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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean LECA et Pierre MULLER, “Y a-t-il un approche française des politiques publiques ? Retour sur les conditions de l'introduction de l'analyse des politiques publiques en France.” In ouvrage sous la direction de Olivier Giraud et Philippe Warin, Politiques publiques et démocratie, chapitre 1, pp. 35-72. Paris : Les Éditions La Découverte, 2008, 428 pp. Collection “Recherches”, Série “territoire du politique”. [M. Jean Leca nous a accordé le 3 avril 2018 son autorisation de diffuser la presque totalité de ses publications, y compris ce Traité de science politique.]

[35]

Jean LECA et Pierre MULLER

Y A-T-IL UNE APPROCHE FRANÇAISE
DES POLITIQUES PUBLIQUES ?

Retour sur les conditions de l'introduction
de l'analyse des politiques publiques
en France.”

In ouvrage sous la direction de Olivier Giraud et Philippe Warin, Politiques publiques et démocratie, chapitre 1, pp. 35-72. Paris : Les Éditions La Découverte, 2008, 428 pp. Collection “Recherches”, Série “territoire du politique”.

Introduction [35]
Trois traditions, trois filières [39]
La science administrative ou l'héritage du droit public [39]
Le marxisme ou la vision du global [46]
La sociologie des organisations ou la découverte de l'acteur [47]

Les passeurs [50]
Les politistes français découvrent les politiques publiques [55]
Les paradoxes de l'analyse des politiques publiques À LA française [59]
Le paradoxe de la comparaison [59]
Le paradoxe du rapport à l'action [60]

Références bibliographiques [64]

Introduction

Au cours de sa carrière, Bruno Jobert a accompagné et contribué à l'une des transformations les plus importantes qu'a connue la science politique française au cours des trente dernières années : l'émergence puis le développement spectaculaire d'une nouvelle discipline (ou sous-discipline) : l'analyse des politiques publiques. Il se trouve que cette émergence se produit à peu près en même temps que la constitution de la science politique en discipline universitaire séparée du droit public à l'initiative de Maurice Duverger, à l'époque le politologue français le plus connu à l'étranger (il l'est toujours dans une mesure certaine), qui présidera en 1972 le premier concours d'agrégation de la nouvelle discipline, dont fera partie, à titre d'expert spécialisé, Lucien Nizard sur le rôle duquel on reviendra plus bas. Certes, l'analyse de mesures et règles publiques a peut-être toujours existé, au moins dans les États modernes, comme activité réformatrice, pensons à La dîme royale au début du XVIIe siècle, aux « sciences camérales » du XVIIIe siècle et au « rapport Beveridge » de 1942. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici, encore que la visée - et du moins la connotation - réformatrices tendent à refaire surface aujourd'hui sans avoir jamais disparu totalement.

Bien entendu, comme dans toute étude portant sur la genèse d'un fait social, il est très difficile de dater précisément cette émergence, d'autant plus qu'il faut se garder de confondre l'émergence du mot (« l'analyse des politiques publiques ») et de la chose (une analyse argumentée de l'action publique avec une perspective sociologique, faible au début puis de plus en plus affirmée) : les universitaires français étudiaient les politiques de l'État en France bien avant d'utiliser le label. Sans remonter jusqu'à la mission confiée au jeune Alexis de Tocqueville pour étudier la politique [36] pénitentiaire aux États-Unis (on sait ce qu'il en sortit), les Instituts d'études politiques avaient des cours de « politique économique », de « politique budgétaire » et de « politiques sociales » enseignés par de « grands fonctionnaires » : Andrew Shonfield [1967] et Pierre Bauchet [1958] avaient publié d'importants ouvrages sur la politique économique et la planification françaises ; Alfred Grosser avait traité de la politique extérieure de la Quatrième République [Grosser, 1961], et Lothar Rühl de la politique militaire [Rühl, 1976], mais nul ne pensait à les placer sous la rubrique générale de « politiques publiques ». La question reste d'ailleurs posée pour la politique extérieure, malgré l'extension de la notion de « bureaucratic politics », et l'un des trois cadres d'analyse de Graham T. Allison dans le fameux « Essence of Décision » [Allison, 1971, 1991]. Quoi qu'il en soit, le terme était à ce point inconnu qu'Arnold Heidenheimer, pionnier des « Comparative Public Policies », cherchant dans les années 1970 à savoir comment se disait « public policy » en différentes langues occidentales, reçut des services culturels français aux États-Unis une réponse qui le surprit : la traduction proposée se référait à « la politique non politicienne », ce qui était un contresens total [1]. On peut néanmoins affirmer qu'il s'est passé « quelque chose » dans le monde académique français au début des années 1980, correspondant à l'émergence d'un nouveau « cadre d'analyse » scientifique (le terme « paradigme » est peut-être trop chargé pour être employé ici). Celui-ci s'est affirmé, comme c'est toujours le cas, en absorbant et en réinterprétant l'état des connaissances existant jusque-là.

L'analyse des politiques publiques n'est pas née en France, chacun le sait, mais aux États-Unis. Elle a connu une première version dans les années 1930 avec Charles Merriam et surtout Harold Lasswell [1936, 1971]. Bien que celui-ci soit surtout connu pour sa contribution à l'éclosion de l'approche « behavioraliste » de « l'école du comportement » (Who Governs ? de Robert Dahl lui doit quelque chose [Dahl, 1961]) et pour ses travaux de psychologie politique (il inspira les œuvres de Robert Lane [1962]), voire de relations internationales (on lui doit la notion d'« État-garnison »), il faut rappeler sa question centrale sur la politique : « Who gets what, when and how ? » Celle-ci a été critiquée depuis car elle faisait de la politique une activité allocation de ressources (savoir si elles sont exclusivement matérielles reste douteux, Easton parlera plus tard d'« allocation de valeurs »), mais c'est justement son intérêt [Easton, [37] 1965]. Les notions de « cible », de bénéfice (et de perte) (« Who gets what ? »), et de processus (« when and how ? ») étaient déjà présentes et Charles Lindblom bénéficia de ses idées [Lindblom, 1968, 1980].

La deuxième vague s'est développée au cours des années 1950 à partir d'ouvrages fondateurs qui proposaient une mise en perspective scientifique de l'action des organes gouvernementaux. Ici encore, il faut citer Lasswell qui, en 1951, proposait de combiner la connaissance de la décision et la connaissance dans la décision [Lasswell, 1951] [2], ce qui faisait des policy sciences quelque chose qui débordait le cadre des sciences sociales telles qu'on les concevait à l'époque puisqu'elles conduisaient à des « évaluations » et des recommandations dont la faisabilité ne pouvait être garantie par la science [Ranney, 1968], ce que Paul Lazarsfeld ne manqua pas de relever près de vingt ans plus tard [Lazarsfeld, 1975]. Dans une optique différente, The Politics of the Budgetary Process d'Aaron Wildavsky devint assez vite un classique des départements de science politique dans les années 1960 et 1970 [Wildavsky, 1964] [3].

Ce n'est que bien plus tard que les milieux académiques français ont « découvert » cette discipline, grâce à un certain nombre de « passeurs » sur lesquels on reviendra. Or ces derniers n'ont pas agi dans un contexte intellectuel vierge, loin de là. Leur apport s'est fondu dans un environnement cognitif (et aussi normatif) tout à fait spécifique. L'objet de ce texte est donc de proposer quelques éléments de réflexion — marqués inévitablement par le regard spécifique des auteurs et qui restent à ce titre pour une large part à confirmer et à approfondir - sur cette décennie des années 1980 qui correspond à l'introduction de l'analyse des politiques en France. Moins qu'un chapitre « d'histoire intellectuelle » nous présentons ici un essai « d'histoire mémorielle réflexive », sans craindre l'accolage quasi-oxymoronique des deux premiers termes, qui peut contribuer à la « grande » histoire s'il se trouve quelque jour des chercheurs pour juger le sujet digne d'attention.

