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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L’Université dit NON aux Jésuites. (1961)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de l’Association des professeurs de l’Université de Montréal, avec le concours des professeurs Michel Brunet, Pierre Dansereau, Abel Gauthier, Jacques Henripin, Maurice L’Abbé, André Morel et André Raynauld. L’Université dit NON aux Jésuites. Préface de Léon Lortie. Montréal: Les Éditions de L’Homme, 1961, 158 pp. [Monsieur Jacques Henripin nous a autorisé, le 13 août 2004, la diffusion de toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[7]

L’Université dit NON aux Jésuites.

Préface

Les problèmes mal posés ne peuvent avoir que de mauvaises solutions. Celui que soulève la création de l'Université Sainte-Marie, quelque soin qu'aient pris les auteurs du projet pour le bien présenter, repose sur plusieurs équivoques. Les malentendus qui existent, même dans l'esprit de ceux qui sont familiers avec la question universitaire, jettent la confusion dans le public. Ils risquent de créer de l'animosité dont souffriront aussi bien ceux qui favorisent l'établissement de la nouvelle université que ceux qui s'y opposent carrément. L'Association des Professeurs de l'Université de Montréal a proposé une solution sensée. Elle demande que la Compagnie de Jésus sursoie à son projet jusqu'à ce qu'une Commission royale d'enquête sur l'éducation ait pris connaissance de la situation dans tous les secteurs de l'enseignement, et présente un rapport au gouvernement de la province de Québec. C'est le seul moyen raisonnable de jeter de la lumière sur un sujet qui, depuis quelques années, intéresse l'opinion publique et, à mesure que chacun se mêle d'exprimer son avis ou de formuler des projets, s'achemine vers le désordre. Cela nous rappelle le temps où le frère Marie-Victorin parlait du Maelstrom universitaire.

[8]

Depuis plus de vingt-cinq ans, j'ai été mêlé, de près ou de loin, à l'étude des problèmes de l'enseignement supérieur. À plusieurs reprises, on a pu savoir de quelle façon je les ai envisagés. Mes collègues m'ont témoigné une confiance qui m'honore en me demandant de présenter, dans une courte préface, l'ouvrage collectif dans lequel ils ont rassemblé les vues qu'ils ont déjà fait connaître à propos du projet de l'Université Sainte-Marie. Je le fais avec plaisir. La discussion que suscite, dans les conseils universitaires de Laval, de Montréal et de Sherbrooke, la possibilité de la mise en application d'idées que j'ai déjà exposées, ne fait que révéler l'anarchie dans laquelle se débat le monde universitaire québécois. Dans cette controverse il est bon, il est même essentiel que les professeurs de l'Université de Montréal fassent entendre leur voix. La plupart d'entre eux sont dans la force de l'âge, leur réputation n'est plus à faire et ils ont acquis, dans des conditions difficiles, une expérience dont chacun, le gouvernement, les autorités universitaires et le public, doit tenir compte avant de s'engager dans une aventure qui, je le répète, repose sur des équivoques.

Ces équivoques ne sont pas voulues. Elles résultent principalement du fait que l'enseignement universitaire est né dans le Québec au hasard des circonstances et s'est développé au petit bonheur. On aurait pu croire, il y a quelques années, qu'une action concertée était enfin possible.

À la suite du Rapport du Comité de coordination de l'enseignement, on semblait s'entendre sur la nécessité de considérer l'enseignement des quatre dernières années du cours classique comme ne faisant pas partie de l'enseignement du second degré. Ce Comité a commis une erreur en faisant de la lie année le terme de l'enseignement [9] du second degré. Bien des choses se sont passées depuis lors. Chacune des trois universités existantes a choisi d'établir un cours fondé sur la lie année, mais chacune a conçu des cours et des programmes différents. La nouvelle Université Sainte-Marie ajouterait une quatrième possibilité. On a vu aussi que Son Eminence le cardinal Léger a proposé que la fréquentation de l'école soit obligatoire jusqu'à, et y compris, la 9e année. Que devient, dans cette conjoncture, un cours secondaire qui se terminerait deux ans plus tard ?

Voilà une des équivoques qu'il convient de dissiper avant de songer à donner une charte à une nouvelle université, si grands puissent être par ailleurs les mérites de ceux qui en font la demande.

Une seconde équivoque vient de ce qu'on est loin de s'entendre sur la nature et sur l'étendue de l'enseignement secondaire. Jusqu'à la publication du rapport du Comité de coordination, l'ensemble du cours classique était considéré comme de l'enseignement secondaire. Il y a peu de temps encore, le R.P. Paul Vanier, s.j., qui était alors recteur du Collège Jean-de-Brébeuf, parlait du bloc monolithique et infrangible des huit années du cours classique. La nouvelle vague de la Compagnie de Jésus, avec laquelle je suis, en principe, d'accord sur ce point, divise ce cours en deux cycles de nature différente. Mais tout le monde est loin d'être du même avis. Les uns, prolongeant une nouvelle équivoque, prétendent qu'en agissant de la sorte on sacrifie le caractère français de notre enseignement.

