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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du document de Commission de la recherche scientifique, Direction générale de l’enseignement supérieur, Ministère de l’Éducation du Québec, Les principes de la politique scientifique du Québec. Politique + Science = Développement. Québec: Comité des politiques scientifiques du Québec, Commission de la recherche scientifique, Direction générale de l’enseignement supérieur, Ministère de l’éducation, 1971, 39 pp. [Laurie Gauvin, directeur de la Commission de la recherche scientifique.] Une édition numérique réalisée par André Lemelin, bénévole, agent de recherche et consultant, science et technologie.

Commission de la recherche scientifique,
Direction générale de l’enseignement supérieur,
Ministère de l’Éducation du Québec,

Les principes de la politique scientifique du Québec.
Politique + Science = Développement
.

Québec: Comité des politiques scientifiques du Québec, Commission de la recherche scientifique, Direction générale de l’enseignement supérieur, Ministère de l’éducation, 1971, 39 pp. [Laurie Gauvin, directeur de la Commission de la recherche scientifique.]

Avant-propos [1]
1. Politique de la science et politique par la science [2]
2. Nécessité d'une politique scientifique pour le Québec [4]
2.1. Importance des dépenses publiques
2.2. Politique du Québec
2.3. Coordination interministérielle
2.4. Développement harmonieux
2.5. Relations avec le gouvernement fédéral
2.6. Coopération avec le secteur privé

3. Objectifs et caractéristiques d'une politique scientifique pour le Québec [8]
3.1. Objectifs généraux
3.2. Politique scientifique et politique de recherche
3.3. L'accroissement des connaissances
3.4. Caractéristiques
3.5. But : la transmission des connaissances
3.6. Économie des moyens
3.7. Contrôle d'après objectifs
3.8. Réalités socio-politiques
3.9. Contraintes
3.10. Politique de présence

4. Organisation [16]

4.1. Fonctions [16]
4.1.1. Orientation
4.1.2. Application des politiques

4.2. Les organismes [19]

4.2.1. Le Comité des politiques scientifiques du Québec
4.2.2. Le Secrétariat de la politique scientifique du Québec
4.2.3. Le Conseil de la politique scientifique du Québec

4.3. Relations avec les organismes existants [22]
4.4. Mise en œuvre [23]

Organigramme [24]

Tableau l.  Subventions de recherche aux universités du Québec selon la source, 1967-1968 à 1970-1971. [25]
Tableau 2.  Dépenses de recherche dans les universités du Québec, 1967-68 à 1970-71 [26]

Annexe l.  Le Gouvernement du Québec crée un comité ministériel des politiques scientifiques. [27]
Annexe II.  Science et politique. [29]
Annexe III.  Le besoin d’une politique scientifique pour le Canada selon le rapport du Comité sénatorial de la politique scientifique. [33]

[1]

AVANT-PROPOS

Le Premier Ministre annonçait, le 24 mars 1971, la création du Comité des politiques scientifiques du Québec dont les membres étaient désignés comme suit :

le Ministre de l'Éducation, M. Guy saint-Pierre, président

le Ministre des Affaires sociales, M. Claude Castonguay

le Ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Gérard-D. Lévesque et le Ministre d'État chargé de l'Environnement, M. Victor Goldbloom.

Chargé par le Conseil des ministres de définir une politique scientifique pour le Québec, le Comité a établi dans un premier temps les principes dont le Gouvernement va s'inspirer dans ce domaine. Il a aussi formulé des objectifs généraux et il a indiqué les caractéristiques importantes d'une telle politique.

Le Gouvernement du Québec prendra la part de responsabilité qui lui incombe. Les structures qu'il a établies permettront aussi aux universités et au secteur privé de devenir ses collaborateurs.

Déjà, nous avons consulté un grand nombre de personnes dont les avis sont largement reflétés dans le présent document. De telles consultations permettront au Gouvernement d'élaborer des programmes axés sur le développement économique et social. La collaboration de tous les organismes intéressés permettra d'en atteindre les objectifs.

Guy Saint-Pierre
Ministre de l'Éducation
Président du Comité des politiques scientifiques du Québec

[2]

1. POLITIQUE DE LA SCIENCE
ET POLITIQUE PAR LA SCIENCE


Au cours de la dernière décennie, les activités scientifiques se sont multipliées au Québec. Dans l'ensemble, ce développement s'est effectué sur une base disciplinaire à partir des ressources disponibles et en fonction des grands organismes : universités, hôpitaux, grandes industries. Le contenu des activités scientifiques traduit beaucoup plus les préoccupations individuelles de chercheurs que leur souci de la satisfaction des besoins de l'économie et de la société en général. Le financement de ces activités a été assuré par divers ministères, organismes gouvernementaux, organismes parapubliques, entreprises et, en bonne partie, par les crédits consacrés par le gouvernement fédéral au développement de la recherche.

Le progrès de la science étant une des conditions du développement social, économique et culturel, le Québec, à l'instar des pays développés, doit établir une politique dans ce domaine. On ne peut plus concevoir que les activités scientifiques qui permettent à l'homme d'acquérir une connaissance systématique des phénomènes naturels, économiques et sociaux et d'en appliquer les résultats à la maîtrise du milieu physique, à l'amélioration de la technologie, à la solution des problèmes économiques et sociaux et à la poursuite d'une plus grande qualité de vie soient livrées au hasard, sans orientations générales, sans liaisons avec le gouvernement. Il s'agit de faire une place à la politique scientifique en tant qu'outil et moteur du progrès et de l'intégrer dans 'la planification.

Il importe, d'une part, que le gouvernement soit bien renseigné sur les possibilités d'action qui s'offrent à lui, grâce aux connaissances acquises par la science, au savoir-faire technologique et aux nouvelles connaissances auxquelles on peut accéder par la recherche scientifique et technique. Il est nécessaire, d'autre part, d'assurer un développement scientifique qui soit en harmonie avec les objectifs que le gouvernement détermine dans le cadre de ses responsabilités constitutionnelles. Selon le mot de J.-J. Salomon [1], il s'agit de "conjuguer le savoir et le pouvoir".

[3] À l'appui de l'efficacité de cette conjugaison du savoir et du pouvoir, rappelons que dans le domaine militaire, elle a produit des résultats que l'on peut qualifier de spectaculaires, entraînant par voie de "retombées technologiques" une accélération des processus d'innovation dans le secteur civil. C'est d'ailleurs afin de viser directement l'innovation - pour la rendre moins tributaire du hasard et des recherches militaires - que les pays occidentaux ont d'abord conçu une politique scientifique. Plus récemment, ils ont été amenés à reformuler cet objectif, en tenant compte de conséquences du progrès technologique qui peuvent aller à l'encontre du bien-être de la population. Ils se fixaient comme objectif la qualité de vie plutôt que le seul progrès technologique.

Ainsi une politique scientifique se traduit-elle par un ensemble de mesures prises par un gouvernement pour donner à la science sa pleine efficacité.

On doit juger de cette efficacité par rapport aux objectifs de développement du pays. C'est dire d'abord que les ressources scientifiques doivent être mises à profit. Mais c'est dire aussi qu'elles doivent être développées et entretenues et que l'on doit se soucier de leur qualité.

D'ailleurs, ces ressources peuvent servir au développement de plusieurs façons. Ainsi le chercheur est non seulement à la source de certaines découvertes utilisables mais il est aussi un interprète et un intermédiaire qui permet aux agents économiques ou sociaux d'avoir accès aux informations scientifiques provenant de laboratoires autres que le sien.