L'enjeu d'une telle réflexion est d'essayer de mieux comprendre la place de l'analyse des politiques publiques par la science politique et la sociologie françaises dans le contexte académique international. Chacun reconnaît que cette discipline se caractérise en France par des aspects spécifiques qui se retrouvent bien lors des échanges dans les rencontres internationales. Certains, les plus nombreux, considèrent qu'il s'agit d'une forme d'enclavement qu'il faut tenter de remettre en cause ; d'autres, plus rares, soulignent [38] qu'il s'agit d'une originalité par rapport au mainstream international. Que l'on s'en réjouisse ou qu'on les déplore, ces spécificités de l'analyse des politiques en France sont en tout cas indéniables et faciles à identifier : rejet quasi général des approches en termes de choix rationnel et refus, tout aussi marqué, des méthodes quantitatives avec, corollairement, l'accent mis sur les méthodes qualitatives et notamment l'entretien comme source de données privilégiée [Bongrand et Laborier, 2005] [4]. Notons aussi, ce qui est partiellement contraire à ce qui vient d'être dit, le souci de prise en compte de la longue période qui va parfois jusqu'à la revendication d'une véritable « socio-histoire [5] » de l'action publique [Payre et Pollet, 2005], et le développement d'une approche qui demeure relativement originale dans le contexte français : l'analyse cognitive de l'action publique [Muller, 2000] ou « les politiques publiques comme manière de connaître et (re)nommer le monde » [6]. Enfin, il faut évoquer la difficile intégration de l'analyse des politiques publiques comme un domaine de la science politique généraliste : quand parut en 1985 le Traité de science politique dirigé par Madeleine Grawitz et Jean Leca [1985], le quatrième volume, à la construction et la réalisation duquel Jean-Claude Thoenig avait pris une part considérable et sur lequel on reviendra plus bas, s'attira cette remarque d'un critique italien, par ailleurs sympathique à l'entreprise, « tante politiche publiche ! »

Cette spécificité est un phénomène complexe à évaluer parce qu'elle n'a pas le même sens pour l'ensemble des chercheurs français concernés par l'action publique. Pour certains, il s'agira de se démarquer d'une approche « anglo-saxonne » jugée trop peu critique à l'égard des pouvoirs d'État ; pour d'autres, beaucoup plus intégrés dans le mainstream académique, la question est plutôt de se démarquer d'une approche jugée trop managériale [39] et pas assez sociologique, ce qui les conduit à récuser le label « analyse des politiques publiques » et à préférer utiliser « sociologie de l'action publique » [Thoenig, 1998 ; Lascoumes et Le Gales, 2007] (ou « sociologie politique de l'action publique » lorsque l'on tient à souligner le rattachement à la science politique). Il ne s'agit donc ni de prétendre qu'il existerait une « école française » d'analyse des politiques publiques, ni de surestimer ces spécificités qui ne sont parfois mises en avant, il faut bien le reconnaître, que pour justifier le refus de participer aux réseaux de recherche internationaux.

Il ne s'agit pas non plus de trancher entre ces débats, mais d'essayer de les éclairer en proposant quelques éléments de réflexion sur la manière dont ils se sont structurés. C'est pourquoi nous voudrions défendre ici la thèse selon laquelle les spécificités de l'analyse des politiques en France sont avant tout liées aux conditions de son introduction, ou plus exactement au contexte de connaissance qui prévalait au cours des années 1970 qui ont précédé le développement de cette discipline, puis à ce qui c'est passé pendant les années 1980. Ce contexte a fortement marqué la réflexion des auteurs qui ont contribué à donner son contenu à l'analyse des politiques « à la française », la question posée étant évidemment de savoir jusqu'où cette spécificité pourra se prolonger.

Trois traditions, trois filières

Au milieu des années 1970 en France, trois candidats au statut de paradigme coexistaient, de manière plus ou moins conflictuelle, pour rendre compte de l'action de l'État : la science administrative, l'approche marxiste et la sociologie des organisations.

La science administrative ou l'héritage du droit public

Jusque dans les années 1980, on le sait, le mot « politique publique » n'existait pas en français : on étudiait « l'État », notamment à travers son « droit propre », le « droit politique » devenu ensuite « droit constitutionnel », le droit administratif, le droit international public, et enfin le droit financier, leur parent pauvre on ne sait trop pourquoi malgré Henri Laufenburger et surtout Louis Trotabas [1967] (peut-être les juristes préfèrent-ils la logique formelle à la statistique et la comptabilité, même publiques). Ces travaux s'inscrivaient dans la prestigieuse tradition des grands juristes français Léon Duguit [1923] et Maurice Hauriou [1903], qui, au début du XXe siècle, avaient contribué avec Gaston Jèze à théoriser le droit administratif élaboré par le Conseil d'État et à travailler les notions de « service public » et de « puissance publique » et, ce faisant, forgé aussi un corpus de concepts pour rendre compte de l'État [Jèze, 1930]. Il faut [40] noter que ces auteurs ne s'appuyaient pas seulement sur une approche juridique puisqu'ils trouvaient aussi leurs racines, le premier dans la sociologie (il se décrivait comme « juriste sociologue », mais était en réalité assez loin de Durkheim malgré une parenté apparente), le second dans la théorie de l'institution et de la fondation (on lui doit la notion de « constitution sociale » distincte de la « constitution juridique »), à l'opposé du sévère Raymond Carré de Malberg qui, de Strasbourg, alors allemande, produisait une monumentale et rigoureusement juridique Contribution à la théorie générale de l'État dont la masse évoque celle de la cathédrale de cette ville [Carré de Malberg, 2003]. L'approche de L. Duguit et M. Hauriou est jalonnée, à travers la médiation de « grands professeurs » comme Achille Mestre [1938-1939], Louis Rolland, Georges Scelle [Scelle, 1946-1947] (pour le droit du travail et surtout le droit international), plus tard Jean Rivero [1962], François Luchaire et l'encore bien présent dans nos esprits Georges Vedel [1961], par une succession d'ouvrages qui ont forgé une vision spécifique de l'objet public.

Ces travaux sont d'abord marqués par leur proximité avec le droit public et à ce titre, ils symbolisent la filiation, à la fois intellectuelle et sociologique, entre le droit public et la science politique. Dès 1954, la « Sécurité sociale » fait l'objet d'un enseignement semestriel puis annuel dans la licence de droit public (c'est un juriste déjà-politologue, Georges Lavau, qui sera le co-auteur, avec Jacques Doublet, du premier manuel dans la collection « Thémis » aux PUF) [Doublet et Lavau, 1957]) et la « Législation financière » prend le nom « d'Institutions financières » (ici encore c'est « le » politologue Maurice Duverger en personne qui rédige le manuel « Thémis » [Duverger, 1965]), l'on n'ira pas jusqu'à la « science des finances » dont Paul-Marie Gaudemet recommande le rapprochement avec la science politique [Gaudemet, 1965].

À ce titre, la science administrative est d'abord une science du « bon gouvernement », celui-ci étant assimilé pour l'essentiel au respect de règles de droit en principe simples, efficaces et logiques (c'est-à-dire en fait « réalistes », combinant le « privilège » de l'État avec sa limitation par le droit). Curieusement, c'est un « privatiste », Jean-Jacques Dupeyroux, qui rompra avec cette orientation dans son Précis Dalloz sur le droit du travail et la Sécurité sociale, plus engagé et évaluatif [Dupeyroux, 1973]. Elle suit en cela l'exemple de l'activité du Conseil d'État et de la Cour des comptes dont les membres (Roger Grégoire [1954], Alain Plantey [1956], Francis de Baecque [1973]) publient d'importants ouvrages sur la fonction publique. C'est d'ailleurs deux membres du Conseil d'État, et non des moindres au vu de leurs carrières respectives, Jacques Fournier et Nicole Questiaux, qui écriront le gros Traité du social, fruit de leur enseignement à Sciences Po Paris [Fournier et Questiaux, 1989] avant que des politistes comme Bruno Palier [41] ou Patrick Hassenteufel développent une approche du social ou de la santé comme politiques publiques [Palier, 2002 ; Hassenteufel, 1997]. L'approche économique, que ce soit celle de Vilfredo Pareto, de l'économie autrichienne (Von Mises) ou « nordique » (Wicksell) est absente tout comme l'économie marxiste, même chez d'impeccables juristes communistes tel Guy Braibant au Conseil d'État [Braibant, 1972]. Il est vrai que la Science administrative de Bernard Gournay, membre de la Cour des comptes détaché comme directeur d'études à l'Institut d'études politiques de Paris, est honorée d'une préface (ou postface) élogieuse d'un professeur soviétique une fois payé le tribut d'usage à l'absence d'« analyse de classe » [Gournay, 1965]. Pas davantage l'on n'y relève l'influence d'Herbert Simon dont la « science administrative » est profondément différente [Simon, 1957, 1983] puisque pour H. Simon, la « science administrative » est la science de la gestion des ressources échappant à la logique du marché libre, ce qui ne signifie pas obligatoirement qu'il est logique et facile de distinguer entre le marché et la hiérarchie [Laçasse et Thoenig, 1996]. Les analyses économiques de la bureaucratie par les très libéraux James Buchanan [Buchanan et Tullock, 1962] ou William Niskanen [1971] sont considérées, si elles sont connues, comme relevant de l'économie, et de sa version la plus douteuse.

