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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

LA POLITIQUE QUÉBÉCOISE DU DÉVELOPPEMENT CULTUREL.
Volume 1. Perspectives d’ensemble : de quelle culture s’agit-il ? (1978)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte du Gouvernement du Québec, Ministre d’État au développement culturel (Camille Laurin) LA POLITIQUE QUÉBÉCOISE DU DÉVELOPPEMENT CULTUREL. Volume 1. Perspectives d’ensemble : de quelle culture s’agit-il ? Québec: Éditeur du Québec, 1978, 146 pp.

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Volume 1. Perspectives d’ensemble :
de quelle culture s’agit-il ?

Introduction

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La culture toute entière est un milieu de vie. Elle ne se réduit pas à des objets de musées ou à des œuvres de création solitaire. Si le patrimoine rassemble des signes qui rappellent un héritage d'humanité, si les œuvres des artistes ou des intellectuels expriment la plus haute conscience de l'homme, l'ensemble de l'existence est produit de culture. Celle-ci appartient à tous les citoyens. Par leur vie, ils la renouvellent ou s'y enlisent. Au fil du quotidien, dans leur travail et leurs loisirs, dans les échanges qu'ils entretiennent entre eux, ils élaborent des façons de concevoir leur existence, de l'interpréter, de lui donner un avenir. La culture doit être une création commune. À quoi servirait-il de construire un magnifique musée au milieu des taudis ? Quel sens aurait la poésie pour des hommes condamnés à un travail dégradant ?

Ce sont les Québécois qui font et feront leur culture. Ce n'est pas le gouvernement du Québec. Mais le gouvernement n'étant pas un rassemblement hétéroclite d'administrations, il doit participer à cette tâche de tous les citoyens. Il est d'abord obligé de dire au nom de quelles finalités se prennent de multiples décisions administratives et législatives. Les fins poursuivies ne concernent-elles pas, de toute évidence, la signification que les citoyens entendent donner à leur vie ? Par ailleurs, les personnes ou les groupes ne sauraient poursuivre leur épanouissement sans que des obstacles collectifs soient levés, sans que des moyens également collectifs soient mis à leur disposition.

Ces années-ci, au Québec, le gouvernement est absorbé par de nombreux soucis : le chômage, la situation précaire de beaucoup d'entreprises, les difficultés financières, les négociations multiples avec le gouvernement fédéral, tant d'autres problèmes encore. Le gouvernement ne saurait pourtant oublier que, dans tous ces défis, sont concernés le sort des hommes et des femmes, leur pouvoir de trouver en eux-mêmes et dans leur culture les ressources pour surmonter les graves difficultés de l'heure. Une politique de la culture est aussi importante qu'une politique de l'économie.

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Si on considère l'étendue des problèmes et des politiques en cause, ce Livre blanc paraîtra relativement bref. On aurait pu, le sujet s'y prêtant particulièrement, s'étendre sur les thèmes qui sont ici évoqués à grands traits. Mais ce Livre blanc constitue un programme de travail où voisinent des décisions à court terme, des alternatives à trancher, des hypothèses à explorer, des vues qui portent sur un avenir plus éloigné. Il s'agissait de formuler des mesures à prendre au plus tôt et, aussi bien, d'indiquer les orientations d'ensemble proposées à de nombreux groupes de travail qui soumettront des plans concrets d'action, des choix à faire, des législations à adopter.

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*    *

De toute évidence, on ne peut élaborer une politique du développement économique sans se demander d'abord de quelle économie il s'agit. Il ne peut en être autrement pour une politique du développement culturel.

Inéluctable, la tâche est cependant difficile et délicate. Les spécialistes savent bien que l'interprétation des cultures donne lieu à des hypothèses plus ou moins concurrentes. Cela ne tient pas seulement à la variété des démarches et des théories : les personnes qui vivent la culture dans leur existence quotidienne ne portent pas sur elle un regard identique, ne la conçoivent pas d'une manière uniforme.

Aussi bien, ce premier fascicule du Livre blanc ne prétend aucunement offrir une théorie de la culture québécoise. Il constitue une sorte de préalable au second volume, beaucoup plus considérable, consacré aux grandes dimensions de la politique culturelle.

On a tâché d'esquisser une sobre vue des choses qui, tout en dégageant des caractéristiques générales, insiste plus encore sur la diversité de notre culture. Écartant autant qu'il est possible les hypothèses d'école, on a voulu discerner ce qui pourrait être un consensus des Québécois quant à certains traits majeurs de leur être propre et quant aux grandes lignes de leur avenir collectif.

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Au seuil de ce document, il est nécessaire de dire comment on entendra la notion de culture.

La notion est complexe. Du reste, celles d'« économie » ou de « politique » ne le sont pas moins. Bien des définitions de la culture ont été proposées et on n'a pas fini d'explorer une réalité aussi multiforme. Nous nous en tiendrons, pour l'heure, à quelques repères. Ce Livre blanc portant sur les aspects les plus divers de la culture, on aura l'occasion d'ajouter par la suite, à cette définition préliminaire, des nuances et des prolongements.