Ceci nous amène à préciser que, dans un sens, l'objet d'une politique scientifique c'est "le système de la recherche scientifique" tel qu'il est défini par les objectifs des institutions dans lesquelles les chercheurs se livrent à leurs activités plutôt que par la nature des activités, les motivations, les attitudes ou les objectifs des chercheurs eux-mêmes" [2]. C'est dans ce sens que l'on entend que le gouvernement doit organiser et développer un réseau opérationnel [4] de recherche en harmonie avec la politique qui préside au développement national. Le principe même de cette harmonie se situe au niveau du besoin de connaissances nouvelles qu'ont les divers agents sociaux ou économiques, y compris le gouvernement lui-même.

Mais dans un autre sens, plus stratégique que tactique celui-là, la politique scientifique a pour objet le système économique et social ; elle se situe au plan du climat économique, elle s'appuie sur la planification générale et elle vise le développement économique et social selon la politique générale du gouvernement.

En marge de l'exposé qui précède, on trouvera à l'annexe II des extraits d'études réalisées par l'O.C.D.E. et par l'U.N.E.S.C.O., ainsi que des citations de J.-J. Salomon.

2. NÉCESSITÉ D'UN POLITIQUE
SCIENTIFIQUE POUR LE QUÉBEC


2.1 Importance des dépenses publiques

Les renseignements encore fragmentaires dont nous disposons nous permettent néanmoins de conclure que les dépenses publiques imputables à la recherche au Québec sont déjà importantes. Ainsi selon une estimation (tableaux 1 et 2), les dépenses de recherche dans les universités atteignaient 72 millions de dollars (3bis) en 1970-71, la moitié de ce montant, environ, étant à la charge du gouvernement du Québec.

Par ailleurs, l'insuffisance de l'effort dans le domaine de la recherche au Québec a été souvent soulignée. Il existe, en tout cas, une disproportion importante dans les subventions du Conseil national de la recherche du Canada. En 1969-70 celles-ci étaient au Québec de $1.60 par habitant, de $2.90 en Ontario et de $2.40 dans l'ensemble du Canada [3]. La disproportion est encore plus grande à l'endroit de l'élément francophone du Québec.

2.2 Politique du Québec

Le gouvernement du Québec se doit donc d'assurer l'efficacité de la recherche scientifique et de veiller à son développement selon ses besoins et proportionnellement à ses voisins.

[5]

Il doit notamment assurer le succès de sa politique dans les domaines relevant de sa compétence, par le moyen de l'information et de la recherche scientifique. Il doit aussi établir sa politique en tenant compte des possibilités que lui offre la science.

Ceci intéresse non seulement la politique de développement économique et social d'une façon générale, mais aussi les politiques sectorielles, par exemple le développement de l'enseignement supérieur, les affaires sociales, le développement industriel.

Une politique de développement économique par la science doit aussi déboucher sur le secteur privé qui reste le principal moteur de l'activité économique au Québec. Malgré la faiblesse des moyens dont dispose le gouvernement du Québec à l'égard de ce secteur, on peut penser qu'une affectation judicieuse de ses ressources et la mise sur pied de services de renseignements appropriés pourraient constituer des facteurs de localisation importants et favoriser l'éclosion et le développement d'industries novatrices.

2.3 Coordination interministérielle

La recherche au Québec se fait surtout dans les universités et dans quelques instituts et laboratoires industriels. Par ailleurs, elle intéresse tous les ministères.

Ainsi les universités ont-elles à jouer un rôle de suppléance qu'elles acceptent, d'ailleurs, de bon gré. Comme le Québec ne peut dédoubler les équipes de recherche, il est normal qu'une grande part de la recherche et le développement de certaines applications se fassent dans les universités. Il est certain, aussi, que dans plusieurs domaines des recherches fondamentales peuvent être greffées avec grand profit sur des études plus utilitaires, au bénéfice, d'ailleurs, de ces dernières.

[6]

Toutefois, le ministère de l'Éducation ne peut laisser à d'autres organismes la liberté d'orienter à leur gré le développement de l'enseignement supérieur. D'autre part, il ne peut déterminer lui-même les critères de cette orientation sans avoir recours à d'autres ministères pour la définition des besoins et des objectifs du développement économique et social du Québec. Il ne peut non plus justifier dans le cadre de ses responsabilités propres l'affectation de ses crédits à des fins qui sont plutôt du ressort d'autres ministères.

Ainsi, dans le but d'éviter la dispersion des efforts et l'incongruité des initiatives, il importe d'assurer une coordination qui respecte les responsabilités de chacun.

2.4 Développement harmonieux

Le comité présidé par le sénateur Lamontagne [4] a remarqué que "les agences gouvernementales qui sont chargées de missions politiques et opérationnelles ont généralement tendance à négliger leur mission parallèle de recherche, et celles qui ont des fonctions opérationnelles et politiques restreintes sont portées à trop étendre leurs travaux de recherche, au moins en termes relatifs" (voir Annexe III).

Les agences du gouvernement québécois ne paraissent pas exemptes de pareilles distorsions même si, nulle part, les recherches ne paraissent hypertrophiées. Pour cette raison et pour les divers motifs qu'évoque le Comité présidé par le sénateur Lamontagne (voir Annexe III), il paraît nécessaire pour assurer un développement harmonieux de la recherche, que le gouvernement du Québec dispose d'un organisme qui soit autorisé à surveiller les objectifs de la recherche et à donner l'impulsion selon les besoins.

2.5 Relations avec le gouvernement fédéral

Dans le secteur de l'enseignement supérieur, les tableaux l et 2 indiquent l'importance des dépenses "dérivées" consécutives aux subventions de recherche que les universités reçoivent de diverses sources, notamment du gouvernement fédéral. Devant une situation qui touche à ce point l'affectation de ses crédits, le gouvernement [7] du Québec ne peut plus se contenter de réagir ; il lui revient de prendre l'initiative dans l'intérêt du plein exercice de sa compétence exclusive en matière d'éducation.

Le gouvernement du Québec se doit aussi d'affirmer sa responsabilité en matière d'orientation, de coordination et de développement de la recherche : dans les secteurs ou les établissements qui relèvent de sa compétence exclusive, cette responsabilité sera déterminante ; là où la compétence est mixte, la responsabilité le sera également.

Par ailleurs, le gouvernement du Québec devrait accepter, en tant que gouvernement toutefois, de collaborer avec les instances fédérales à la définition d'objectifs globaux et participer à des programmes définis en conséquence.

Le Comité présidé par le sénateur Lamontagne [5] annonce que le deuxième volume de son rapport tend à élaborer une politique scientifique canadienne cohérente : aperçus des défis et des paris que la science et la technologie renferment pour le présent et l'avenir, fondements d'une politique globale, réorganisation administrative. Le deuxième volume traitera aussi "des relations qui devraient exister entre, d'une part, le gouvernement canadien et, d'autre part, les provinces et les municipalités".

Ces propositions devront être examinées à la lumière de ce qui précède.

2.6 Coopération avec le secteur privé

Pour aboutir à des résultats concrets dans le domaine du développement économique ou social, la recherche doit trouver son prolongement dans le secteur privé. En particulier, dans le domaine industriel, la phase d'invention doit être suivie d'importants travaux de développement avant même que puisse commencer la fabrication. Le savoir-faire technologique comprend notamment l'aptitude pour la conception d'un produit pouvant être fabriqué et l'aptitude pour la conception des moyens de sa production.

[8]

Dans une étude récente [6], le Conseil des sciences du Canada a confirmé à cet égard l'existence de déficiences qu'il trouve alarmantes. Il reconnaît d'ailleurs la nécessité d'une collaboration des gouvernements et d'une collaboration avec l'entreprise privée en vue de créer un climat favorable au développement de capacités d'innovation et, par suite, favorable à la croissance économique.

