153 ss.

[12] R. KÖNIG, Introduction à une sociologie des zones dites « sous-développées ». In : Congrès International d'Étude sur le Problème des zones sous-développées. Aspects Sociologiques. Milan, 1954, p. 8.

[13] S.H. FRANKEL. The economic impact on under-developped societies, Oxford, 1953, p. 11.

[14] Ibid, p. 11.

[15] Ibid., p. 9.

[16] C. PONSARD. Économie et Espace. Paris, SEDES, 1955, p. 219-225 notamment.

[17] Une controverse a opposé M.R. Caillois, défenseur de la prééminence de la civilisation occidentale, à C. Lévi-Strauss qui affirmait la valeur respective des différentes civilisations et montrait que toute révolution en matière de civilisation est, selon l'expression déjà citée, le fruit d'une véritable « coalition culturelle », Dv. C. Lévi-Strauss, « Diogène couché, », Les Temps Modernes, no 110, 1955.

[18] Domination et Colonisation, p. 32.

[19] Étude déjà citée, p. 15.

[20] Cf. A. GERSCHENKRON, Economic Backwardness in Historical Perspective, in : The Progress of Underdeveloped Areas.

[21] KHOUW BIAN TIE, The Development of Middle Class in Indonesia, 290 session de 'l'INCIDI, 1955.

[22] Cf. le chapitre particulier, dans la deuxième partie de ce volume.

[23] Cf T. VEBLEN. The opportunity of Japan, in : Essais in our Changing Order, New-York, 1934. Et G.B. SANSON, The Western World and Japan, New-York, 1950.

[24] Op. cit.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 8 mars 2009 10:58
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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