Les sciences de l'homme et aussi bien les tentatives de « développement culturel » ont fini par rendre familière une acception première. On parle des « cultures » pour désigner des ensembles plus ou moins vastes de façons de parler, de penser, de vivre, et, en corollaire, des langages, des croyances, des institutions. Culture française, culture anglaise, culture américaine, culture québécoise : ce sont là des expressions habituelles.

Ces ensembles particuliers ont leurs traits spécifiques sans que pourtant ils soient clos sur eux-mêmes. Un Français ou un Allemand se reconnaît dans son appartenance à une culture singulière ; ce qui n'interdit pas à un Français et à un Allemand de se comprendre l'un l'autre ni même à leurs cultures d'emprunter l'une à l'autre, de s'enrichir de leurs apports respectifs. Toute culture est marquée par la diversité : diversité des classes, des générations, des minorités, des régions. Toute culture comporte aussi des contradictions : conflits des traditions et des utopies, tensions des croyances et des techniques, oppositions des idéologies... Une culture est une réalité mouvante, historique, parfois déchirée, à l'image de l'homme qui l'habite.

Dans un second sens, la culture un désigne l'accomplissement intellectuel et spirituel de la personne, son accès à la prise de conscience de soi et du monde, sa faculté créatrice. Il arrive encore que l'on parle, à ce propos, de « personnes cultivées »... Ce second sens n'est pas l'opposé du précédent. En matière de culture, on passe naturellement du niveau personnel au plan collectif. Le disaient déjà, en 1965, les auteurs québécois du Livre blanc des Affaires culturelles : « La culture en tant que vie de [12] l'esprit, fruit des efforts individuels, finit pas constituer l'ensemble des conquêtes intellectuelles et spirituelles qu'une communauté déterminée considère comme son patrimoine. » Généralement par voie d'influence, occasionnellement par réaction, l'individu ne peut manquer d'être en rapport avec son héritage et son milieu culturels.

Toujours en manière de préalable et selon une vue sommaire des choses, en quel sens peut-on parler de développement culturel ?

Depuis assez longtemps, on évoque le « développement économique ». Cette expression demeure elle-même assez imprécise. Elle a pourtant alimenté les débats les plus cruciaux sur les embarras des sociétés actuelles, sur leurs façons de se donner des objectifs dans les dédales des mécanismes économiques. Du moins, chez les scientifiques comme chez les responsables politiques, un accord semble acquis : la croissance économique, mesurée en terme de productivité, ne suffit plus. On tient de plus en plus compte, même dans le cercle de l'économie, d'une évaluation du bien-être effectif de la population, de la répartition des revenus, de la qualité des conditions de travail, etc. Du niveau de vie, calculé en termes un peu trop généraux et sans trop tenir compte de ses répercussions sur l'existence concrète des hommes et des femmes, on a fait transition vers la qualité des genres de vie.

Ce déplacement illustre fort bien les premières raisons d'émergence de l'idée de développement culturel. Nos sociétés recherchent toujours, et avec raison, une croissance de leur économie. Mais elles se préoccupent davantage, dans la sphère des bonnes intentions souvent, dans les engagements les plus quotidiens parfois, des milieux concrets où les personnes et les groupes vivent, s'étiolent ou s'épanouissent. En parlant de développement culturel, on ne désigne pas autre chose que cette préoccupation.

Il est possible de le reconnaître à plusieurs indices.

Depuis bien longtemps déjà, nos sociétés occidentales ont mis sur pied des systèmes d'éducation. Elles ont pensé que l'héritage de traditions, de savoir, d'art, de techniques accumulé par les générations devait être transmis [13] un peu systématiquement aux générations plus jeunes. C'était déjà se soucier du « développement culturel »... Plus tard sont venues les politiques du loisir, des « affaires » dites « culturelles ». Les moyens de communication (radio, cinéma, télévision...) ont accéléré la prise de conscience de ce que l'on appelle la « culture de masse ».

Aussi voit-on un peu partout les États s'appliquer moins à dresser des barrages (les populations occidentales les toléreraient mal) qu'à disposer des filtres, souvent au moyen d'accords culturels, devant le flot international de la culture de masse, en même temps qu'ils se préoccupent de protéger les sources de fécondité et d'expression de leurs propres cultures.

Qu'on la considère à partir de la collectivité pour qui elle est milieu de vie ou à partir de la personne qui s'y exprime et contribue à la remanier, la culture est une réalité certaine. Mais elle n'est pas un donné tout fait. Elle appelle la responsabilité personnelle et collective. À plus forte raison lorsque l'on se trouve amené, devant les défis de l'économie et les changements saccadés de l'histoire, à envisager un « développement culturel » où les collectivités maîtriseraient davantage leur destin.

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Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 25 mars 2018 15:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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