3. OBJECTIFS ET CARACTÉRISTIQUES
D'UNE POLITIQUE SCIENTIFIQUE
POUR LE QUÉBEC


3.1 Objectifs généraux

Les objectifs d'une politique scientifique ne sont pas différents des objectifs généraux que se donne la collectivité. "La recherche s'y insère à deux titres essentiels : connaissance de l'objet, création du moyen" [7]. La politique scientifique s'insère par conséquent dans la politique générale d'un gouvernement pour la servir et l'inspirer à la fois. Elle se distingue de la politique générale par ses moyens qui sont d'ordre scientifique. Par son orientation vers l'avenir, elle s'apparente à la planification, mais elle détermine principalement des mesures immédiates pour préparer cet avenir.

Il s'agit prioritairement d'assurer le développement économique et social par le moyen de la science et plus fondamentalement d'améliorer la qualité de la vie de la population. (voir Annexe II).

Plus concrètement, il s'agit de pourvoir le gouvernement en particulier et les agents sociaux ou économiques en général du maximum de connaissances scientifiques pertinentes à leurs besoins. Toutefois, il apparaît que des obstacles sérieux empêchent l'industrie québécoise de s'épanouir spontanément aux plans scientifique et technologique en profitant de ressources qui sont déjà à sa portée. Il apparaît aussi que ce problème est lié au contexte nord-américain et qu'il a des caractères nettement politiques.

3.2 Politique scientifique et politique de recherche

La politique scientifique concerne particulièrement l'utilisation de la science. Elle se heurte [9] éventuellement à des problèmes politiques dont certains sont particuliers au Québec. Cet aspect de la politique scientifique ne sera pas négligé. Toutefois, il serait prématuré de préciser davantage à ce stade pour diverses raisons : la situation du Québec doit être mieux analysée tandis que les expériences d'autres pays, peu accessibles, peuvent difficilement nous guider.

Mais en deçà de ces problèmes qui touchent particulièrement un développement industriel, il est nécessaire d'établir une politique de recherche qui vise la transmission des connaissances nouvelles vers les utilisateurs.

Il convient donc de reconnaître que l'intérêt public en matière de recherche se situe au niveau des utilisateurs, c'est-à-dire le gouvernement, l'industrie et les services qui doivent bénéficier de connaissances accrues :

1. pour résoudre des problèmes ;
2. pour mener à bien des, réalisations ou des opérations ;
3. pour prendre des décisions éclairées en rapport avec leurs responsabilités.

Le chercheur québécois se situe non seulement à l'origine de certaines découvertes, mais surtout comme l'interprète et l'intermédiaire indispensable dans la transmission des connaissances nouvelles de toute provenance.

3.3 L'accroissement des connaissances

L'avancement des disciplines scientifiques constitue un bien en soi qui profite à l'ensemble de l'humanité. Il contribue au renom du chercheur et de son pays.

Il est donc normal, et par ailleurs nécessaire, que le chercheur québécois considère cet objet comme prioritaire. C'est à cette condition qu'il jouera le rôle qui lui revient dans le système de la recherche.

Mais si le progrès des disciplines n'est pas mis davantage en évidence dans le présent document, c'est que l'objet d'une politique scientifique est plutôt le système de la recherche. La politique scientifique se soucie des objectifs de ce système qui, eux, doivent être plutôt d'ordre économique ou social.

[10]

La contradiction est beaucoup moins réelle qu'apparente comme en témoigne la citation de J.-J. Salomon (p. 3) qu'il vaut la peine de répéter ici en soulignant l'alternance : "Le système de la recherche scientifique tel qu'il est défini par les objectifs des institutions dans lesquelles les chercheurs se livrent à leurs activités plutôt que par la nature des activités, les motivations, les attitudes ou les objectifs des chercheurs eux-mêmes".

La réconciliation exige sans doute que le chercheur souscrive aux objectifs de l'organisme auquel il appartient ; mais sûrement pas à l'exclusion de son désir de contribuer à l'avancement d'une discipline. Ce souci constitue le gage de la qualité de ses travaux et, à ce titre, il mérite la plus haute considération. D'ailleurs, le chercheur individuel dont les travaux ne sont pas intégrés dans un cadre institutionnel conserve un rôle important au plan général et sa disparition serait regrettable.

Au surplus, il est important de reconnaître que l'enseignement supérieur est l'un des secteurs d'activité visés par la politique scientifique et qu'il est de fait un grand utilisateur des connaissances nouvelles.

3.4 Caractéristiques

La politique de la recherche doit donc avoir pour caractéristique essentielle d'être orientée vers les utilisateurs des connaissances issues de la recherche.

Elle doit se fonder sur des besoins sociaux et économiques dont l'éventail serait représenté par l'énumération des secteurs d'activité. Une perception adéquate des aspects généraux des besoins réels exigera des études assez variées portant sur la situation actuelle du Québec, ses ressources et ses faiblesses, les forces économiques ou politiques auxquelles il est soumis et les prévisions pour l'avenir notamment en matière d'innovation technologique.

Il est d'abord nécessaire de satisfaire tous ces besoins au moins à un degré que l'on pourrait qualifier "de subsistance" ; mais le gouvernement devra aussi identifier certains secteurs où les circonstances favorisent une action plus audacieuse. Les priorités à établir devront soit combler des déficiences importantes pour [11] atteindre ce degré de subsistance, soit créer des secteurs de pointe, selon la faveur des circonstances.

3.5 But : la transmission des connaissances

Compte tenu des objectifs généraux mentionnés ci-dessus et d'objectifs plus spécifiques se rapportant à l'efficacité du système de la recherche, une politique scientifique doit favoriser l'organisation d'une sorte d'infrastructure par laquelle les connaissances scientifiques puissent parvenir aux utilisateurs.

Il faut savoir pertinemment qu'une petite partie seulement des découvertes utiles au Québec sont issues de ses propres laboratoires : on a évalué grossièrement la production de l'ensemble du Canada à 2 pour cent de la production scientifique mondiale. C'est donc de l'étranger que nous parviennent la plupart des informations scientifiques que nous utilisons.

Il est utile de distinguer dans le cheminement des connaissances, trois étapes qui devront faire l'objet de mesures particulières :

1. la concentration des connaissances au niveau des récepteurs québécois appropriés qui sont principalement les chercheurs ou les équipes de chercheurs. Donc : création et entretien de ces équipes ; implantation de moyens d'information scientifique et technique ; impulsion à la participation des scientifiques à des congrès et visites d'information à l'étranger ;

2. la diffusion des connaissances à partir de ces sources québécoises vers les agents sociaux ou économiques des divers secteurs d'activité. Donc : mécanismes d'information réciproque et, à long terme, politique de formation des agents économiques et sociaux ;

3. la concentration des connaissances provenant de diverses sources pour renseigner des agents économiques et sociaux à l'occasion de besoins spécifiques. Donc : mécanismes spécifiques de collaboration.

Il est important, à cet égard, d'agir globalement. La transmission rapide et efficace des connaissances [12] nouvelles dépend de la qualité des destinataires aussi bien que de celle des récepteurs-diffuseurs ; elle dépend aussi des processus mis en œuvre au niveau de l'infrastructure. Il faudra notamment, pourvoir les utilisateurs de connaissances scientifiques - en particulier le gouvernement et les ministères - de capacité de réception de l'information dont ils ont besoin. Ceux-ci devront pouvoir identifier leurs problèmes et les analyser jusqu'à préciser le besoin d'expertise ou de connaissances nouvelles. Ils pourront alors faire appel aux équipes de chercheurs.

