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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Le discours des remèdes au pays des épices. Enquête sur la médecine hindoue. (1989)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean-Marc Fontan, “ De l'intellectuel critique au professionnel de service, radioscopie de l'universitaire engagé. ” (2000). Un article publié dans la revue Cahiers de recherche sociologique, no 34, 2000 [Les universitaires et la gauche], pp. 79-97. Montréal: département de sociologie, Université du Québec à Montréal. [Autorisation accordée par l'auteur le 23 juin 2003]

[9]

Le discours des remèdes au pays des épices.
Enquête sur la médecine hindoue.

Préface

Ce livre s'efforce de reproduire le voyage qui lui donna naissance. J'étais parti pour Bénarès étudier la médecine hindoue. Je croyais la tradition morte en pratique et j'espérais seulement trouver l'aide d'un pandit pour lire les textes sanskrits. L'āyurveda (c'est le nom de cette médecine) ne bénéficiait pas encore à l'époque de la vogue des médecines douces. J'ignorais que ce fût là une réalité économique et sociale de première importance en Asie du Sud. La médecine traditionnelle bénéficie en Inde d'une relative vitalité de la culture sanskrite et du libéralisme des lois qui autorisent la concurrence entre médecine hindoue, médecine arabe, alchimie tamoule, homéopathie et « allopathie » (la médecine scientifique qu'on prétend considérer là-bas comme une tradition parmi d'autres). Or l'Ayurvéda est précisément un traditionalisme, c'est-à-dire un système qui inscrit ses principes dans la nature du terroir, une médecine en prise directe sur l'écologie. J'ai donc bifurqué vers une région particulière de l'Inde, à la recherche d'un sol dans lequel je pourrais étudier comment la tradition classique concrètement s'enracine. J'ai fait choix d'une écologie en ouvrant mon enquête sur les jardins d'épices pour l'achever sur les vents de mousson. C'est une version particulière de la médecine hindoue qui résulte de cette écologie sur la côte Malabare, mais elle est exemplaire parce qu'elle met en lumière l'extraordinaire influence des épices dans la médecine ancienne, tant en Inde qu'en Europe.

Ce livre résulte aussi d'une rencontre. J'avais deux indices de la présence des Astavaidya dans le Sud. Un jeune médecin allemand, qui avait étudié quelques mois à Bénarès et complété [10] son tour d'horizon par un périple dans la péninsule, était venu donner une conférence à Paris, illustrée de diapositives dont l'une représentait le chef de la Maison Ilayitattu Taikkat d'Ollur sur le perron de sa belle demeure ; notre conférencier avait évoqué la personnalité d'un praticien ayurvédique renommé « dans tout le sud de l'Inde » ; les patients faisaient parfois plusieurs centaines de kilomètres pour venir le consulter. L'autre indice dont je disposais était une référence bibliographique : une Flore publiée par un certain N.S. Mooss de Kottayam, Kerala. Je me trouve un soir dans cette petite ville et je pars à la recherche de ce livre. Les commerçants avaient l'air de connaître ce M. Mooss ; on me dirige sur l'Electric Supply Agency. Climatiseurs, dactylos, manager en veston et cravate... J'apprendrai par la suite qu'à titre de privilège royal pour services rendus comme médecin de la cour, le père de mon Maître avait reçu du maharajah en 1931 le monopole de la distribution du courant électrique pour la ville de Kottayam. Après quelques instants d'attente, on me fait franchir une porte, et là... l'Inde hindoue la plus déroutante et, en principe, la plus fermée aux étrangers. Trois brahmanes, ou plutôt comme je l'ai plus tard reconstitué, il y avait le maître Nambudiri, Astavaidyan Vayaskara N.S. Mooss, et deux érudits Variyar attachés à sa Maison par des rapports de clientèle traditionnels. Douze ans d'amitié ont suivi cette rencontre. Par ses publications dans tous les domaines de l'érudition ayurvédique, Vayaskara Mooss s'était acquis une notoriété internationale. Je lui dois plus que je ne saurais dire. Nous avons lu ensemble les classiques pendant mille et mille heures surtout lors de mon second séjour en 1976-1978. Nous avons voyagé ensemble ; j'ai partagé ses anniversaires et ses deuils... Il nous a quittés le 5 septembre 1986.

Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle (mais supplanté depuis par Java et Sumatra), le Kerala ou côte Malabare fut le pays du poivre, et même, les produits du commerce venant s'ajouter aux productions du sol, le pays des épices. À vrai dire, je n'avais pas conscience de l'importance de ce fait du point de vue médical lors de mes premiers séjours. Je m'en suis avisé bien plus tard, lorsque, dans une nouvelle traduction du Périple de la mer Erythrée (texte grec du Ier siècle de notre ère) publiée par la Hakluyt Society, je suis tombé en arrêt devant une carte de géographie qui identifiait Kottayam à la Nelkunda, la Nelcynde antique où le poivre venait s'acheter à prix d'or. Je repris [11] alors sous l'angle de l'Ayurvéda et de la pharmacopée hindoue le dossier de l'immense histoire du commerce des épices, dont le Kerala fut dès l'Antiquité la plaque tournante. Et sur l'image de Nelcynde, mes souvenirs ont cristallisé.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 8 novembre 2013 11:20
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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