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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Rose-Marie Arbour, «Identification de l'avant-garde et identité de l'artiste: les femmes et le groupe automatiste au Québec (1941-1948)». Un article publié dans la revue RACAR, XXI, 1-2/1994, pp. 7-21 (paru à l’automne 1996). [Le 31 décembre 2006, Mme Arbour nous a autorisé à diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, toutes ses publications.]

Rose-Marie Arbour 

“Identification de l'avant-garde et identité de l'artiste:
les femmes et le groupe automatiste au Québec
(1941-1948)”.
 

Un article publié dans la revue RACAR, XXI, 1-2/1994. pp. 7-21 (paru à l’automne 1996).

 

Abstract
 
Introduction
 
1. Position des femmes sur la scène artistique au Québec de l’entre-deux-guerres à 1950
 
2. Les jeunes artistes autour de Borduas
 
3. Automatisme et multidisciplinarité: la contribution des femmes au mouvement automatiste du Québec
 
4. La notion de rupture/transmission
 
5. La marginalisation des femmes artistes automatistes: un fait de société

 

 

Abstract

 

This essay examines the status of women artists directly or indirectly related to the Automatist Movement in Quebec during the 1940s. Some of these women were signatories of the group’s notorious Refus global (1948) manifesto, which marked a turning point in radical modern thought in Quebec. The author first re-contextualizes the contribution of women artists to the art vivant milieu during the inter-war years; she then discusses an important aspect of radical modernity (avant-garde) as represented by the Automatists (1942-54): the plurality of disciplines and the trans-disciplinary practice, characteristic of nearly all the women artists involved in this movement. In conclusion, she offers an analysis of the significance of the signing of the Refus global for women artists: had they not done so, most of them would not be recognized as part of the history of this artistic and literary avant-garde movement, let alone the history of art in general. 

This study reveals the extent to which avant-garde activity relies on theoretical thought and writing to become a part of history. That few women have made their mark in artistic avant-garde movements has been attributed, in part, to the fact that they have written little, if at all. The same would no doubt be true of the women artists discussed here had they not signed their name to the Refus global. A number of them would undoubtedly have been acclaimed even without this signatory consecration, but recognition would have come at a later date and in another context. 

 

Introduction

 

Le présent article veut analyser la position des femmes artistes reliées directement et indirectement au groupe automatiste québécois, qu’elles aient été ou non signataires du célèbre manifeste du mouvement, le Refus global (Montréal, 1948). Cette étude se fera premièrement par un bref rappel de la présence des femmes artistes de l’entre-deux-guerres participant à divers degrés de la modernité. Puis le caractère radical et novateur que représenta le groupe d’artistes automatistes y sera inscrit, particulièrement en ce qui a trait au choix de l’interdisciplinarité comme voie d’expression de l’inconscient, qui fut une caractéristique propre à la presque totalité des femmes automatistes; troisièmement sera démontrée l’importance pour les femmes artistes d’avoir signé le Refus global sans quoi la plupart d’entre elles auraient difficilement pris place dans l’histoire de ce mouvement d’avant-garde artistique et littéraire au Québec. 

Dans cette étude, la critique d’art journalistique a constitué une source d’information importante sur les expositions de peinture qui fondèrent l’image de l’automatisme en art au cours des années quarante, décennie à laquelle je me limiterai ici. La critique journalistique fut seule, à quelques exceptions près, à commenter régulièrement les événements en arts plastiques au Québec. Il en résulta une attention particulière pour les arts plastiques et particulièrement pour la peinture. Cette situation eut pour conséquence de reléguer dans l’ombre la poésie, la danse, le théâtre et la musique qui furent pourtant des pratiques courantes et même dominantes chez plusieurs membres du groupe autour de Paul-Émile Borduas. La critique journalistique ne rendait pas compte de leurs manifestations publiques hors la peinture ou la sculpture. Aussi d’autres documents tels les écrits d’artistes, les papiers personnels (lettres, notes, etc.) et des échanges en entrevues ont permis d’éclairer la nature polyvalente des activités et des aspirations des jeunes étudiants et artistes regroupés autour de Borduas et qui seront identifiés comme automatistes. Ces sources permettent entre autres de ré-évaluer la nature de l’automatisme en arts et de relativiser l’importance indue donnée à la peinture, qui contribua en partie à identifier, auprès du public, l’automatisme à cette seule discipline. 

 

1. Position des femmes sur la scène artistique
au Québec de l’entre-deux-guerres à 1950

 

À Montréal, dans les divers mouvements qui ont marqué les décennies trente, quarante et cinquante, la «question des femmes» n’existait pas pour les historiens et pour les critiques d’art, ni pour les artistes elles-mêmes, du moins pas dans les mêmes termes qui nommeront cette problématique à partir des années soixante-dix. Cela ne signifie pas qu’une conscience de l’identité sexuelle n’existait pas alors, selon des conceptions propres à cette période [1]. Par ailleurs, la présence des femmes se trouvait désignée et soulignée dans de nombreuses expositions qui présentaient leurs oeuvres au grand public comme celles que l’Art Association organisait régulièrement et qui avaient été précédées, depuis les années vingt, par celles du Beaver Hall Hill Group. Ainsi, dans la période des années quarante qui nous concerne ici, le Musée de Québec mit sur pied Femina (Québec,1947), une exposition de vingt-deux oeuvres consacrée aux artistes de Montréal et qui, selon les termes du conservateur Paul Rainville, «en ces dernières années, se sont signalées non seulement dans le domaine de l’expression artistique, mais aussi dans le domaine aride de l’enseignement» [2]. Sylvia Daoust, Suzanne Dénéchaud, Suzanne Duquet, Claire Fauteux, Agnès Lefort, G. Paine Pinneo, Marian Scott pour ne nommer que celles-ci, en faisaient partie. Les oeuvres allaient de la sculpture à la peinture, au dessin et à l’aquarelle. La fonction de telles expositions demeure cependant floue, sinon obscure: une hypothèse veut qu’elles aient répondu à la nécessité de mettre en valeur les oeuvres des artistes femmes dont la démarche était manifestement moderne et qui étaient d'ailleurs déjà reconnues professionnellement. De telles expositions sanctionnaient également un préjugé qui faisait de la pratique artistique une activité «féminine» pour la majorité des gens, de la «Grande Crise» à l’immédiat après-guerre. L’art se définissait alors comme activité de loisir ayant pour fonction première la décoration, ou bien encore comme exercice utilitaire et rentable grâce au lien utilitaire entre les arts appliqués et l’industrie. Rappelons que ces notions ainsi qu’un objectif de formation professionnelle avaient présidé à la fondation des Écoles des Beaux-Arts de Québec et de Montréal au début des années vingt. Instituées sous le gouvernement Taschereau, ces écoles connurent un essor remarquable durant les années de la crise [3]. L’enseignement y était gratuit et l’accessibilité facilitée du fait qu’on pouvait y accéder après une septième année. Ces écoles avaient une vocation pratique en ce qu’elles visaient à former des compétences dans le domaine des arts appliqués et des arts décoratifs. Elles reçurent un nombre proportionnellement élevé de femmes qui s’y inscrivaient pour la plupart en attendant de se marier et que la perspective d’acquérir sans frais une formation artistique générale pouvant servir à améliorer leur future vie domestique, attirait. Néanmoins plusieurs d’entre elles purent, par le biais de cette formation, se pourvoir des compétences techniques et intellectuelles nécessaires à l’élaboration d’une pensée plastique originale et assez solide pour envisager la poursuite d’une véritable carrière professionnelle. Les programmes des Écoles des Beaux-Arts du Québec étaient calqués sur celui des écoles françaises. Cet enseignement s’opposait au modernisme des avant-gardes parisiennes qui se voulaient internationales. Les directeurs français appelés à diriger nos institutions favorisaient donc un art moderne à saveur nationale, sans rupture radicale avec la tradition. Le plus célèbre d’entre eux fut Charles Maillard [4] qui dirigeait l’École des Beaux-Arts de Montréal au moment où commençaient à se regrouper en son sein les futurs automatistes. 

Bien avant, le Conseil des Arts et Métiers sis au Monument national (dite École du Monument national), de même que la Art Association et son école d’art (1879-1976), se chargeaient déjà de la formation de nombreux artistes parmi lesquels on comptait des femmes qui firent carrière par la suite [5]. Ces institutions contribuèrent donc à assurer une présence relativement significative de femmes artistes de diverses tendances sur la scène montréalaise et québécoise à partir des années vingt. 

Depuis cette décennie, les femmes étaient relativement nombreuses à participer aux expositions de groupes et leurs oeuvres se voyaient commentées et positionnées par les critiques d’art sur l’échiquier des styles, des tendances et des esthétiques du temps, où le moderne à saveur internationale, croisait le traditionnel et les apports locaux. Plusieurs d’entre elles furent de réelles novatrices, particulièrement chez les anglophones qui, sur ce plan, précédèrent les francophones. Leur contexte culturel et politique les avait favorisées du fait de sa plus grande ouverture sur le monde extérieur. Pensons particulièrement au Beaver Hall Hill Group qui, dans les années vingt, était en majorité composé de femmes dont les plus connues se nommaient Prudence Heward, Lilias Torrance Newton, Sarah Robertson et Ann Savage. À partir des années vingt, les artistes les plus citées et commentées par la critique «sont les soeurs Berthe, Gertrude et Alice Des Clayes; on rencontre à l’occasion les noms de Helen McNicoll, Claire Fauteux, Marguerite Lemieux, J. de Crèvecoeur et plus régulièrement, ceux de Mabel May, Kathleen Morris, Lilias Torrance Newton, “Annie” Savage, Regina Seiden, Sarah Robertson, Mabel Lockerby et Emily Coonan; Agnès Lefort reçoit une mention, puis, à la fin des années vingt, apparaissent Marjorie Smith et Pegi Nicol» [6]. À plusieurs de ces noms s’ajoutera, dans les années trente, celui de Marian Scott. 

Dans la décennie quarante, un rapide relevé des critiques d’art dans les quotidiens montréalais nous met en présence d’une longue liste de femmes artistes que je cite sans ordre de générations ni d’importance, mais dont plusieurs étaient déjà connues et reconnues depuis les années vingt et trente et même depuis 1915, dans le cas de Rita Mount: Mary Bouchard, Rita Briansky, Sylvia Daoust, Simone Dénéchaud, Suzanne Duquet, Marguerite Fainmel, Louise Gadbois et sa fille Denyse, Prudence Heward, Simone Hudon, Madeleine Laliberté, Agnès Lefort, Irène Legendre, Henrietta Mabel May, Rita Mount, Lilias Torrance Newton, Jeanne Rhéaume, Sarah M. Robertson, Anne Savage, Marian D. Scott, Irène Sénécal et Jori Smith. Si les générations et les carrières sont différentes et inégales, les femmes artistes se voient déjà considérées véritablement comme partie prenante de l’«art vivant» en pleine expansion [7]. 

Quant au Salon du printemps qu’organisait annuellement la Art Association, un double jury y était actif depuis 1944 afin de mettre en valeur les oeuvres des artistes de l’«art vivant». Une autre institution de diffusion artistique s’ajoute à cette toile de fond: la Contemporary Art Society/Société d’art contemporain (C.A.S./S.A.C.), fondée à Montréal par Lyman, en 1939, permit aux artistes à tendance moderne d’exposer publiquement leurs oeuvres et de recevoir une forme de reconnaissance officielle. La C.A.S. constitua ainsi un lieu propice à la confrontation des options esthétiques. L’organisme devait cependant disparaître en 1949, à l’occasion d’une rupture entre Lyman et Borduas à propos du manifeste le Refus global. 

Parmi les jeunes artistes autour de Borduas, plusieurs femmes s’affirmèrent comme des éléments déterminants pour le développement du groupe tant sur le plan de l’organisation d’événements et de manifestations, que sur celui des réflexions et des débats esthétiques et politiques défiant le conservatisme et le traditionnalisme ambiants. La présence des femmes dans le milieu artistique n’était pas cependant une nouveauté comme nous venons de le constater, ni leur apport à l’«art vivant». Ce qui était nouveau avait tout à voir avec le défi propre aux avant-gardes dans une dimension délibérément subversive: rejet des conventions de l’art traditionnel mais aussi dépassement de l’«art vivant» où tant de femmes artistes avaient déjà excellé. 

L’esprit du temps était aux manifestes et, avant la parution du Refus global en août 1948, un texte intitulé Prisme d’Yeux avait été lancé en février 1948 par un groupe d’artistes aux tendances variées mais toutes axées sur l’«art vivant». Ce manifeste affichait la signature de deux femmes artistes, Mimi Parent, présentée alors comme une brillante épigone de Pellan, et Jeanne Rhéaume, également peintre, davantage dans la lignée de Goodridge Roberts. Si l’on examine les instances de réception de l’art à cette époque, l’on s’aperçoit que la nouveauté en art, en d’autres termes, les influences modernes venant principalement de Paris, étaient bienvenues dans la mesure où elles demeuraient balisées par le bon goût. 

En 1948, un numéro de Canadian Art [8] consacré au Québec affichait une fierté et un optimisme évidents de la part des collaborateurs. Montréal y était considérée comme le centre artistique le plus important du Canada tant par un critique d’art anglophone, Robert Ayre, que par ses collègues francophones, Paul Dumas, Maurice Gagnon et Jean-Paul Lemieux. «Montréal est, par son activité surabondante, le centre de la peinture canadienne d’aujourd’hui»[9], écrivait Maurice Gagnon et cette importance se justifiait dans l’adéquation entre universalité et modernité qui avait été, depuis les années vingt, soutenue par les artistes de l’«art vivant». La filiation allait de Morrice, Lyman et Roberts à Pellan puis à Borduas: «Nous sommes une entité ethnique qui possède ses valeurs universelles. Parmi ces valeurs, un maître incontesté, Paul-Émile Borduas, a fait école» [10]. Quelques femmes étaient mentionnées telle Jori Smith que l’on saluait comme «the most gifted and most natural painters of this country» [11] et Louise Gadbois, comme «better than a good feminine painter» [12]. 

Pour bien définir l’importance de Borduas comme maître à penser et à faire, Maurice Gagnon présenta les jeunes artistes qui entouraient le peintre et qui rayonnaient déjà grâce aux quatre expositions automatistes organisées par les membres du groupe en 1946 et en 1947 (New York, 1946; Paris, 1947; Montréal, 1946 et en 1947). Ces manifestations avaient regroupé, à deux exceptions près, Marcel Barbeau, Paul-Émile Borduas, Roger Fauteux, Pierre Gauvreau, Fernand Leduc, Jean-Paul Mousseau et Jean-Paul Riopelle. Il est à remarquer qu’aucune femme n’était mentionnée par Maurice Gagnon — le groupe des automatistes se trouvant déjà identifié comme un mouvement de peinture formé par des hommes. Ce fait était en partie dû à ce que les critiques de journaux commentaient presque exclusivement les expositions de peinture, laissant de côté un ensemble d’autres activités de création artistique dont les spectacles de danse et les publications en poésie — activités auxquelles les automatistes se livraient, et notamment les femmes. 

Enfin, mentionnons que les femmes commençaient à entrer dans les collections officielles dont celle de la Art Association alors en voie de renouvellement. Parmi les oeuvres de jeunes artistes acquises dans la section d’art canadien [13], on retrouvait entre autres celles d’Emily Carr, de Prudence Heward, de Lilias Torrance Newton, de Sarah Robertson, d’Ann Savage, de Marian Scott et d’Ethel Seath. Ce bref panorama de la scène de l’art québécois révèle une reconnaissance certaine des femmes artistes dans le milieu culturel et leur inscription dans un certain courant moderne axé sur la figuration. À cet égard, Marian Scott constituait une exception elle qui, dès le début des années quarante, avait déjà opté pour l’abstraction qu’elle qualifiait de «non-objectivité». 