Quant aux moyens par lesquels se transmettent les connaissances, ce sont aussi bien les moyens traditionnels que les techniques modernes : l'enseignement, les "écoles d'été", les groupes de travail, les comités, les revues, les moyens modernes de communications, les bibliothèques, les banques de données informatisées, etc., sans oublier l'importance des conversations et autres relations interpersonnelles qui restent le meilleur moyen d'information dans les secteurs qui ne sont pas les siens propres.

Parmi ces processus, on remarque que quelques-uns sont marqués par une action lente mais en profondeur. L'enseignement permet de véhiculer des connaissances bien structurées qui seront diffusées largement dans les divers secteurs d'activité, selon les emplois qui seront offerts aux diplômés. C'est le moyen par excellence d'une diffusion qui atteint en profondeur tous les secteurs d'activité. Il souffre cependant d'une lenteur qui est excessive à certains égards.

Des moyens plus rapides doivent être mis en œuvre, notamment quand il s'agit de réunir des informations et des connaissances à propos d'une question urgente.

Dans cet ordre d'idées, il convient de mentionner particulièrement que le Centre de recherche industrielle du Québec entend jouer un rôle de catalyseur pour établir des liaisons entre les chercheurs universitaires d'une part et les sociétés industrielles d'autre part.

3.6 Économie des moyens

Afin de donner à la recherche sa pleine efficacité [13] au profit du contribuable québécois et au bénéfice de la population, il importe de prendre des mesures en vue de certains buts spécifiques qui se situent plutôt dans l'ordre de l'économie des moyens ou de l'allocation rationnelle des ressources. Les principaux seraient les suivants :

1. établir des plans et programmes fonctionnels d'activité scientifique ;

2. assurer une coordination adéquate des programmes d'activité scientifique en fonction des objectifs ;

3. assurer la diffusion d'une information suffisante sur les activités scientifiques pour permettre un accès plus large au développement scientifique, pour prévenir la duplication dans les travaux et favoriser leur assimilation ;

4. assurer la formation des chercheurs particulièrement dans les secteurs ou domaines prioritaires et/ou dans les secteurs où notre milieu est déficient ;

5. favoriser une institutionnalisation de l'activité scientifique de façon à lui assurer un développement régulier et harmonieux à moyen et à long terme ;

6. instaurer des mécanismes de liaison et de collaboration entre les agents du développement scientifique ;

7. prévoir une évaluation systématique des programmes de développement scientifique.

3.7 Contrôle d'après les objectifs

Les objectifs généraux et les objectifs spécifiques de la politique de recherche doivent faire l'objet d'un examen constant. Des rajustements peuvent s'avérer nécessaires soit en raison d'importants progrès scientifiques ou technologiques, soit encore en raison de l'insuccès de certains programmes ou peut-être en raison de succès imprévus. D'autres rajustements découleront de la modification par le gouvernement de ses objectifs généraux. De toute manière, il faut contrôler la progression vers les objectifs tant au plan général qu'au plan des organismes de recherche.

[14]

À cette fin et dans le but également très important de soustraire les chercheurs à des tracasseries administratives qui vont à l'encontre de conditions d'un travail de recherche efficace, des mesures s'imposent de la part du gouvernement du Québec. Pour le contrôle de ses dépenses de recherche, celui-ci doit remplacer le système du contrôle à la pièce qui est encore généralement en usage par un régime de contrôle en fonction des objectifs selon l'esprit même du système de budgétisation par plans-programmes.

Le régime actuel de contrôle inspire beaucoup de méfiance à l'égard de l'intervention du gouvernement, non seulement chez les universitaires et les hommes de science mais également chez les industriels. Il a notamment déterminé la création de beaucoup d'organismes para-gouvernementaux - en marge du gouvernement - non seulement au Québec mais aussi ailleurs. Il constitue l'un des arguments majeurs des tenants de ce que l'on a appelé "la république de la science".

Au lieu de ce régime, mais au delà d'un laisser-faire injustifié, il importe que le Québec adopte un régime de contrôle d'après les objectifs qui soit adapté aux activités de recherche.

3.8 Réalités socio-politiques

Afin d'être efficace la politique scientifique ne doit pas ignorer les réalités du contexte socio-politique. À certains égards, ces dernières constituent des contraintes ; par ailleurs, elles peuvent parfois être tournées à l'avantage du Québec ; mais toujours, elles doivent conditionner la manière d'agir en vue des objectifs.

En tout premier lieu, il y a la proximité des États-Unis dont la puissance économique, le savoir-faire technologique et tout particulièrement le dynamisme en matière d'innovations influencent profondément le Québec et surtout le caractère de son industrie. Ainsi l'innovation d'origine québécoise se heurte, même sur son territoire, à des forces concurrentielles très vives. La politique scientifique québécoise devra donc indiquer le mesure et le lieu des espoirs justifiables et régler ses objectifs en conséquence.

[15]

La politique scientifique québécoise devra aussi s'harmoniser avec celle du gouvernement fédéral ou réciproquement selon les domaines de compétence respectives [sic]. Ce point a déjà été mentionné au paragraphe 2.5.

3.9 Contraintes

Sur un plan plus concret, il convient de mentionner les contraintes suivantes qui influent sur l'organisation de la recherche au Québec :

1. ressources humaines et crédits limités ;

2. la nécessité de l'entretien du potentiel de recherche par la formation de chercheurs ;

3. la nécessité du ressourcement du chercheur, c'est-à-dire la nécessité pour celui-ci de se fortifier par un retour aux sources de sa discipline. À cette fin, celui-ci doit avoir l'occasion de mener des travaux autonomes dans sa discipline.

Donc, il n'est guère possible de dédoubler les équipes de recherche. Par conséquent, celles-ci devront normalement être rattachées aux universités. Elles trouveront, d'ailleurs, avantage aux exigences des universités en matière de connaissances approfondies, cependant que les jeunes chercheurs formés dans des équipes qui sont engagées dans des travaux axés sur des besoins socio-économiques seront plus sensibilisés à ces besoins.

On peut concevoir, cependant, diverses formes de rattachement et l'on peut penser que les universités pourraient tirer davantage profit des laboratoires industriels dont la nécessité n'est pas mise en doute.

En outre, il y a lieu de reconnaître qu'au delà de la recherche proprement dite et au delà même du stade des brevets doit exister des activités de développement de produits et de techniques de fabrication qui peuvent difficilement être installées ailleurs que dans l'entreprise qui veut exploiter ces produits. Ces activités font essentiellement partie de la chaîne des transferts technologiques qui aboutit à l'innovation. Elles échappent d'une part à l'intervention directe du gouvernement mais d'autre part elles [16] réagissent au climat économique dont certains des facteurs sont du ressort de ce dernier.

3.10 Politique de présence

La recherche peut aussi fournir au Québec le moyen de réaliser une politique de présence. Elle peut assurer une présence efficace, par exemple, dans les territoires du nord québécois ou ceux du fleuve et de l'estuaire du Saint-Laurent. Ce dernier est d'une importance vitale pour le Québec dont la compétence toutefois n'est pas exclusive.

La recherche est aussi le moyen par excellence d'exercer une présence au plan international.

4. ORGANISATION

4.1 Fonctions

Selon la perspective que nous avons décrite, les organismes chargés de la politique scientifique auront non seulement la responsabilité de définir les orientations générales propres à assurer l'utilisation de la science mais aussi un rôle de coordination dans l'application de cette politique.

Toutefois ces fonctions ne peuvent être exercées que dans une étroite dépendance par rapport au gouvernement. D'une part, les orientations générales en matière de science doivent s'intégrer dans le contexte plus général de la politique économique et sociale du gouvernement ; d'autre part, la coordination des interventions gouvernementales ne peut être réalisée que par la volonté du gouvernement lui-même et en vertu de son autorité.

