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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Yao Assogba, NOUS POUVONS CONTINUER À VIVRE ENSEMBLE. Mémoire à la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles (CCPARDC), Gatineau le 4 septembre 2007, 13 pp. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 14 août 2008 de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[1]

Yao Assogba
Professeur en travail social, Université du Québec en Outaouais

NOUS POUVONS CONTINUER
À VIVRE ENSEMBLE

Mémoire à la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles (CCPARDC), Gatineau le 4 septembre 2007, 13 pp.


« Comme les organismes, les cultures ne se conservent pas en restant à l'abri des courants d'air, mais par ce dynamisme créateur qui est le signe de la vie ». Fernand Dumont, Raisons communes, Boréal, 1995, p. 81.


Introduction

L'objectif de ce mémoire est de montrer qu'en dépit des soubresauts des dernières années causés par des demandes d'accommodements raisonnables reliées aux différences culturelles, il est possible de continuer à vivre ensemble dans la société québécoise démocratique, libérale, pluraliste et égalitaire. Le mémoire est composé de six parties qui s'intitulent respectivement : 1) Notion de valeur en sociologie, 2) Valeurs fondamentales du Québec moderne, 3) Demande sociale historique des valeurs de respect de la dignité humaine, 4) Effets des contingences historiques, 5) La démocratie comme régime politique et 6) Continuer à vivre ensemble : c'est possible.

[2]

1. Notion de valeur en sociologie

Les buts qu'entendent poursuivre les membres d'une société sont déterminés et définis à partir de la représentation qu'ils ont de ce qui est désirable et qu'ils puisent dans des idéaux collectifs. L'expression de ces principes fondamentaux qui orientent les préférences et les croyances collectives est désignée en sociologie par la notion de valeur. Les valeurs sont transmises, apprises, intériorisées et partagées par les individus d'un groupe social ou d'une société grâce à la socialisation. Par un processus d'agencement, les valeurs constituent un ordre idéal ou moral qui tient lieu de référence commune. Celle-ci se présente comme un fait irréductible, un noyau stable, à partir duquel les individus d'une société portent un jugement de valeur sur les objets concrets, les événements, les attitudes et les comportements des autres (Boudon, Besnard et al., 1999).

2. Valeurs fondamentales du Québec moderne

Le Québec moderne se définit par les valeurs fondamentales suivantes (Harvey, 1990 : 93 8-952) :

1. la langue et la culture françaises dans un océan anglo-saxon
2. la démocratie libérale et l'égalité
3. le pluralisme ethnique, culturel et l'interculturalisme
4. la forte tendance sociale à la laïcité

Toutes ces valeurs qui définissent l'identité nationale et font du Québec moderne une démocratie libérale, pluraliste et égalitaire ont été acquises à travers son histoire au cours de laquelle il s'est donné des outils nécessaires pour son développement économique, politique, social et culturel. Les institutions au sens large qui les incarnent et les symbolisent sont principalement la Charte des droits et libertés de la personne adoptée en 1975 ; la Charte de la langue française (la loi 101) adoptée en 1977 et/ou la Charte canadienne des droits et libertés.

Le grand public des communautés culturelles et des néo-Québécois partage ces valeurs sociologiques dans la mesure où on constate que, toutes choses étant égales par ailleurs, la régulation des différences ethnoculturelles et religieuses, qui constitue un grand défi pour toutes

[3]

les nations occidentales depuis la seconde moitié du XXe siècle, s'est faite jusqu'ici au Québec sans grande crise sociale comme ailleurs. Les néo-Québécois et les immigrants ont participé et contribué (et continuent de le faire) au développement économique, social, culturel et politique du Québec moderne