Pour autant, la science administrative se distingue des approches strictement juridiques dans la mesure où elle cherche à décrire et à expliquer la structure et les activités des organes qui constituent l'appareil d'État et des collectivités publiques. Même si elle ne pose que marginalement la question des outputs ou des outcomes de l'action publique, elle va contribuer à formuler la question du fonctionnement de l'administration et donc à « ouvrir la boite noire », avec les études de sociologie des fonctionnaires, notamment des grands corps : la thèse de Pierre Lalumière, L'Inspection des finances, n'est pas encore vraiment sociologique mais l'influence de Maurice Duverger sur ce Bordelais se fait sentir [Lalumière, 1959] [7].

Si la « critique du droit » lancée par Michel Miaille dans les années 1968 [Miaille, 1976] ne l'aborde guère, plus tard encore, ou concurremment, une étude qui est aux précédentes ce qu'un vaisseau spatial est à un porte containers, déboulera d'une autre planète pour « dire son fait » à une [42] sociologie de l'administration ignorée autant que méprisée ; ce « Mars attaque » sera La Noblesse d'État de Pierre Bourdieu, monstrueuse mutation de la science administrative, dont on s'efforcera de ne pas parler dans les réunions de la famille [Bourdieu, 1989]. Aujourd'hui, cette tradition de science administrative renouvelée est incarnée dans les travaux de Luc Rouban [1999, 2004], Françoise Dreyfus, Jean-Michel Eymeri [Dreyfus et Eymeri, 2006] ou William Genieys [2005] qui s'ouvrent à une « Science politique comparée des administrations » pour citer l'étiquette du récent groupe de travail de l'Association française de science politique.

La science administrative se caractérise également par l'accent mis sur les institutions et ce trait lui donne d'ailleurs une sorte de modernité rétrospective avec la vogue actuelle des approches néo-institutionnalistes, même si la notion d'institution doit être sans doute prise ici de manière plus formelle, plus strictement limitée aux règles inscrites dans des textes, l'un des « fondateurs », M. Hauriou, étant une considérable exception. Enfin, l'accent mis sur le fonctionnement de l'administration confère, dans une certaine mesure, à cette discipline une certaine parenté avec des approches en termes de management public, mais la tradition inaugurée par Fayol, conduisant à l'application du taylorisme à l'administration, est absente. À ces caractéristiques il faut ajouter une certaine proximité avec les institutions administratives elles-mêmes et les écoles de formation des fonctionnaires comme l'ENA, on en a déjà donné des exemples.

Du point de vue de la genèse de l'analyse des politiques publiques en France, il ne fait pas de doute que cette introduction s'est faite en partie « contre » la science administrative jugée trop proche du droit public. À ce titre, on peut d'ailleurs considérer que l'analyse des politiques, en France, s'est alignée sur la volonté générale des politistes de marquer leur différence (voire leurs distances) par rapport aux juristes. Pour autant, il ne faut pas trop rigidifier cette opposition. La relecture des textes de la table ronde « Analyse des politiques publiques » tenue lors du premier congrès de l'Association française de science politique (AFSP) en 1981 (cf. infra) montre que plusieurs rapports peuvent aussi bien être rattachés à la science administrative et cette situation persiste encore aujourd'hui, comme le démontrent les travaux de Jacques Chevallier par exemple qui, tout en se revendiquant de la science administrative, contribuent sans aucun doute à l'analyse des politiques publiques [Chevallier et Lochak, 1978 ; Lochak, 1992 ; Chevallier, 2003, 2007]. On peut aussi mentionner ici la contribution de la tendance sociologique de Vincent Dubois et Delphine Dulong [1999]. Antérieurement on signalera, par exemple, la belle thèse de Jack Lang [1968], L'État et le théâtre, nourrie par son expérience de directeur du festival étudiant de Nancy.

[43]

Cette prise de distance par rapport aux travaux de science administrative portait sur un point essentiel : l'analyse des politiques publiques entendait intégrer l'action de l'État dans une perspective qui allait bien au-delà du fonctionnement des institutions administratives. Ainsi, l'étude des processus de décision était-elle inséparable de l'analyse des mécanismes de mise à l'agenda et, par conséquent, de l'action d'acteurs sociaux extérieurs à l'administration. Ce n'était pas une grande révélation aux États-Unis, depuis au moins Arthur Bentley [1908] au début, et David Truman [1951] au milieu' du XXe siècle, pour qui les groupes de pression faisaient naturellement partie du processus de gouvernement. Mais justement ce « pluralisme » n'était guère apprécié par l'Université dans la France républicaine, même quand elle se réclamait de Durkheim, de Tocqueville, voire des travaillistes CD.H. Cole et H. Laski [Cole, Figgis et Laski, 1989]- Ces groupes, ou pire ces « lobbies », du comité des forges au lobby des bouilleurs de cru, en dépit des travaux d'Henry Ehrman [1959] et Jean Meynaud [1960], et de la thèse d'histoire de Jean-Noël Jeanneney sur François de Wendel sous la Troisième République [Jeanneney, 1976] étaient anathémisés, et ils le sont toujours à l'occasion. En revanche, le nouvel accent mis sur les processus par l'analyse des politiques publiques faisait de l'administration non seulement un organe d'instruction et d'exécution des « décisions politiques » mais un réceptacle actif de « l'agrégation » et de la « sélection » des demandes, bref un des « portiers » (gatekeepers pour reprendre la terminologie de David Easton) du système politique.

De même, l'étude de la mise en œuvre des politiques publiques devait-elle prendre en compte le rôle des relations entre les agents chargés de « l'implémentation » des politiques et leurs interlocuteurs (le terme anglais est directement transposé en français après la réception des travaux de Jeffrey Pressman et Aaron Wildavsky [1973] puis Eugène Bardach [1977] dans les années 1960 et 1970, les traductions « application » et « mise en vigueur » étant jugées insuffisantes [cf. également Mazmanian et Sabatier, 1981]). Cela conduisait en même temps à souligner la marge qui pouvait exister entre décision et mise en œuvre — tout juriste théoricien devrait le savoir s'il a soigneusement lu Kelsen, et tout juriste praticien et tout préfet le savent naturellement par habitude, cette « seconde nature ». Incidemment, la vision de la bureaucratie légale-rationnelle, « machine » à application des règles, imputée avec plus ou moins de raison à Max Weber et à sa théorie de la rationalisation, en prenait un coup de vieux, le premier coup ayant été porté par Michel Crozier dans son livre Le Phénomène bureaucratique [1963] faisant suite à son étude Petits fonctionnaires au travail [1955]. Depuis, Christopher Hood a considérablement, et peut-être excessivement, diversifié l'analyse sur la haute fonction publique [44] comparée cette fois [Hood et Lodge, 2006]. Mais les « vieux », objets de ces « coups », ont de « beaux restes », ils savent vivre longtemps s'ils ont une solide constitution et conservent leur utilité sociale par l'action de puissants porte-parole ayant un intérêt acquis à apparaître en toute bonne foi pour ce qu'ils ne sont pas, ou ne sont plus tout à fait.

Plus généralement, l'analyse des politiques se prévalait d'un regard distancié par rapport au fonctionnement de l'administration, mettant l'accent sur les dysfonctionnements, les effets inattendus des décisions et les limites de la rationalité des acteurs impliqués dans la décision - dont on remettait parfois en cause l'existence même en temps que moment identifiable du processus de policy making [Sfez, 1976].

Cela dit, cette relation complexe entre les premiers travaux d'analyse des politiques et la science administrative a eu au moins deux conséquences sur la place de l'analyse des politiques publiques en France. La première concerne la posture de recherche : même si les chercheurs s'efforcent de souligner les limites de la cohérence de l'action publique, il est probable que « l'État » reste, dans la littérature française, une figure plus importante que dans d'autres pays, de même que l'attention portée aux effets du droit (les Hollandais, et notamment leur Cour des comptes, se sont pourtant intéressés de près au problème de « la qualité du droit »). La seconde concerne le statut des analystes du point de vue de l'administration elle-même et l'on peut parler ici du « grand malentendu » de l'analyse des politiques publiques sur lequel on reviendra.

En revanche, l'approche en terme de science administrative a le mérite de poser d'emblée, par définition même, la relation entre l'action publique et le régime politique, ou du moins entre l'action de l'administration (souvent nommée purement et simplement « État » par ses membres quand ils appartiennent aux administrations centrales ou déconcentrées) et les élites politiques professionnelles. Sa théorie, simple mais robuste, avait été exposée dès le début du XXe siècle par Henri Chardon [1911] : les fonctionnaires ont une tâche non-politique, ils doivent rester en dehors de la politique, seuls les préfets, ces « hybrides », font exception. Elle correspondait aux vues officielles des hauts fonctionnaires français de l'époque, « le Gouvernement gouverne, l'administration prépare, ajuste et maintient le cap » ; on verra pourquoi ce dernier ajout dans un instant. Dans la version anglaise de la série télévisée caricaturale et donc partiellement inexacte « Yes, Minister » cela donne « you are in charge of policy, we take care o the rest », mise dans la bouche du quasi-inamovible Cabinet Secretary (seuls 2% des titulaires de postes de hauts fonctionnaires sont déplacés discrétionnairement en Grande-Bretagne, contre 20% en France et 64% aux États-Unis [Hood et Lodge 2006, p. 10, sources dans l'Appendice 1, p. 203]). Celui-ci, évidemment, n'en fait qu'à sa tête... sauf quand le ministre est sous la [45] pression urgente de sa circonscription ou de ces luttes d'influence au sein du cabinet que Douglas Hurd, qui en a l'expérience, a décrites dans ses romans.

