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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Méthodes de recherche pour l’éducation. Éducation et formation. Fondements. (2004)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Jean-Marie Van der Maren, Méthodes de recherche pour l’éducation. Éducation et formation. Fondements. Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal; DeBoeck Université, 2e édition, 2004, 502 pp. Collection: Méthodes en sciences humaines. [Le directeur général des Presses de l’Université de Montréal, Monsieur Antoine Del Busso, nous a accordé, le 9 juin 2015, son autorisation de diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, en accès libre à tous et en versions électroniques, ce livre de Monsieur Jean-Marie Van der Maren.]

[5]

Méthodes de recherche pour l’éducation.
Éducation et formation. Fondements.

Introduction


1. Quelle conception de la recherche scientifique en éducation ? [5]
2. Qu'est-ce que la méthodologie de la recherche ? [9]
3. Les visées, les options et le style de ce livre [10]
4. Structure du livre [12]
5. Itinéraires de lecture [14]


L'introduction de ce livre, comme celle de bien d'autres, est écrite une fois que tout a été rédigé. C'est le temps d'annoncer, avant de présenter les chapitres, ce qui est, tout compte fait, le plus important pour comprendre la suite : les conceptions à partir desquelles ce livre a été produit.

L'objet de ce livre est la méthodologie de la recherche scientifique en éducation. Deux questions doivent donc être d'abord éclaircies : que sont, selon nous, la recherche scientifique et la méthodologie ?

1. Quelle conception de
la recherche scientifique en éducation ?


Il s'agit d'une activité, assez prisée en cette fin du XXe siècle, à laquelle s'adonne une minorité d'individus qui poursuivent un des deux ou les deux buts suivants : la contestation des dogmes et la transgression des savoirs. D'autres chercheurs poursuivent un troisième but : mieux maîtriser notre environnement physique et humain. Dans ce dernier cas, la recherche se situe à la frontière entre la recherche scientifique et la recherche appliquée ou de développement. Enfin, on rencontre quelques chercheurs, dans des universités ou dans des institutions officielles, qui font de la recherche parce que c'est le moyen privilégié pour maintenir ou faire progresser leur carrière : obtenir des promotions, des subventions, financer un laboratoire ou faire vivre une équipe de recherche. Quels que soient les buts poursuivis, les résultats de la recherche peuvent être utilisés selon une finalité positive, soit l'amélioration des conditions d'existence, ou selon une finalité négative, soit l'accroissement des biens ou du pouvoir personnel au détriment des biens et du pouvoir des autres.

Le premier but de la recherche scientifique est la mise en doute, la critique, la contestation du sens commun, du bon sens, des théories et des manières de penser prônées par la majorité ou par les autorités. Ces autorités peuvent être le groupe social auquel nous appartenons, un clergé, des [6] politiciens, des chefs syndicaux, des professeurs, des gourous, des médecins, des philosophes, des savants, d'autres chercheurs, et toutes les personnes qui prétendent tenir une quelconque vérité et nous l'imposer. Pour la recherche scientifique, et cela vaut aussi en éducation, la « Vérité », la vérité absolue, n'existe pas. La question de la vérité est un problème métaphysique et c'est seulement en suivant une méthode philosophique que nous poumons en discuter. Mais la philosophie n'est pas le propos de ce livre.

Pourquoi cette mise en doute de la pensée commune et ce refus d'une vérité absolue ? Parce que c'est l'exercice fondamental de la liberté et que, sans cet exercice, les hommes et les femmes sont les jouets des dictatures, que celles-ci proviennent d'une perversion du pouvoir matériel et social ou de la poursuite aveugle d'un absolu religieux, philosophique ou politique.

Les dogmes et les doctrines ont eu leurs heures de gloire en éducation. Pour être un bon enseignant, il suffisait de suivre la doctrine révélée et. de nos jours, il s'agit de partager l'idéologie d'un syndicat ou d'un ministère. Curieusement cependant, tant les syndicats que les ministères réclament de leurs enseignants qu'ils se comportent de manière autonome et rationnelle, qu'ils ne soient pas les simples exécutants des basses oeuvres de l'autre partie. Comme enseignant, il nous reste une solution : mettre dos à dos ceux qui veulent nous en imposer et pratiquer cet exercice de la liberté de penser que constitue la recherche scientifique.

Le second but de la recherche scientifique est la transgression des savoirs admis. Les solutions du bon sens autant que les réponses scientifiques et techniques aux problèmes de la vie quotidienne apparaissent, dans bien des cas, insatisfaisantes, Il faut donc aller au-delà, « transgresser » les connaissances actuelles et chercher de nouvelles idées, poser de nouvelles hypothèses afin de pouvoir essayer de nouvelles solutions. Le progrès de la société et de la qualité de la vie implique que nous admettions que les connaissances actuelles sont limitées, qu'elles aboutissent parfois à des culs-de-sac et que, ces lacunes étant reconnues, on soit capable d'opérer des ruptures pour imaginer de nouvelles connaissances et pour proposer des hypothèses originales de solution.

La recherche scientifique, comme activité partageant ces buts contestataires du savoir établi, n'aboutit pas à produire des vérités absolues, des explications finales, des solutions radicales. Le futur chercheur et le public ne doivent pas attendre cela de la recherche scientifique. S'ils espèrent cela, ils seront déçus ou ils seront trompés. À moins de se disqualifier à ses propres yeux, la recherche scientifique ne peut, en effet, produire elle-même [7] ce qu'elle tente de critiquer. Que produit-elle alors ? Des énoncés, des discours qui, par définition, restent provisoires (hypothétiques) et ne sont que des approximations du fonctionnement des choses, des individus, des « objets de recherche ». La recherche scientifique ne produit même pas d'explication au sens où l'explication pourrait signifier la cause fondamentale, la raison, le sens profond des événements. Même si l'on utilise souvent l'analogie de l'enquête policière pour décrire la démarche de la recherche scientifique, cette dernière ne permet jamais de découvrir le responsable, le coupable. Elle permet seulement de mieux comprendre comment certains événements semblent s'enchaîner les uns aux autres, elle permet seulement d'identifier quels sont certains des facteurs qui semblent jouer dans les événements ou dont les acteurs tiennent compte dans l'organisation spontanée ou calculée de leurs comportements.

D'une certaine façon, les travaux situés à la frontière de la recherche scientifique et de la recherche appliquée vivent les mêmes ambitions et les mêmes limites que la recherche scientifique. C'est parce que les solutions connues pour les problèmes à résoudre sont insatisfaisantes qu'ils cherchent à en trouver de meilleures. Mais on sait aussi que les nouvelles solutions risquent fort de n'être que partielles et temporaires. Toutes les nouvelles solutions sont partielles parce que. étant donné la complexité des situations, chaque solution privilégie les éléments du problème qui semblent prioritaires en un moment et en un lieu. Elles sont temporaires parce que les situations évoluent et que les priorités changent : des éléments secondaires peuvent devenir prioritaires. Il n'y a donc pas plus de solution absolue qu'il n'y a de vérité.

Dans les sciences humaines, les facteurs sont souvent symboliques. Ce n'est pas la seule perception des situations ou des actes des partenaires qui enclenche un comportement. Les facteurs qui interviennent sont plutôt les significations attribuées, les intentions postulées, les interprétations projetées sur les comportements et sur les événements perçus. Cela signifie que la recherche en sciences humaines ne peut pas se contenter d'observer de l'extérieur la conduite des acteurs, car elle perdrait ce qui fait le propre du sujet humain : la réflexivité dans un système d'échanges symboliques. Cette pensée qui se pense dans une action investie de significations ne peut être atteinte que si le chercheur obtient la complicité des acteurs. En sciences humaines, le chercheur seul ne peut rien. Ce sont les acteurs qui lui livrent sa matière première. En tant qu'organisateur de sens, le chercheur n'est souvent en réalité que l'interprète, le traducteur des significations dont les premiers auteurs sont les acteurs du terrain.

[8]

Par ailleurs, la recherche de sens, comme objet de recherche scientifique en sciences humaines, n'aboutit pas non plus à la découverte de la signification « vraie ». Il s'agit toujours d'une des significations possibles, car le chercheur travaille sur une trace exprimée des significations vécues. Le vécu est indicible, inaccessible en dehors de la méditation, car il est personnel, unique, inscrit dans une histoire que personne d'autre ne partage. Dès lors, son expression à l'usage des autres en est une traduction. La publication de l'intime n'en dévoile jamais qu'une partie. Même quand il veut tout en montrer, l'effort d'exhibition en déforme une certaine part ; comme si ce qui se vit ordinairement devait être modifié (amplifié ?) pour soutenir la comparaison avec ce qui ne se dit qu'extraordinairement. Cela ne veut pas dire qu'on ne puisse pas faire une étude scientifique des significations publiques à partir des traces de l'intime données à savoir.

La recherche scientifique n'est pas l'activité suprême de l'esprit ; elle est à distinguer des autres modes de pensée et d'activités humaines. Certains aiment souligner qu'au sens courant du terme, la « recherche » s'applique aussi au poète, au compositeur, à l'interprète, au philosophe : bien des êtres humains sont « en recherche » lorsqu'ils s'adonnent à une activité créatrice. Dans certains cas, c'est seulement dans une telle recherche créatrice que l'artiste peut mettre à jour les émotions, les pensées intimes qui le meuvent, qui le passionnent avant qu'il puisse se les réfléchir. Mais son projet est de se dire, de se découvrir, de se dépasser ou de se construire, de se développer, de s'intégrer. Le projet de l'artiste est de s'instituer et non pas de contester, et même lorsqu'en apparence il conteste, il refuse, ce n'est jamais que pour se poser en s'opposant.

Par ailleurs, si ces activités sont toutes aussi culturelles que la recherche scientifique, si elles sont tout autant essentielles au progrès d'une société, elles ne doivent pas prétendre s'identifier à ce qu'est la recherche scientifique. Ce n'est pas parce que la recherche scientifique bénéficie d'une certaine aura en cette fin de XXe siècle, que ces activités de développement culturel doivent se prévaloir, à l'intérieur des discours académiques, du titre de « recherche ». Ce faisant elles se dénigrent ; le terme recherche étant devenu synonyme de « recherche scientifique », ces activités culturelles se pénalisent lorsqu'elles semblent vouloir revendiquer une nature que les tenants purs de la recherche scientifique leur refusent a priori.

[9]

2. Qu'est-ce que la méthodologie
de la recherche ?


La contestation scientifique n'est ni anarchie ni révolution, elle se fait selon des règles de jeu. En effet, comme dans un jeu de société, il importe que le contesté reconnaisse le bien-fondé des énoncés du contestataire. Plus encore, il importe que le résultat de la contestation soit accepté comme un progrès, afin qu'il puisse servir de cible à une contestation ultérieure qui constituera un autre progrès et pas seulement un retour à la case de départ. Pour qu'une telle acceptation de la contestation comme démarche d'avancement des connaissances soit possible, il est essentiel qu'elle se déroule selon des règles admises par chacun des partenaires. Ces règles de la recherche sont les normes ou l'éthique de l'activité scientifique.

Jusqu'au milieu de ce siècle, les normes de l'activité scientifique s'apprenaient sur le tas, en pratiquant la recherche comme étudiant, puis comme assistant, dans une équipe sous la direction d'un « patron ». Le junior apprenait du senior selon une formule oscillant entre le compagnonnage et le mandarinat. Cette forme d'apprentissage, assez individualisée, impliquait que le senior exerce une certaine pression morale sur le junior, ce dernier désirant accéder au cercle limité des quelques chercheurs accrédités dans un domaine. Les modes de fonctionnement de la recherche se sont modifiés avec la Seconde Guerre mondiale en même temps que l'enseignement supérieur s'est démocratisé. La recherche ne se fait plus en équipe restreinte composée d'un patron, d'un assistant et de quelques étudiants. Elle est passée d'une organisation artisanale, à une organisation industrielle. Dès lors, l'apprentissage des règles de la recherche ne peut plus se faire par transmission individuelle à l'intérieur de l'activité de recherche. Le nombre des collaborateurs d'une équipe s'est agrandi et le rythme de production s'est accéléré de telle manière que l'on estime maintenant que les futurs chercheurs doivent connaître les règles de la recherche avant de commencer à en faire et qu'il est économiquement peu rentable de les former individuellement De plus, la recherche scientifique est devenue le mode de développement des connaissances de nouvelles disciplines et de départements sans tradition scientifique. En conséquence, pour que les règles du jeu de contestation qu'est la recherche scientifique soient transmissibles et connues par la masse des chercheurs, il a fallu les codifier : ainsi apparut la méthodologie. Donc, la méthodologie de la recherche, comme objet d'enseignement, est récente et son origine montre en même temps sa nature : elle est une codification des pratiques considérées comme valides par les chercheurs seniors d'un domaine de recherche. Autrement dit, elle est un recueil des règles de jeu que les adversaires acceptent de respecter dans les [10] discussions et les contestations par lesquelles la recherche scientifique se développe ; le discours sur les méthodes est une codification des règles de la recherche scientifique pour fin d'apprentissage et d'arbitrage.

Si la méthodologie répond à un souci de codification des règles d'un jeu essentiellement démocratique, elle ne peut figer la recherche scientifique. La méthodologie doit progresser au même rythme que la recherche si on veut que l'ensemble des chercheurs d'une discipline puissent faire autre chose que de mimer, après coup, ce que l'élite des chercheurs se donne le droit de faire. En effet, le progrès des connaissances, les sauts significatifs du savoir, sont liés à des ruptures méthodologiques : des abandons et des changements dans l'utilisation des instruments, de nouvelles définitions de critères pour l'identification des phénomènes, des techniques inusitées dans l'analyse des données, etc. La méthodologie devient alors une discipline qui s'établit elle-même comme objet d'observation, d'analyse, de réflexion et de contestation. La méthodologie ne reste pas un code stable, elle est sujette à des remaniements. Comme le droit évolue en fonction des changements sociaux, la méthodologie évolue en fonction des objets et des pratiques dominantes de recherche, fl n'y a pas et ne pourra jamais y avoir une unité méthodologique au sens où une seule méthode de recherche pourrait suffire pour codifier les règles utilisées dans les différents enjeux de la recherche scientifique. L'unité méthodologique d'un domaine de recherche est une illusion simplificatrice et fossilisante (sinon totalitaire). Ce sont le polymorphisme et la dynamique des objets et des pratiques de recherche qui donnent à la codification des méthodes sa complexité et, parfois même, ses apparentes contradictions.

3. Les visées, les options
et le style de ce livre


Dans sa forme actuelle, ce texte s'adresse aux étudiants, aux futurs chercheurs. Pour qu'ils ne deviennent pas les serviteurs de quelques méthodologies dogmatiques, il veut les informer, mais de manière critique, tant du fonctionnement abstrait que du fonctionnement concret de la recherche. Tl a pour but de leur ouvrir les yeux en établissant des distinctions, en appelant les choses par leur nom et en dévoilant les questions en suspens. Certains chapitres ont initialement été rédigés pour fin de discussion lors de colloques. Ils ont été profondément remaniés. Mais les réactions suscitées en ces occasions nous conduisent à adresser aussi l'ensemble de ce texte aux chercheurs et aux professionnels de la recherche en éducation, non pas pour qu'ils l'utilisent comme une référence technique, mais pour qu'ils partagent ses interrogations et qu'ils prolongent cette réflexion sur la [11] codification des règles et sur la fonction des règles de la recherche au bénéfice de l'éducation.

Trois options, qui seront discutées au cours des chapitres, constituent les contraintes que Ton a voulu respecter.

D'abord nous avons limité la présentation des méthodes à celles qui sont pertinentes à la recherche pour l'éducation, c'est-à-dire à la recherche qui fonde et instrumente les acteurs de l'éducation, en l'opposant à la recherche sur l'éducation, c'est-à-dire la recherche qui permet aux disciplines contributives (sociologie, psychologie, etc.) de tenir des cours sur l'éducation. Nous pensons que l'enseignement des méthodes de recherche dans les facultés et les départements d'éducation doit prioritairement servir à produire des données qui puissent fonder les diéories pédagogiques et à produire des outils qui permettent aux acteurs d'actualiser les théories pédagogiques et d'agir sur le terrain. La recherche sur l'éducation ou à son propos tirera plus de profit des méthodes propres aux disciplines contributives telles qu'on les y enseigne. Dans la mesure où ces recherches servent d'abord à alimenter un sous-domaine disciplinaire, comme ceux de la sociologie de l'éducation ou de la psychologie de l'éducation, elles doivent puiser leurs méthodes dans ces disciplines, et c'est là que ceux qui en ont besoin doivent aller les chercher.

Ensuite, notre intérêt pour les discours méthodologiques est d'abord instrumental : leurs fondements concrets sont d'abord stratégiques, et non pas épistémologiques. Pour avoir du sens, l'épistémologie, tout comme l'histoire des sciences, exige que des recherches aient déjà été faites : on ne peut faire une critique, ou une théorie, de ce qui n'existe pas encore.

Enfin, ce texte témoigne d'une réflexion engagée : tout en présentant une codification contemporaine des méthodes de recherche, il souhaite débusquer les abus, les erreurs, les glissements, les supercheries dans l'utilisation des méthodes. Car chaque méthode a ses limites et en choisir une implique de les assumer, c'est-à-dire un renoncement. Or chaque chercheur connaît un jour la tentation du petit mensonge, du mensonge partiel, imaginé pour se protéger et pour donner à croire qu'un choix n'était pas limité, qu'une option était « la » seule bonne, qu'une croyance était la vérité. La vérité étant inaccessible et sa quête impossible, le méthodologue ne peut faire progresser la connaissance scientifique qu'en traquant les petits mensonges partiels qui se glissent dans les pratiques et les discours méthodologiques. C'est pour cela aussi que ce texte est un peu polémique. Avec un tel objectif, ce texte n'a pas été produit comme un ouvrage savant au discours « politicaly correct ».

[12]

Ce livre a donc plus une visée didactique que scientifique : il ne veut pas établir un discours méthodologique, il veut faire réfléchir sur les discours méthodologiques. Dès lors, l'appareillage bibliographique et critique classique des documents scientifiques ne s'y trouve pas. Par ailleurs, il comporte des tableaux et des figures dont la fonction est de systématiser ou de schématiser la présentation des concepts et de leurs relations.

4. Structure du livre

Ce livre comporte quatre parties. Elles sont organisées en fonction de leur contenu et non pas en fonction de leur utilité en vue d'une planification de recherche ou d'un apprentissage de la méthodologie.

La première partie, intitulée épistémologie, discute d'abord de concepts se rapportant au statut des sciences de l'éducation (chapitre 1), au statut des discours et des recherches que l'on y entreprend (chapitre 2), aux finalités de la recherche et aux types des théories qu'elle produit (chapitre 3). Ensuite, on aborde le débat sur le quantitatif et le qualitatif, sur le plan des données, des discours et des méthodes, pour montrer comment les gains des uns constituent les limites des autres et inversement (chapitre 4). Enfin, on examine les questions clefs auxquelles tous les discours méthodologiques tentent d'apporter des réponses (chapitre 5).

La deuxième partie porte sur les grandes méthodologies. On examine d'abord la recherche spéculative (chapitre 6), souvent négligée dans le discours méthodologique, bien qu'elle constitue une partie importante de toute recherche, que celle-ci soit théorique ou appliquée. C'est la raison pour laquelle la méthodologie de la recherche spéculative est discutée à part, avant d'envisager les recherches appliquées et les recherches nomothétiques, bien qu'en soi elle constitue un volet nomothétique important. En effet, il n'y a pas de problématique de recherche appliquée et de cadre Uiéorique ou conceptuel qui puissent être écrits sans que le chercheur ait examiné et critiqué des théories, sans qu'il en ait dégagé des postulats sur son objet et sur les méthodes efficaces de production des traces, ou sans qu'il en ait inféré des hypothèses et le programme de leur mise à l'épreuve. Sans d'abord procéder à une telle étude, les recherches ne feraient que réinventer la roue. L'analyse, la critique et l'inférence d'énoncés théoriques font donc partie intégrante de toutes les recherches. Ensuite, on effectue une macro-analyse des démarches de la recherche appliquée (chapitre 7) puis de celles qui produisent des données permettant d'élaborer et de vérifier des théories (chapitre 8). Comme la recherche n'est pas simple [13] contemplation, mais qu'elle est systématisation d'une observation ou d'une intervention, on examine les plans de recherche (chapitre 9) et les biais, ou contaminations, qui y sont associés (chapitre 10). Enfin, on introduit à la modélisation et à la simulation, non seulement comme démarche de recherche, mais avant tout comme méthode de gestion d'un projet de recherche (chapitre 11). Cette partie se termine par une réflexion sur l'écriture de la recherche (chapitre 12).

La troisième partie, la plus courte, est technique : elle présente les outils du chercheur lorsqu'il constitue ses données. Ces outils sont introduits selon trois classes. Ceux qui récoltent des données invoquées, produites en dehors de la recherche en cours et que le chercheur veut exploiter (chapitre 13). Ceux qui fournissent des données provoquées, données provenant de sujets qui n'ont qu'un choix de réactions à faire parmi les réponses que le chercheur propose pour ses propres questions (chapitre 15). Ceux qui construisent des données suscitées, c'est-à-dire des données dont la forme et le contenu dépendent autant des sujets qui sont libres d'élaborer leurs réponses que du chercheur qui adapte ses questions aux réactions de ses sujets (chapitre 14). Chacune des techniques de constitution des données est brièvement décrite avant d'être examinée sous l'angle des principaux problèmes soulevés par son utilisation. Les références données à la fin de chacun de ces chapitres permettront d'approfondir les techniques qui auront été retenues après l'examen des problèmes qu'elles posent.

La quatrième partie détaille les phases d'une recherche inductive ou exploratoire, la recherche par laquelle on souhaite trouver des choses plutôt que de prouver des choses. C'est le type de recherche qui semble le plus utile, à l'heure actuelle du moins, en éducation. En préalable, les grandes classes de présupposés qui influencent la construction d'un programme de recherche exploratoire sont présentées afin que le chercheur soit attentif à clarifier ses positions et à les expliciter pour les lecteurs du rapport à venir (chapitre 16). Comme les problèmes doivent être analysés et instrumentés avant de devenir des objets de recherche, les éléments constitutifs du cadre conceptuel et méthodologique sont examinés avec l'enchaînement qui conduit à la planification du projet de recherche (chapitre 17). Assumant que la troisième partie a permis le choix des techniques de constitution des données, on examine ensuite les grandes méthodes d'analyse exploratoire des données, y compris une brève présentation des théories sur lesquelles elles se fondent (chapitre 18). Une fois que l'analyse a permis d'identifier ce que comportent les données et à quoi elles ressemblent, il s'agit d'utiliser des techniques de codage et de traitement des données, c'est-à-dire les [14] méthodes de transformation qui pourraient faire apparaître des structures peu apparentes au premier coup d'œil : comment organiser les données pour construire une hypothèse, une signification qui leur convienne (chapitre 19). Enfin, cette partie se termine par un chapitre sur l'interprétation des résultats issus des transformations et sur les exigences de validation des hypothèses ainsi induites (chapitre 20).

5. Itinéraires de lecture

Étant donné la structure qui vient d'être présentée, les différents buts qu'un lecteur peut se donner conduisent à suivre des itinéraires différents. Nous distinguons trois cas : 1° les étudiants de deuxième cycle en formation à la recherche ; 2° les étudiants de deuxième cycle en formation comme utilisateurs avertis ; 3e les étudiants de troisième cycle.

1. L'étudiant de deuxième cycle pressé d'instrumenter un projet de recherche qu'il doit déposer pour une sanction académique aura sans doute avantage à commencer par le chapitre 3 (les enjeux), afin d'identifier quel genre de recherche il veut entreprendre, à quel type de production il veut aboutir.

1.a. Si l'étudiant est concerné par une recherche appliquée, la suite de la séquence devrait au moins comporter dans l'ordre les chapitres 6 (recherche spéculative), 7 (recherche appliquée), 5 (le discours méthodologique), 11 (modélisation et simulation), puis la troisième et la quatrième parties. Une fois le plan de recherche ébauché, et avant de passer à l'action, il est essentiel qu'il revienne sur les chapitres 10 (les biais psychosociaux) et 12 (écrire la recherche).

1.b. Si l'étudiant est plutôt concerné par la recherche nomothétique, la séquence suivra les chapitres 6 (recherche spéculative), 12 (écrire la recherche), 8 (recherche nomothétique), 5 (le discours méthodologique), 9 (les plans), 10 (les biais psychosociaux), et 11 (modélisation et simulation), avant de passer par la troisième et la quatrième parues. En effet, celui qui se préoccupe du progrès des connaissances doit bien connaître non seulement les démarches de la recherche spéculative, mais aussi les stratégies d'utilisation de son instrument privilégié, l'écrit. Plus que celui qui développe des outils d'intervention, il doit aussi savoir, avant de choisir, quelles sont les forces et les faiblesses des plans de recherche ainsi que les difficultés dues au fait de travailler avec des humains plutôt qu'avec des machines.

[15]

Mais, que l'étudiant soit concerné par la recherche appliquée ou par la recherche nomothétique. sa formation méthodologique ne sera pas complète s'il ne s'astreint pas à la lecture des chapitres sautés pour des raisons d'urgence.

2. L'étudiant de deuxième cycle qui se prépare à devenir un utilisateur averti, et donc critique, de la recherche pour l'éducation, aurait sans doute avantage à commencer par les chapitres 3 (les enjeux), 4 (quantitatif, qualitatif et paradoxes) et 5 (le discours méthodologique) avant de lire le chapitre 2 (les savoirs et la recherche pour l'éducation). Ensuite, son parcours suivra les cinq chapitres méthodologiques (5,6,7,8,9 et 10). Il poursuivra par les chapitres 16 (les explicitalions préliminaires), 17 (cadre conceptuel et méthodologique) et 20 (l'interprétation des données), qui devraient lui permettre d'évaluer comment le chercheur a situé sa problématique et comment il l'a instrumentée avant d'apprécier la valeur des conclusions. Comme dans le premier cas, la formation complète d'un utilisateur averti passe aussi par l'étude ultérieure des chapitres que ce cheminement particulier a évités.

3. Avec les étudiants de troisième cycle, censés devenir des spécialistes de la recherche, nous classerons les étudiants de deuxième cycle qui suivent une démarche rétrograde, c'est-à-dire les étudiants qui, par quelque malheureux hasard curriculaire, prennent leur formation méthodologique alors que leur programme de cours et leur recherche sont quasi terminés. À ceux-là, c'est-à-dire à ceux qui sont déjà passés par la réalisation complète ou partielle d'une recherche de deuxième cycle, nous conseillons de lire le livre de bout en bout en suivant l'ordre des chapitres tel qu'il est structuré. En effet, étant donné l'expérience qu'ils ont prise, nous pensons qu'il est important qu'ils soient confrontés aux questions de fond, et qu'ils réfléchissent, avant d'entreprendre l'étude systématique des questions techniques.

Pour conclure cette introduction, insistons sur ce qui nous parut essentiel au long de ce texte : 1° - une recherche qui se tient est multiméthode ; 2° - elle n'est intéressante que si elle est polémique et vise le dépassement de ce que l'on sait déjà ; et, 3° - pour que ses conclusions ne soient pas banales, le chercheur doit réfléchir au-delà de ses données, il doit se risquer à théoriser, à reprendre le travail de réflexion spéculative une fois qu'il a analysé des données, que celles-ci proviennent d'un terrain ou qu'elles soient constituées par d'autres écrits.

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Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 18 septembre 2015 11:40
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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