RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Christian RUBY, Tout n’est pas perdu.
Éléments d’une critique des nostalgies (Culture, art, politique)
.
(2016)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Christian RUBY, Tout n’est pas perdu. Éléments d’une critique des nostalgies (Culture, art, politique). PAC Éditions, Bruxelles, série Analyses. Début de la première publication des fiches : 2008 (1° série = Culture), puis 2010 (2° série = Art), puis 2012 (3° série = Politique). Les fiches ont été publiées à raison d'une par mois. Rassemblement de toutes les fiches en un volume, sous le titre TOUT n'est pas perdu : 2014. Puis publication 2015-2016. Editeur responsable : Yanic Samzun (décédé depuis). Le volume complet en une petite édition entièrement vendue, juste avant le décès de l'éditeur. 2016, 167 pp. [L’auteur nous a accordé le 7 août 2016 son autorisation de diffuser en accès libre à tous ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Éléments d’une critique des nostalgies
(Culture, art, politique).

Préface

Susciter des compositions en archipel.


L’appropriation par le public des textes et propositions que l’on peut dégager d’une histoire conflictuelle de la philosophie et de la pensée est sans aucun doute plus politique par ses effets d’autoformation que la lecture des ouvrages rédigés avec célérité par des commentateurs de ce qu’il est convenu d’appeler l’actualité, surtout si la publication de ces livres trop vite rédigés est destinée à renforcer l’effacement déjà entrepris par les institutions dominantes des fractures de la société au profit de fictions d’identité, d’unité et d’harmonie.

Tel est le but visé par la remise entre les mains du public de ces séries de brèves notes philosophiques [1] destinées à accompagner et nourrir des confrontations publiques, des dissensus entre citoyennes et citoyens, au sein desquels chacun pourrait trouver à exercer sa capacité à parler et à exposer ses désaccords [2]. Elles ne remplissent pas la fonction autoritaire de ces pages si courantes dans lesquelles des experts affichent « la » vérité qui doit être crue, parce qu’émanant d’un professionnel disposant du privilège d’un savoir que les « autres » auraient à contempler de loin, à apprendre sans le discuter, à accepter sans sourciller et auquel ils auraient à se soumettre en croyant ne pas être capable de le comprendre et de le réélaborer. Pas plus qu’elles n’offrent des leçons auxquelles adhérer.

D’autant que ces séries de notations témoignent, en premier lieu, de ce que rien ne peut jamais être figé en ces questions dont elles traitent – la culture, les arts, les luttes sociales et la politique – dans un dogme ou une conviction quelconque. Le nombre des textes de référence, sur de tels objets, n’est pas non plus restreint, autorisant dès lors de nombreuses combinaisons grâce auxquelles faire surgir des perspectives inédites ou des croisements mettant en question les lieux communs de l’époque et la manière d’y consentir.

Chacun peut donc les parcourir et les critiquer, doit en vérifier le propos, et surtout rebondir sur elles à sa manière, en leur opposant ses propres chemins de pensée, en arpentant dans ce travail une multiplicité de directions d’action et de pensée, à partir desquelles saisir des compositions possibles [3] et renforcer sa propre trajectoire, là même où justement nul expert ne saurait intervenir, sinon pour en étouffer le savoir.

Au vrai, en second lieu, la pensée, pour exister et fructifier, a besoin de se déployer dans des actions et des discussions qui constituent avant tout des moments de déprise de soi, des modalités de culture de soi, au sein desquels se modifie ce que l’on énonçait d’abord, et se construit un monde de pensée qui a autre chose à proposer à tous que la répétition de ce que chacun peut entendre partout autour de lui et a surtout des inquiétudes à proposer aux lecteurs qui s’engagent dans un processus d’émancipation, lequel, sur ce plan, doit consister à redessiner constamment le champ du possible, du dicible et du pensable.

 Depuis longtemps, les philosophes n’ont plus à chercher à fournir à la conscience les moyens de sa révolte, au public les instruments de son jugement, à l’humanité les manières de s’éclairer. Ils cherchent plutôt, désormais, à rendre à chacun son aventure intellectuelle en proposant simplement, avec leurs limites et dans les bornes de leur champ de travail, des parcours philosophiques à partir desquels des compositions inédites des différentes trajectoires humaines deviennent possibles. Nous appelons de telles compositions des compositions en archipel en ce qu’elles se réalisent à partir de l’affirmation du deux et de l’entre-deux dans lesquels de la pensée chemine.

Je n’ignore pas combien cet ensemble est loin d’être complet ou encyclopédique. Tel me disputera pour n’y pas retrouver telle ou telle citation ou tel ou tel auteur. Pourtant, ce qui compte infiniment plus, c’est que chacun, partant de ses sentiments d’indignation soulevés par les conditions présentes de nos existences, puisse les articuler à ces contributions, afin de choisir par lui-même comment devenir contemporain [4] de ce monde.

Enfin, si l’ensemble ainsi formé s’ouvre par la question de la culture ainsi que celle du statut des œuvres d’art, c’est qu’elles font actuellement l’objet de batailles acharnées, et que prendre position dans cette bataille rend possible un des chemins qui conduit à reconsidérer la question de la politique. De malentendus en mésententes portant sur la signification du terme « culture », de sacralisation en critique du fonctionnement de la sphère culturelle, cette question conjugue de surcroît, et à juste titre, la divergence des opinions sur ce qu’elle est ou ce qu’elle doit être avec la divergence des opinions politiques. De toute manière, qu’on soit saisi ou non par lui, l’amour de la culture ne suffit pas à masquer le fait que sous les œuvres s’agitent des humains, des intérêts et des conflits. Les modes, les réputations, les renommées, les faveurs publiques finissent d’ailleurs souvent par prendre le pas sur la question elle-même.

Ajoutons encore un mot. Nous poursuivons ces publications avec une série (future, 2010) portant sur l’éthique (dans sa différence avec la morale et son opposition au moralisme). Elle sort pour l’heure de cet ensemble. Cela dit, l’articulation de ces différents examens (culture, Art, politique, éthique) souligne que le problème majeur d’une philosophie contemporaine ne devrait pas être de susciter la crainte d’une grande catastrophe, la volonté de séculariser le divin ou la condamnation de l’individualisme. Il devrait être de rappeler à chacun qu’il a la capacité d’agir et de penser par lui-même dans le rapport aux autres. Au demeurant, s’il y a une unité de la philosophie, ce n’est pas celle de ce qui fut longtemps son objet (la vérité ou l’un) ou celle qui serait impulsée par l’esprit du philosophe qui construit un système de pensée. Elle est celle d’une configuration d’énoncés propre à libérer une intelligibilité du monde et à poser l’émancipation au principe des activités humaines.

Christian Ruby

Christian Ruby est philosophe, Formateur de médiateurs culturels. Il est membre de l’ADHC (association pour le développement de l’Histoire culturelle), de l’ATEP (association tunisienne d’esthétique et de poiétique), du collectif Entre-Deux (Nantes, dont la vocation est l’art public) ainsi que de l’Observatoire de la liberté de création. Chercheur indépendant, ses travaux les plus récents portent sur l’élaboration d’une Histoire culturelle européenne du spectateur (3 volumes parus), ainsi que sur une théorie politique du spectateur (en cours de parution). Cette dernière s’expose déjà pour partie dans : Spectateur et politique, D’une conception crépusculaire à une conception affirmative de la culture  , Bruxelles, La Lettre volée, janvier 2015. Il développe une philosophie de la culture résumée dans Abécédaire des arts et de la culture, Toulouse, Editions L’Attribut, 2015. Site  de référence : www.christianruby.net



[1] Publiées par groupes thématiques, aux fins de formation, entre 2007 et 2009 et éditées par PAC dans différentes séries de Points de vue.

[2] Nous souffrons de nos jours d’entendre le débat public colonisé par un esprit de consensus. De Jean-Jacques Rousseau (Lettre à d’Alembert, 1758) à Jürgen Habermas, aujourd’hui, en passant par Immanuel Kant, on exalte les principes communs, les évidences communes, et les vertus apaisantes du langage à destination du débat public. Sur de tels prémices, les médias se font fort d’écarter toute dispute. Que reste-t-il alors de l’espace public 

[3] S’il n’est pas juste de donner sa mesure pour règle à celle des autres, il demeure essentiel que nous apprenions à composer nos puissances d’agir et de penser. Que l’on appelle cela « solidarité », « enthousiasme » ou « exercice de soi », il y va évidemment du sort de tous.

[4] Cf. Notre Devenir contemporain, La couleur du temps au prisme de l’art, Paris, Le Félin, 2008.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 30 septembre 2016 10:14
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref