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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Christian RUBY, BACHELARD. (1998)
Biographie de Bachelard et réseaux d'influence


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Christian RUBY, BACHELARD. Paris: Éditions Quintette, 1998, 63 pp. Collection: “Philosopher”. [L’auteur nous a accordé le 6 août 2016 son autorisation de diffuser en accès libre à tous ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[56]

BACHELARD.

Biographie de Bachelard
et réseaux d'influence


GASTON BACHELARD,
1884-1962

Il est devenu presque trop aisé de se remémorer les dates de la vie de Bachelard. En 1984, implantées dans sa région d'origine, la Bourgogne, les œuvres de commande publique de Klaus Rinke (à Lusigny-sur-Barse, sur le canal de l'Aube, une œuvre célèbre l'eau — principe féminin — et l'univers — principe de tension masculin), de Mario Merz (différée), de Eugène Van Lamsweerde (évoquant l'air, à Langres) et de Bernard Pages (attachée à la terre, aux ceps de vigne) commémorent le centenaire de sa naissance. On oubliera d'autant moins sa présence régionale qu'une certaine immortalité lui est acquise, qui est constituée de noms de rues (Dijon) ou, ailleurs, de secteurs universitaires (Sorbonne, mais aussi Villeneuve-d'Ascq).

Plus généralement, la vie et la pensée de Bachelard appellent une biographie moins chronologique que sociologique. Il est plus intéressant de signaler des passages ou des trajectoires que d'opérer le relevé des traces mémorielles consignées. Passage, par exemple, de la campagne (Bar-sur-Aube) à la ville (Dijon), du statut de provincial à celui de parisien, de l'école républicaine (IIIe République) à l'université, etc. Autant de moments d'un déploiement, qui favorisent la rencontre avec des expériences différentes (l'artisan, le forgeron, les mœurs culinaires, les collègues, etc.) et qui accompagnent, mieux encore, des rectifications de la [57] pensée constatables dans la bibliographie qui suit. Autant de moments qui donnent à sa formation autodidacte en philosophie un relief particulier, puisqu'elle ne lui impose aucune affiliation à une école.

La carrière de Bachelard, atypique, s'articule à plusieurs pivots autour desquels les commentateurs s'accordent. L'ancrage d'abord employé des Postes avant-guerre (« la Philosophie du non ». p.44), il passe le concours d'ingénieur des Télégraphes, achève une licence de mathématiques (1912), devient professeur de physique, puis en 1920 passe une licence de philosophie, et en 1927 sa thèse (dédiée à Abel Rey). Si entre 1929 et 1934 (de Bar-sur-Aube à Dijon, où il remplace Henri Gouhier qui assumait la tâche depuis Troyes, où il était professeur), ses recherches cernent l'ensemble des difficultés et des obstacles philosophiques (le rationalisme, le positivisme, la psychologie) opposés à la pensée scientifique, elles font naître de multiples notions qui portent encore largement les traces de la culture philosophique acquise. C'est en 1934 (Dijon) que s'affirment les notions les plus probantes de l'épistémologie bachelardienne les notions de nouvel esprit scientifique… obstacle… dialectique. Puis, entre 1940 et 1951 (de Dijon à Paris-Sorbonne, où il succède à Abel Rey, à la chaire d'histoire et de philosophie des sciences), le travail subit une nouvelle orientation, qui associe, cette fois, épistémologie et histoire des sciences, il est d'ailleurs nommé, à cette époque, directeur de l'Institut d'histoire des sciences et des techniques (fondé en 1932, par l'Université de Paris), avant d'entrer à l'Académie des sciences morales et politiques (1955).

[58]

Mais, parallèlement à la trajectoire sociale et à la réalisation de l'œuvre exclusive de références politiques, jusque dans les actions de citoyen de Bachelard, malgré tout conseiller municipal dans sa ville —, l'impact intellectuel du travail de Bachelard s'étend (les radios s'intéressent à lui, et nous conservons quelques enregistrements). Nous disposons de nombreux témoignages sur ce plan, certains sont rapportés directement (élèves, amis, proches)., certains correspondent à des récits de seconde facture. D'autres se constatent en mesurant l'augmentation du nombre d'ouvrages commentant les travaux de Bachelard (avec des pointes très nettes en 1938. 1956 et 1962). On pourrait aussi relever les références faites à Bachelard dans les ouvrages d'autres philosophes par exemple. Sartre le cite dans l'Etre et le Néant » (p. 639, Paris. Gallimard, coll. « Tel »), tandis que Bachelard lui répond dans l'Activité rationaliste (p. 80). Évoquons quelques cas flagrants de cette « influence » d'un esprit qui a appris que l'on ne se forme qu'en se réformant.

Le groupe des peintres Cobra (1940) s'inspire de la lecture de ses ouvrages. S'élabore ainsi une peinture de la matière où l'imagination active qui pénètre au plus profond de la matière permet une autre sorte de rêverie. L'artiste Pol Bury témoigne largement de la relation entre ses propres recherches et la lecture de l'œuvre du philosophe. Signalons, en passant, que Bachelard n'a jamais dédaigné commenter les œuvres d'artistes dont il appréciait le travail (Albert Flocon).

[59]

Il convient de relever aussi le rôle historique positif que l'œuvre de Bachelard a pu remplir auprès de nombreux philosophes marxistes pendant une période qui couvre en gros les années 1945-1955 en effet la dialectisation des catégories de la raison et la liaison entre philosophie des sciences et pratiques scientifiques, mises au premier plan par Bachelard ces années-là. ont permis une critique matérialiste du spiritualisme (Bergson, Blondel, Lavelle, etc.), sous la couverture de ce travail philosophique. Puis, des penseurs originaux se détacheront dans cette voie, qui doivent à la lecture de Bachelard des impulsions qu'ils lui reconnaissent d'ailleurs.

Dans le même ordre d'idées, si Bachelard n'est pas particulièrement intéressé par la question des sciences sociales (à peine effleurée et encore négativement dans quelques textes), il a tout de même considéré que la sociologie, le droit, l'histoire étaient des sciences constituées. On ne s'étonnera pas de voir de nombreux chercheurs, dans ces champs du savoir, tenter de mettre les notions de l'épistémologie bachelardienne au service de la défense de ces sciences. Pour un Pierre Bourdieu qui utilise abondamment Bachelard dans l'exposé des règles du Métier de sociologue (Mouton/Bordas, Paris 1968), il faut compter des ethnologues, et des épistémologues de toutes sortes (surtout à une époque où chacun cherchait à faire passer son domaine de recherche pour scientifique). Michel Foucault, Jacques Lacan. Louis Althusser, chacun pour son compte saura se servir de ces éléments pour penser, à une époque d'ailleurs où les intellectuels ne s'occupent plus de leurs engagements, mais de leur savoir. À l'exception toutefois [60] de la psychologie qui souffre d'une surcharge de critiques évidentes, fort bien résumées par Georges Canguilhem. dans ses « Etudes de philosophie et d'histoire des sciences (Vrin, Paris 1970).

Enfin, on ne saurait ignorer que le domaine de la critique littéraire fut longtemps traversé par l'usage du vocabulaire bachelardien. Roland Barthes, dans les Essais critiques (Seuil, Paris 1964), raconte comment il en est venu à utiliser l'épistémologie de Bachelard, mais de nombreux autres critiques, pour ne pas l'avoir avoué, sont demeurés tributaires du même champ de pensée.

Une ultime remarque Le personnage du philosophe construit par Bachelard a fini par inspirer la BD cf. J.-C. Mézières et P. Christin, Valérian agent spatio-temporel, « Métro Châtelet — Direction Cassiopée », Dargaud, Paris 1980.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 30 septembre 2016 9:55
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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