Dans un tel contexte, Borduas se posait comme l’élément central de l’avant-garde artistique québécoise en rupture avec la tradition, fût-elle la plus récente. «Leader» charismatique et membre le plus âgé du groupe automatiste, professeur à l’École du Meuble de Montréal, il réunissait depuis 1940 les jeunes artistes de cette institution ainsi que ceux et celles de l’École des Beaux-Arts de Montréal qui allaient prendre dans le groupe une place prépondérante. Il ira, écrit François-Marc Gagnon, «de la position d’enseignant à celui [sic] de dissident en révolte contre le système établi, auteur d’un manifeste qui lui vaut les pires réprobations et lui coûta finalement de se retrouver au bas de l’échelle sociale sans gagne-pain pour lui et sa famille» [14]. Quelques phrases du Refus global aident à mieux comprendre le contexte artistique de cette période. Un ton radical le caractérise, l’engagement artistique s’y combinant à une critique virulente des valeurs du temps: ainsi il fallait «rompre définitivement avec toutes les habitudes de la société, se désolidariser de son esprit utilitaire.» On y refusait de fonder l’art sur «toute intention, arme néfaste de la raison». On affirmait plutôt: «Place à la magie: place aux mystÈres objectifs: place à l’amour: place aux nécessités: au refus global nous opposons la responsabilité entière» [15]. Rédigé par Borduas, le manifeste contenait tout ce qui avait inspiré les débats du groupe depuis la rencontre initiale de 1941. Un exemplaire fut envoyé par Borduas, au cours de l’hiver et du printemps 1948, à tous ceux et celles susceptibles de l’endosser en le signant. 

À la parution du Refus global la position dominante et quasi exclusive de la peinture se trouvait généralisée: Borduas était peintre ainsi que bon nombre des jeunes étudiantes et étudiants de l’École des Beaux-Arts rassemblés autour de lui. De plus l’abstraction en peinture devenait la voie royale et logique pour marquer la rupture avec la tradition artistique et avec l’ensemble de la société. L’abstraction devait détourner l’artiste des apparences illusoires de la réalité extérieure au profit de l’expression de l’inconscient. C’est pourquoi le geste spontané du peintre en vint à incarner la révolution automatiste, et ce d’autant plus qu’il se trouvait publiquement commenté par la critique journalistique. C’est dans ce contexte d’affrontement de l’abstraction gestuelle en peinture avec le courant figuratif moderne dont l’oeuvre de Pellan constituait un exemple et un modèle, que le groupe des automatistes donna un coup de barre déterminant à la peinture canadienne des années quarante et cinquante, la liant de surcroît à l’expression de l’inconscient. 

 

2. Les jeunes artistes autour de Borduas

 

Les années de formation à l’École des Beaux-Arts de Montréal (ÉBAM) ont permis à de nombreux étudiants des deux sexes de se rencontrer et de former un groupe assidu, non seulement à l’intérieur de l’institution mais aux réunions de Borduas dans son atelier de Montréal et à sa résidence de Saint-Hilaire. Ces années furent des plus importantes pour l’accueil et l’intégration des femmes au sein du groupe automatiste. Françoise Sullivan et Louise Renaud s’étaient inscrites en 1939 à l’ÉBAM. En 1940, Magdeleine Arbour fréquente les cours du soir et se lie d’amitié avec ces dernières et avec Fernand Leduc, Bruno Cormier, Magdeleine Desroches (inscrite en 1940), Pierre Gauvreau (inscrit en 1941) et Adrien Vilandré. Comme les femmes n’étaient alors pas admises à l’École du Meuble, aucune ne s’est retrouvée dans le premier groupe d’élèves rassemblé autour de Borduas qui y enseignait. C’est en 1941, que le groupe de l’ÉBAM commença à fréquenter les réunions chez Borduas, suite à l’invitation de ce dernier à Pierre Gauvreau qui y amena, dès cette première rencontre, Louise Renaud et Françoise Sullivan. 

Les femmes signataires du Refus global furent au nombre de sept sur seize artistes: Magdeleine Arbour, designer avant la lettre, pratiquant les arts appliqués et décoratifs, Marcelle Ferron-Hamelin, peintre, Muriel Guilbault, comédienne, Louise Renaud, peintre, Thérèse (Renaud) Leduc, écrivaine, Françoise (Lespérance) Riopelle qui deviendra plus tard danseuse, Françoise Sullivan, peintre et danseuse. 

Les artistes qu’on qualifie d’automatistes ne sont pas exclusivement les seize signataires du Refus global. D’autres se trouvèrent directement liés aux rencontres et aux discussions du groupe autour de Borduas et partagèrent les mêmes options artistiques, participant aux mêmes manifestations, dont les expositions automatistes, comme ce fut le cas pour Roger Fauteux. Les affiliations catholiques peuvent expliquer pourquoi tous ne signèrent pas le Refus global: ce fut le cas pour Guy Viau et Mimi Lalonde. Quant à Yves Lasnier, la question était plus complexe. Il se disait «athée pratiquant». Sa famille fabriquait et distribuait des cierges à toutes les églises de la province et signer le Refus global aurait causé un tort fatal à sa famille. Robert Élie, catholique progressiste, ne pouvait signer le manifeste à cause de la brisure d’avec la religion que cela entraînait pour lui. Pour expliquer les raisons de son refus tout en relevant des éléments positifs du manifeste, il répondit dans un texte intitulé «Au-delà du Refus» [16]. Les raisons sont moins évidentes pour Rémi-Paul Forgues, Magdeleine Desroches-Noiseux, Suzanne (Meloche) Barbeau, Adrien Vilandré; quant à Jeanne Renaud, son jeune âge a pu justifier son absence. 

On n’a jamais jusqu’à maintenant porté attention au fait que les femmes peintres liées de près ou de loin aux activités des automatistes ne furent pas invitées à se joindre aux expositions organisées sur et par ces derniers. Pourtant elles participèrent, dans un créneau plus large, aux expositions fréquentées généralement par les jeunes artistes de l’«art vivant» dont les oeuvres étaient sélectionnées par des jurys où siégeait très souvent Borduas. Louise Renaud faisait partie de l’exposition, Les Sagittaires, tenue en mai 1943 à la galerie Dominion de Montréal. Suzanne Barbeau (Meloche), Helen Jones, Paquerette Villeveuve et Marcelle Ferron (future signataire du Refus global) exposaient avec Les Rebelles, cette manifestation dissidente de 1950 qui s’opposait à l’exposition annuelle du 67e Salon du printemps au Musée des Beaux-Arts de Montréal. Louise Renaud fut aussi une animatrice hors pair participant intensément depuis 1941 à toutes les activités des jeunes artistes et à quelques expositions de la C.A.S/S.A.C. auxquelles se joignait aussi Magdeleine Desroches-Noiseux (1946, 1948). Irène Legendre organisa au Musée de Québec l’exposition Quatre peintres du Québec qui réunissait Stanley Cosgrove, Goodridge Roberts, Borduas et elle-même (du 23 novembre au 18 décembre 1949) [17]. Une participation à l’exposition envoyée à Prague, dans le cadre du Festival de la jeunesse en 1947, avec des oeuvres de Jean-Paul Mousseau, de Marcelle Ferron et de Betty Goodwin montrait une tendance à la dissidence: ceux et celles qui y figuraient ont fait l’objet d’un blâme de la part des autorités catholiques qui avaient le communisme en horreur et y assimilaient certaines pratiques contestataires de l’avant-garde. 

Ce sont quatre expositions décisives qui devaient faire connaître les artistes automatistes et définir l’esthétique automatiste en peinture: The Borduas’ Group, organisée à New York par Françoise Sullivan en janvier 1946 au Studio de Franciska Boas, Exposition de peinture, tenue en avril de la même année, au 1257 rue Amherst à Montréal, l’exposition de Montréal, présentée en février-mars 1949 au 75 de la rue Sherbrooke et, suivie à Paris, en juin-juillet, de l’exposition Automatisme à la galerie du Luxembourg. Nous en reparlerons plus loin. 