3. Demande sociale historique des valeurs
de respect de la dignité humaine


Dans les démocraties où l'égalité est une valeur fondamentale, le pluralisme culturel a induit un relativisme ambiant qui véhicule l'idée selon laquelle les sociétés démocratiques seraient de plus en plus dépourvues de valeurs communes. Les sociétés démocratiques et pluralistes seraient irrémédiablement caractérisées par un « polythéisme des valeurs ». Et la société québécoise n'échappe pas à ce courant de pensée. Or la cohésion sociale au sein de la société dépend de la nature de la relation humaine, c'est-à-dire du rapport à l'autre en tant que personne de « l'étranger ». C'est ce que les sociologues appellent l'altérité. Dans une société pluraliste, le « vivre ensemble » ne serait donc possible que si l'altérité se basait sur un univers de valeurs communes (Assogba, 2007). Les sociologues classiques Alexis de Tocqueville, Émile Durkheim, Max Weber et Georg Simmel ont soutenu la thèse selon laquelle dans toutes les sociétés humaines et au cours de toute l'histoire de l'humanité, on observe un processus de rationalisation et une tendance à la hausse d'une demande sociale des valeurs de respect de la dignité humaine (Boudon, 2006 ; Assogba, 2004).

L'arrêt Law c. Canada stipule que :

« La dignité humaine signifie qu'une personne ou un groupe ressent du respect et de l'estime de soi. Elle relève de l'intégrité physique et psychologique et la prise en main personnelle. La dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelles qui n'ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne. Elle est rehaussée par les lois qui sont sensibles aux besoins, aux capacités et aux mérites de différentes personnes et qui tiennent compte du contexte sous-jacent à leurs différences. La dignité humaine est bafouée lorsque des personnes et des groupes sont marginalisés, mis de côté et dévalorisés, et elle est rehaussée lorsque les lois reconnaissent le rôle à part entière joué par tous dans la société canadienne. Au sens de la garantie d'égalité, la dignité humaine n'a rien à voir avec le statut ou la position d'une personne dans la société en soi, mais elle a plutôt trait à la façon dont il est raisonnable qu'une personne se sente face à une loi donnée ». [1]

[4]

Certes, la dignité humaine n'a pas toujours prévalu dans la réalité, mais « l'individu a toujours eu le sens de sa dignité et que ce sentiment constitue la toile de fond sur lequel se déroule l'histoire des institutions et sans doute l'histoire tout court » (Boudon, 2002 : 79). L'individu a toujours évalué les institutions sociales à l'aune du respect qu'elles démontraient pour sa dignité en tant qu'être humain.

4. Effets des contingences historiques

Si les valeurs de dignité humaine sont irréversibles dans la mémoire individuelle et collective, les institutions qui les incarnent structurellement et symboliquement ne le sont pas par contre. Ainsi, les forces historiques peuvent faire avancer ou reculer la tendance à la demande sociale constante des valeurs de respect de la dignité humaine, remettant en cause les institutions qui en sont porteuses et garantes. Et lorsqu'on revisite l'histoire, on constate que ce sont les rechutes et les retours en arrière qui font très souvent l'histoire des Hommes. C'est le cas présentement des demandes d'accommodements raisonnables d'ordre religieux qui sont potentiellement ou pratiquement menaçantes, entre autres, pour les droits d'égalité entre les hommes et les femmes, à la laïcité sociale.

Ces accommodements (vrais ou faux) [2] reliés aux pratiques religieuses, demandés par quelques personnes issues de minorités ethnoculturelles, heurtent la sensibilité morale et politique du grand public québécois, y compris les immigrants et les néo-Québécois. À ce propos, je veux bien croire que ceux-ci font également partie des 601 Québécois sondés par CROP-La Presse [3] parmi lesquels 73% se disent inquiets des pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles.

Les grandes valeurs de respect de la dignité humaine demeurant irréversibles, il arrive un moment historique où les forces historiques soient favorables au maintien, au renforcement et/ou à [5] l'évolution des institutions sociales qui sont porteuses de ces valeurs irréversibles. Comme l'a dit Victor Hugo, « Il n'y a pas plus de recul d'idées que de recul de fleuves ». La Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles (Commission Bouchard-Taylor) symbolise en principe et dans les faits ce moment historique [4]. Le Québec fait face aujourd'hui à l'un des grands défis qui se posent en l'occurrence aux sociétés occidentales en ce XXIième siècle : être une société d'accueil d'immigrants qui garde son identité historique, sociale, culturelle et nationale, tout en étant une société qui devient de plus en plus pluriethnique et pluriculturelle.

5. La démocratie comme régime politique

Un régime politique est l'ensemble des institutions qui définissent les finalités et les modalités d'application de la politie, c'est-à-dire l'activité humaine qui cherche à « maîtriser les conséquences de la sauvagerie des passions humaines, en lui appliquant des règles reçues dans un groupement humain indépendant. Il est l'art du conflit, l'art de lui trouver une issue interne pacifique et une solution externe garantissant la sûreté et l'indépendance » (Baechler, 1985 : 9).

Selon le principe universel de la demande sociale des valeurs de respect de la dignité humaine, les différences culturelles n'impliquent pas l'absence de valeurs communes. Ce sont les valeurs de respect de la dignité humaine qui constituent, sur le plan historique de l'évolution des sociétés humaines, un ordre idéal ou moral qui tient lieu de référence commune. Selon Winston Churchill, la démocratie est le moins mauvais des régimes politiques historiquement connus : « La démocratie est la pire forme de gouvernement à l'exception de toutes les autres qui ont pu être expérimentées au fil de l'histoire ». [5] Autrement dit, dans l'histoire c'est la démocratie qui, malgré ses tares, se présente comme le régime politique qui a le mieux réussi à assumer jusqu'ici [6] l'exercice de la politie [6]. L'idée que les valeurs qui fondent la démocratie visent en principe le respect la dignité humaine, cette idée, elle, est irréversible.

6. Continuer à vivre ensemble : c'est possible

La métaphore de la « guerre des dieux » de Max Weber pour désigner le conflit inexpiable qui oppose les différents systèmes de valeurs dans les sociétés modernes ne constitue pas la seule solution à son autre métaphore, soit le « polythéisme des valeurs ». L'histoire montre que la « paix des dieux » est possible, car les Hommes sont capables de faire un choix des valeurs communes fondé sur la raison. Il faut espérer que les travaux de la Commission de la consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles contribuent à la rationalisation des valeurs communes à partir desquelles le vivre ensemble au Québec peut continuer. « Comme les organismes, dit Fernand Dumont, les cultures ne se conservent pas en restant à l'abri des courants d'air, mais par ce dynamisme créateur qui est le signe de la vie ». Toute l'histoire du Québec est marquée par ce « dynamisme créateur ». Le Québec est donc capable de réussir l'intégration pluriethnique et pluriculturelle là où d'autres sociétés ont échoué.

Dans le contexte pluriculturel et pluriethnique qui est le sien, la construction de la nouvelle société québécoise doit se faire autour des valeurs fondamentales du Québec moderne, à savoir la langue et la culture françaises, la démocratie libérale et l'égalité, l'interculturalisme, la forte tendance sociale à la laïcité. Ces valeurs qui définissent l'identité du Québec moderne ont pour principe le respect de la dignité humaine.

La langue et la culture françaises
dans un océan anglo-saxon


La langue est le véhicule de la culture d'un peuple, et l'identité d'un peuple est déterminée par sa culture. Dans cette perspective, on doit continuer de veiller à l'application de la Charte de la langue française (adoptée en 1977) qui fait du français la langue publique commune au Québec, et ce, conformément au principe de la démocratie libérale de respect des minorités linguistiques [7] (reconnues par la loi). Le français doit demeurer la langue d'intégration des nouveaux arrivants à la société québécoise. Les organismes communautaires qui représentent une force sociale au Québec peuvent former des réseaux informels ou formels de socialisation des immigrants et des nouveaux arrivants aux valeurs et aux pratiques sociales de la vie quotidienne au Québec (vie familiale, cuisine, loisirs, sports, fêtes, chansons et musique, mariages, anniversaires, etc.), aux arts et à la littérature. Bref, dans ce long processus d'intégration, les principaux agents de socialisation (famille, école, médias d'information, etc.) ont un rôle capital à jouer.

La démocratie libérale

Le régime politique du Québec est une démocratie en ce sens que le pouvoir public appartient au peuple, et il est libéral dans la mesure où les droits et libertés de la personne sont des valeurs fondamentales dans ce régime. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec, adoptée en 1975, garantit et protège ces deux valeurs ainsi que l'égalité. Mais le relativisme culturel qui se développe au nom de l'égalité peut remettre en cause la démocratie elle-même, lorsque la justice fait un rapprochement entre le droit et les prétendus traits culturels de certaines catégories de personnes ou des groupes sociaux.

