RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de livre de Georges Anglade, L'HEBDO de Georges Anglade. CHRONIQUE D'UNE ESPÉRANCE. Haïti: Port-au-Prince, 2008, 104 pp. Collection: Livres en folie. [Autorisation accordée par l'auteur le 12 octobre 2009 de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]



L’autre Haïti possible

L’HEBDO DE GEORGES ANGLADE 2007-2008

par Georges Anglade

“L'autre Haïti possible”, in Georges Anglade, L'HEBDO de Georges Anglade. CHRONIQUE D'UNE ESPÉRANCE, pp. 6-9. Haïti: Port-au-Prince, 2008, 104 pp. Collection: Livres en folie.

Le malheur qui pend dessus de nos têtes
Le fil conducteur politique
La grille de lecture scientifique
Le niveau de propédeutique
Le nouveau paradigme
Le nouvel aggiornamento

[6] De toutes les chroniques de l’année 2007-2008, il y en a deux qui sont restées « cachées », invisibilisées, celle du tout début, avant même que ne commence la série, et celle d’après la fin de la série, par-delà le quarante-cinquième Hebdo. En somme, c’est l’Avant et l’Après des Hebdos, là où tout se joue, entre ce que j’avais voulu en faire et ce que j’ai pu en faire. Ce sont ces deux chaînons manquants que je vais vous restituer ici, dans un Hebdo double, comme il se doit, à la fois le prologue et l’épilogue de la chronique de l’année 2007-2008.

La première chronique cachée porte ce que le projet recherchait, son intention, et la dernière chronique ce qui a été trouvé au long de la démarche, en réponse à la question posée. L’une et l’autre chroniques traitent ainsi d’une seule et même attente, qui, dans ce cas, était d’ébaucher L’autre Haïti possible, tapis dessous nos amoncellements d’indicateurs désespérants. Pour cela, il nous fallait un solide tableau de pilotage, aussi bien pour aller à l’essentiel de ce que nous cherchions, que pour ne jamais nous perdre en route. Je me demande d’ailleurs, s’il n’y a pas là un peu de la déformation professionnelle des géographes, tôt rompus, avec boussole et cartes, à préparer leurs terrains, la trajectoire et le trajet, pour ne jamais s’égarer en route, en tenant le cap, en ne perdant pas le Nord... D’où les cinq cadrans du tableau de pilotage.

C’est à l’insoutenable que nous allons nous affronter. Et c’est de sortir de l’insoutenable que nous devons nous préparer, par la seule voie disponible, dirais-je, celle de L’autre Haïti possible.

Cinq balises donc, à la fois au point de départ de la démarche et à son point d’arrivée, au début comme une question posée et à la fin comme une réponse trouvée :

1. Le fil conducteur politique

Pour d’aller droit sur ce qui pouvait immédiatement faire la différence dans chaque champ abordé.

2. La grille de lecture scientifique

Pour l’interprétation la plus juste possible des données significatives de la dynamique en cours.

3. Le niveau de propédeutique

Pour définir le niveau requis de culture générale sur la conjoncture haïtienne à l’entrée des universités.

4. Le nouveau paradigme

Par l’accès au schéma actuel d’agencement des éléments constitutifs de la nouvelle Haïti.

5. Le nouvel aggiornamento

Par l’identification des meilleures voies à suivre pour la modernisation et l’ouverture vers l’autre Haïti possible.

Nous ferons, de ces cinq balises de l’année, le plan à suivre dans cet Hebdo double, d’introduction et de conclusion.


Le malheur qui pend dessus de nos têtes

Il me faut dater, aussi précisément que possible, ce que je vais dire de cette période qui s’annonce catastrophique, car tout va aller très vite à partir de maintenant, dès les mois d’été de la soudure estivale 2008 au pays. Il va falloir refaire le point souvent, tout au long des mois qui viennent, quoique pour l’essentiel la menace soit connue. Et c’est bien de cette famine, quasi imparable dans le temps qui reste, dont nous parlerons. J’écris ce texte le dimanche 27 avril. J’ai reculé au maximum le moment de le faire, pour disposer du plus d’informations possibles... Mais, [7] comme demain il me faut absolument enchasser ces quatre dernières pages dans le livre, si je veux que cette édition de tête soit disponible pour Livres en folie, le 22 mai, dans moins d’un mois d’ailleurs, je n’ai plus le choix, il me faut livrer la marchandise que voici.

Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, vient, en ce mois d’avril, de laisser tomber la remarque, très largement partagée d’ailleurs aux plus hauts niveaux internationaux, que des millions de personnes vont mourir de faim dans le monde, des suites de la crise alimentaire de ce mois, des prochains mois, des prochaines années... et, devons-nous ajouter, qu’Haïti y versera bien évidemment un tribut particulièrement lourd de victimes, si nous ne voyons à notre affaire qu’est L’autre Haïti possible.

D’une famine annoncée de cette ampleur, généralisée aux trois quarts des miséreux de la population, faite de l’odieux et horrible manque de nourriture jour après jour, jusqu’à l’échéance finale d’en mourir, nous n’en avons encore jamais connue dans notre histoire, pourtant dure et rude d’américanisation des nations africaines du grand voyage transatlantique. C’est à l’insoutenable que nous allons nous affronter. Et c’est de sortir de l’insoutenable que nous devons nous préparer, par la seule voie disponible, dirais-je, celle de L’autre Haïti possible.

Quand on sait ne disposer que de 10% de ce qu’il faudrait avoir, pour intervenir dans un champ donné, que fait-on ? On investit dans la locomotive capable de tirer le train et non dans le saupoudrage de tous les wagons...

Toutes les pièces du puzzle de ce qu’il faut pour que prenne corps L’autre Haïti possible sont actuellement en place. Ici même. Il suffirait que nous les emboîtions les unes aux autres... mais c’est vite dit, quand on connaît notre séculaire propension à nous tirer dans les pattes les uns les autres, allègrement, au détriment de la chose publique, de la chose collective. Depi nan Guinen, nèg rayi nèg... À défaut de L’union fait la force, de notre devise trop souvent trahie depuis l’Indépendance, ce sera La force fait l’union, sous la menace de ce qui s’en vient et que nous ne pourrons dépasser à la longue que par L’autre Haïti possible. Il n’y a plus aucune illusion à se faire quant aux choix à notre disposition.

Il me faut vous dire que je ne crois même pas que l’imminence du désastre nous rende tous plus conciliants... Ce sera plutôt le début du désastre annoncé qui finira par nous convaincre de prendre le chemin de L’autre Haïti possible, quand le malheur qui pend dessus nos têtes commencera à se matérialiser. Alors là, une fois de plus, ce sera dans la précipitation et la pagaille que nous agirons, alors que nous aurions pu aborder ce tournant avec prévoyance.

Puisque je fais métier d’ébaucher inlassablement l’alternative dont est pleine chaque conjoncture, je m’y suis encore soumis cette année dans ma page au Nouvelliste, mais cette fois comme en sport extrême, dans ce qui me semble la plus grande crise de notre histoire nationale, celle qui menace effectivement la vie d’un très grand nombre d’entre nous.


Le fil conducteur politique

J’ai suivi, tout au long de l’année 2007-2008, un fil conducteur politique hautement pragmatique, attentif à ce sur quoi agir pour arriver à faire une différence immédiate. C’est un double exercice de lucidité que de se regarder d’abord tel que l’on est, et c’est toujours dans le dramatique en Haïti, et de partir ensuite concrètement de ce point, pour des propositions à effets immédiats et à portée de nos moyens.

Quand on sait ne disposer que de 10% de ce qu’il faudrait avoir pour intervenir dans un champ donné, que fait-on ? On investit dans la locomotive capable de tirer le train et non dans le saupoudrage de tous les wagons, ce qui ne changera jamais rien. Et c’est du saupoudrage que nous faisons partout et en tout. Changer exige une rupture, d’avec la routine habituelle.

On peut ainsi parcourir les dix principaux thèmes abordés dans l’année, avec ce souci du fil conducteur politique, pour voir qu’à chacun d’eux correspond une proposition finale ayant les caractéristiques recherchées de levier sur lequel agir pour une différence immédiate. De l’université la priorité à l’UEH, et dedans cette dernière, l’urgence de propédeutique. De la pauvreté, l’aboutissement à L’aune des petites filles. De la présidence, le besoin de passer des Charmeurs aux Dompteurs. De la gouvernance, le contrat de performance (TDR) à signer par les cadres. Des attentes du rural, l’adoption du postulat de la migration zéro. De l’état des lieux, l’urbanisme dans les Cités. De la population, le sous-comptage des jeunes. De la Constitution, le passage de la 23e à la 24e sans état d’âme. De la carte électorale, une nouvelle grille de meilleure [8] répartition des élus en chambres pour le Tricentenaire, etc. etc.