L’information sur ce qui se faisait à New York dans le domaine des arts d’avant-garde fut véhiculée à Montréal par des jeunes femmes du groupe, particulièrement par Louise et Jeanne Renaud et par Françoise Sullivan qui ont contribué largement à renseigner les automatistes (dont Borduas) sur les courants artistiques les plus récents. Ces derniers pouvaient difficilement traverser les frontières pendant la guerre, ils devaient rester en disponibilité. Quant aux femmes, elles firent de fréquents séjours à New York: Louise Renaud s’y installa à partir de 1944 et, pour assurer son gagne-pain, devint gouvernante des enfants de Pierre Matisse qui y avait une galerie d'art, ce qui lui permit de rencontrer de nombreux artistes européens de passage tels Marcel Duchamp et André Breton. Louise Renaud assura ainsi pendant plusieurs années des liens précieux pour ses amis de Montréal, allant de la métropole canadienne à la métropole américaine, rapportant de la documentation sur les manifestations avant-gardistes qu’elle fréquentait et qui couvraient un nombre impressionnant de médiums: danse, musique, théâtre, arts visuels, littérature et cinéma. Ainsi put-elle projeter à Montréal un film de la cinéaste surréalisante Maya Deren et rapporter une copie de la publication intitulée La Sauterelle arthritique de Gisèle Prassinos, jeune auteure découverte par les surréalistes à l’âge de quinze ans. Irène Legendre étudia à New York chez Ozenfant avant d’organiser, en 1947, l’exposition du Musée de Québec mentionnée plus haut. Enfin Jeanne Renaud (soeur de Thérèse et de Louise Renaud) séjourna aussi plusieurs fois à New York. L’une des plus jeunes du groupe, elle participa aux rencontres autour de Borduas à partir de 1944, et produisit des chorégraphies et des spectacles avec Françoise Sullivan dont celui présenté à la Maison Ross, rue Peel, Montréal en 1948 sur lequel nous reviendrons. 

Les femmes s’impliquèrent aussi dans la production d’écrits littéraires et théoriques: le Refus global était accompagné entre autres, lors de son lancement en 1948, d’un texte signé par Françoise Sullivan et intitulé La Danse et l’espoir. Bien avant, dès 1946, Thérèse Leduc avait publié son livre de poèmes intitulé Les Sables de rêve [18] (Fig. 1 et 2) qui constitue en réalité la première publication d’un texte poétique automatiste. 

Le rôle et la position des femmes artistes dans le groupe automatiste sont marqués par des activités débordantes et des ouvertures inédites sur les arts visuels, la danse, la poésie et la musique aussi. Ces femmes artistes assumaient, dans leurs pratiques disciplinaires respectives, des idées et des gestes radicaux non seulement en regard du contexte artistique de l’époque, mais en regard d’une situation sociale générale qui voyait d’un très bon oeil, après la guerre, le retour des femmes à la domesticité. Leur éducation les avait généralement déterminées à assumer des valeurs et des comportements traditionnels contre lesquels il n’était pas facile de s’élever, particulièrement dans le Québec francophone et catholique dont l’idéologie conservatrice s’est valu le qualificatif de «grande noirceur». Leur situation dans ce contexte rend d’autant plus remarquable la participation des femmes à une démarche d’avant-garde, c’est-à-dire de rupture avec les traditions.

 

3. Automatisme et multidisciplinarité:
la contribution des femmes au mouvement
automatiste du Québec

 

Sur le plan artistique, ce qui frappe chez les femmes rattachées au groupe automatiste est l’éventail des disciplines pratiquées: de la danse au théâtre et à l’écriture, de la peinture à la mise en scène. Cependant la multidisciplinarité n’était pas une question débattue sur les plans théorique et pratique bien que quelques hommes et non des moindres, s’y adonnaient: Pierre Gauvreau avait abordé la danse pour passer ensuite à la peinture et, plus tard encore, à l’écriture et à la réalisation télévisuelle; Jean-Paul Mousseau était peintre, décorateur et metteur en scène; Maurice Perron faisait de la photographie et Jean-Paul Riopelle filma les danses de Françoise Sullivan et s’occupa de l’éclairage pour plusieurs spectacles que les automatistes ont alors donnés. Claude Gauvreau se présentait avant tout en écrivain mais était aussi un homme de théâtre. Il est intéressant de signaler que la multidisciplinarité fut une seule fois désignée par un critique d’art en 1948, comme un trait représentatif du mouvement automatiste: «Ce groupe se suffit tellement à lui-même, écrit Maurice Gagnon, qu’il se complète de ses dramaturges (on se rappelle Bien-Être de Claude Gauvreau et de Pièce sans titre de J. T. Maeckens). Il a même son photographe: Maurice Perron» [19]. Mais la peinture demeurait le médium privilégié du fait que Borduas était avant tout un peintre, mises à part ses activités d’écriture. Le médium pictural servit donc à identifier et la notion d’automatisme et le groupe lui-même. 

À l’exception de Marcelle Ferron qui était d'abord peintre bien qu’elle ait réalisé quelques sculptures avant 1950, les femmes s’affirmaient dans beaucoup d’autres domaines. Si Thérèse Renaud écrit, elle chante aussi, une activité dont il ne reste hélas aucune trace. Françoise Sullivan peint et danse, Suzanne Meloche (Barbeau) peint et écrit, Louise Renaud peint, mais en sus de son rôle d’animatrice du groupe, elle s’occupe également de théâtre. Lorsqu’elle s’établit à New York en 1944, elle suit les cours donnés par Erwin Piscator, metteur en scène et directeur de théâtre allemand, émigré à New York depuis 1938 où il dirigeait le Dramatic Workshop and Studio Theater qu’il avait mis sur pied durant la seconde guerre à la New School for Social Sciences [20]. Elle devient éclairagiste pour le New Dance Group de New York et c’est ce métier qu’elle finit par privilégier. «Although I was very interested in the performing arts and got involved with the Franziska Boas Dance Group when Françoise Sullivan was a student and performer there, it was stage lighting and stage design that formed my main interest», déclara-t-elle dans une entrevue [21]. Elle mentionne à ce propos qu’en 1946, lors d’un spectacle donné par le groupe de Boas, les noms de Françoise Sullivan et le sien apparurent sur le programme de l’événement. Enfin, Muriel Guilbault était à Montréal une comédienne reconnue. 

La pratique de plusieurs disciplines avait pris, dès le début du XXe siècle dans les groupes d’avant-garde européens, une importance considérable [22] pour les artistes et cette tendance était particulièrement marquée chez les surréalistes français. Le projet créateur des artistes automatistes visait l’expression de l’inconscient mais, a priori, les femmes ne privilégièrent pas la peinture comme le firent les hommes du groupe. L’attitude de spontanéité qui présidait au surgissement de l’inconscient faisait appel à tous les sens, à des actions et à des gestes diversifiés dont elles pouvaient assumer les conséquences formelles et expressives puisque la plupart d’entre elles n’établissaient pas de barrière étanche entre les différents médiums et les disciplines qu’elles pratiquaient. Le manifeste Refus global justifiait en quelque sorte ce choix. Par sa radicalité, il débordait en effet les questions strictement formelles et les spécificités disciplinaires en confrontant directement les rapports entre l’art et la vie. L’éventail des disciplines pratiquées par les automatistes exprimait cette ouverture radicale et répondait aux visées du groupe d’abolir toutes les conventions et toutes les barrières quelles qu’elles fussent. Les moyens artistiques n’importaient qu’en autant qu’ils étaient voués à l’expression spontanée de l’inconscient, à la révélation d’une réalité «autre». 

Répétons que proportionnellement aux hommes, les femmes étaient plus nombreuses à assumer dans cette direction les implications du Refus global. Mais la diffusion de ces différentes pratiques autres que picturales demeurait problématiquement restreinte et non publicisée, ou très peu, à l’exception du théâtre et encore. Les spectacles étaient ponctuels et d’apparition fugitive; ils n’intéressaient pas la critique journalistique qui n’en n’avait que pour la peinture.