Nonobstant les preuves caricaturales inverses, la formule a résisté victorieusement à la boutade, elle aussi partiellement inexacte, de la fin de la Troisième République et d'une bonne partie de la Quatrième République : « les gouvernements sont fugaces, donc ne gouvernent pas, l'administration dure, donc gouverne », ou plutôt la boutade, convenablement prise au sérieux et remodelée, a servi à forger l'image d'une haute fonction publique qui avait su, malgré les péripéties politiques, maintenir la continuité et donc la réussite de la Quatrième République tout en restant loyale au régime (seule l'armée et la police faillirent basculer du fait des guerres d'Indochine puis d'Algérie). De ce fait, ses membres furent appréciés à la fois comme mainteneurs politiques et comme innovateurs techniques par la Cinquième République en voie de substituer la modernisation à la colonisation comme nouveau mythe mobilisateur de la puissance de la France, ce qui supposait aussi une modernisation politique [Dulong, 1997]. Ils y gagnèrent des occasions de carrière ascendante dans les cabinets, les directions, les sièges de députés et les positions ministérielles [8]. Pourtant, de la « République des énarques » qui aurait succédé (au moins jusqu'aux élections de 2007) à ce que Roger Priouret avait appelé « la République des députés », et qu'un Ezra Suleiman fustige consciencieusement depuis près de trente ans, montent des appels angoissés à « la volonté politique » clamés par le rapport de Jean Picq, conseiller à la Cour des comptes et ancien secrétaire général du ministère de la Défense : « le Gouvernement doit décider ! » [Mission sur les responsabilités et l'organisation de l'État, 1995] [9].

Ainsi résiste et perdure une image proche du type-idéal que Christopher Hood et Martin Lodge ont identifié sous le nom de « Agency Bargain » où la haute fonction publique est la servante du maître politique du jour, directement responsable devant lui et dotée de responsabilités opérationnelles [Hood et Lodge 2006, p. 21]. Les auteurs opposent ce modèle à celui du « Trustee bargain » où la haute fonction publique est un « état » autonome. Que cela soit beaucoup plus compliqué a été mis en [46] lumière [Bezes et Le Lidec, 2007] mais aucune autre théorie forte n'a encore émergé, ce qui constitue, on y reviendra aussi, l'une des lacunes de l'analyse des politiques publiques en général et en France en particulier.

Le marxisme ou la vision du global

Le second paradigme candidat qui a marqué en France l'introduction de l'analyse des politiques publiques est la référence au marxisme. Parmi d'autres, les figures d'Henri Lefebvre [1976], Louis Althusser [1965], Nicos Poulantzas [1972] symbolisent la puissance du marxisme au cours de ces années 1970 qui semblent maintenant bien lointaines. La vigueur de cette approche se retrouve également à travers les travaux de sociologues comme Jean Lojkine [1977], Christian Topalov [1984] et Manuel Castells [Castells, 1973 ; Castells et Godard, 1974].

C'est ici sans doute que la notion de paradigme est la plus juste, tant la domination de la vision marxiste de l'État a été forte au cours de la période de l'après-guerre en France, même si des exceptions prestigieuses doivent être rappelées (Raymond Aron et les moins connus mais alors plus puissants institutionnellement Jean Stoetzel et Georges Gurvitch). Certes, ce paradigme n'était pas dominant partout de la même façon : c'est en histoire, comme l'atteste la correspondance de Lucien Febvre au plus que réticent Marc Bloch, qu'il a été le plus dominant, des années 1930 (déclin de Jacques Bainville et Albert Vandal) aux années 1970 (proéminence de Pierre Chaunu et du « converti » François Furet).

Certes, tous les introducteurs de l'analyse des politiques publiques en France ne s'y reconnaissaient pas mais le marxisme a marqué l'un des pôles qui a contribué à l'introduction de l'analyse des politiques publiques en France : le « pôle » grenoblois. Sous l'impulsion de L. Nizard, les travaux du Centre d'étude et de recherche sur l'administration économique et l'aménagement du territoire (CERAT) vont en quelque sorte rejoindre celle-ci à travers un itinéraire qui part du droit public pour arriver à la sociologie de l'État via le marxisme, on verra que les premiers fondateurs du « CERAT avant le CERAT » ne s'y retrouveront guère. Comme dans le cas de la science administrative, le paradigme marxiste va marquer l'introduction de l'analyse des politiques publiques en France à la fois négativement et positivement.

Celle-ci va d'abord apparaître comme un moyen de dépasser les limites des approches marxistes. Les chercheurs vont s'appuyer sur cette nouvelle approche (en tout cas nouvelle pour eux) pour critiquer la vision mécanique de l'action de l'État inclue dans la vision marxiste : on découvre que les politiques publiques ne sont pas la pure conséquence de la soumission de « l'appareil d'État » aux intérêts de la classe dirigeante. Ni reflet, ni simple prolongement, l'action publique dispose d'une certaine autonomie qui [47] implique que l'on cherche à comprendre précisément les mécanismes de son élaboration en ouvrant, là encore, la « boite noire » de l'État. En revanche, cette importance de l'approche marxiste va contribuer à maintenir dans le champ académique cette dimension centrale de la culture civique en France : l'idée de centralité de l'État et surtout cette sorte « d'évidence du global » qui va faire tant débat par la suite pour ce qui concerne les approches cognitives. Pour de nombreux chercheurs français, le sens d'une politique s'inscrit dans une dimension plus globale qui dépasse le jeu des acteurs directement concernés. Plus généralement, l'idée selon laquelle l'action publique reste articulée sur des rapports de domination reste très présente dans les approches françaises, qu'il s'agisse des travaux d'inspiration bourdieusienne comme des recherches s'inspirant de ceux de Michel Foucault.

La sociologie des organisations
ou la découverte de l'acteur


Au cours des années 1960, à la suite des travaux de M. Crozier, le Centre de sociologie des organisations (CSO) va mettre en œuvre une série de recherches portant sur l'administration française qui vont renouveler complètement la vision que l'on pouvait avoir du fonctionnement de l'État. La sociologie des organisations constitue ainsi la troisième source d'inspiration qui va marquer les premiers travaux se réclamant de l'analyse des politiques publiques. Il faut souligner d'emblée que, contrairement aux deux précédentes, elle n'a pas constitué une forme de repoussoir qu'il fallait dépasser pour mieux comprendre l'action de l'État. Au contraire, les concepts et la démarche issus de la sociologie des organisations ont été largement utilisés pour dépasser les limites des approches qui rendaient compte de l'État et de l'administration à cette époque. On peut donc dire que, dans une certaine mesure, la sociologie des organisations a contribué à dynamiter les approches en termes de science administrative et les approches marxistes parce qu'elle a contribué à sociologiser l'analyse des processus d'action publique.

Par rapport aux approches en terme de science administrative, les sociologues des organisations (Michel Crozier, Erhard Friedberg, Catherine Grémion, Pierre Grémion, Jean-Claude Thoenig, Jean-Pierre Worms) mettent en avant la nécessité de ne pas se contenter de décrire, même finement, les règles en vigueur au sein de l'État mais de mettre à jour les rapports de pouvoir informels qui définissent l'administration comme un ensemble de systèmes d'action qui ne se superposent pas aux structures formelles. Le « sociogramme » de Moreno doit remplacer l'organigramme mais en y ajoutant une perspective dynamique. Ils popularisent également l'idée selon laquelle ces systèmes d'action ne se limitent pas aux frontières des services publics mais doivent inclure tous leurs [48] interlocuteurs extérieurs. Le travail d'Erhard Friedberg [1970, 1976] sur la politique industrielle française en est une illustration, il sera d'ailleurs commenté par le jeune Bruno Jobert qui, en avance sur son temps académique, se demandera à cette occasion si l'on peut vraiment parler d'une « politique industrielle » [Jobert, 1972]. C'est aussi à Pierre Grémion [1965, 1976] et Jean-Pierre Worms [Worms, 1966 ; Grémion et Worms, 1968] que l'on doit la popularisation de l'expression et la notion de « système politico-administratif ».