Exemple. En 1994, une juge de la Cour supérieure du Québec, avait pris en compte des « facteurs culturels » pour condamner à 23 mois (seulement) de prison un homme, appartenant à un groupe ethnoculturel donné, reconnu coupable d'avoir sodomisé sa belle-fille de neuf. En 2003, un avocat du Québec dont le client, appartenant lui aussi à une communauté ethnoculturelle précise, était accusé de proxénétisme impliquant des filles mineures, a déclaré que la prostitution est une composante de la culture d'origine de son client [7]. Pour ne pas ébranler ses bases démocratiques, la société québécoise pluraliste doit « proscrire » de tels jugements.

[8]

La politique québécoise d'intégration repose sur l'interculturalisme qui est un modèle d'intégration préconisant des « rapports harmonieux entre les cultures, fondés sur l'échange intensif et axés sur le mode d'intégration qui ne cherche pas à abolir les différences » (CCPARDC, 2007 : 42). Ce modèle s'oppose au multiculuralisme canadien qui favorise le communautarisme, et à la limite, la formation des ghettos. L'histoire de la société québécoise montre qu'elle est capable d'interculturalité.

« Toutes les cultures empruntent, et depuis toujours. La culture de la France, comme les autres, a tiré son originalité d'un prodigieux brassage d'influences. (    ). Dans ces cas-là comme dans celui de notre culture, on n'atteint pas l'essentiel en inventoriant des traits irréductibles à toute ressemblance étrangère. Ce qui fait l'originalité d'une culture, ce n'est pas son repli sur quelque distinction originaire, mais sa puissance d'intégration » (Dumont, 1995 : 80-81).

En effet, la québécité tire ses racines dans la francité, c'est-à-dire l'esprit de la francophonie. Or selon Senghor, la francophonie est une entreprise révolutionnaire parce renouvellement. La francophonie québécoise est déjà fécondée par les principales sphères culturelles suivantes : l'amérindienphonie, l'anglophonie et l'américanité. Elle a certainement intégré à un certain degré d'autres sphères culturelles (méditerranéennes, la sinophonie, etc.). La francophonie dans son grand ensemble est un métissage culturel de la francité, de la canadiennité, de la québécité, de l'africanité (symbiose complémentaire de l'arabisme et de la négritude), de l'asiacité, etc. Selon toujours Senghor, toutes ces sphères culturelles s'intégreront pour construire demain la « Civilisation de l'Universel » (Assogba, 1996).

Il faut noter qu'il y a des tensions quasi permanentes entre les deux modèles d'intégration des nouveaux arrivants. Un des défis de la Commission Bouchard-Taylor serait de proposer des mécanismes juridiques et politiques pour résoudre ces tensions, du moins pour limiter leurs effets pervers pour la société québécoise. Car « Tant que le Québec n'aura pas fait le choix d'opter définitivement pour l'un ou l'autre de ces deux modèles - ou bien en se débarrassant du modèle libéral anglo-saxon que nous impose le régime canadien, ou bien en abandonnant le modèle [9] d'inspiration républicaine qui a accompagné son histoire jusqu'ici - la question des « accommodements raisonnables » continuera inévitablement de faire débat au Québec » [8].

La laïcité

Depuis la Révolution tranquille, il y a eu une forte tendance sociale à la laïcité au Québec. Mais aujourd'hui en matière de religion la société québécoise se caractérise par une pluriconfessionnalité. Les cas d'accommodements pour des motifs religieux et aux différences culturelles que le Québec a connus ces dernières années [9] semblent avoir heurté la sensibilité de la laïcité sociale du grand public.

Par ailleurs, il important de noter que la majorité des demandes d'accommodements raisonnables reçues par la Commission des droits de la personne (CDP) ne sont pas d'ordre religieux. Exemple. Entre 2000 et 2005 la CDP a reçu 4000 demandes, et sur ce total, à peine 85 sont reliées aux motifs religieux, soit 2%. Plus de la moitié des accommodements raisonnables des dernières concernent les personnes handicapées. Les protestants déposent plus de plaintes reliées à la pratique religieuse (mais elles font rarement la manchette des médias) que les musulmans ou les juifs.

« Il existe un sens commun moderne, qui nous permet, en dépit de divergences sur nos convictions éthiques, nos systèmes de valeurs et nos visions du monde, de nous entendre sur des normes communes. (...). Mais ce sens commun moderne ne doit pas être apprécié à l'aune du religieux. En effet, ce qui, dans nos sociétés, relève de la culture publique, ce qui entre dans les [10] structures logiques de la raison publique repose plutôt sur une ex-communication politique du religieux. C'est là un fait historique et, à vrai dire, le fait qui, bien avant Nietzsche et Weber, avait pris acte à sa manière de la guerre des dieux et du polythéisme des valeurs, pour apporter une réponse politique au problème de la pacification sociale » (Ferry, 2002 : 78).

L'expression ex-communication politique du religieux utilisée par Fleury est absolue, car elle ne semble pas tenir compte du fait la notion de laïcité est polysémique. Le contexte québécois ne permet sans doute pas une prise de position aussi absolue. Le Québec aura donc à choisir le type de laïcité qui lui serait le plus approprié (entre la laïcité « intégrale » ou la laïcité « ouverte ») comme étant une société pluraliste, démocratique, libérale et égalitaire.

Déjà en 2005, la Commission des droits de la personne, dans un document intitulé « Le pluralisme religieux au Québec, un défi d'éthique sociale », plaçait le Québec devant la polysémie de la laïcité.

« À moyen terme, la question des clauses dérogatoires renvoie à une autre question, plus vaste et plus exigeante, celle de la laïcité. Au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, le Québec s'est engagé dans un processus de laïcisation. Tout en étant une tendance historique forte au Québec, l'aspiration sociale et politique à la laïcité comporte encore ses zones d'ombre. De quelle laïcité voulons-nous, au juste ? D'une laïcité réfractaire par principe à toute présence du fait religieux dans l'espace public ? D'une laïcité sensible au fait religieux, prônant simplement la neutralité de l'État face à ce dernier ? D'une laïcité où l'État s'engagerait à respecter l'expression de la religion dans la sphère publique en retour d'un engagement des religions à « respecter l'esprit des chartes des droits ». comme le proposait l'an dernier le Conseil des relations interculturelles ? Ou encore d'une forme spécifiquement québécoise de laïcité, toujours respectueuse des chartes des droits, et qu'une délibération collective approfondie permettrait de mieux définir ? » {Le Devoir, le mercredi 15 juin 2005) [10].

[11]

A. Remarque.

Le vivre ensemble en société (famille, réseau d'amis, milieu de travail) nécessite des mesures qui favorisent l'harmonisation entre les citoyens, membres d'une famille, association, etc. Ceci est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'une société pluriculturelle ou pluriethnique. Les mesures d'harmonisation font pratiquement partie de la vie quotidienne des individus, des institutions publiques et privées, etc. Les pratiques d'harmonisation sont dictées par le principe général ou le souci d'égalité et d'équité.

À la page 2 du Document de consultation, la CCPARDC présente l'origine historique, juridique, les champs d'application et les différentes catégories de bénéficiaires des accommodements raisonnables. Aux pages 27-30, les auteurs du document présentent les différentes pratiques d'harmonisation dans la vie quotidienne des gens, des groupes ainsi que des institutions publiques, privées et des organismes communautaires. Ces élaborations sont très éclairantes pour le lecteur.

B. Recommandation

Que la CCPARDC vulgarise publiquement ces informations sous formes de publicité dans les médias (journaux, radio, TV, etc.). Cela éclaira toute la population québécoise.

Conclusion

« L'être humain, a dit Kant, est bien sûr assez loin de la sainteté, mais l'humanité en lui est sainte ». Par-delà la diversité des valeurs, par-delà les différences culturelles, il est donc possible de repérer un noyau naturel commun qui soit l'action fondatrice de toutes les sociétés. Le Québec n'échappe pas à ce principe humaniste fondamental.

[12]

Références bibliographiques

ASSOGBA, Yao (2007). « Pot-pourri d'un néo-Québécois », dans Le Devoir, lundi 23 Juillet, p. A7.