Se rendent-ils compte que, depuis la réforme de l'Université de France par Napoléon, en 1808, il n'y a de commun entre notre cours classique et l'enseignement des lycées de France, que les noms des matières : latin, littérature française, philosophie, etc., qu'on étudie dans [10] l' un et dans l'autre. Mais là où, sans doute, les critiques du "new look" ont raison, c'est lorsqu'ils se demandent si, dans un établissement où coexisteront des élèves du premier cycle et des étudiants du second cycle, on peut vraiment enseigner de façon universitaire des matières qui sont reconnues comme d'un degré supérieur.

Ils peuvent se demander aussi, et avec combien de raison, si un enseignement secondaire se terminant en versification, classe équivalente à la 3e des lycées français et à la lie des écoles secondaires publiques, a donné à ceux qui abordent l'enseignement "collégial" les connaissances, les méthodes de travail, la maturité requises pour se lancer dans des études dont la valeur réside principalement dans l'apport personnel de ceux qui s'y consacrent. L'exemple du Comité du Programme de l'Université Laval, qui propose de reporter le terme de l'enseignement secondaire à la fin de la classe de Belles-Lettres, soit la classe de seconde des lycées français et l'équivalent de la 12e année des écoles publiques, montre qu'après une étude approfondie de la situation, il vaut mieux prolonger et fortifier l'enseignement secondaire. Les hésitations fort compréhensibles de l'Université de Montréal, qui a fondé plusieurs de ses baccalauréats (sciences, commerce, sciences sociales) sur le diplôme de 12e année, à les établir désormais sur celui de 11e, montrent bien aussi que la situation est loin d'être satisfaisante.

Quand on sait par ailleurs que, dans toutes les provinces du Canada, sauf l'Ontario et la Colombie-Britannique qui exigent une 13e année, les universités basent de plus en plus leurs cours sur une 12e année, on se demande quelle cote mal taillée nous allons faire si on ne définit pas de façon aussi précise et aussi équitable que possible ce que sont respectivement l'enseignement secondaire et l'enseignement universitaire.

[11]

Nous pourrions mentionner d'autres équivoques, celles de la gratuité des études et de la démocratisation de l'enseignement, par exemple, mais je voudrais en citer une qui, à la vérité, devrait être étrangère au débat. Malheureusement c'est celle qui, la première, s'est manifestée publiquement et qui, parce qu'elle a été diffusée par la grande presse, menace d'envenimer le débat. Pourquoi tant d'insistances sur le fait que c'est d'une nouvelle université "catholique" qu'il s'agit ? Des réponses spontanées ont alors fait plus que des allusions à la participation des laïques dans la direction et l'administration de l'Université de Montréal. La riposte ne fut pas moins vive et on a aussitôt évoqué le spectre du laïcisme. Les excès de la rhétorique ont même parlé de persécution. Encore un peu on se croirait dans un pays hostile à l'Église et dont le peuple s'apprête à conduire les Pères à l'échafaud. Comme si, d'une part, les laïques n'étaient pas de l'Église et, d'autre part, la moindre opposition prenait figure de persécution. Fort heureusement, on n'entend plus beaucoup parler de ces hyperboles. Mais elles n'en font pas moins leur chemin dans le public, comme en témoignent des conversations auxquelles nous avons été mêlé. Brandis par des politiciens qui ne demanderaient pas mieux que de recommencer la chasse aux sorcières, ces arguments troublent bien des consciences et stigmatisent, aux yeux des timorés ceux qui osent mettre en doute la valeur des raisons qu'on apporte en faveur de la création de l'Université Sainte-Marie. Propagés par la rumeur et le murmure, ils sont encore plus insidieux.

La question n'est pas tellement de savoir s'il y aura immédiatement une université nouvelle et, plus tard, d'autres fondations, mais d'établir enfin quelles sont les normes d'un enseignement universitaire authentique. [12] Reverrons-nous les jours malheureux de la querelle universitaire qui, de 1878 à 1891, mit aux prises deux groupes catholiques s'accusant réciproquement de libéralisme et d'ultramontanisme ? Le tort que cette querelle a causé à l'Université de Montréal n'est pas étranger aux maux dont elle n'a jamais cessé de souffrir.

Plût à Dieu qu'aujourd'hui, alors que se trouvent dans notre milieu lui-même, des hommes capables d'étudier la question universitaire en toute sincérité et en toute sérénité, cette épreuve nous soit épargnée. C'est ce que souhaite l'Association des professeurs de l'Université de Montréal et, dans les pages qu'on va lire, on trouvera les raisons qui motivent leur intervention.

Léon LORTIE



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 20 septembre 2015 8:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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