La grille de lecture scientifique

Pour l’interprétation la plus juste possible des données de la dynamique en cours, il a bien fallu construire une grille de lecture scientifique à deux volets, d’abord les options de méthode à appliquer et ensuite les mutations de structures à observer.

De la méthode du discours, ce sont globalement trois éléments qui vont se retrouver dans tout. D’un, le changement d’échelle d’analyse, le passage au macro, qui nous a porté à considérer la totalité des Haïtiens dans le monde dans une Carte maîtresse de tous les lieux de présence significative de communautés haïtiennes, au lieu de nous confiner au seul territoire clos des 27 700 km2, quand un tiers des nôtres en sont déjà sortis. De deux, de toutes les grilles d’analyses, la préférence à l’analyse par génération, exceptionnellement adéquate à l’histoire de notre XXe siècle créatrice des deux segments de population du dedans et du dehors. De trois, le resserrement de l’arbre terminologique, dont bon nombre des termes courants méritaient un travail de précision, comme de l’amalgame entre pauvreté et misère, aux conséquences nuisibles pour le seul horizon accessible aux trois quarts de l’humanité, la pauvreté. Ce sont donc un changement d’échelle, un mode particulier d’analyse et des mots justes pour dire les choses qui ont joué de méthode du discours, mais aussi de discours de la méthode.

Les mutations de structures observées, le deuxième volet de la grille scientifique, a été abondamment au centre des Hebdos, en ce que le nouvel espace des Haïtiens est un modèle de mondialisation d’anciens sédentaires, confinés à l’espace colonial d’origine, qui ont repris leur marche de nomades. Et de suivre la sociologie des nouvelles classes moyennes une génération plus tard, et la nouvelle économie des transferts qui pèse pas loin de 50% du roulement économique de la nation, et tous les chambardements que vont induire ces nouvelles donnes ; ce dont l’année d’Hebdos a fait état en long et en large.


Le niveau de propédeutique

Il y a mille façons de tenir chronique, et nous en avons signalé quelques-unes en cours d’année... Quand je les lis, je retrouve à chaque fois une combinaison de quatre dimensions principales : le genre (un séminaire, un discours, une leçon magistrale, un reportage, etc.), le niveau (spécialisé, pointu, large, etc.), la manière (synthèse, analyse, reproblématisation, vulgarisation,etc.) et enfin la langue (décoiffante, lodyancière, argotique, d’oraliture, soutenue, etc.). L’infinité des dosages possibles de ces ingrédients et leur variation continuelle en cours de texte, nous fait déboucher sur le ton propre à chaque chroniqueur, ton unique, si vrai qu’il n’y a aucune confusion possible entre, par exemple, les dix à chroniquer de front chaque semaine dans Le Nouvelliste.

Une toute nouvelle Haïti est en réalisation actuellement, et nous avons comme société à choisir, par le biais de la 24e Constitution à venir, de faire de la Carte maîtresse notre Carte d’atout.

J’avais, dès le départ, un choix explicite à faire à partir de mes intuitions ; je me suis dit que l’abonné du Nouvelliste et le lecteur d’une chronique sont à tout coup de niveau universitaire, formel ou informel ; et que le lectorat à cibler en second devait être ces quelque deux à trois cent mille bacheliers de niveaux disparates, allant du meilleur au pire, en quête d’universités partout au pays. Je me suis dit que fixer la barre des chroniques, au niveau souhaitable pour eux, en culture générale sur la conjoncture haïtienne, niveau à exiger à l’entrée des universités... était une bonne chose à faire.