Par ailleurs, nous avons écarté la possibilité d'attribuer aux organismes chargés de la politique scientifique une responsabilité directe pour l'opération de laboratoires ou pour la distribution de subventions. Comme l'intérêt des utilisateurs de la science a été placé au premier plan, il convient que ceux-ci soient associés le plus étroitement possible à la définition des besoins et à la programmation des projets.

En revanche un organisme de coordination doit être pleinement renseigné au sujet des activités [17] qu'il a le devoir de coordonner et il doit formuler des avis à l'intention de ceux dont la responsabilité est plus directement engagée. À défaut de ces informations et de ces interventions, il serait réduit à l'inefficacité.

4.1.1 Orientation

Le domaine de la politique scientifique comprend la science dans son ensemble, c'est-à-dire non pas seulement la recherche mais aussi l'ensemble des ressources scientifiques humaines, matérielles et documentaires de tous les domaines du savoir, y compris les sciences économiques et sociales. Cette politique concerne particulièrement l'utilisation de cette science et elle a pour objectif général le développement économique et social.

Sa formulation comporte l'indication d'orientations générales correspondant à des choix politiques qui s'insèrent dans la politique économique et sociale du gouvernement. Ces choix impliquent aussi des priorités.

Au stade de son élaboration aussi bien qu'à celui de sa réalisation, elle doit tenir compte des caractéristiques de la société québécoise et du contexte canadien ou international dans lesquels elle se situe aussi bien que des conditions générales que l'on sait favorables ou non à l'utilisation de la science. Il faut reconnaître en particulier que la recherche ne mène généralement à l'innovation que dans la mesure où plusieurs conditions se trouvent réunies. Les études prévisionnelles s'avèrent aussi nécessaires.

4.1.2 Application des politiques

Les interventions gouvernementales en matière de science ou pouvant affecter l'utilisation de la science dans la société québécoise doivent tenir compte des orientations indiquées par la politique scientifique du gouvernement et aussi des constatations qui ont déterminé celle-ci. En revanche, il arrivera aussi que la politique scientifique soit élaborée concrètement en tenant compte de la multiplicité des engagements du gouvernement et de la diversité de ses responsabilités. En fait, une politique scientifique est la manifestation d'un ordre de préoccupations qui parmi d'autres soucis influent sur les décisions gouvernementales.

Par conséquent, la politique scientifique [18] ne saurait être confiée, au niveau de l'exécution à un seul organisme. C'est plutôt l'ensemble du gouvernement qui est intéressé et qui doit veiller à ce que ses interventions soient cohérentes.

À ce niveau, il revient aux organismes chargés de la politique scientifique d'assumer un rôle de coordination.

Il s'agira aussi d'un rôle d'impulsion, puisque ces organismes devront obtenir des ministères et d'autres organismes la définition des besoins et les autres informations dont ils ont besoin pour élaborer et définir la politique. En outre, le Comité des politiques scientifiques pourra au besoin user d'un pouvoir d'initiative.

Les modalités de cette coordination devront d'ailleurs être adaptées aux trois secteurs d'activité ci-dessous qu'il convient de distinguer :

1. coordination interministérielle. Dans ce cas, il conviendrait d'établir que le Comité des politiques scientifiques est dépositaire de toutes les informations relatives aux interventions gouvernementales en matière de science. De plus, pour fixer l'un des processus par lesquels il formule des avis, le Comité devrait se voir confier la responsabilité de fournir au ministre des Finances un avis sur l'enveloppe globale de tous les budgets de recherche du gouvernement et sur l'allocation sectorielle de ces budgets.

2. collaboration intergouvernementale. Les discussions ou les négociations entre divers paliers de gouvernement dans le but d'harmoniser leur politique générale et de coordonner leurs interventions se situent à un niveau politique. Elles sont nécessaires à toutes les parties pour éviter la dispersion des efforts au détriment du contribuable et de la société.

3. coopération avec le secteur privé. Puisque les agents économiques et sociaux, utilisateurs de la science, se retrouvent principalement dans des établissements privés ou semi-publics, ceux-ci doivent être situés au premier plan des préoccupations. Les modalités de la coopération à établir seront sans doute variées et elles s'imbriqueront dans les programmes des ministères selon les secteurs de responsabilité de chacun. On touche ici aux besoins qui eux-mêmes doivent déterminer la politique : non seulement doit-on identifier ces besoins et rendre disponibles [19] des ressources scientifiques mais il faut faire en sorte que ces moyens soient effectivement utilisées pour le profit de la collectivité. On peut penser, en outre, que la cohérence manifeste des interventions gouvernementales serait une condition d'un leadership qui paraît essentiel dans ce secteur où les interventions directes ont une portée limitée.


4.2 Les organismes

Pour assurer les fonctions décrites à la section précédente (4.1), il faut manifestement un organisme ministériel ayant les attributions du Comité des politiques scientifiques actuel et un organisme exécutif qui pourrait s'appeler le "Secrétariat de la politique scientifique". Vu que la définition d'une politique scientifique exige une perspicacité que l'on devra rechercher pour une bonne part en dehors de l'appareil gouvernemental, il y a lieu aussi d'établir un mécanisme de consultation dont l'élément privilégié sera un "Conseil de la politique scientifique".

4.2.1 Le Comité des politiques scientifiques
du Québec


La composition de ce comité du Conseil des ministres reflète les principaux secteurs de production et d'utilisation de la science au Québec et elle témoigne de préoccupations à la fois économiques et sociales. Créé en mars 1971, il se compose de :

M. Guy Saint-Pierre, président - Ministre de l'Éducation
M. Claude Castonguay - Ministre des Affaires sociales
M. Gérard-D. Lévesque - Ministre de l'Industrie et du Commerce
M. Victor Goldbloom - Ministre d'État chargé de l'Environnement.

Le mandat que le gouvernement a confié à ce comité (voir Annexe 1) correspond bien aux fonctions politiques qui sont décrites ci-dessus (section 4.1) se rapportant à la définition d'une politique scientifique, aux actions à entreprendre en rapport avec celle-ci et aux vues que le Gouvernement du Québec pourra adopter à l'égard de la politique du Gouvernement fédéral dans les domaines de la science et de la recherche.

4.2.2 Le Secrétariat de la politique scientifique
du Québec

Le secrétariat est directement au service du Comité dont il est l'organe administratif.

[20]

Il élabore des politiques selon les directives du Comité et il procède aux consultations nécessaires à cet effet. Il établit les relations interministérielles requises en vue de l'harmonisation des programmes et de la coordination des interventions en matière de science. Il participe à l'organisation des relations du Gouvernement du Québec avec les autres gouvernements et représente celui-ci au sein des comités techniques.

Il recueille aussi les informations pertinentes à l'utilisation de la science au Québec et il fait ou fait faire les études nécessaires pour l'élaboration de politiques scientifiques, y compris notamment des études de prospective.

Ce secrétariat est actuellement confié au Directeur de la Commission de la recherche scientifique de la Direction générale de l'Enseignement supérieur du ministère de l'Éducation.

4.2.3 Le Conseil de la politique scientifique
du Québec


Le besoin d'un organisme consultatif se rapporte à la nécessité pour le Comité des politiques scientifiques d'avoir accès à l'expérience et aux connaissances de personnes aptes à l'éclairer dans l'établissement de ses politiques.

Plutôt que d'études ayant un caractère général, on a besoin d'avis aux étapes importantes de l'élaboration d'une politique et sur les choix politiques qui seront proposés au Comité. Puisqu'ils touchent de près aux décisions gouvernementales ces avis devront être confidentiels en raison, particulièrement, du risque qu'il y a d'engager indûment la responsabilité du gouvernement ou de faire connaître prématurément des renseignements pouvant bénéficier à des intérêts particuliers.

