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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Rose-Marie Arbour et al., “Les Cent jours d’art contemporain de Montréal. Un phare essentiel”. Un article publié dans CIAAC, Centre international d’art contemporain de Montréal, Montréal, 2004, pp. 73-81. [Le 31 décembre 2006, Mme Arbour nous a autorisé à diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, toutes ses publications.]

Rose-Marie Arbour 

Les Cent jours d’art contemporain de Montréal.
Un phare essentiel
”. 

Un article publié dans CIAC,
Centre international d’art contemporain de Montréal, Montréal, 2004, pp. 73-81. 

 

L'événement annuel Les Cent jours d'art contemporain de Montréal a constitué, tout au long de sa durée, soit de 1985 à 1996, un outil de diffusion de l'art actuel sans équivalent au Québec et au Canada. En faisant se côtoyer les œuvres d'artistes québécois et canadiens et celles d'artistes étrangers, cet événement est devenu un intervenant majeur de la connaissance et de l'appréciation des enjeux actuels de l'art contemporain. Au fil de ses onze éditions, les Cent jours se sont distingués par les intentions récurrentes de son directeur, Claude Gosselin, à savoir :

 

- mettre en situation de mixité des artistes de la scène québécoise, canadienne et internationale;
 
- prendre en charge les espaces publics (tant extérieurs qu'intérieurs : sites urbains, espaces commerciaux, usines désaffectées) afin d'en faire ponctuellement des lieux de créativité;
 
- élargir, sur le plan muséographique, le champ des arts visuels en y incluant le design, l'architecture et le multimédia électronique [1];
 
- faire en sorte qu'un public élargi – y compris les étudiants – aient un accès plus vivant à l'art contemporain par une médiation constante et renouvelée.

 

L'objectif des Cent jours n'a donc pas été de démontrer l'existence d'un art universel, mais plutôt de créer des liens, de mettre en valeur des différences, de susciter des échanges, de confronter les esthétiques actuelles en provenance de divers pays, de mettre en vue des œuvres singulières sous des thématiques plus ou moins resserrées selon les éditions. Tout cela, en plein cœur de Montréal [2]. 

Dans le contexte québécois de l'art contemporain, les Cent jours apparaissent après divers événements-expositions, entre autres : Québec Underground, en 1973; Québec '75, au Musée d'art contemporain de Montréal sous le commissariat de Normand Thériault; Corridart, à l'occasion des Jeux olympiques de Montréal en 1976; 03 23 03. Premières rencontres internationales d'art contemporain en 1977, organisées par Parachute et l'Institut d'art contemporain de Montréal; et en 1980, le Symposium international de sculpture environnementale de Chicoutimi, l'exposition Hier et après du commissaire Normand Thériault au Musée des beaux-arts de Montréal et le festival Performance mis sur pied par Parachute. 

Par ailleurs, la promotion des artistes canadiens à l'étranger était, jusqu'au milieu des années 1980, le fait d'expositions nationales, c'est-à-dire organisées par des institutions canadiennes, présentées dans des institutions étrangères. On pense à Canada, art d'aujourd'hui et à O Kanada organisées par la Galerie nationale du Canada (aujourd'hui, le Musée des beaux-arts du Canada). La première fut présentée dans quatre villes européennes en 1968, alors que la seconde fut réalisée avec la collaboration de l'Akademie der Künste de Berlin en 1982. Il ne faudrait pas oublier la participation du Canada aux biennales d'art contemporain, qu'il s'agisse de Venise, São Paolo ou Istanbul, participation financée par le Conseil des Arts du Canada et le ministère des Affaires extérieures et du Commerce international. 

Les Cent jours allaient se distinguer en adoptant Montréal comme lieu de manifestations et de discours pour y promouvoir l'art actuel, qu'il soit québécois, canadien ou étranger, tous réunis dans une même action. En effet, pour le CIAC, l'énoncé identitaire de la marginalité politique et culturelle d'une ville, en périphérie des grands centres, ne constitue pas nécessairement un empêchement insurmontable à ce qu'elle devienne un lieu de diffusion internationale. À titre d'exemple, n'en avait-il pas été de même, en 1955, soit quelques années après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, avec la création de la Documenta à Kassel, petite ville allemande sans passé particulier pour l'art contemporain? 

Organisme sans but lucratif, sans collection et sans espace d'exposition permanent, le Centre international d'art contemporain de Montréal (CIAC) a ainsi instauré non seulement de nouvelles relations entre la scène locale et internationale de l'art contemporain [3], mais aussi des modes d'expressions novateurs. En effet, la présentation de la plupart des expositions des éditions successives des Cent jours ont été faites dans les galeries en béton d'un centre commercial en partie souterrain, à la Place du Parc, au cœur de Montréal. Cette situation aura permis des présentations inédites et inusitées d'œuvres en utilisant un lieu ouvert et polysémique, où le regard du visiteur se débarrasse plus aisément des préjugés attachés au cadre habituel d'une exposition présentée dans des lieux spécialisés, qu'ils soient musées, galeries d'art ou centres d'exposition. 

Les thématiques proposées tout au long des onze éditions des Cent jours ont fourni, pour certaines, un cadre admirable permettant de faire ressortir des esthétiques particulières, mais aussi des affinités entre des œuvres qui, dans un autre contexte, n'auraient pas été perçues; d'autres thématiques ont modelé un cadre plus élastique, dans lequel les œuvres se sont davantage faites voir et valoir pour elles-mêmes. 