Il se peut que la polyvalence des options disciplinaires de la majorité des femmes du groupe automatiste ait été inspirée par une culture proprement féminine: les «habitus» culturels de l’éducation des filles à cette époque allaient dans le sens de l’adaptabilité, de la capacité à aborder en même temps plusieurs rôles et fonctions, à composer avec la diversité et avec la pluralité et des situations et des gens. La tâche de mère de famille à laquelle elles étaient très majoritairement destinées et en regard de laquelle s’organisait l’éducation des filles, appelait une telle capacité de composer avec un vaste registre de pensées et d’actions. Cette hypothèse demeure évidemment à vérifier et, de toutes façons, elle ne pourrait être ni globale ni entièrement déterminante: car enfin, si Louise Renaud s’intéressait à toutes sortes de pratiques artistiques d’avant-garde, c’est qu’elle y était intellectuellement et émotionnellement attirée de par ses intérêts propres. Personne ne lui dictait ses choix: les documents qu’elle rapportait de ses séjours new-yorkais mettaient en évidence sa grande ouverture d’esprit et sa curiosité insatiable en matière de création; aucune commande de ses amis montréalais ne pouvait suppléer à cela. Mais établir un lien, sinon de cause à effet du moins un lien analogique entre les deux instances, la polyvalence artistique des femmes et leur éducation spécifique, soulève des questions liées à la constitution de l’identité culturelle qui ne peuvent être analysées ici. 

Soulignons aussi l’importance qu’eut pour ces femmes la découverte du rêve et de ses interprétations suivant les voies qu’avait tracées Freud. Les chorégraphies, par le biais de l’improvisation, étaient souvent amorcées et construites selon une structure onirique chez Sullivan et chez Renaud. La psychanalyse a été décisive pour elles [23], leur faisant privilégier les méthodes d’improvisation chorégraphique. Lors du spectacle qu’elles donnent à la Maison Ross, le 3 avril 1948, elles s’exécutent librement à partir du poème écrit par Thérèse Renaud et récité par Claude Gauvreau: «Moi je suis de cette race rouge et épaisse qui frôle les éruptions volcaniques et les cratères en mouvement» [24]. Parmi d’autres, la chorégraphie de Françoise Sullivan, Black and Tan (Fig.3), associe dans un même spectacle un costume de Jean-Paul Mousseau, des photographies de Maurice Perron et des éclairages de Jean-Paul Riopelle. Comme dans la plupart de leurs chorégraphies, Renaud et Sullivan dansent pieds nus, n’ont pas de scène à proprement parler et ne répondent à aucun des codes dominants de la danse alors pratiquée au Canada. Elles composent essentiellement avec l’environnement spatial où se situe leur «performance». Sullivan procéda de la même façon dans une suite de danses improviées sur le thème des quatre saisons. Ces danses furent réalisées en plein air dans des endroits plus ou moins désertiques: une plage aux Escoumins pour l’«Été» (action tenue en juin 1947 et filmée par la mère de Françoise Sullivan), un décor dépouillé pour l’«Hiver», danse exécutée en février 1948 à Saint-Hilaire, filmée par Jean-Paul Riopelle et photographiée par Maurice Perron (Fig. 4). Les deux films 16 mm sont perdus [25] et les deux autres «saisons» ne furent pas réalisées. Les photographies de Danse dans la neige ont été éditées beaucoup plus tard, en 1977, par les soins de Sullivan elle-même. Son témoignage au sujet de l’action aux Escoumins confirme l’importance de tels événements qui bouleversaient les conventions de la danse: pas de scène ni de lieu public ni même de public, mais un rapport direct entre le corps en mouvement et l’environnement naturel, une utilisation de médiums tels que le film et la photographie pour capter l’action. Les photographies de Maurice Perron constituent d’ailleurs une oeuvre en soi. Les rapports entre art et environnement de même que les liens entre les différentes disciplines (danse-film-photographie) se trouvent donc ici exploités:

Les couleurs étaient magnifiques, violentes. Je dansais au rythme des vagues qui se brisaient sur les roches. Je laissais entrer en moi le souffle de la mer et petit à petit, il me gonflait d’énergie. Je sautais d’un rocher à l’autre jusqu’à ce que je parvienne à la terre où mes mouvements se transformaient. À la fin, je disparaissais comme un étrange oiseau, au fond de la longue pointe qui s’avance, fine et brune, dans la mer. [26] 

On peut considérer en «interface» de cette option interdisciplinaire la tentative d’abolir la dichotomie corps-esprit si profondément ancrée dans l’organisation de la pensée et de la culture occidentales. Le corps, comme site de l’inconscient et non seulement comme support organique de l’esprit, reconquiert son intégrité. Jeanne Renaud (Fig. 5 et 6) et Françoise Sullivan allèrent dans le sens d’une vision «holistique» de tout l’être où les hiérarchies n’ont plus de place et où foisonnent les possibilités nouvelles. Dans une conférence intitulée La Danse et l’espoir [27], donnée lors d’une soirée chez madame Gauvreau, le 16 février 1948, Françoise Sullivan recentre la danse moderne sur l’écoute du corps: 

[...] il faut remettre en cause organiquement l’homme, ne pas craindre d’aller aussi loin que nécessaire dans l’exploration de sa personne entière [...]. On procède donc du dedans au dehors, c’est-à-dire de l’intérieur de l’homme à la matière extérieure [...]. Le danseur doit donc libérer les énergies de son corps, par les geste spontanés qui lui seront dictés. [...] Par là on pénétrera dans la connaissance de la localisation de l’émotion dans le corps et on comprendra comment s’engendre la tension unique qui exprime totalement un sentiment. [28] 

La hiérarchie chrétienne traditionnelle est ici définitivement abandonnée, rayée du comportement de la danseuse: le corps redevient un tout où s'intègrent sans discrimination les composantes matérielles, organiques, émotives, psychiques et intellectuelles. 

 

4. La notion de rupture/transmission

 

Les femmes du groupe automatiste endossaient dans leur pratique les valeurs propres aux avant-gardes modernes, le rejet du passé, le mépris des traditions et l’élan vers le futur. Elles s’étaient particulièrement rebellées contre les conventions dites «bourgeoises» de l’époque, autant dans leurs comportements individuels que dans leur option esthétique. Leur appartenance sexuelle avait certes déterminé leur position dans la société et leur culture propre en était marquée. C'est ce qui infléchit leur conception de la «rupture» qui n'excluait pas pour elle un sentiment de continuité. La culture propre des femmes émergeait de rôles traditionnellement assignés où les fonctions de reproduction et d’entretien prédominaient, conditionnant à la fois les comportements sociaux et les perceptions de soi. Ces rôles engendraient un sens de la continuité et de la transmission plutôt qu'une rupture conçue en terme de rejet total. La rupture et la transformation se conçoivent et se réalisent chez elles sur la base d’acquis psychiques, intellectuels et culturels. La conception de leur identité individuelle, en partie reliée au corps tant dans ses fonctions que dans sa forme, a affecté les modalités de leur apport à l'automatisme. Borduas alla aussi dans cette direction où le refus est moins un rejet qu'une transformation. Ses textes antérieurs au Refus global, Le surréalisme et nous et La Transformation continuelle, arboraient aussi un élément de continuité, en constante reformulation toutefois, au coeur même de la rupture. 

Les femmes expérimentèrent donc à leur manière la résistance à la tradition, le rejet des codes dominants que leur éducation leur avait inculqués. Mais elles revenaient à un élément central de continuité qui était d’une richesse insoupçonnée: le corps comme entité «holistique», site privilégié d'action, conduisit Renaud et Sullivan dans une recherche des sources de leur mémoire plutôt que vers un futur débarrassé de toute attache. Plutôt que de se ré-approprier des formes et des symboles archaïques ou non-occidentaux, comme ce fut le cas pour tant d’artistes aspirant à une forme de primitivisme dans les avant-gardes modernes, ces danseuses et chorégraphes libérèrent leur propre corps dans un processus de renouvellement et de mutation de leur discipline. Ce corps, délesté des conventions tout en en gardant des marques, devenait l’instrument expressif d’une énergie physique et psychique issue de l’inconscient. 