ASSOGBA, Yao (2004). « État de la question sur l'étude de valeurs », dans Gilles Pronovost et Chantal Royer (Sous la direction de), Les valeurs des jeunes, Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec, p. 11-29.

ASSOGBA, Yao (1996). « Une deuxième Révolution tranquille au Québec », dans L'Agora, vol. 3, no 8, p. 15-16.

BAECHLER Jean (1985). Démocraties, Paris, Calmann-Lévy.

BOUDON, Raymond (2006). « À propos du relativisme des valeurs : retour sur quelques intuitions majeures de Tocqueville, Durkheim et Weber », dans Revue française de sociologie, vol. 47, no 4, octobre-décembre, p. 877-897.

BOUDON, Raymond (2002). Déclin de la morale ? Déclin des valeurs !, Paris, Presses universitaires de France.

BOUDON, Raymond, Philippe BESNARD et al. (1999). Dictionnaire de sociologie, Paris, Larousse Bordas.

CCPARDC (Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles), Accommodements et différences. Vers un terrain d'entente : la parole aux citoyens). Document consultation, Gouvernement du Québec, 2007.

DUMONT, Fernand (1995). Raisons communes, Montréal, Boréal.

FERRY, Jean-Marc (2002). « La guerre des dieux n'aura pas lieu », dans Le nouvel Observateur, Hors-Série, janvier 2002, p.78-80.

HARVEY, Fernand (1990). « Des valeurs pour une société nouvelle », dans L'Action nationale, vol. 80, no7, p. 93 8-952.

de JOUVENEL, Hugues (1997). « Long terme et démocratie », dans Futuribles, no 224, octobre, p.3-4.

REVUE DU MAUSS, « Y a-t-il des valeurs naturelles ? », no 19, premier semestre 2002, p. 25-149.

[13]

Journaux et périodiques

Le Droit, lundi 27 août 2007.

Le Devoir, mardi 28 août 2007.

Le Devoir, lundi 23 Juillet 2007.

Le Devoir, le mercredi 15 juin 2005.

Le Devoir, mercredi 7 janvier 2004.

L'Actualité, 15 septembre 2007.

Le nouvel Observateur, Hors-Série, janvier 2002.

L'Agora, vol.3, no 8, juin 1996.



[1] L'arrêt Law c. Canada {Ministère de l'Emploi et de VImmigration), au paragraphe 53.

[2] L'actualité, 15 septembre 2007.

[3] Lire Le Droit lundi 27 août 2007.

[4] Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles, Accommodements et différences. Vers un terrain d'entente : la parole aux citoyens. Document de consultation, Gouvernement du Québec, 2007.

[5] Mots prononcés par Winston Churchill à la Chambre des communes, Londres, 11 novembre 1947. Voir Hugues de Jouvenel, « Long terme et démocratie », dans Futuribles, no 224, octobre 1997, p. 3-4.

[6] Revue du Mauss, « Y a-t-il des valeurs naturelles ? », no 19, premier semestre 2002. Lire notamment la section I « Naturalité et démocratie », p. 25-149.

[7] Yao Assogba, « Les effets pervers de l'hyper relativisme culturel. Le droit et le contexte culturel peuvent-ils faire bon ménage ? », dans Le Devoir, 7 janvier 2004, p. 4. [Article disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[8] Danic Parenteau « Pourquoi un tel débat au Québec », dans Le Devoir, le mercredi 28 août 2007, p. A7.

[9] Cas d'accommodements (au sens large) liés aux différences culturelles des dernières années au Québec : l'érouv et la souccah à Outremont ; des lieux de prière à l'école de technologie supérieure, le port du kirpan dans une école de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys à Montréal, des vitres givrées du YMCA de l'Avenue du Parc à Montréal, de la cabane à sucre de Mont-saint-Grégoire en Montérégie, des abutions dans les lavabos de divers établissements ou de l'annonce faite par le Directeur général des élections du Québec autorisant les électrices portant le niqab ou le burka à voter sans avoir à découvrir leur visage pour s'identifier (CCPARDC, 2007 : 2).

[10] Nous avons souligné.



Retour au texte de l'auteur: Yao Assongba, sociologue, Université du Québec en Outaouais Dernière mise à jour de cette page le samedi 27 juin 2015 7:17
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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