La variété des exigences correspondant aux divers secteurs d'activité qui utilisent [21] la science et aux multiples conditions qui influent sur cette utilisation rend difficile, cependant, la réunion de toutes les compétences nécessaires au sein de ce Conseil. En admettant que le personnel du secrétariat soit chargé de solliciter les avis des ministères et de mener les études relatives aux incidences de la politique d'organismes extérieure au Québec, le Conseil devrait néanmoins comprendre :

a) des conseillers apportant une connaissance approfondie de la science et de son utilisation ;

b) des conseillers apportant une perception sûre des besoins des agents économiques ou sociaux en matière de science ;

c) des conseillers apportant une perception plus globale des besoins du Québec et une connaissance plus intime des processus d'intervention gouvernementale.

Puisque ce Conseil est appelé à rechercher des programmes optimaux plutôt que de proposer simplement des compromis, il importe d'éviter les situations de conflit qui pourraient résulter d'une confrontation trop tardive de son travail avec . celui des organismes gouvernementaux. Par conséquent, même si les fonctionnaires des ministères sont disponibles pour faire connaître leur avis par d'autres voies, il est utile que quelques uns de ceux-ci siègent au Conseil pour y présenter le point de vue des commis de l'Etat et pour favoriser ainsi la collaboration.

Reconnaissant les impératifs du développement social aussi bien que du développement économique et tenant compte de ce qui précède, le gouvernement a décidé que le Conseil sera constitué de

a) trois personnes provenant de milieux universitaires ;
b) trois personnes provenant de milieux industriels ;
c) trois représentants des utilisateurs de la science dans le domaine social ;
d) trois fonctionnaires.

En outre, le Secrétaire du Comité des politiques scientifiques assiste aux réunions du Conseil avec voix consultative.

[22]

4.3 Relations avec les organismes existants

Les organismes de politique scientifique décrits ci-dessus (section 4.2) seront pour une bonne part au service des ministères et de l'ensemble du gouvernement. Il appartient aux ministères de définir les besoins et d'exécuter les programmes, chacun dans son secteur. Cependant, ceux-ci recevront les avis du Comité des politiques scientifiques sur les aspects de leurs activités qui touchent à la science ou à son utilisation.

Il revient en outre au Comité d'harmoniser les diverses interventions sous ces mêmes aspects et d'aviser le Conseil des ministres en conséquence.

Selon l'organisation actuelle du gouvernement il semble que contrairement à d'autres pays où cette responsabilité est confiée aux organismes de planification globale ou sectorielle, la définition des besoins de main-d'œuvre hautement qualifiée serait du ressort du ministère du Travail. Il peut s'ensuivre que ces définitions de besoins de main-d'œuvre soient alors beaucoup plus fonction des relations de travail que des politiques de développement. Toutefois, il reviendrait au ministère de l'Éducation de pourvoir au besoin de main-d'œuvre hautement qualifiée et plus généralement de développer, d'entretenir et de rendre disponible des ressources scientifiques. Ce faisant, il devient lui-même un grand utilisateur de science au profit de la culture et de la science elle-même en tant que ressource. Il revient à d'autres organismes, en particulier, les autres ministères, de déterminer l'utilisation de cette ressource à l'avantage de leurs secteurs respectifs. Il apparaît par conséquent que l'harmonisation des politiques serait dans l'intérêt de chaque ministère et que les conflits éventuels auraient plutôt un caractère d'exception.

En ce qui concerne les organismes chargés d'allouer des subventions de recherche, il y aurait lieu que le Comité des politiques scientifiques se soucie de coordonner leurs programmes de manière à favoriser les interventions conjointes et les actions concertées.

Il y a lieu de préciser, d'autre part, [23] que le conseil de la politique scientifique ne fait pas double emploi avec d'autres conseils ni en particulier avec la Commission de la recherche universitaire du Conseil des universités. Cette dernière, par sa constitution, par son mandat et par son rattachement au ministère de l'Éducation, aurait plutôt pour mission de conseiller ce ministère relativement au développement et à la mise en disponibilité de chercheurs et d'autres ressources scientifiques. La politique scientifique vise particulièrement l'utilisation de ces ressources en vue du développement économique et social.

Il n'est pas exclu d'ailleurs que des liens puissent être établis entre le Conseil de la politique scientifique et les organismes consultatifs auprès des ministères ou de l'Office de planification et de développement du Québec par le moyen de membres ayant une double appartenance.

L'organigramme de la page 24 représente la structure qui est adoptée.

La représentation des ministères dans cet organigramme est schématique. Il ne faudrait pas en conclure, par exemple, qu'il est nécessaire ou souhaitable que chaque ministère se dote d'un organisme de recherche.

Toutefois, il sera nécessaire que chaque ministère puisse identifier les besoins scientifiques propres à son secteur et qu'il prenne les mesures qui conviennent à ces besoins.

4.4 Mise en œuvre

Il est évident que les fonctions décrites dans ce chapitre ne pourront être exercées que progressivement. Le comité devra donc établir des priorités pour lui-même.

Il faut aussi constater que les divers pays ont souvent modifié leurs structures de politique scientifique, ce qui peut porter à croire que l’on devra procéder avec une certaine prudence et prévoir une réévaluation après une période de deux ans.

Au cours de cette période, il y aura lieu aussi de tirer parti au maximum de l'expérience des autres et d'inviter notamment des experts québécois et étrangers à se pencher sur le dossier de la politique scientifique du Québec.

[24]

[25]

Tableau 1

SUBVENTIONS DE RECHERCHE
 AUX UNIVERSITÉS DU QUÉBEC
SELON LA SOURCE, 1967-68 À 1970-71 ($ ,000)

1967-68

1968-69

1969-70

1970-71
estimation

Gouvernement fédéral

$16,714

$20,724

$21,673

$23,242

Gouvernement provincial

2,239

2,922

3,845

7,170

Sources américaines

2,181

1,749

1,664

1,642

Revenus de dotations

730

744

726

748

Cies et corporations canadiennes privées

1,541

1,868

1,730

1,803

Autres sources

1,085

2,200

3,076

2,948

Recherche non subventionnée

1,063

2,459

4,396

7,038

TOTAL

$25,553

$32,666

$37,110

$44,591


[26]

Tableau 2

DÉPENSES DE RECHERCHE
DANS LES UNIVERSITÉS DU QUÉBEC,
1967-68 à 1970-71, ($ ,000)

1967-68

1968-69

1969-70

1970-71
estimation

DÉPENSES DIRECTES

Subventions

$25,533

$32,666

$37,110

$44,591

Programme d’actions concertées du MEQ

865

INRS

375

DÉPENSES INDIRECTES (1)

14,833

18,928

23,130

26,931

TOTAL

$40,386

$51,594

$60,240

$72,762 (2)


NOTES :

(1) Ne comprend que la partie des dépenses de traitement du personnel enseignant imputable à la recherche ; (50 % pour les facultés de sciences, 33 $ pour les facultés de médecine et 25 % pour les autres facultés.) Convention utilisée par la Direction générale à la recherche scientifique et technique de France. (Études statistiques sur la recherche et le développement, le Progrès scientifique, no. spécial , oct. 1968)

(2) On estime à environ $10 millions le coût annuel des immobilisations afférent à l’espace utilisé et à $15 millions les autres frais indirects (administration, électricité, chauffage, entretien, etc.) ce qui porte le total à près de $100 millions.

SOURCES :  Formulaire des prévisions budgétaires universitaires, 1970-71 : pour 1968-69, 1969-70, 1970-71.