De plus, le projet automatiste lié à la nécessité de la passion et au refus de toute intentionnalité contrôlante se concrétisa chez elles, dans une grande liberté d’accès à des modes et à des médiums polyvalents d’expression et de création. Pour Borduas, le projet automatiste était avant tout pictural et devait ainsi mener à la libération du geste de peindre [29]. Le rejet de la figuration en était une conséquence logique et un effet de première importance. Dans un texte intitulé En regard du surréalisme actuel (1948), il affirmait l’opposition radicale entre abstraction et figuration en peinture dans le débat automatiste. Cette opposition donnait une importance primordiale à la liquidation de toute intention. Le Refus global était des plus explicites à ce propos: «Refus de toute INTENTION, arme néfaste de la Raison. [...] Nos passions façonnent spontanément, imprévisiblement, nécessairement le futur». Cette dichotomie abstraction/figuration faisait sens en peinture mais était-elle pertinente dans d’autres disciplines? En ce qui a trait aux femmes artistes et à la multiplicité de leurs pratiques, les termes de l’opposition ne pouvaient s’avérer adéquats. Par ailleurs, elles accueillaient bien le rejet des contrôles revendiqué par le groupe. Ainsi Claude Gauvreau écrivait, en 1947, que l’automatisme intéressant les Canadiens était l’automatisme dont «les matériaux de l’acte créateur sont fournis exclusivement par le libre jeu de l’inconscient [...]» [30]. Il rejoignait ainsi un principe que les femmes exploitaient déjà, elles qui avaient choisi la pratique de plusieurs disciplines à partir de leurs propres exigences et besoins. Elles tiraient leurs propres conclusions de l’impératif libertaire animant le groupe, comme il en avait été de la notion de rupture traversant tout le Refus global. Elles se démarquaient d'une conception du «rejet» comme geste absolu, presque machiste dans la mythologie révolutionnaire des avant-gardes. On peut croire ici, à propos de leur réappropriation du corps, qu'une assise antérieure même partiellement ruinée, leur a servi de base pour une nouvelle action, aussi radicale fût-elle. 

Les expositions de peinture assurèrent l’identité artistique des automatistes et la dimension formelle de leur esthétique mais elles n’incluaient aucune femme peintre. C’est pourtant Françoise Sullivan qui assura la tenue de la première, celle de New York. Elle avait déjà tenté mais sans succès d’intéresser Pierre Matisse à présenter les oeuvres de certains de ses amis montréalais et particulièrement celles de Jean-Paul Riopelle. Elle organisa plutôt une exposition des peintures de Borduas, Pierre Gauvreau, Jean-Paul Mousseau, Jean-Paul Riopelle, Guy Viau et Fernand Leduc sous le titre The Borduas Group [31] en janvier 1946, au Studio de Franciska Boas, où elle suivait des ateliers de danse. C’était la première pierre qui fondait le monument automatiste comme une entreprise de peintres et de mâles. 

Puis, à Montréal, deux expositions devaient marquer les débuts officiels du groupe automatiste. La première, intitulée, fort à propos, Exposition de peinture, eut lieu du 20 au 29 avril 1946, au l257 rue Amherst, dans un local qui appartenait à madame Gauvreau, la mère des frères Gauvreau; Marcel Barbeau, Jean-Paul Borduas, Pierre Gauvreau, Fernand Leduc, Jean-Paul Mousseau, Roger Fauteux et Jean-Paul Riopelle y exposaient leurs oeuvres et le 20 avril un communiqué fut émis à l’intention du public: 

Ces peintres, relativement jeunes, obtiennent l’essentiel pictural, la beauté plastique, commune à toutes les générations de peinture révolutionnaire, [...]. Maintenant que leurs expériences se sont concrétisées dans des réalisations tangibles, ils représentent le seul espoir canadien à un art qui puisse défoncer les limites régionales. [32]

 

La seconde exposition eut lieu au 75 de la rue Sherbrooke, en février-mars 1947, et n’incluait pas davantage de femmes peintres. Le phénomène se répéta au moment où la réputation du groupe gagna la France. Une exposition intitulée Automatisme se tint à Paris, à la Galerie du Luxembourg, l5, rue Gay-Lussac, du 19 juin au 13 juillet 1947. Les participants comptaient Barbeau, Borduas, Fauteux, Leduc, Mousseau et Riopelle. Pierre Gauvreau en était absent. Leduc avait informé Borduas de cette exposition le 15 mai 1947: «Je dois cette chance à Thérèse par Miguel Laforest [...]. Ce dernier fait beaucoup pour notre publicité» [33].

Les «Canadiens nouveaux», ainsi que les nomme Léon Degand dans le carton d’invitation où il définissait l’automatisme [34], sont exclusivement des hommes et des peintres. Il semble qu’aucun doute n’effleure jamais personne à ce sujet. 

De cette brève présentation découle une constatation qui porte à réfléchir: les femmes ne durent qu’au fait d’avoir signé le Refus global (1948) d’être reconnues comme automatistes et, conséquemment, de passer à l’histoire comme faisant partie de l’avant-garde québécoise. La peinture identifie l’automatisme tant sur le plan technique que sur le plan conceptuel et les peintres apparaissent comme les représentants exclusifs d’un art qui se veut universaliste dans sa portée. Cette fois encore, les femmes sont absentes en tant que peintres et d’autres formes d’art comme la poésie, la danse et le théâtre, n’y sont pas considérées.

 

5. La marginalisation des femmes
artistes automatistes: un fait de société

Dans un premier projet pour un manifeste automatiste, une exposition devait accompagner le lancement et un texte de Borduas intitulé Indiscrétions devait servir à présenter les principaux signataires du Refus global participant à cette exposition. Il mentionnait exclusivement les hommes du groupe: Marcel Barbeau, Bruno Cormier, Claude Gauvreau, Pierre Gauvreau, Fernand Leduc, Jean-Paul Mousseau et Jean-Paul Riopelle. Il ne manque d’ailleurs qu’un des signataires masculins du Refus global, le photographe Maurice Perron [35]. L’exposition fut reportée pour laisser au manifeste toute sa force d’impact et son autonomie. L’essai Indiscrétions fut conséquemment écarté. Claude Gauvreau a mentionné qu’il y eut une hésitation de la part de Borduas à faire signer le manifeste par les femmes. Borduas, le plus âgé des membres, était d’une autre génération que celle de ses jeunes collègues. Marié, il avait pour épouse une femme profondément catholique et pratiquante qui aurait pu s’offusquer de voir des jeunes filles se compromettre ainsi. Des hommes aussi, amis de Borduas, ne furent pas sollicités ou refuseront pour des motifs religieux de signer ce manifeste à forte saveur anti-cléricale. La question des croyances pesait alors lourdement sur la volonté de libération de plusieurs membres du groupe et c’est en ce sens que Claude Gauvreau interprète l’hésitation de Borduas à embrigader les femmes. Il écrit: «Je pense que Borduas, tiraillé quand même par sa profonde générosité naturelle, éprouvait du dépit du fait que nos femmes à nous étaient émancipées de l’idéalisme vétuste» [36]. 

Il y avait donc là possiblement davantage qu’une question de pratique religieuse et de respectabilité bourgeoise. Pourtant Borduas se ravisa et fit circuler le texte du manifeste qu’il avait rédigé. Louise Renaud en reçut une copie à New York à la fin de mars 1948 de la part de Borduas. L’incident était clos. Cet épisode attire cependant l’attention sur la position difficile des femmes quant à la prise de parole non seulement publique mais dissidente. Leur action au sein du groupe s’en trouve d’autant plus remarquable et novatrice. 

Que penser de tout cela? Indiscrétions montre bien que le «noyau dur» du groupe était composé des hommes sus nommés, du moins dans l’esprit de Borduas, et que la pratique de la peinture était considérée comme centrale, suite logique des expositions de peinture organisées par les automatistes eux-mêmes en 1946 et 1947. 

Marcelle Ferron était la seule femme exclusivement peintre qui fréquentait le groupe automatiste depuis 1944, date à laquelle Gilles Hénault l’avait présentée à Borduas. On aurait pu croire qu’elle serait de ce fait accueilli au sein des expositions mentionnées mais ce ne sera qu’après la signature du Refus global, à partir de 1949, qu’elle exposera avec les automatistes [37]. Elle était qualifiée par Claude Gauvreau, en 1947, de la façon suivante: «Marcel Barbeau, Roger Fauteux, Ferron-Hamelin sont des peintres automatistes» [38]. Ray Ellenwood constate que c’est la première mention publique de Marcelle Ferron en rapport avec le groupe [39]. Ce qui est significatif ici, c’est que la peinture de Ferron se trouvait déjà qualifiée d’«automatiste» par un membre du groupe et non des moindres. Pourtant elle ne fit pas partie des expositions mentionnées ci-haut. 

