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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Yao Assogba, “Nouveau plan Marshall pour l’Afrique: une autre course à l’illusion du développement.” Université du Québec en Outaouais, 2002, 2 pp. [Autorisation de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales accordée par l’auteur le 9 juillet 2012.]

Yao Assogba

Professeur en travail social, Université du Québec en Outaouais

Nouveau plan Marshall pour l’Afrique:
une autre course à l’illusion
du développement
.”

Université du Québec en Outaouais, 2002, 2 pp.

Depuis plus de quarante ans, le développement en Afrique est le domaine où chaque échec constaté devient l’occasion d’un "nouveau sursis". C’est également le domaine où des promesses inlassables sont répétées et de "nouvelles" expériences toujours reproduites.

C’est dans une approche similaire que s’inscrivent l’idée d’un plan Marshall pour l’Afrique émise par le G8 à Gène (Italie) en juillet 2001 et le Nouveau Partenariat pour le développement en Afrique (appelé NEPAD) proposé par les États africains. (Le Devoir, 20 et 21 avril 2002). L’application de ce "plan" estimé à 100 milliards de dollars mise essentiellement, comme d’habitude, sur de l’aide et des investissements extérieurs. Il sera discuté au prochain sommet du G8 à Kananaskis, en Alberta, du 26 juin au 27 juillet 2002, où l’on espère que les dirigeants pays les plus industrialisés s’entendront sur un plan d’aide à l’Afrique. En échange, les États africains "s’engagent" à améliorer leurs économies, à démocratiser leurs régimes politiques et à respecter les droits de la personne. C’est un discours similaire qu’on tenait dans les années 1980 de la "Bonne gouvernance" ambiante.

Depuis la fin des années 1970, une dizaine de documents "fondamentaux" ou plans ont été élaborés pour l’Afrique. Il s’agit de : la Stratégie de Monrovia pour le développement économique de l’Afrique (SMDED, 1979), le Plan d’Action de Lagos (1980), le Rapport sur le développement accéléré en Afrique au sud du Sahara ou Rapport Berg (Banque mondiale, 1981), Le Programme d’action des Nations Unies pour le redressement et le développement économique de l’Afrique (PANUREDA, 1986), la Déclaration de Khartoum (1988). Ensuite, il y a eu le Rapport sur l’ajustement et la croissance en Afrique (ACA), les Programmes d’ajustement structurels (PAS) et le Cadre africain de référence pour les programmes d’ajustement structurels en vue du redressement et de la transformation socio-économique (CARPAS, la Charte africaine pour la participation populaire au développement (CAPPPD, 1990) et maintenant le NEPAD (2001). Selon le Premier ministre Jean Chrétien, porte-parole du G8, le NEPAD sera un nouveau départ qui fera du XXIe siècle, "un siècle où l’Afrique fera vraiment partie de la communauté internationale". (Le Devoir 13 et 14 mars 2002). On peut effectivement dire que depuis 400 ans, l’Afrique ne fait pas "vraiment partie de la communauté internationale" dans la mesure où, elle est victime de son intégration forcée et de sa position périphérique dans le système économique mondial. L’Afrique n’a t-elle pas été saignée par l’esclavage, exploitée par la colonisation et la néo-colonisation ? M. Chrétien a raison d’espérer "un nouveau départ" pour l’Afrique, car ce départ fut problématique dès les années des indépendances en 1960. Pour les uns, L’Afrique noire est mal partie (René Dumont, 1962). D’autres se sont interrogés : L’Afrique peut-elle partir ? (Albert Meister, 1966).

D’après un rapport de la Commission des Nations unies pour l’Afrique plus de neuf "modèles" de développement ont été essayés dans les pays africains, depuis le début des années 1960. Tous ont été un échec, comme le montre la dégradation continue de l’Indice du développement humain (IDH) du continent (PNUD, 2001). Pourtant l’Afrique regorge de richesses. Mais la logique de ces "modèles" est telle que, paradoxalement ces richesses appauvrissent les populations africaines et enrichissent celles du Nord. Quarante ans, ça suffit! L’Afrique doit faire une rupture avec ce type de "développement."

Aucun pays historiquement connu ne s’est développé par "l’aide extérieure", comme elle s’est pratiquée en Afrique depuis quatre décennies. Cette pratique a eu pour effets pervers, l’émergence de ce que le sociologue québécois J.B. Gélinas a appelé l’aidocratie. C’est un pouvoir et une classe socio-politique dont les assises économiques reposent essentiellement sur l’aide extérieure. L’aidocratie est un régime despotique et kleptocratique. Pour se développer, les dirigeants africains doivent cultiver une conscience identitaire à la fois nationale et panafricaine. Les élites africaines peuvent constituer une source de financement intérieure pour le développement, en rapatriant sur le continent la bagatelle des 360 milliards de dollars US qu’elles ont placés dans des banques étrangères (Le Devoir, 20 et 21 avril 2002). Il faut des États africains forts et unis, capables de rompre avec le réflexe de troquer, les droits fondamentaux qui font la dignité humaine (sécurité matérielle, santé, éducation, liberté, égalité), contre l’aide et les investissements extérieurs. C’est une façon néo-coloniale de bloquer le développement des États africains. Il est des biens de la condition humaine qui ne se marchandent pas, mais se donnent aux citoyens par le pouvoir politique. Les pays africains doivent abandonner l’idée de rattrapage et entreprendre leur développement selon une nouvelle politique de l’offre qui vise principalement la production de biens et de services qui donnent des réponses appropriées aux besoins de base des populations africaines. Une telle entreprise doit par ailleurs s’appuyer sur les pratiques sociales inédites que les populations déploient pour faire face à leurs conditions de vie.

Tout nouveau plan de développement qui se veut une alternative doit consister en une appropriation et modernisation de ces pratiques novatrices : auto-organisation des communautés paysannes, mouvements sociaux dans les centres urbains ; des procédés alternatifs dans les domaines de la santé, de l’habitat, de l’énergie, du financement de micro-entreprises ; naissance des communautés de littéraires, d’artistes, de chercheurs et de scientifiques, des gens d’affaires, etc. Ces procédés alternatifs qui font déjà localement leurs preuves doivent progressivement s’étendre aux niveaux national et régional des pays africains, de manière à donner priorité à l’offre de biens de consommation mettant en valeur les ressources locales. Cela suppose qu’on fasse appel au savoir et aux techniques qui font appellent à un haut coefficient de main d’œuvre mais un faible capital financier. Le nouveau paradigme est appelé à favoriser la démocratique participative, la gestion transparente des affaires publiques. Les diasporas représentent également une force diaspora de développement national sur laquelle les États africains peuvent compter.

Une politique fiscale appropriée peut encourager l’épargne diasporique dans les pays d’origine, la diaspora scientifique et technologique peut renforcer et consolider l’enseignement et la recherche-développement (R-D).Les politiques de développement du marché sous-régional et régional, les idées de doivent quitter le stade de discours pour devenir réalités, et la coopération Sud-Sud intensifiée. Mais des changements profonds, maintes fois demandés, s’imposent également dans les rapports Nord-Sud. Dans cette perspective, il y a lieu de régler la question de la dette extérieure de l’Afrique, d’améliorer les termes de l’échange, etc. Sans ces changements le succès du nouveau paradigme du développement du continent noir .est incertain.



Retour au texte de l'auteur: Yao Assongba, sociologue, Université du Québec en Outaouais Dernière mise à jour de cette page le samedi 27 juin 2015 7:18
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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