Formulaire des prévisions budgétaires universitaires 1969-70 : pour 1967-68.

[27]

Annexe I

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC
CONSEIL EXÉCUTIF
INFORMATION
HÔTEL DU GOUVERNEMENT

COMMUNIQUÉ
Pour diffusion immédiate

LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC
CRÉE UN COMITÉ MINISTÉRIEL
DES POLITIQUES SCIENTIFIQUES


Québec, le 24 mars 1971 - Le Premier ministre, M. Robert Bourassa, annonce que le Gouvernement du Québec a établi un Comité ministériel des politiques scientifiques. Ce comité a la responsabilité de préciser les orientations générales et les actions à entreprendre dans le domaine de la recherche scientifique au Québec.

Présidé par M. Guy Saint-Pierre, ministre de l’Éducation, le comité comprend en outre MM. Claude Castonguay, ministre des Affaires sociales, Gérard D. Lévesque, ministre de l’Industrie et du Commerce, et Victor C. Goldbloom, ministre d'État responsable de la qualité de l’environnement.

Le Conseil des ministres a donné à ce comité le mandat de lui recommander les mesures propres à assurer la coordination des interventions gouvernementales en matière de recherche, qu’il s’agisse d’interventions prenant la forme de subventions ou d’activités de recherche réalisées dans les cadres de l’administration gouvernementale elle-même.

Le comité sera responsable de définir une politique scientifique adaptée aux besoins du Québec. Il aura notamment pour rôle de servir d’interlocuteur entre le Gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral dans les matières qui concernent la recherche scientifique.

M. Bourassa a souligné qu’on estime à quelque $ 45 millions les subventions directes que reçoivent de toutes sources, pour fins de recherche, les universités du Québec. Les subventions fédérales sont de l’ordre de $ 23 millions. Les dépenses directes et indirectes affectées à la recherche dans les universités atteindraient environ $ 75 millions.

Aussi bien en raison des liens étroits qui existent entre la recherche et l’enseignement dans les universités qu'en fonction des liaisons non moins étroites qui existent entre la recherche et le développement économique et social du Québec, le [28] gouvernement croit nécessaire de prendre l'initiative de se donner une politique scientifique cohérente, à laquelle pourront être associés les centres de recherche de l'entreprise privée.

M. Laurie Gauvin, directeur de la Commission de la recherche scientifique à la direction générale de l'Enseignement supérieur du ministère de l'Éducation, a été nommé secrétaire du Comité des politiques scientifiques.

La création de ce comité ministériel concrétise donc la politique du Gouvernement du Québec qui vise à associer l’État, le secteur privé et les universités dans le domaine de la recherche scientifique.

- 30 -

SOURCE :
Charles Denis
(418) 643-5321

[29]

Annexe II

Science et politique

Le texte qui suit est constitué d'extraits d'un ouvrage de J.-J. Salomon et d'études de l'O.C.D.E. et de l'U.N.E.S.C.O. en matière de politique scientifique. Ces extraits sont réunis dans le but de présenter une vue générale des objectifs et du besoin d'une telle politique.

Objectifs généraux

Selon J.-J. Salomon [8], la politique scientifique serait "la politique dont la science est l'enjeu". D'ailleurs, il y a plutôt "des politiques dont l'objet est la recherche scientifique et technique - développement et exploitation de ses résultats". L'objet de cette politique elle-même serait donc "le système de la recherche scientifique tel qu'il est défini par les objectifs des institutions dans lesquelles les chercheurs se livrent à leurs activités plutôt que par la nature des activités, les motivations, les attitudes ou les objectifs des chercheurs eux-mêmes".

Les objectifs de cette politique ne sont pas différents des objectifs généraux que se donne la collectivité. "La recherche s'y insère à deux titres essentiels : connaissance de l'objet, création du moyen" [9]. Ces objectifs "ont été longtemps aussi simples qu'évidents : survivre et, si possible, triompher dans la compétition avec d'autres peuples ; faire face à la pénurie des ressources ou aux fléaux naturels ; se maintenir sur les chemins du progrès. Au cours, surtout des dernières décennies, des desseins plus ambitieux et plus complexes sont apparus, qui comportent notamment l'édification d'une société différente, l'accélération délibérée du processus de développement ou encore la recherche de rapports extérieurs fondés sur l'intégration et sur la coopération des peuples plutôt que sur leur rivalité" [10].

Selon le rapport du Comité présidé par le sénateur Lamontagne [11], "la "première génération des politiques scientifiques" s'est concentrée autour des objectifs de la défense nationale et de l'innovation industrielle en vue de favoriser la croissance économique". "... il faudra également [30] préparer la "deuxième génération de la politique scientifique". Elle sera centrée, selon l'expression de Lewis Mumford, "sur une vie heureuse plutôt que copieuse". Il souligne aussi [12], "que le rôle de cette politique scientifique, comme dans le cas d'une politique macro-économique, ne consiste pas à remplacer des politiques spécifiques, mais à leur fournir un cadre fondamental, des lignes de conduites générales et des critères qui en assurent l'efficacité".

Politique scientifique de "seconde génération"

"Si la science, technique réalisée, est un moyen parmi d'autres pour atteindre des fins politiques, le problème qu'elle pose n'est pas celui des fins qu'elle se donne, mais celui des fins qu'elle sert. En d'autres termes, les fins politiques de la science peuvent-elles avoir d'autres priorités, entraînant du même coup une autre affectation de la majorité des chercheurs, que celle qu'elles ont jusqu'à présent ?" "... la hiérarchie des priorités dont témoignent les politiques de la science renvoie à ce qui est fondamentalement déraisonnable plutôt qu'irrationnel dans l'histoire humaine. On peut toujours dire que si nos sociétés choisissent de développer et d'utiliser la science pour accroître leur puissance et leur gloire plutôt que pour résoudre leurs difficultés internes, améliorer les conditions de vie de leurs membres qui sont privilégiés et aider à nourrir les deux tiers de l'humanité qui ne le sont pas, c'est qu'il est dans la nature humaine d'exploiter le discours de la raison à l'usage de la déraison." [13]

"Pas plus que dans le domaine militaire, il n'y a dans le domaine civil de solution technique à ce qui est essentiellement un problème politique : par lui-même, le progrès scientifique et technique ne résout pas de problème humain, il ne fait qu'en déplacer la solution ou poser d'autres problèmes." [14]

"... en tout cas, est née l'idée d'une "évaluation de la technologie " (technology assessment) qui apparaît à certains milieux scientifiques et politiques, de plus en plus, comme une mission indispensable des politiques de la science. On envisage par là des mécanismes permettant de "maîtriser" le cours du progrès technique en anticipant et en évitant celles de ses conséquences dont on ne veut pas."

[31]

"... il s'agit de placer (de re-placer) le processus de l'innovation dans le contexte de ses implications sociales et à cette fin, de développer des programmes de recherche destinés à réduire les surprises technologiques et à affronter plus rationnellement les fardeaux de l'incertitude. Tâche d'Hercule : serait-elle réalisable sur le plan scientifique, c'est supposer encore que les organes politiques de décision en tiennent compte..." [15]

"Une chose est de réagir contre les conséquences "négatives" de la diffusion d'une technologie nouvelle, une autre est d'agir pour les éviter en trouvant d'autres cautions au développement technologique que celle de la compétition." [16]

Le besoin d'une politique de la science

"Tributaire des objectifs du pouvoir, la science détermine en même temps le champ des options qui s'ouvrent devant lui" [17].

"Certes, peu de peuples et de gouvernements ont formulé consciemment leur dessein de civilisation. Mais tous se trouvent aujourd'hui placés sous la pression d'aspirations non satisfaites et sont amenés à préciser graduellement les buts qu'ils poursuivent et les moyens qu'ils choisissent.