Quant à Suzanne Meloche, peintre et poète, elle participait en 1946 au Salon du Printemps dont la section «moderne» était organisée par la C.A.S./S.A.C. Les membres du jury en étaient Paul-Émile Borduas, Fritz Brandtner et Marian Scott. Des oeuvres de Mousseau et de Riopelle s’y trouvaient également présentées, ce qui implique déjà un lien réel entre ces derniers et la jeune femme. Elle épousera un peintre du groupe, Marcel Barbeau, à l’été 1948 et Claude Gauvreau leur servira de témoin. 

Ces événements montrent que des femmes peintres automatistes auraient pu honorablement faire partie de ces expositions du groupe mais il n’en fut rien. Aucune d’entre elles cependant ne parlera d’une quelconque ségrégation à leur égard. Des liens d’amitié et des liaisons amoureuses se nouèrent et se dénouèrent à l’intérieur du groupe ramenant au plan de la vie privée plutôt qu’à celui de la trajectoire professionnelle, les marques d’appartenance. À l’inverse, certains artistes tels Pierre Mercure et Pat Ewen firent ponctuellement partie du groupe grâce à leur lien avec l’une ou l’autre des femmes automatistes. 

En définitive, l’écart entre les générations et la différence sexuelle furent des sources certaines de tiraillements et de disparités chez les automatistes. Si les femmes s’y «étaient émancipées de l’idéalisme vétuste», elles l’étaient relativement par rapport aux conditions sociales et aux rapports entre les sexes qui prévalaient alors. L’expression «nos femmes à nous» de Claude Gauvreau exprime bien involontairement la relation de hiérarchie implicite, ancrée dans une conception encore conventionnelle du couple, si tant est que l’affirmation doublement possessive à leur égard ne fait que correspondre à une convention de langage. «Nos femmes à nous» laisse entendre à la fois autant des rapports amoureux et d’amitié que le partage certain des idées et des prises de position face à l’art et à la vie. Cette expression, qui relève plus de la langue parlée que de la langue écrite, dit bien cependant ce qu’elle veut dire et participe du conservatisme de l’époque face aux femmes. 

La «position» des femmes artistes dans le groupe automatiste demeure donc à cette période relativement marginale. Cela relève moins d'une stratégie consciente que de la perception que les femmes avaient d’elles-mêmes en tant qu’artistes, et de la position que les hommes et elles-mêmes attribuaient à leurs oeuvres au sein du groupe mais aussi dans le champ de l’art actuel. 

On sait combien un mouvement d’avant-garde compte sur la diffusion de sa réflexion théorique pour passer à l’histoire; cela expliquerait en partie le petit nombre de femmes participant à la postérité, du fait qu’elles n’aient pas associé leurs noms à tout un ensemble d’écrits légitimants. On pourrait supputer longuement sur l’importance qu’aurait eu le texte de Françoise Sullivan, La Danse et l’espoir (1947), s’il avait été publié isolément du Refus global. Quant aux autres femmes signataires du manifeste, quelques-unes auraient certes été reconnues mais plus tard et dans un tout autre contexte. 

Le cas de Suzanne Meloche est sur ce point des plus frappants: l’artiste a complètement disparu de la scène artistique québécoise et canadienne depuis 1964, laissant quelques oeuvres éparses chez des collectionneurs dont une seulement au Musée d’art contemporain de Montréal. Ses activités et sa présence sur la scène artistique n’ont cependant pas été négligeables. En 1946, elle participait pour la première fois au Salon du Printemps de Montréal organisé par la C.A.S./S.A.C. Deux autres jeunes automatistes avaient été choisis par le jury moderne composé de Paul-Émile Borduas, Marian Scott, Fritz Brandtner: Jean-Paul Riopelle et Jean-Paul Mousseau. Au Salon du Printemps de 1947, une des oeuvres de Meloche, intitulée No. 18, est accrochée avec des tableaux de Borduas et de Pierre Gauvreau. À vingt ans, cette jeune femmes inscrivait clairement sa démarche picturale au sein du groupe des futurs automatistes. 

Suzanne Meloche était aussi poète. Un manuscrit, Aurores fulminantes (Fig. 7 et 8) daté de 1949, fut retrouvé à la fin des années soixante-dix dans les papiers de Paul-Émile Borduas avec une courte présentation poétique de Marcel Barbeau [40]. «Rien n’indique clairement pourquoi le recueil n’a pas été édité; certains prétendent que les automatistes ne le jugeaient pas satisfaisant mais on peut voir aussi, par la correspondance qui entoure l’édition de Projections libérantes [de Borduas], cette année-là, que la situation financière de [l’éditeur] Mithra-Mythe était précaire» [41]. Le fait est que les écrits de Meloche restèrent inconnus sauf de quelques membres du groupe automatiste qui les avaient lus [42]. Le recueil Aurores fulminantes parut enfin en 1980, aux Herbes rouges à qui Marcel Barbeau avait envoyé le manuscrit, mais il fut publié sans aucune présentation qui situât Suzanne Meloche dans l’histoire de l’art et de la poésie. 

Ray Ellenwood rappelle pertinemment que Claude Gauvreau n’a jamais mentionné [43] Thérèse Renaud (Les Sables du rêve publié en 1946), ni Suzanne Meloche comme des poètes faisant partie du panthéon de l’automatisme. Gauvreau considérait plutôt Paul-Marie Lapointe [44] comme un créateur de l’image poétique automatiste [45]. Avant Ellenwood, André-G. Bourassa a été le premier à souligner cet oubli historique à propos de Suzanne Meloche: «Il aura fallu trente ans avant que les interventions de Suzanne Meloche [...] soient connues (sauf deux poèmes en 1959, dans la revue Situations [46])» [47]. 

Cette étude sur la situation des femmes automatistes mène à une représentation qui ne correspond vraisemblablement pas à la perception que ces mêmes artistes avaient et ont encore de ce qu’elles y ont vécu et réalisé. L’importance qu’a prise «la question des femmes» depuis près de vingt-cinq ans dans les divers champs de production intellectuelle et artistique dont celui de l’histoire de l’art, a permis d’aborder d’un angle différent et singulier la surface un peu trop lisse de l’épopée automatiste au Québec. On ne peut plus, dans l’étude de ce mouvement, penser que la conscience radicale qui le fit émerger a été transférée à une conception également renouvelée des rapports homme-femme chez les artistes qui y étaient engagés: aussi, peut-on conclure que les rapports traditionnels entre les sexes aménagèrent au sein de ce mouvement un terrain idéologique qui défavorisa la visibilité des femmes et leur apport singulier et original à l’automatisme. L’ampleur des remises en question, par les automatistes, des mentalités et des comportements sociaux et culturels, sans parler des novations esthétiques étaient assumées d’une façon particulière par les femmes du groupe, étant donné leur position et leur rôle dans la société d’alors. Elles allèrent à l’encontre de l’éducation traditionnelle qui les avait toutes marquées, se situant au-delà de l’«art vivant» qui prônait une modernité progressive, mais assumant d'une façon qui leur était particulière la rupture qui signe le discours et l'esthétique des avant-gardes modernes.


[1] Une courte et intéressante étude inédite d’une quinzaine de pages d’Esther Trépanier intitulée, «Les femmes, l’art et la presse francophone montréalaise de 1915 à 1930», met en évidence la référence à l’identité sexuelle des femmes artistes dans le discours des critiques de cette période. D’autre part, l’importance des femmes artistes était reconnue et soulignée par plusieurs des critiques d’art recensés.

[2] Femina, catalogue d’exposition, Musée de la Province de Québec, (Québec, 1947).