Un travail de médiation 

Claude Gosselin a eu un rêve qui est devenu le ressort d'une action soutenue dans le milieu de l'art contemporain : «être attentif au milieu des arts visuels, susciter chez le public la curiosité et le désir d'être stimulé visuellement [4]». L'ensemble des activités qu'il a mises sur pied autour des expositions (conférences, visites guidées, lancements…) ont démultiplié l'intention qui alimentait les diverses éditions. En inaugurant les Cent jours d'art contemporain de Montréal en 1985, Claude Gosselin a rendu possibles des échanges et des partages entre divers intervenants des milieux de l'art contemporain. Pour ce faire, il a mis en valeur des artistes de diverses provenances. Il a fait accéder un public élargi aux pratiques artistiques actuelles dans le cadre de thématiques ouvertes comme «la lumière», «le savoir», «l'écologie». Certaines éditions se sont particulièrement signalées par un travail de médiation, un souci de créer une relation vivante entre le public et les œuvres. Les Cent jours visaient, au-delà de l'exposition d'œuvres d'art, à mettre en place un lieu de rencontre où l'art, l'environnement et les aspects socioculturels du milieu urbain se stimulent réciproquement et créent, par cette mise en vue, un sens dont l'existence, depuis l'avènement de l'art moderne, n'est pas évident ni tangible pour une grande partie des publics actuels. 

L'importance accordée aux œuvres multidisciplinaires allait s'accentuer au fur et à mesure des éditions, mais cela n'a pas exclu les pratiques traditionnelles, telle la peinture, d'être présentes dans les différentes éditions des Cent jours. Ceux-ci ont, de plus, tracé des bilans artistiques ponctuels et historiques. Ainsi, avec Aurora Borealis, en 1985, l'art canadien était vu sous le regard de la notion de «l'installation»; avec Savoir-vivre, savoir-faire, savoir-être, en 1990, Claude Gosselin emprunte le titre d'une œuvre de Robert Filiou pour le donner à son exposition et discuter d'environnement, de poésie et d'écologie. 

Les Cent jours ont multiplié les types d'activités pour favoriser une meilleure compréhension du travail des artistes et pour accroître l'attention portée à l'environnement visuel. Par les promenades dans la ville, en 1986, 1996, 2002, le CIAC éveille le visiteur aux phénomènes de la lumière sur les bâtiments, aux réalisations architecturales et urbanistiques. 

La onzième et dernière édition des Cent jours (1996) a donné lieu à deux nouvelles activités qui allaient se développer encore davantage au sein de la Biennale de Montréal à compter de 1998. Il s'agit du concours Jeunes critiques en arts visuels invitant les étudiants et les étudiantes des niveaux secondaire et collégial de l'Île de Montréal à écrire des textes critiques sur des œuvres présentées. Les textes primés sont publiés dans le quotidien montréalais Le Devoir. L'autre activité, le Magazine électronique du CIAC, est devenue l'un des plus importants sites Web d'information sur l'art contemporain et actuel. 

L'accent mis sur la médiation visait à modifier les attitudes face à l'art contemporain qui, dans la lignée de l'art moderne, se trouve d'une manière chronique coupé, sinon physiquement, du moins mentalement et culturellement, du grand public. Comme le souligne Claude Gosselin, «cette volonté de toucher le public ne se fait pas au détriment du contenu des expositions. Le CIAC propose des sujets de discussion qui éclairent la pratique des arts visuels et met en lumière les praticiens les plus novateurs. […] Le CIAC participe à nous rendre plus sensibles aux langages visuels [5] 

Les Cent jours d'art contemporain de Montréal ont été un véritable et unique lieu d'expérimentation sur le plan muséologique, où différentes formes d'exposition ont été mises à l'épreuve (allant de l'installation à des œuvres individuelles mises en vue dans des espaces non destinés a priori à les recevoir, en passant par la multiplication des matériaux utilisés tant visuels que sonores). La gestion de tels événements a impliqué un écheveau de rencontres, de connivences, d'ententes et d'engagements tant avec des individus qu'avec des institutions un peu partout dans le monde. Il va de soi que l'élargissement de l'éventail d'activités et l'augmentation du nombre des commissaires et des artistes invités ont donné de l'ampleur au défi de rassembler le tout sous un thème commun, ni trop vaste ni trop limitatif, et qui ne cède pas à la tentation d'imposer de l'extérieur sa cohérence et sa logique. 

Les Cent jours auront contribué à faire augmenter le nombre d'amateurs de l'art contemporain, ce qui représente un défi constant pour les institutions de diffusion de l'art et, à plus forte raison, pour une entreprise non gouvernementale, et de surcroît non commerciale, telle que le CIAC. Sans risque de se tromper, on peut dire que les Cent jours d'art contemporain ont été un phare essentiel à la diffusion et à la reconnaissance de l'art contemporain à l'échelle non seulement locale mais aussi mondiale.


[1] En 1996, tout un pan de la programmation des Cent jours d'art contemporain de Montréal leur était consacré.

[2] D'abord installé dans des locaux prêtés à la Place du Parc (à l'angle des rues Bleury et Milton), l'événement émigra pour sa quatrième édition (1989) à la Cité de l'image, puis revint à son lieu d'origine pour enfin s'installer, pour la dixième édition (1995), au 314 de la rue Sherbrooke Est.

[3] À cet égard, voir Francine Couture, « Expositions collectives et montréalisation de l'art contemporain », Exposer l'art contemporain du Québec, Montréal, Centre de diffusion 3D, 2003, p. 55.

[4] Claude Gosselin, «Le Centre international d'art contemporain», Possibles, vol. 15 no 2 (printemps 1991), p.152.

[5] Ibid., p. 153.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 18 mai 2007 15:56
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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