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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Guy Lafleur, Yao Assogba et Louis Favreau, “Solidarité internationale: relever les nouveaux défis du développement et de la démocratie.” Un article publié dans la revue NOUVELLES PRATIQUES SOCIALES, vol. 4, no 1, 1991, pp. 21-25. Université du Québec à Montréal. [Autorisation de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales accordée par l’auteur le 9 juillet 2012.]

[21]

Guy Lafleur, [AQOCI],
Yao Assogba et Louis Favreau [UQO]

Solidarité internationale:
relever les nouveaux défis du développement
et de la démocratie
.”

Un article publié dans la revue NOUVELLES PRATIQUES SOCIALES, vol. 4, no 1, 1991, pp. 21-25. Université du Québec à Montréal.

Les auteurs

Guy Lafleur

Association québécoise des organismes de coopération internationale [AQOCI]

Yao Assogba et Louis Favreau
Université du Québec à Hull

Si l'humanité actuelle formait un seul État-nation, l'actuelle division Nord-Sud en ferait une entité semi-féodale, déchirée par des querelles internes, et non viable ! Une petite partie d'elle est avancée, prospère et puissante ; une bien plus grosse partie est sous-développée, démunie, impuissante. Une nation ainsi divisée à l'intérieur serait reconnue instable. Un monde ainsi divisé doit être également reconnu intrinsèquement instable. Et la situation ne s'améliore pas, elle empire...

[22]

Ce tableau, on le trouve dans un rapport intitulé Le Sud : face aux défis de l'avenir, préparé par la Commission du Sud. Formée de 28 membres, intellectuels et dirigeants politiques du Sud, la Commission amorçait ses travaux en 1987, sous la présidence de Julius Nyerere, ex-président de la Tanzanie.

C'est ce tableau du monde présent, aussi bref que saisissant, qui sert de toile de fond au dossier principal de ce numéro de Nouvelles pratiques sociales, consacré aux pratiques des organismes de coopération internationale (OCI), traditionnellement connus sous le terme organisations non gouvernementales (ONG) de développement.

La persistance et même l'aggravation, après trois décennies « d'aide au développement » (gouvernementale) et de coopération-solidarité (non gouvernementale), des problèmes du mal-développement mettent, à vrai dire, les ONG, au Nord comme au Sud, au défi de redéfinir leurs objectifs, leurs stratégies et leurs formes d'intervention. Ce monde instable et divisé, décrit par la Commission du Sud, affligé à la fois par le surdéveloppement et le sous-développement, qu'est-ce qui peut le changer ? Quelles sont les forces porteuses d'un développement durable et équitable, juste ? Toutes ces questions sont aujourd'hui à reprendre. Le présent numéro veut rendre compte de la manière dont les OCI reprennent ces questions.

C'est non seulement le bilan réaliste de 25 ans de coopération qui interpelle les OCI. Ce sont aussi les réalités et les tendances actuelles des rapports Nord-Sud. D'une part, en effet, le dialogue Nord-Sud au niveau des gouvernements - et dont on attendait tant au milieu des années 70 - a achoppé. Il est dans l'impasse (les pays du Nord n'en veulent pas) ou il n'a que reconduit, même modernisées, les vieilles dépendances du Sud à l'égard du Nord. Les ONG, du Nord et du Sud, prendront-elles en charge la relance et la poursuite de ce dialogue plus nécessaire que jamais, amorcé déjà dans des milliers d'expériences, d'échanges et de solidarité, entre mouvements populaires du Nord et du Sud ?

D'autre part, modernisation et globalisation de l'économie redéfinissent la division internationale du travail et les rapports Nord-Sud. Dans ce contexte, et sous le leadership des Sept, des institutions financières multilatérales (tels le Fonds monétaire international et la Banque Mondiale) en sont venues à jouer un rôle stratégique : d'harmonisation des économies des pays riches et de restructuration-ajustement des économies du tiers monde (par le biais des programmes d'ajustement structurel). On voit aussi les politiques d'aide au développement de nos gouvernements évoluer vers « le soutien à l'ajustement structurel » des économies du tiers monde... plutôt qu'à leur développement. Les ONG, au Nord comme au Sud, se trouvent [23] donc à un carrefour. Choisiront-elles de s'engager dans l'action « assistancielle », destinée à atténuer les effets négatifs des programmes économiques d'ajustement, comme les y invitent de plus en plus la Banque Mondiale et les agences gouvernementales d'aide ? Ou bien, conscientes de l'impact des politiques et de la macro-économie sur le développement, se donneront-elles les moyens d'intervenir sur ces politiques, au-delà du soutien aux micro-projets de développement qui a caractérisé leur action depuis 25 ans ?

Enfin, le renforcement et la multiplication des mouvements populaires et des ONG, au Sud, presse les ONG du Nord à revoir leur rôle, à redéfinir leurs relations avec les organisations du Sud. Ne s'agit-il pas d'être moins des bailleurs de fonds que des alliés (des ONG et des mouvements populaires du Sud) capables de faire pression ici sur la définition des politiques affectant le Sud ? Ne s'agit-il pas d'être moins des sous-traitants de l'aide gouvernementale que des canaux, des facilitateurs d'échanges entre organisations homologues, entre mouvements sociaux du Nord et du Sud ?

Voilà les grandes lignes de réflexion et d'interrogations qui traversent les articles du présent numéro. L'entrevue (hors-dossier) réalisée auprès de Tim Brodhead, du Conseil canadien pour la coopération internationale, et l'article de Guy Lafleur sur l'évolution politique de l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) retracent l'évolution des organisations canadiennes et québécoises de coopération et de solidarité. Ils mettent cette évolution en rapport avec la transformation des rapports internationaux eux-mêmes. Chacun à leur façon, ils soulignent les grands choix qui s'offrent aux ONG pour les prochaines années : soutenir les grandes politiques de la Banque Mondiale et des agences gouvernementales d'aide - fût-ce en atténuant les effets négatifs sur les pauvres du tiers monde - ou s'engager résolument aux côtés d'acteurs sociaux de changement qui, au Sud et au Nord, luttent pour une autre vision du développement ?