[3] Lire l’analyse qu’en a faite François-Marc Gagnon, «La peinture des années trente au Québec/Painting in Quebec in the Thirties», The Journal of Canadian Art History/Annales d’histoire de l’art canadien, III, 1-2, (Fall/Automne 1976), 2-20.

[4] Gagnon, «La peinture des années 30», 7.

[5] Plusieurs femmes artistes qui firent carrière y reçurent leur formation, avant la fondation de l’École des Beaux-Arts de Montréal: ainsi Claire Fauteux, Louise Gadbois, Prudence Heward, Sybil Kennedy, Henrietta Mabel May, Rita Mount, Lilias Torrance Newton, Sarah Robertson, Ann Savage.et plusieurs autres. Après cette date, nous y retrouvons comme élèves Denyse Gadbois, Françoise Pagnuelo, Marian Scott, Jori Smith. Se référer à la publication de André Comeau, Artistes plasticiens. Canada (Régime français et Conquête). Bas-Canada et le Québec, (Montréal,1983).

[6] Esther Trépanier, «Les femmes, l’art et la presse francophone montréalaise de 1915 à 1930».

[7] Le terme «art vivant» qualifiait des oeuvres d’artistes anglophones et celles de quelques francophones qui, surtout dans les années trente, fondaient l’organisation formelle de leur toile sur des principes en affinité avec les courants modernes européens. Bien que figuratives ces oeuvres délaissaient l’académisme et les thèmes nationalistes étroits alors à la mode. Cette première expression de la modernité au Québec ne se théorisait pas dans un discours avant-gardiste de la rupture; cependant elle soulevait des questions précises face à la fonction sociale de l’art. Consulter à ce sujet Esther Trépanier, «Peinture et modernité au Québec: 1919-1939», thèse de doctorat, (Université de Paris I, juin 1991).

[8] Canadian Art, Special Quebec Issue, V, 3, (Winter,1948).

[9] Maurice Gagnon, «D’une certaine peinture canadienne, jeune... ou de l’automatisme», Canadian Art, Special Quebec Issue, 136.

[10] Gagnon, «D’une certaine peinture canadienne, jeune ...», 136.

[11] Gagnon, «D’une certaine peinture canadienne, jeune ...», 125.

[12] Gagnon, «D’une certaine peinture canadienne, jeune ...», 126.

[13] Robert Ayre, «Art Association of Montreal», Canadian Art, Special Quebec Issue, 118.

[14] François-Marc Gagnon, Paul-Émile Borduas (Montréal, 1978), 468.

[15] Refus Global, 1948.

[16] Robert Élie, «Au-delà du Refus», Revue dominicaine, LV, 2, (juillet-août, 1949), 5-18, et (septembre, 1949), 67-78.

[17] François-Marc Gagnon, Paul-Émile Borduas, 277.

[18] Thérèse Leduc, Les Sables de rêve, Les Cahiers de la file indienne, (Montréal, 1946).

[19] Maurice Gagnon, «D’une certaine peinture canadienne», 138.

[20] Piscator considérait le théâtre comme un moyen d’expression devant amener une révolution des esprits et des sensibilités. Il intégrait dans ses mises en scènes des documents de réflexion pour les spectateurs ainsi que des projections cinématographiques.

[21] Ray Ellenwood, Egregore. The Montréal automatist movement, (Toronto, 1992), 305.

[22] Voici une définition possible des termes utilisés pour signifier les différentes pratiques multidisciplinaires en art: le côtoiement des disciplines artistiques — pluridisciplinarité; les analogies établies entre elles — interdisciplinarité; la pratique par un-e artiste de plusieurs disciplines mais sans lien nécessairement évident entre elles — transdisciplinarité.

[23] Bruno Cormier était psychiatre et le futur mari de Jeanne Renaud, psychanalyste.

[24] Extrait tiré de Thérèse Leduc, Les Sables du rêve, s.p.

[25] Selon Françoise Sullivan, Guy Borremans s’était beaucoup intéressé à ces films et lui offrit d’en faire un montage. Elle les lui remit mais ce dernier, suite à des déménagements ultérieurs, ne les retrouva plus.

[26] Claude Gosselin, »Entretien avec Françoise Sullivan (27 avril 1981)», dans Françoise Sullivan, Rétrospective, catalogue d’exposition, Musée d’art contemporain de Montréal (Québec, 1981), 14.

[27] Ce texte accompagnait celui du Refus global, dans la publication d’août 1948.

[28] André G. Bourassa, Gilles Lapointe, Refus global et ses environs, (extraits), (Montréal, 1988), 162.

[29] Paul-Émile Borduas, «Le Surréalisme et nous», dans Refus global et autres écrits, édition préparée et présentée par André G. Bourassa, Gilles Lapointe et al., (Montréal, 1990).

[30] Claude Gauvreau, «L’automatisme ne vient pas de chez Hadès», Notre Temps, (13 décembre 1947), 6. Texte écrit à la fin de l’exposition Mousseau-Riopelle.

[31] Borduas et les automatistes, Montréal, 1945-1955, catalogue d’exposition, Musée d’art contemporain de Montréal, (Montréal, 1971), 27; et André G. Bourassa, Jean Fisette et Gilles Lapointe, Ecrits 1, 34.

[32] «Vernissage», Le Jour, (20 avril 1946), 4.

[33] André Beaudet, Fernand Leduc. Vers les îles de lumière. Écrits (1942-1980, (Montréal, 1981, 50.

[34] Carton d’invitation. Centre de recherche en art canadien, Département d’histoire de l’art, Université de Montréal.

[35] Bourassa et al., Refus global et ses environs, 265. « [...] texte manuscrit de trois feuillets, non daté (vraisemblablement de l’hiver 1947-48), ou Borduas décrit certains de ceux avec lesquels il travaille régulièrement, qui font partie de ce qu’il appelle encore tout simplement le «groupe» et qui forment le noyau des futurs signataires du Refus global».

[36] L’exposition Borduas et les automatistes, Montréal, 1945-1955, organisée en 1971 par le Musée d’art contemporain de Montréal, présentée au Grand Palais à Paris à l’automne 1971 et ensuite au Musée d’art contemporain de décembre 1971 à janvier 1972, présentait exclusivement le travail des peintres suivants: Marcel Barbeau, Paul-Émile Borduas, Marcelle Ferron, Pierre Gauvreau, Fernand Leduc, Jean-Paul Mousseau et Jean-Paul Riopelle. Les œuvres choisies étaient datées de 1942 à 1955. Cette exposition confirmait à nouveau que l’automatisme québécois était défini surtout par la peinture et représenté par les membres du groupe qui avaient continué dans cette discipline, c’est pourquoi Marcelle Ferron en faisait partie. De plus, le catalogue de l’exposition ne parlait aucunement des autres pratiques disciplinaires auxquelles d’autres membres s’étaient adonnés. En fait ce ne sera qu’avec les publications d’André G. Bourassa et de Gilles Lapointe, en 1986, que l’éventail des diverses pratiques artistiques sera remis au premier plan chez les automatistes. Voir André G. Bourassa, Surréalisme et littérature québécoise, histoire d’une révolution culturelle, (Montréal, 1986) et Bourassa et al., Refus global et ses environs.

[37] Gauvreau, «L’automatisme ne vient pas de chez Hadès», 3.

[38] Ellenwood, Egregore, 112.

[39] Claude Gauvreau, «L'épopée automatiste vue par un cyclope», La Barre du jour, 17-20, (janvier-août, Montréal, 1969), 69.

[40] Bourassa et al., Refus global et ses environs, 127.

[41] Bourassa, Surréalisme et littérature québécoise, 299.

[42] Après son mariage avec Barbeau en 1948, Suzanne Meloche est souvent mentionnée comme Suzanne Barbeau ou comme madame Marcel Barbeau.

[43] Bourassa, Surréalisme et littérature québécoise.

[44] Paul-Marie Lapointe publia Le Vierge incendié en 1948.

[45] Ellenwood, Egregore, 198.

[46] Suzanne Meloche, «Poèmes», Situations, I, 7, (1959), 89.

[47] Bourrassa, Surréalisme et littérature québécoise, 299.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 11 mai 2007 13:08
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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