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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Yao Assogba, La sociologie est-elle une science ? Entretien avec Raymond Boudon
et systématisation de la démarche d'explication en sociologie
. (2004)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Yao Assogba, La sociologie est-elle une science ? Entretien avec Raymond Boudon et systématisation de la démarche d'explication en sociologie. Québec: Les Presses de l'Université Laval, 2004, 137 pp. Une édition numérique réalisée par mon épouse, Diane Brunet, bénévole, guide de musée à la retraite. [Autorisation de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales accordée par l’auteur le 9 juillet 2012.]

[3]

LA SOCIOLOGIE
EST-ELLE UNE SCIENCE ?

Introduction

Parmi les grands sociologues contemporains, Raymond Boudon est sans doute celui qui a le plus approfondi divers thèmes de recherche. Il a développé une démarche sociologique originale sur le plan épistémologique et innovante du point de vue méthodologique, démarche qu'il a magistralement appliquée à l'analyse de phénomènes sociaux aussi variés que la mobilité sociale, l'inégalité des chances devant l'école, le changement social, les valeurs et les croyances collectives, les idées reçues, la rationalité de l'acteur, les mathématiques et les sciences sociales, etc. Ce « nomadisme thématique », selon l'expression même de Boudon (2001), présente à première vue ce sociologue iconoclaste comme le semeur qui jette des graines dans un champ sans sillons.

Mais quiconque porte un regard attentif sur son œuvre se rend aisément compte que les travaux de recherche de Raymond Boudon ont pour toile de fond une sociologie cognitive, c'est-à-dire une sociologie capable de produire un savoir solide et neuf pour expliquer les phénomènes sociaux qui constituent à première vue une énigme pour le sens commun. À cet égard, dans sa préface à mon ouvrage sur la sociologie de Raymond Boudon (Assogba, 1999), Guy Rocher écrit en substance :

Dès ses premiers contacts avec la sociologie, il s'est rangé du côté des « scientifiques » plutôt que des « essayistes ». On peut dire de Raymond Boudon qu'il a pris la sociologie au sérieux, c'est-à-dire comme une discipline scientifique qui a, comme telle, ses exigences conceptuelles et méthodologiques. Il s'est ainsi inscrit dans la cohorte de ceux de nos prédécesseurs qui ont renoncé à séduire par les jeux du style littéraire, s'efforçant plutôt de convaincre par la démonstration la plus rigoureuse possible. À cet égard, Raymond Boudon se situe, et se plaît à le dire, dans la tradition de Tocqueville, Durkheim, Weber, Parsons.

[4]

Bien entendu, la sociologie joue aussi d'autres fonctions. Ainsi, on ne peut bien élucider un phénomène social qui paraît de prime abord opaque qu'en appréhendant et en décrivant le tout et les parties constituant ce phénomène. C'est la fonction descriptive des sciences sociales. La réalité pose également des problèmes de pratiques sociales auxquels on tente de trouver des pistes d'action susceptibles d'apporter les solutions les plus efficaces possibles. Ce rapport des agents sociaux aux conditions d'existence sociétales conduit certains sociologues à s'intéresser aux questions de réforme et de changement social à partir du savoir qu'ils ont produit. Cette préoccupation renvoie à ce qu'on peut appeler la fonction performative de la sociologie, laquelle vise des applications de la connaissance qu'on a de la réalité sociale. Au total, la sociologie peut répondre à de nombreux autres besoins selon les demandes de la société (Boudon, 2002a). Cependant, de toutes les fonctions de la « science du social », la fonction cognitive, qui génère l'explication des phénomènes sociaux, a été au centre des préoccupations des grands classiques de la sociologie. Mais cette fonction première semble avoir perdu son importance capitale. Or, si la sociologie réclamait une scientificité, ce serait par sa capacité de créer un savoir ayant une portée heuristique fort élevée.

Dans les sociétés contemporaines caractérisées par des changements rapides, le grand défi que les sciences sociales doivent relever consiste à clairement expliquer et comprendre les nouveaux phénomènes sociaux en émergence. Dans cette perspective, le retour en force de la fonction cognitive dans l'enseignement et la recherche en sociologie et dans les préoccupations des sociologues est appelé de tous les vœux. Par conviction de la scientificité des sciences sociales, Boudon n'a de cesse d'aller au-delà des simples vœux pour affirmer et pratiquer une sociologie à visée scientifique. Ses travaux de recherche et l'ensemble de son œuvre sont traversés horizontalement et verticalement par cette sociologie (Boudon, 2000, 1998a et 1971). Mais si les différents thèmes de la sociologie boudonienne ont fait l'objet d'études, de recherches, d'analyses et de commentaires, force est de constater, de façon paradoxale, que c'est la thématique sociologie cognitive qui a suscité le moins d'intérêt chez les chercheurs.

[5]

Le présent ouvrage, fort succinct, vise à offrir aux lecteurs la possibilité d'appréhender la nature (la forme ou la démarche et le contenu) de la sociologie à visée scientifique. Il a également comme objectif de sensibiliser le milieu universitaire à son importance pour l'avancement des connaissances dans la discipline. Pour conduire à bon port cette présentation, la voie méthodologique que nous empruntons est double. D'abord, un entretien en profondeur avec Raymond Boudon permet au sociologue « scientifique » d'expliciter, dans un langage pédagogique direct, simple et accessible, la définition des concepts-clés, des principes épistémologiques, ainsi que la démarche de la sociologie cognitive, puis d'illustrer chacun de ces éléments par des exemples puisés aussi bien dans les travaux des grands classiques que dans ceux des sociologues modernes ou contemporains. Pour compléter cet entretien, nous présentons une systématisation de la sociologie cognitive à partir d'une étude et d'une synthèse des analyses que Boudon en a faites dans ses divers travaux (articles, conférences, livres, etc.). La deuxième partie du livre s'attache donc à l'élaboration et à la systématisation des éléments suivants qui composent la forme et le fond de la sociologie cognitive telle que comprise par Raymond Boudon : les concepts-clés, l'explication de texte, le langage, le style, les fondements épistémologiques, la méthodologie. Enfin, le tout est illustré par un échantillon de théories explicatives classiques et modernes de différents phénomènes sociaux. La conclusion répond d'abord à la question posée au début, c'est-à-dire la « sociologies est-elle une science ? » et attire ensuite l'attention sur le travail d'épistémologie positive qui devrait être fait au niveau de l'enseignement et de la recherche pour assurer le progrès de la sociologie.



Retour au texte de l'auteur: Yao Assongba, sociologue, Université du Québec en Outaouais Dernière mise à jour de cette page le samedi 27 juin 2015 7:23
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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