Sous la forme d'un conte, Yao Assogba raconte un rêve qu'il a fait. Rêve lucide ! Où il fait le bilan d'une coopération qui, même non gouvernementale, a amené le plus souvent les ONG du Nord à se substituer, elles et leur vision du développement, aux populations du tiers monde. Pour l'avenir, il rêve, oui, mais cette fois d'une coopération qui serait axée sur le soutien aux initiatives des acteurs sociaux fondamentaux des sociétés du Sud : mouvements paysans, organisations de femmes, organisations démocratiques de toutes sortes.

[24]

Gabrielle Lachance, directrice de Développement et Paix, l'un des principaux OCI canadiens, retrace dans le même sens l'évolution des engagements de son organisation en Afrique. Des interventions désormais moins ponctuelles, plus intégrées à un programme de soutien à des organismes partenaires mieux choisis : le choix des « partenaires », les modalités de relations à ces partenaires deviennent les éléments critiques, stratégiques de la coopération. Mme Lachance souligne, en conclusion, que « l'absence quasi totale de liens entre les mouvements populaires du Sud (Afrique) et du Nord constitue à ce jour une lacune ». Elle indique par là même le défi peut-être le plus important que souhaitent relever bien des OCI ces prochaines années : devenir des facilitateurs d'échanges entre les vrais acteurs du changement, les mouvements sociaux du Nord et du Sud.

Franklin Midy, dans son article sur le mouvement social haïtien, les ONG et l'aide canadienne, indique, lui aussi, tout aussi clairement, qu'il n'y a d'avenir pour l'aide et la coopération qu'à s'engager du côté du mouvement social. En Haïti, c'est ce mouvement, dans sa diversité et sa multiplicité, qui a renversé la dictature et porté, contre toute attente, un gouvernement populaire au pouvoir. Les ONG haïtiennes, comme les OCI canadiens et l'aide gouvernementale, doivent définir leurs priorités en regard de ce mouvement ; car le développement et le renforcement de la société civile, de ses organisations sont la condition de la démocratie et du développement futurs d'Haïti.

Louis Favreau analyse pour sa part les grandes étapes du développement de l'organisation communautaire en Amérique latine. Entre le niveau « local » et le niveau « global » prend forme un espace intermédiaire où les organisations sociales redéfinissent le politique et agissent concrètement sur les politiques nationales. N'y a-t-il pas là, pour les ONG du Nord et du Sud, soucieuses de soutenir les « acteurs de changement », l'ouverture d'un nouveau champ pour la coopération et pour la solidarité ?

Enfin, les articles de Tchabouré Aymé Gogue, de Suzanne Champagne et celui (hors-dossier) de Lucie Fréchette constituent d'intéressants documents, à caractère plus « monographique », qui abordent des situations bien spécifiques et concrètes. Mais ils n'en illustrent pas moins le propos général de ce numéro de NPS. L'article de Gogue montre comment les ONG au Togo ont connu une évolution rapide et importante ces dernières années. Elles doivent toutefois, affirme-t-il, se mettre à l'écoute de la population et de ses organisations de base, développer une approche favorisant la participation « interactiviste » si elles veulent jouer pleinement leur rôle. Suzanne Champagne fournit d'utiles informations sur le mouvement des femmes au Burkina-Faso et sur les formes de soutien que les [25] OCI pourraient lui apporter. Lucie Fréchette raconte, à travers son entrevue avec Mario Lula, une expérience d'organisation communautaire brésilienne... qui peut inspirer des intervenants d'ici. Après tout, n'est-ce pas une dimension fondamentale de la coopération et de la solidarité de reconnaître que « le tiers monde a autant à nous apprendre que nous avons à lui apporter » ?

En conclusion, il ressort de ce dossier que l'enjeu somme toute le plus radical de la solidarité Nord-Sud pour les prochaines années, c'est la « promotion et l'animation de la démocratie ». Sans société civile forte, irriguée par les débats et la vitalité de multiples organisations, tout État devient un monstre centralisateur, inhibiteur de la vie démocratique. Cela est vrai au Sud. Les OCI le comprennent désormais mieux : ils commencent à mieux percevoir que leur « spécificité non gouvernementale » leur donne l'occasion de collaborer au développement, dans le Sud, de cet espace non gouvernemental, social, sans lequel il ne peut y avoir une vraie démocratie.

Le défi du développement et de la démocratie se pose aussi au Nord. Car ici aussi, la démocratie est fragile. Il ne faut pas être dupe d'une rhétorique qui confond libéralisation des marchés... et libertés démocratiques. Parce que nous consommons beaucoup, nous nous croyons en démocratie vigoureuse. Mais pendant ce temps, les gouvernements soustraient aux débats publics les politiques dont les enjeux sont cruciaux pour l'avenir : environnement, relations internationales, etc.

L'authenticité de la solidarité des OCI à l'égard des organisations du Sud se mesurera en réalité à leur engagement ici, en faveur du développement et de la démocratie, à leur engagement et leur alliance avec les acteurs du changement dans nos propres sociétés.

Puisse la présente publication rendre compte à la fois du chemin déjà fait et de celui qui reste à faire, au Québec, sur la longue route de la solidarité internationale.



Retour au texte de l'auteur: Yao Assongba, sociologue, Université du Québec en Outaouais Dernière mise à jour de cette page le samedi 27 juin 2015 7:25
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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