J’ai donc choisi la vulgarisation de niveau propédeutique, ce qui allait m’entraîner dans deux directions en cours de route. La première était de devoir commenter l’Hebdo de chaque semaine au micro de Magik9, pour qui voulait après lecture, s’en imprégner encore plus, et cela marche bien actuellement... La deuxième direction, plus complexe, sera le montage d’un projet d’enseignement propédeutique de grande diffusion, par radio, pour une uniformisation et une mise à niveau des vastes clientèles concernées. Ce qui suppose plus tard, après cette édition de tête pour les amateurs et les collectionneurs à se retrouver au quatorzième Livres en folie du 22 mai 2008, une autre édition de type propédeutique, c’est-à-dire le rajout, aux 104 pages de cette version, des pages aux lourds appareils académiques d’index, de tables, de syllabus, de références, et la reliure caisse courante à ce niveau et l’inclusion de CD en pochettes... pour devenir l’outil visé de formation, cette espèce de Nouvel espace haïtien contemporain d’entrée aux universités du Tricentenaire.


[9]

Le nouveau paradigme

Il est évident, au terme de l’année d’Hebdos 2007-2008, qu’une toute nouvelle Haïti est en réalisation actuellement et que nous avons comme société à choisir, notamment par le biais de la 24e Constitution à venir, de faire de la Carte maîtresse notre carte d’atout, en libérant la croissance, en nous ouvrant au développement et à la démocratie en tablant sur tous les Haïtiens du dedans et du dehors, avec le moins possible de discriminations, voire même pas de discrimination du tout... ou de nous replier encore anachroniquement dans l’enclos des 27 700 km2 qui va subir une de ces crises totales capitales dont seule la mobilisation des ressources matérielles et humaines, nôtres et en diasporas, permet de penser l’évitement.

Le nouveau paradigme, c’est-à-dire le nouveau schéma actuel d’agencement des éléments constitutifs de la nouvelle Haïti, a été ici reconnu dans ses dimensions géographique, économique, sociologique, démographique, politique... Nous avons même illustré ce nouveau paradigme dans la relecture du carnaval, de la vie chère, de la question raciale avec Obama, de la famine comme crise à venir, pour en bien montrer son opérationnalité. Le suite n’est qu’une question de choix de société que nous allons devoir faire, car, acculés ici et maintenant, nous ne pouvons plus reculer.

Autant dire aussi que, pour ma part, je vais me battre et combattre pour L’autre Haïti possible... et que tout cela va probablement se jouer en dedans des cinq ans à venir.


Le nouvel aggiornamento

À nouveau paradigme nouvel aggiornamento, comme volonté de changement, d’ouverture et de modernisation. L’identification de ces nouvelles voies à suivre aura ainsi occupé plus particulièrement la série sur Les boules de l’État, cinq Hebdos à questionner les missions de l’État et leurs traductions en ministères de réalisation. Ministères ? dix tout au plus, dix tout au moins, pour faire ce qu’il y a à faire, mais pas sans le cadrage préalable des dix expectatives devant donner lieu aux dix chantiers que nous avons aussi clairement nommés, en prise 5 des Boules de l’État, à titre de propositions, solidement documentées cependant. C’est sans doute l’équivalent des issues popularisées, dans le monde, par l’actuelle campagne présidentielle étatsunienne, terme difficilement traduisible en français jusqu’à présent, mais dont le contenu est bien l’expectative attendue de chaque ministère comme cible principale et sa transposition en chantiers.

* * *

J’ai cherché, tout au long de l’année 2007-2008, L’autre Haïti possible et je crois finalement avoir trouvé comment la trouver, avec ses voies et moyens, ses expectatives et chantiers, issues donc. Toutes les pièces de ce puzzle sont ici rassemblées dans les quarante-cinq Hebdos qui composent ce discours tenu sur la conjoncture actuelle. C’est la chronique d’une espérance, espérance qui sera saisie par nous ou ne le sera pas, ce qui dépendra en dernière instance du passage à l’acte de chacun et de chacune de vous, et de nous tous, ensemble.

Carte de l'exode haïtien, 1919-1976.

On dit qu’une photo vaut mille mots et d’une carte qu’elle vaut dix mille mots... Ce qui semble effectivement le cas de la terra incognita qu’est Haïti, quand on la considère dans la plénitude de ses presque quinze millions d’Haïtiens d’origine, un tiers hors pays et deux tiers dedans pays. Le potentiel de ce collectif est considérable en regard des limitations des seuls 27 700 km2 de la Terre-mère.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 28 janvier 2010 10:15
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref