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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Hubert de Ronceray, Sociologie du fait haïtien. (1979)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre sous la direction de Hubert de Ronceray, Sociologie du fait haïtien. Montréal: Les Presses de l'Université de Montréal; Port-au-Prince: Les Éditions de l'Action sociale, 1979, 270 pp. [Autorisation formelle accordée par la direction des Presses de l'Université du Québec le 22 août 2019 de diffuser ce mémoire, en accès libre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[1]

Sociologie du fait haïtien

Introduction

Repenser les bases mêmes de la sociologie haïtienne, vérifier les possibilités d’adéquation à notre réalité d’une discipline importée, tels étaient les deux principaux objectifs de notre action scientifique. Pour y parvenir, il nous fallait donc, d’abord, sortir d’une sociologie très littéraire, dépasser les approches ethnologiques des Griots et des Indigénistes quoi qu’elles aient marqué le début d’observations minutieuses et rigoureuses des faits de la culture nationale.

Malgré la permanence compréhensible de certaines questions importantes (la race, le vodou, l’héritage africain en Haïti, le déterminisme racial dans nos démarches psychologiques) nous avions privilégié deux grands ordres de problèmes : d’une part les mutations profondes qui altèrent aujourd’hui les structures sociales haïtiennes et d’autre part les contraintes qui menacent l’équilibre de notre société et son devenir.

Des problèmes nouveaux comme la pression démographique, l’émigration des ruraux vers les villes avec son cortège de conséquences sur l’urbanisme, le logement, l’éducation, l’hygiène, la malnutrition, les attitudes collectives et individuelles appellent à l’heure actuelle des solutions urgentes et un renouvellement de l’appareil sociologique haïtien.

L’amorce d’une nouvelle démarche sociologique plus empirique, cherchant à lire notre réel d’une manière plus proche s’avérait donc utile et intéressante à plus d’un titre. Jusqu’ici, les enquêtes sociologiques montraient leur déficience quant à ce rapport concret avec la matière questionnée. Mais il a fallu reconnaître les difficultés et les risques qu’entraîne en Haïti, toute recherche sur le terrain.

Le fait haïtien analysé est perçu comme une manière collective d’être, de penser, de sentir, d’agir, un système de valeurs, de normes, de symboles, [2] de formes d’organisation matérielle et spirituelle par lesquels près de six millions d’individus liés par l’histoire, la géographie, l’économie manifestent leur vitalité, leurs facultés créatrices, leur identité.

Le fait haïtien est global, multidimensionnel. En le soumettant à un découpage méthodologique et en l’analysant à travers ses institutions familiales, éducatives, ses cadres ruraux et urbains, nous ne perdons pas de vue la dynamique d’ensemble de sa structure et les types de comportement originaux que cette dernière détermine.

Dès ses premiers travaux (les Cahiers du CHISS), parus en 1967, le CHISS définissait clairement cette visée de dépassement d’un stade purement descriptif de la recherche pour réaliser des études analytiques et prévisionnelles. Elles se situaient dans la perspective générale de la nouvelle sociologie empirique fondée sur l'analyse rigoureuse de la réalité sociale à travers un modèle théorique et méthodologique plus ou moins mathématisé. Notre choix pour un angle de vision structuraliste-fonctionnaliste nous permettait une telle rigueur. Nous analysons des variables multiples, formulons des hypothèses sous la forme de fonction algébrique et les vérifions à travers des coefficients de corrélation qui mesurent quantitativement le degré d’association et d’indépendance des phénomènes.

Nos enquêtes n’auront pas ici de continuité apparente mais elles ont l’avantage de couvrir les surfaces clés où s’opèrent les mutations importantes de notre société : la famille, l’éducation, l’émigration des ruraux vers les villes.

Nous présenterons d’abord en première partie le noyau familial sous ses divers aspects : plaçage, concubinage, mariage civil ou religieux (chap. premier). Le chapitre sur les faits d’état civil en Haïti (chap. II) conclura cette présentation rapide de nos communautés rurales. Nous pourrons dès lors mieux saisir le passage d’une société traditionnelle à une société intégrant de plus en plus des valeurs modernistes (chap. III). La deuxième partie portera sur une sociologie de l’éducation. Le dyptique traditionalisme/modernisme apparaîtra comme opératoire dans la plupart de nos travaux, en particulier, dans notre essai de sociologie urbaine (troisième partie). On le retrouvera également dans nos études des communautés rurales (quatrième partie). Il faut en effet rendre compte des irruptions brutales du rural dans l’urbain, des changements de comportements chez les migrants ruraux dans les villes et des transformations du monde rural lui-même du fait des circuits de plus en plus vivants ville-campagne.

Nous avons essayé d’amorcer une sociologie de l’éducation (deuxième partie) en évaluant les différents aspects quantitatifs et qualitatifs de l’éducation [3] aux niveaux primaire, secondaire, professionnel, universitaire. Nous avons mesuré les attitudes de la clientèle scolaire et universitaire vis-à-vis du système d’éducation actuellement en vigueur, ce qu’elle en attend, la capacité de réponse d’un tel système aux besoins économiques, sociaux et aux conditions réelles de développement.

Nous avons dû maîtriser conceptuellement cette réalité haïtienne tellement diversifiée. Le premier chapitre de la troisième partie : « Problématique générale de l’urbanisation en Haïti » donne à voir les difficultés à amener les notions de ville, de logement et de les adapter à notre réalité sociologique. Il importait de leur donner un nouveau remplissage de sens. Cette étude cherchera à déterminer la nature, la grandeur et la dynamique des facteurs qui expliquent la distribution écologique des quartiers et l’inégalité de leur développement. Elle vise également à dégager les perspectives et les tendances de la structure globale du Port-au-Prince métropolitain et les éléments d’une planification à court terme et à long terme.

Cette étude de Port-au-Prince est complétée par une exploration empirique au Bel-Air (chap. Il) qui essaye de saisir les caractéristiques physiques, économiques, culturelles et démographiques de cette zone.

C’est encore le rapport traditionalisme/modernisme qui revient dans notre analyse du changement social dans les familles haïtiennes (chap. IV). Nous avons mesuré le degré d’intégration de la cellule familiale par rapport au système de valeurs, au statut socio-économique, à la dimension de la famille et à la mobilité occupationnelle.

« L’approche préliminaire à l’évaluation du type C.A.P. * d’un projet de planification familiale en Haïti » nous permettait également de vérifier les changements majeurs dans les attitudes éthiques de la société haïtienne. Nul n’ignore les difficultés que soulève la question du planning familial dans les sociétés occidentales. Il est facile de deviner le refus de la pratique de certaines méthodes anticonceptionnelles dans un pays aux structures religieuses aussi complexes.

Cette étude sonde les effets produits sur certaines populations de faible niveau de vie dans la capitale par les campagnes de planification familiale. Son but est de déterminer le degré d’information et de connaissance dont disposent les populations en matière de planification familiale, leurs intérêts pour la question, leurs attitudes vis-à-vis de ce problème.

[4]

Enfin, nous avons consacré la quatrième partie de l’ouvrage à une approche sociologique de La Fossette et du projet de développement CRUDEM afin de signaler la nécessité d’une conception endogène du développement qui laisse à ces sociétés la possibilité de choisir elles-mêmes leur cadence d’acceptation des technologies autres.

Fragmentaire, limitée dans ses possibilités techniques d’interrogation du réel haïtien, l’intervention sociologique du CHISS essaiera néanmoins d’apporter sa contribution aux activités opérationnelles susceptibles d’accélérer le processus de notre développement aux niveaux éducatif, technologique, urbanistique, etc.

Nos travaux demeurent essentiellement pragmatiques. On y trouvera toujours un souci d’efficacité, au moins pour le présent.


* C.A.P. : Connaissance, Attitude, Pratique.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 25 août 2019 19:39
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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