Les masses ont pris conscience, en effet, des possibilités universelles qu'offre la démarche scientifique, qui procède de connaissances expérimentalement vérifiables, à la création de l'outil, du modèle, ou de la méthode et, de là, à la mise en œuvre planifiée des moyens ainsi créés. Même lorsqu'il s'agit de fléaux naturels, comme l'inondation ou la sécheresse, les gouvernements ne peuvent plus comme jadis invoquer uniquement la fatalité, car les peuples ont désappris de maudire le ciel pour les maux qui les accablent ou les espoirs dont ils sont frustrés : c'est à leurs dirigeants qu'ils demandent désormais ces comptes. Le pouvoir qui ne s'est pas doté des moyens de l'action ou qui n'en a pas fait usage se trouve alors placé entre le reproche d'incapacité et celui de mauvais vouloir ou de velléité. L'un et l'autre le condamnent aux yeux d'une jeunesse éduquée dans l'éthique de l'action et le culte de l'efficacité technique.

[32]

C'est pourquoi tous les gouvernements sont amenés en fin de compte, soit de leur propre initiative, soit par l'impatience du peuple, à formuler des objectifs de développement pour leur pays, à les définir en termes concrets et à concevoir un plan pour les atteindre. Un tel plan fait non seulement appel à la connaissance scientifique de l'objet de l'action (la nature, l'homme et la société) mais aussi à la création de nouveaux instruments et de nouvelles méthodes pour l'action elle-même. La recherche s'y insère donc à deux titres essentiels : connaissance de l'objet, création du moyen.

Parmi les desseins collectifs que les peuples sont amenés à se choisir, il en est de simplement matériels, comme l’augmentation de la masse des biens et des services disponibles par tête d'habitant.

Il en est d'autres qui sont d'un ordre plus élevé. Ce sont ceux qui concernent le développement des hommes eux-mêmes, les progrès fonctionnels de l'organisation sociale et la mutation que l'individu et la société ont à accomplir pour que l'accroissement de leur puissance ne tourne pas à leur détriment. Ces desseins plus élevés visent la qualité de l'existence individuelle et celle de la société.

L'objectif de croissance économique est cependant présent partout. Nulle société contemporaine ne place ses objectifs de progrès individuel et social dans l'optique de la pauvreté et de la renonciation aux consommations matérielles. Toutes se proposent, en principe du moins, d'utiliser les ressources accrues qui résultent de l'augmentation de la production en vue du progrès qualitatif de la vie des hommes, encore que le but final puisse être parfois perdu de vue au profit du but immédiat". [18]

[33]

Annexe III

Le besoin d'une politique scientifique pour le Canada
selon le rapport du Comité sénatorial
de la politique scientifique


Le Comité présidé par le sénateur Lamontagne analyse ainsi les faiblesses inhérentes aux politiques scientifiques isolées en conclusion de son étude sur le système canadien de la recherche scientifique dans le passé et dans le présent. [19]

1. "Les agences gouvernementales qui sont chargées de missions politiques et opérationnelles ont généralement tendance à négliger leur mission parallèle de recherche, et celles qui ont des fonctions opérationnelles et politiques restreintes sont portées à trop étendre leurs travaux de recherche, au moins en termes relatifs.

... C'est ainsi que les politiques scientifiques particulières adoptées par chaque agence prennent de fausses directions et que le système tout entier tend essentiellement à minimiser les travaux de recherche qui intéressent le plus le gouvernement fédéral.

2. Dans un régime qui s'appuie exclusivement sur des politiques particulières et isolées, le cloisonnement inévitable de l'administration fédérale constitue en soi une autre imperfection.

... Les priorités générales du gouvernement en matière de R-D ne coïncident donc pas toujours avec celles de chaque agence.

3. Lorsqu'ils sont autonomes, les organismes de recherche, tout comme les autres agences, tentent d'accomplir leur mission par leurs propres moyens.

... Elles considèrent comme marginal et résiduel l'appui qu'elles fournissent aux travaux scientifiques extra-muros, même si, de fait, cette aide, grâce à des ententes contractuelles, peut produire des résultats pratiques plus avantageux et en même temps diminuer la nécessité des incitations et des subventions gouvernementales à la recherche industrielle.

[34]

4. La tendance naturelle des agences à se suffire à elles-mêmes crée également des chevauchements inopportuns au plan aussi bien national qu'international.

... Ils ne sont pas dotés des réseaux voulus d'information scientifique et technique, et s'ils devaient mettre leurs propres services sur pied, ils créeraient ainsi des dédoublements considérables, coûteux et inopportuns au sein de la fonction publique. Et pourtant, il est beaucoup plus sûr et plus économique d'importer les résultats des recherches faites à l'étranger que d'effectuer soi-même la recherche.

5. Les agences de recherche gouvernementales sont plus portées à se défendre qu'à se critiquer ; pourquoi différeraient-elles des autres organismes ?

... L'hésitation qu'ont ces agences à abandonner des programmes qui ont échoué ou qui sont dépassés constitue un autre aspect de ce problème de gestion interne.

6. Une autre imperfection des politiques scientifiques isolées c'est qu'elles peuvent entrer en conflit entre elles, à l'insu de tout le monde, notamment dans le domaine de l'aide publique accordée à la recherche industrielle."

Remarque

De cela on pourrait conclure, notamment, qu'un premier geste fondamental de politique scientifique serait d'établir le principe qu'un centre ou un laboratoire de recherche auquel des crédits sont alloués devrait établir clairement ses objectifs et qu'il devrait être jugé selon ces objectifs qui eux-mêmes doivent être soumis à un examen sérieux.



[1] Science et politique, Paris, Seuil, 1970.

[2] J.-J. Salomon, loc. cit, p. 13.

[3] Science Activities "Expenditures by the Federal Government 1958 to 1971", Ottawa, Science Secretariat, March 1971.

Des coûts indirects portent le total à près de $100 millions (voir tableau 2).

[4] Une politique scientifique canadienne", Rapport du Comité sénatorial de la politique scientifique, volume l, Une analyse critique : le passé et le présent, Ottawa, Information-Canada, 1971, p. 304.

[5] loc. cit. p. 16.

[6] Le Conseil des Sciences du Canada, Octobre 1971, Rapport No 15, L'innovation en difficulté ; le dilemme de l'industrie manufacturière au Canada, Information-canada, Ottawa, 1971.

[7] J. Spaey et collaborateurs, "Le développement par la science", Paris, U.N.E.S.C.O., 1969, p. 19.

[8] J.-J. Salomon, "Science et politique", Paris, Seuil 1970, pp. 11-13.

[9] J. Spaey et collaborateurs, "Le développement par la science", Paris, UNESCO 1969, pp. 19-20.

[10] J. Spaey et collaborateurs, "Le développement par la science", Paris, UNESCO 1969, pp. 19-20.

[11] "Une politique scientifique canadienne", Rapport du Comité sénatorial de la politique scientifique, Volume 1, Une analyse critique : le passé et le présent, Ottawa, Information canada, 1971, p. 304.

[12] Ibid., p. 302.

[13] J.-J. Salomon, loc. cit, p. 351.

[14] Ibid., p. 356.

[15] J.-J. Salomon, loc. cit., p. 359.

[16] Ibid., p. 361.

[17] Ibid., p. 351.

[18] J. Spaey et collaborateurs, loc. cit., pp. 19-20.

[19] "Une politique scientifique canadienne", Rapport du Comité sénatorial de la politique scientifique, Volume 1, Une analyse critique : le passé et le présent, Ottawa, Information canada 1971, p. 304.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 28 décembre 2013 18:49
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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