Par rapport aux approches marxistes, l'apport de la sociologie des organisations est évidemment de souligner que l'action publique ne peut pas se « déduire » des structures sociales, et notamment des structures économiques [10]. La compréhension des outputs de l'action administrative passe par l'analyse fine des processus à travers lesquels interagissent des acteurs. Le « livre-manifeste » est, en 1977, L'Acteur et le système de M. Crozier et E. Friedberg [1977] que B. Jobert et J. Leca commenteront longuement en 1980 [Jobert et Leca, 1980].

Tel est le contexte intellectuel des années 1970 qui vont voir l'analyse des politiques introduite en France déboucher sur un ébranlement des cadres d'interprétation de l'action publique dominants jusque-là : par rapport aux approches en termes de science administrative telles qu'on les pratiquait alors, les concepts et les méthodes de l'analyse des politiques publiques font éclater les cadres d'interprétation du fonctionnement de l'administration. Par rapport aux approches marxistes, la démarche d'analyse des politiques met l'accent sur les processus de « government » (on ne dit pas encore « gouvernance », courant en anglais, mais qui n'apparaîtra que dans les années 1990) qui se substituent à l'analyse de « l'appareil d'État ». Celui-ci est déconstruit à travers l'étude de ses politiques : l'État n'est plus ce Léviathan moderne mais un assemblage bancal de politiques [49] publiques dont la cohérence n'est en rien assurée. Contre cette vue les althussériens « appareils idéologiques d'État » [Althusser, 1970] lutteront encore longtemps relayés par Nicos Poulantzas dans une polémique qui les opposera au marxiste anglais Ralph Miliband [11] [1973]. On ne saurait cependant passer sous silence un autre type de déconstruction de l'État comme « réalité substantielle » dont « la représentation instituée » est « un obstacle à l'analyse politique » dessinée par Bernard Lacroix, assez étranger aux « politiques publiques » (dans lesquelles il verrait sans doute une de ces représentations instituées à proscrire), et qui n'est pas un « passeur » au sens donné ici (c'est un « passeur » d'autres choses) mais plaidant pour une analyse des « relations qui définissent en pratique l'espace des activités de l'entrepreneur politique » [Lacroix, 1985].

Les effets de ces trois paradigmes vont ainsi se combiner pour déterminer les traits caractéristiques de cette discipline en France. S'il n'y a pas à proprement parler une approche française des politiques publiques, les trois filières qui ont contribué à l'introduction de cette discipline en France ont façonné sa spécificité. Ainsi, l'héritage des travaux de science administrative et de la recherche marxiste se retrouve dans la réticence des chercheurs français à adopter l'orientation « problem solving » si marquée dans les travaux anglo-saxons encore que le marxisme pratique, voire théorique, soit essentiellement « problem solving » dès qu'il s'agit de faire la révolution et de la consolider après avoir démontré que le capitalisme ne peut plus rien « résoudre ». À la rationalité instrumentale individuelle de l'homo œconomicus se substitue simplement la rationalité indivisiblement axiologique, instrumentale et collective de « la ligne de classe ». Au contraire, la question de « l'État » et de sa centralité est toujours présente, que ce soit en caractères gras comme chez Luc Rouban [1994] ou, ne serait-ce qu'en filigrane, dans les réflexions sur l'action publique. La sociologie des organisations a, de son côté, laissé en legs la tendance typiquement française aux études qualitatives fondée principalement sur l'entretien avec les acteurs combinée avec une approche quasi ethnographique d'observation des organisations réelles repérées par les chercheurs afin de reconstituer « l'action collective organisée », produit d'une double rationalité, « stratégique » et « systémique ». Le Gouvernement lui-même sera plus tard défini comme un type d'action collective organisée impliquant des acteurs publics [Friedberg, 1994]. On doit à M. Crozier, peut-être inspiré par Herbert Simon, la critique de la « seule et meilleure solution » (« one best way ») et de la séquence « un problème clairement posé, une information parfaite, une seule bonne solution » au profit de la séquence « un problème confus, une information par nature imparfaite, une pluralité de [50] solutions » (faut-il signaler que cette formule donne toujours des boutons à nombre d'enseignants des grandes écoles scientifiques et managériales qui ont ce cri du cœur : « que voulez-vous enseigner de solide aux élèves avec cette recette ? [12] »)

D'où l'accent mis sur les processus plutôt que sur les contenus, ce que les marxistes qui expliquent les processus par les contenus de classe [13], et plus généralement les acteurs politiques, ne peuvent accepter en principe sinon comme une pratique de l'action stratégique (en France, Michel Debré, puis sur une autre planète Jacques Delors et Michel Rocard, sont de notables exceptions, peut-être parce que le premier voulait « dépolitiser l'essentiel national » et que les seconds ont été plus des hommes de gouvernement que des hommes politiques, ce que leurs carrières respectives ont montré).

Quant à l'approche cognitive [Faure, Pollet et Warin, 1995 ; Surel, 2000], elle prend la forme d'un croisement un peu étrange entre une démarche fondamentalement top down (qui part du global) avec une méthodologie fondée sur l'attention portée au rôle des acteurs. Elle considère en effet que « ce qui part du global » ne peut vraiment être révélé que par ce qui s'observe dans « le local », qu'il s'agisse de politique agricole [Muller, 1984], de grosses opérations comme Airbus [Muller, 1989] ou bien d'actions publiques moins immédiatement voyantes pour l'opinion ou moins stratégiques pour les politiciens comme la politique du livre [Surel, 1997].

Les passeurs

Il reste que, pour comprendre vraiment les caractéristiques du paysage académique français actuel, il faut aussi revenir sur les conditions concrètes de l'introduction de l'analyse des politiques publiques en France. On peut en effet identifier un certain nombre de chercheurs ou d'enseignants qui ont joué un rôle important en ce qu'ils ont été des « passeurs », soit en faisant connaître en France des travaux étrangers, soit en établissant des passerelles cognitives entre des paradigmes existants et cette nouvelle façon d'aborder l'action de l'État. Mais auparavant on ne saurait trop souligner l'influence du climat intellectuel marqué par la Cinquième République. Celle-ci est certes gouvernée dans ses premières années par la guerre d'Algérie mais en même temps elle est, par ses réformes institutionnelles qui n'épargnent pas l'administration, et par sa politique économique dominée au début par Jacques Rueff, un puissant aiguillon de réflexion, manifeste par exemple dans l'activité du « club Jean Moulin » [Club Jean [51] Moulin, 1961 ; Andrieu, 2002]. Après 1962, dans cette curieuse période d'amnésie des élites vis-à-vis des guerres coloniales (sauf pour dire que « l'Algérie est bien partie ») et d'enthousiasme pour la modernisation de la France (thème qui revient à peu près tous les dix ans avec des variations diverses) trois organismes ont été les déclencheurs du mouvement et lui ont fourni un soutien intellectuel et matériel [Bezes et al, 2005].

Le commissariat général du Plan d'abord [Bezes, 2003]. Il participe activement avec Jacques Delors au colloque organisé en 1963 à Grenoble par Jean-Louis Quermonne avec le concours de la Fondation nationale des sciences politiques, « La planification comme processus de décision ». À peu près au même moment, M. Crozier publie dans la Revue française de sociologie « Pour une étude sociologique de la planification » [Crozier, 1965]. C'est le temps de « l'ardente obligation » selon les propres termes du Général de Gaulle, et du IVe Plan sur lequel écrira le commissaire au Plan Pierre Massé, encore un de ces « grands fonctionnaires » dont François Bloch-Lainé est un autre exemple. Le colloque de Grenoble est une sorte de grand prélude au colloque plus ambitieux qu'organisera L. Nizard à Uriage en 1973 [Nizard et Bélanger, 1974] avec de nombreux acteurs du commissariat au Plan dont Claude Gruson, successeur de Pierre Massé. Entre temps, le fameux Cordes, incomparablement animé par son secrétaire Robert Fraisse (un polytechnicien réticent devant la technique) aura joué un rôle de premier plan dans la mobilisation et la collaboration de nombreux chercheurs de différentes disciplines et perspectives. En second lieu, la DATAR, que l'on retrouvera dans un instant, lance vraiment une « politique publique » d'aménagement du territoire, où se distinguent sous la tutelle de Jérôme Monod, l'aîné Serge Antoine, membre de la Cour des comptes et inlassable artisan de la résurrection d'Arc-et-Senans, cette construction futuriste et « planifiée » du XVIIIe siècle, et les cadets Henri Donzet et Jacques Durand (celui-ci marqué par une double culture, politique marxiste, et professionnelle d'ingénieur). Enfin le ministère de l'Équipement joue avec le « Comité Rotier », dont le secrétaire est Michel Conan, un tôle analogue à celui du CORDES en favorisant notamment de nombreuses études sur les politiques urbaines qui donneront lieu en sciences sociales à des controverses sur « le pouvoir local » opposant marxistes évoqués plus haut [14] et « systémistes ».

Dans le cadre ainsi dessiné, on peut, avec beaucoup de précautions, et en étant certain d'en oublier, citer plusieurs groupes d'acteurs qui ont contribué à dessiner ce paysage de l'analyse des politiques publiques « à la française ».

[52]

Le premier groupe correspond aux quelques universitaires qui grâce à des séjours aux États-Unis, ont compris l'importance de cette nouvelle approche et ont entrepris de la faire connaître en France. Parmi ceux-ci, il faut citer J. Leca et J.-C. Thoenig qui, avec d'autres, tel Jean G. Padioleau [15], vont contribuer à faire connaître des auteurs comme Jones, Heclo, Heidenheimer, Sharkansky [16], Wildavsky, Cobb et Elder. Dans le contexte de l'époque, ces auteurs représentent une posture de recherche radicalement différente de celle prévalant en France. Ce que l'on appelle aujourd'hui couramment la « grille de Jones » qui est présentée aux étudiants comme une sorte « d'ennemi théorique » qu'il faut dépasser si l'on veut rendre compte de la complexité des processus de policy making constituait au début des années 1980 [Jones, 1970] une véritable rupture avec les postures théoriques existant en France.

Le second groupe est composé de ce que certains ont appelé - à tort -« l'école grenobloise ». C'est à la fin des années 1960 qu'ont été développés au CERAT à Grenoble un certain nombre de travaux portant sur l'aménagement du territoire et la planification, des thèmes alors au cœur de l'actualité, on l'a dit. Dès le début de la décennie, J.-L. Quermonne, directeur de l'Institut d'études politiques de Grenoble et spécialiste de science des institutions politiques et administratives (parmi d'autres choses où les études européennes vont prendre une place croissante [17]) veut faire de cet Institut le lieu privilégié des « rapports Université-Administration » comme la puissante Faculté des sciences est le lieu des « rapports Université-Industrie ». Charles Roig, qui a travaillé sur les concepts de centralisation et de décentralisation et vient de passer une année à Chicago, lance des recherches au sein de ce qui n'est pas encore le CERAT (ou du moins son bâtiment autonome dont la première pierre est posée en... avril 1968 par Jérôme Monod alors délégué à l'Aménagement du territoire) et initie certains (dont l'un des auteurs de ces lignes) aux travaux de Ted Lowi et à sa fameuse formule « policy determines politics [18] ». Sa contribution à Administration traditionnelle et planification régionale [Roig, 1965] fut l'occasion de la première visite à Grenoble du groupe de M. Crozier. Après [53] quoi il s'intéressera à l'analyse de système et surtout à la « grammaire générative » de Kenneth Burke et quittera Grenoble pour Genève où il fondera, avec Dusan Sidjanski, le département de science politique.

Lucien Nizard entrera alors en scène. Ayant rejoint définitivement Grenoble en 1964 avec le soutien de J.-L. Quermonne, il va, à partir de 1966-1967, s'interroger avec son équipe sur le rôle de l'État dans les sociétés capitalistes en reprenant par exemple les travaux d'Andrew Shonfield. La caractéristique la plus importante de ces recherches est de faire le lien entre une approche marxiste qui était le paradigme dominant à Grenoble à l'époque et des réflexions sur le rôle de l'État dans la modernisation de la société française des années 1960 en pleine mutation. Le travail dirigé par L. Nizard sur la mise en place des innovations pour le VIe plan [Nizard, 1971] est sans doute le plus emblématique {cf. également [Nizard, 1972, 1973]), tout comme les recherches dirigées par Yves Barel [1973, 1979, 1984], marxiste séduit par l'analyse de système à laquelle Ch. Roig l'avait initié.

Ces recherches vont rejoindre d'autres travaux sur les politiques sectorielles (politiques sociales avec B. Jobert [1981], politique agricole avec Pierre Muller [1984]) ainsi que des recherches portant sur la planification urbaine (avec notamment François d'Arcy, qui, plus généralement, va jeter des passerelles entre approche juridique de l'administration, sociologie des organisations et théorie marxiste [d'Arcy, Mesnard et Prats, 1973]).

Lucien Nizard n'a malheureusement pas eu le temps de « découvrir » à proprement parler l'analyse des politiques telle qu'on la pratique aujourd'hui. En revanche, il a contribué à opérer un pont entre les travaux du CSO et une réflexion à visée plus globale sur l'action publique. Le croisement s'est en particulier opéré au niveau des méthodes, l'accent étant mis sur le repérage et l'entretien avec les acteurs qui participent au processus de policy making. Dans une perspective marxiste, la focale est clairement mise sur ce que l'on appelait alors, avec le sentiment délicieux de transgresser un dogme fondamental, « l'autonomie relative de l'appareil d'État » ; la preuve de cette autonomie étant à rechercher dans la marge de jeu que se donnent les acteurs concrets.

Tout comme J. Leca a tenté d'articuler son travail de popularisation des auteurs américains à sa réflexion plus générale sur l'État et le politique, L. Nizard s'efforçait d'intégrer l'approche « micro » des processus administratifs dans un croisement avec la sociologie wébérienne de l'État qui le conduisait à mettre l'accent sur les fonctions de régulation de l'État dans les sociétés complexes. Surtout, sa volonté de sortir du carcan marxiste, qui passait par la mise en avant de la démarche gramscienne en insistant sur le rôle des « intellectuels » (toujours les acteurs...), va donner naissance à ce que l'on a appelé par la suite « l'analyse cognitive des politiques [54] publiques », à travers un itinéraire intellectuel parallèle mais différent de celui d'autres auteurs comme Peter Hall dont le point de départ sera les travaux de Thomas Kuhn [Hall, 1993]. Développée ensuite par B. Jobert et P. Muller [1987], cette piste de recherche va peu à peu s'éloigner d'une vision gramscienne de l'autonomie de l'État (sans toutefois l'oublier complètement, il faudra y revenir un jour), et se nourrir de plus en plus des travaux d'analyse des politiques publiques pour déboucher sur une approche assez spécifiquement française de l'action publique.

Le troisième grand pôle de recherche ayant contribué à l'introduction de l'approche en termes de politiques publiques est constitué, comme on l'a dit, par les travaux du CSO. Là encore, les passerelles cognitives sont complexes. Contrairement aux recherches de J.-C. Thoenig qui se situent très tôt dans une perspective explicite d'analyse des politiques publiques telle qu'on la pratique aux États-Unis, le Centre de sociologie des organisations va fonder sa réputation sur un certain nombre d'enquêtes portant sur des organisations publiques ou semi-publiques et sur le décryptage des relations entre centre et périphérie puis sur la décentralisation.

C'est pourquoi l'importance du CSO dans la genèse de l'analyse des politiques publiques en France est ailleurs. Les travaux initiaux de M. Crozier ont d'abord constitué une ouverture incontestable du point de vue de la sociologie des organisations publiques en introduisant en France de nouveaux concepts et une nouvelle approche des relations administratives. On a déjà mentionné Le Phénomène bureaucratique. En ce sens, même si ces recherches ne relevaient pas toujours au sens strict de la catégorie « analyse des politiques publiques », elles ont clairement contribué à ébranler les paradigmes dominants en France à l'époque. On peut dire que l'apport essentiel des recherches de sociologie des organisations est d'ordre méthodologique : elles ont contraint les chercheurs s'intéressant à l'action publique à la fois à « ouvrir la boite noire » et à ne plus considérer comme données les relations entre les acteurs.

Ceci ne veut pas dire, il faut en avoir conscience, que les chercheurs en analyse des politiques publiques vont reprendre tels quels les cadres méthodologiques de la sociologie des organisations. Le rapport aux acteurs n'est pas le même, la pratique de l'entretien non plus. Comme le montre bien Christine Musselin, la sociologie de l'action publique pratiquée dans la perspective de la sociologie des organisations est différente (bottom up) de l'analyse des politiques publiques [Musselin, 2005].

En définitive, si l'on essaie de réfléchir au rôle de ces passeurs et de dresser une carte de leur action, on voit bien que leur rôle a d'abord contribué à mettre en place une série de passerelles entre des univers cognitifs qui s'ignoraient, voire même s'opposaient tout en relevant de disciplines et de « tribus » académiques parfois très éloignées : droit et marxisme, marxisme [55] et sociologie des organisations, analyse des politiques orientée problem solving « à l'américaine » et théories de l'État « à l'européenne »... C'est à travers cet entrecroisement parfois surprenant de ponts théoriques que se sont constituées les caractéristiques - positives ou négatives - de l'analyse des politiques publiques en France. À ces trois principaux groupes, il ne faut d'ailleurs pas oublier d'ajouter d'autres passeurs qui ont joué un rôle très important dans l'introduction de la discipline dans la science politique. On a déjà mentionné Jean G. Padioleau et J.-C. Thoenig après que ce dernier ait quitté le CSO. C'est aussi le cas, notamment, de J.-L. Quermonne, qui a joué un rôle à la fois à Grenoble et au plan national, en organisant avec J. Leca la première table ronde de l'AFSP consacrée à l'analyse des politiques publiques. Sans qu'il se définisse lui-même jamais comme un analyste des politiques publiques (peut-être en était-il lui-même un trop bon praticien, notamment dans le domaine de l'enseignement supérieur [19] pour se risquer à passer de la tacite connaissance pratique à l'explicite connaissance systématique...), son soutien a été considérable. Il faut également citer Yves Mény, que son séjour à Cornell avait familiarisé avec les études américaines dans le champ, ce qui lui a permis de lancer des recherches à Rennes, Florence et Paris. Son rôle d'intégration de la discipline dans la science politique française, dans une perspective d'ouverture internationale de cette dernière, est indéniable [20].

Les politistes français découvrent
les politiques publiques


Cette découverte va prendre une dizaine d'années qui correspondent, en gros, aux années 1980, ce qui ne signifie pas que la place de l'analyse dans la science politique sera complètement figée à partir de là. D'autres acteurs interviendront au cours de la décennie suivante qui seront à l'origine d'autres évolutions comme le développement de l'analyse des politiques locales, domaine auquel B. Jobert s'était intéressé à propos du gouvernement des grandes villes [Balme, Faure et Mabileau, 1999 ; Le Gales, 2003 ; Faure et Douillet, 2005 ; Hoffmann-Martinot, 2007], la découverte des politiques européennes [Mény, Muller et Quermonne 1994 ; Balme, Chabanet et Wright, 2002 ; Smith, 2004], l'analyse en termes de policy networks [Le Gales et Thatcher, 1995], la notion de [56] gouvernance [Leca, 1996], l'intérêt, que certains peuvent peut-être trouver excessif, porté aux « discours » de Michel Foucault et à leur genèse historique [par exemple, Laborier et Lascoumes, 2005]. Même s'il est évidemment impossible de dater précisément l'introduction de l'analyse des politiques publiques en France, il ne fait pas de doute, du point de vue de la science politique en tout cas, que le premier congrès de l'Association française de science politique tenu à Paris du 22 au 24 octobre 1981 constitue une étape déterminante. Parmi les cinq tables rondes autour desquelles ce congrès est organisé, la table ronde n° 1 dirigée par J. Leca et J.-L. Quermonne, s'intitule tout simplement « l'analyse des politiques publiques ». Lorsqu'on relit, vingt-six ans après, le texte présentant les objectifs de la table ronde, il apparaît clairement que l'objectif des promoteurs était d'abord de répondre à un « besoin de communication », de « sensibiliser les participants à l'importance du champ couvert par les politiques publiques en tant qu'objet d'étude politique » et de « diffuser plus largement la connaissance des travaux déjà publiés ou engagés dans ce domaine, tant dans le cadre des différentes sciences sociales que par les acteurs eux-mêmes des politiques publiques » [21].

Sur cette base, la table ronde doit aborder quatre thèmes principaux :

- Élaboration et application : « dans quelle mesure l'application des politiques publiques est-elle ou non la poursuite [...] des affrontements, du consensus ou des compromis auxquels ont donné lieu leur émergence et leur élaboration ? ». Ce thème est placé sous la responsabilité de J.-C. Thoenig.

- Acteurs et stratégies : « Les acteurs administratifs des politiques publiques se prétendent souvent « transparents » à l'égard des programmes qu'ils préparent, tandis que les acteurs politiques se préoccupent de les « personnaliser ». Qu'y a-t-il de vrai dans cette différence d'attitude ? Et au-delà de ce couple agissant à l'intérieur de l'appareil de l'État, quel rôle jouent les acteurs individuels ou collectifs relevant de la société civile : syndicats, groupes d'intérêts, associations, partis politiques, médias... ». La préparation de ce thème est confiée à Albert Mabileau.

- Évaluation : « Quel est l'effet des politiques publiques ? Dans quelle limite contribuent-elles au changement économique, social et culturel ? Peuvent-elles, au contraire, servir au maintien de l'état des structures de la société ? Et, quel qu'en soit le but, quels en sont les "effets pervers" » ? Ce thème est confié à Yves Ullmo (Cour des comptes).

- Cohérence ou éclatement des politiques publiques ? « Les politiques publiques s'appliquent dans différents champs économiques et sociaux. Il y a de bonnes raisons de penser qu'elles n'y ont pas la même efficacité [...] [57] Quel que soit le degré de pertinence de chaque politique publique, est-il légitime d'appliquer à leur étude, malgré un éventail de champs différents, une même grille d'analyse ? Question d'apparence méthodologique qui soulève en substance un problème fondamental : celui de savoir si l'étude des politiques publiques doit être intensive et se limiter par exemple à l'examen des politiques économiques, sociales et culturelles (le « champ du welfare ») ? Ou si elle doit être, au contraire, extensive et inclure les politiques « régaliennes » de l'État (défense, police, justice, fonction publique, affaires étrangères). Faut-il en outre, identifier à l'intérieur de ce champ une zone particulière relevant de la « politique pure » ? Et si oui, est-ce encore une « policy » ? L'animation de ce dernier thème est confiée à J. Leca.

On mesure bien, à la lecture du programme, à quel point cette approche constituait une rupture par rapport aux approches existantes : une volonté de dépasser le cadre strict de l'administration, une orientation « problem solving », la nécessité de s'interroger sur l'ensemble des acteurs qui concourent à l'élaboration et à l'application des politiques ainsi que sur le rôle des « cartes cognitives » disponibles. On y trouve aussi, déjà, malgré une relative faiblesse dans le comparatisme (on ne pense pas que le problème de « policy styles » ait été discuté, dans une perspective soit intra-nationale, à la manière de Ted Lowi, soit internationale), une bonne partie des questions qui se poseront (et qui se posent encore aujourd'hui) à l'analyse des politiques publiques : cette discipline doit-elle privilégier les études de cas ou la mise en points de modèles transversaux ? Dans quelle mesure l'analyse des politiques est-elle une « science de l'action » susceptible d'aider au guidage des sociétés ? Quel est le rapport entre cette discipline et la théorisation du politique ? Il n'est pas sûr que ces questions soient proches d'êtres résolues aujourd'hui. On pourra, au choix, souligner la perspicacité des organisateurs du colloque ou regretter l'absence de progrès dans la discipline... mais c'est une autre histoire.

Il est intéressant de constater que cette table ronde qui marque en quelque sorte l'introduction « officielle » de l'analyse des politiques publiques dans la science politique française, est contemporaine de la création en 1983 de la revue Politiques et management public qui témoigne de ce que la notion de politique publique reste un objet interdisciplinaire. Il faut noter également que, même si les créateurs de PMP sont d'abord des spécialistes de management public et des gestionnaires (en particulier Patrick Gibert et Romain Laufer), la présence de J.-C. Thoenig parmi les fondateurs témoigne du rôle que va jouer cette revue tout au long de la période avec l'organisation de ses colloques et en faisant partie des quelques revues françaises publiant régulièrement des travaux sur les politiques publiques avec la Revue française de science politique et Sociologie du travail.

[58]

L'introduction de l'analyse des politiques publiques dans la science politique française va connaître alors une étape décisive avec le Traité de science politique dirigé par J. Leca et M. Grawitz paru en 1985, ou plutôt le 4e tome, déjà mentionné, consacré tout entier à l'analyse des politiques publiques. Cet ouvrage s'inscrit dans la suite de la table ronde de 1981. La structure de ce tome 4 mérite une attention rétrospective : organisé principalement par domaines ou secteurs de politiques publiques si l'on met à part l'introduction de J.-C. Thoenig, il témoigne à la fois de l'importance prise par la nouvelle discipline dans la science politique et de son relatif isolement puisque sa mise à part dans un ouvrage autonome n'est pas comprise comme une division ordinaire, analogue à celle qui est opérée dans les autres volumes, mais comme un ajout, peut-être malvenu (on se rappelle la boutade du critique italien rappelée plus haut et c'est d'ailleurs le seul volume qui n'aura pas droit à un commentaire propre dans la Revue française de science politique). La rupture avec l'orientation sectorielle sera consommée et l'intégration dans la science politique nettement plus marquée avec le manuel d'Y. Mény et J. C. Thoenig [1989] qui reprend les grands traits de l'introduction au volume 4 du Traité en l'intégrant dans une réflexion plus générale sur le politique.

Un détail peu connu sur ce traité mérite d'être signalé : le chapitre du britannique Jack Hayward sur « les politiques économiques » est mal accueilli par les rares économistes universitaires qui daignent le lire alors que le livre d'E. Friedberg l'avait bien été par les membres de l'administration économique française, que J. Hayward lui-même était apprécié par le commissariat du Plan, et que l'élan donné par L. Nizard partait d'une étude de la politique économique française. Faut-il y voir la raison de la relative rareté des travaux de science politique sur ce type de politique publique (Elie Cohen [1992] étant une exception dont on ne suit guère l'exemple), à comparer avec la vitalité des chercheurs d'autres pays comme le regretté Vincent Wright [1993], Peter Hall et David Soskice, [2001], Vivien Schmidt [2002], Fritz Scharpf [Scharpf, 2000 ; Schmidt et Scharpf, 2000] ou John Zysman [1982], sans aller jusqu'à mentionner l'économiste Alberto Alesina [1991] ? Ou bien est-ce le déclin inexorable du commissariat du Plan, qui n'a pu implanter à son profit la notion « d'État stratège » [Rapport sur la préparation du XIe plan, 1993 ; Rouban, 1994 ; Bezes, 2005] au beau milieu de ce que B. Jobert a décrit comme « le tournant néolibéral » [Jobert, 1994] qui a tari l'appétit et les ressources des chercheurs jusqu'à une époque récente ? À moins que ceux-ci, à quelques exceptions près [par exemple, Sine, 2006] n'aiment pas plus compter que leurs prédécesseurs juristes enseignant les Institutions financières ?

La publication par B. Jobert et P. Muller de L'État en action, paru en 1987 [Jobert et Muller, 1987], puis le « Que sais-je » de P. Muller dont la [59] première édition parait en 1990 [Muller, 1990] achèvent cette période de découverte de l'analyse des « policies ». Ces deux ouvrages vont cristalliser, pour longtemps, les débats autour de la possibilité de développer une approche des politiques publiques « non mainstream ».

Les paradoxes
de l'analyse des politiques publiques
à la française


Il faudrait sans doute aller plus loin dans l'analyse de cette découverte de l'analyse des politiques publiques par les chercheurs français. On peut néanmoins d'ores et déjà tirer quelques enseignements au vu de ces premières réflexions qui prennent la forme de trois constatations paradoxales :

Le paradoxe de la comparaison

L'un des résultats les plus étonnants produit par les conditions spécifiques de l'introduction de l'analyse des politiques publiques en France est le faible nombre de travaux comparatifs développés - au moins jusqu'à une date récente - par les chercheurs français (on peut remarquer en passant que B. Jobert a été un précurseur dans ce domaine). Il est ainsi frappant de constater qu'une discipline littéralement « importée » de l'étranger a été si bien absorbée dans les cadres cognitifs français qu'elle n'a pas débouché sur le besoin ou la nécessité de mieux comparer la situation française à des cas étrangers. Ce point est particulièrement frappant si l'on se souvient de l'impact des travaux du CSO qui comptait en son sein des chercheurs étrangers. Quelques thèses soutenues sur des pays étrangers ne font pas encore une comparaison. Donc, pas d'équivalent d'Heidenheimer [Heidenheimer, Heclo et Adams, 1990], Titmuss [1968], Wilensky [1975], Esping Andersen [1990] ou Ringen [1987], tous, à l'exception du deuxième, « assis sur des montagnes de données », pour reprendre une expression de G0sta Esping Andersen, comme Newton était « perché sur les épaules des géants » qui l'avaient précédé. Aujourd'hui, Bruno Palier reprend l'entreprise au sein d'un dense réseau international.

Le comparatisme, cette « méthode obligatoire de toute démarche macro-analytique [...] nécessaire à la recherche d'une alternative au réductionnisme individualiste de la science politique » serait-il menacé par « les interactions multiples entre sociétés ? » « Comment comparer des ensembles perméables à des déterminismes d'origine externe » se demandait il y a plus de vingt ans Ari Zolberg que nous citons ici [Zolberg, dans M. Grawitz et J. Leca, 1985]. Dans un tout autre ordre d'idées mais au même moment, ne faut-il pas écouter l'avertissement de B. Lacroix mettant en garde contre les « généralisations hâtives » marquées par un [60] évolutionnisme global [22], en même temps que, quelques pages auparavant, il nous prévient : « Il existe bien, à tout moment, un ensemble complexe d'événements ou de phénomènes hétérogènes qu'il est toujours loisible à un observateur, se plaçant ipso facto en position de surplomb, de désigner de ce vocable totalisant ("le monde" placé face à "l'homme") mais cet ensemble n'a pas du tout "la même réalité" pour les individus en situation, selon la manière dont ils y sont impliqués. Parce que "le monde" ne se profile en fait qu'à travers des situations qui permettent de l'appréhender, il apparaît sous des aspects différents en fonction de celles-ci » [Lacroix, 1985]. Et pourtant Zolberg ne dédaigne pas de faire appel aux cadres comparatifs de Lasswell et Polanyi et Lacroix est un trop bon connaisseur de Durkheim, Weber et Elias pour jeter le bébé avec l'eau du bain en condamnant tout effort de comparatisme bien construit.

Il reste donc à encourager les chercheurs à lutter contre la facilité bien naturelle consistant à s'enfermer dans « leur » cas comme des historiens s'enferment dans un moment d'un lieu grâce au fameux « carton d'archives » déjà évoqué. Aussi utiles que soient ces exercices pour soigner la maladie de « l'explication objective », c'est-à-dire décontextualisée, ils ne dispensent pas d'efforts supplémentaires, sans oublier en outre que Alexis de Tocqueville, qui n'a jamais étudié que des « cas », a été commenté par Neil Smelser comme un comparatiste (sur ces efforts à faire, cf. [Hassenteufel, 2000, 2005] ; les études européennes sont à cet égard un utile aiguillon [Steffen, 2005 ; Palier et Surel, 2007]).

Le paradoxe du rapport à l'action

La seconde source d'étonnement concerne les difficultés que rencontrent les chercheurs français dans leurs rapports avec les administrations et les autorités gouvernementales. Alors même que ce rapport semble relever de l'évidence aux États-Unis, on a le sentiment que le caractère « subversif » d'une discipline qui interroge la manière dont l'administration se perçoit elle-même a rendu difficile sa reconnaissance par les acteurs publics et politiques (il y a bien sûr des exceptions notables, par exemple tel membre du Conseil d'analyse économique ou tel collaborateur d'un ministre ou d'un directeur d'administration centrale, voire plus fréquemment d'un maire ou d'un président de région ou d'un comité bruxellois). Le montrent les difficultés rencontrées pour la mise en place d'un véritable enseignement d'analyse politique des politiques publiques à Sciences Po ou à l'ENA, tout comme la difficulté persistante de l'administration française à reconnaître [61] l'importance de l'évaluation des politiques publiques. L'explication la plus plausible de ce « grand malentendu » entre analystes des politiques et praticiens des politiques publiques tient en deux points.

1/ L'analyse des politiques publiques par la science politique n'est pas considérée par les décideurs comme utile à leur activité car elle ne les aide pas à traiter pratiquement leurs problèmes. J. Leca se souvient avoir entendu Georges Lavau lui confier dans les années 1960 que son ami Michel Rocard trouvait que la science politique ne l'éclairait pas autant que les analyses de M. Crozier. On imagine que les sociologues proches de Pierre Bourdieu seront à la fois satisfaits de cette anecdote montrant la complicité des acteurs dominants, même encore dans l'opposition, avec des sciences sociales qui les confortent dans leur connaissance spontanée, et un peu déçus de voir la science politique, sur laquelle Pierre Bourdieu se fit plus tard les dents, exclue de cette complicité. Leur réponse plausible serait probablement que la science politique participait du discours idéologique dominant cependant que la sociologie des organisations contribuait non seulement à l'idéologie mais aux recettes pratiques utiles aux dominants (à en juger par les recommandations toujours reprises par M. Crozier, il est permis de penser qu'il ne devait guère être satisfait des effets de son « influence » présumée...).

Il n'en demeure pas moins que la faible dimension « problem solving » de la science politique, et pour cause, on l'a vu, l'éloigné des préoccupations d'une administration qui passe en général moins son temps à interroger les autres sur elle-même qu'à s'interroger « en interne » sur son efficacité et son identité. Le plus simple langage est ici révélateur : entre eux les fonctionnaires parlent « par sigles » (la « LOLF », la « RGPP » et le « MINEFI » sont de loin les plus faciles, il y en a environ une soixantaine d'autres...). Ils attendent des écoles de « policy analysis » qu'elles forment sans doute des « scholars » mais à condition qu'ils aient des compétences en communication avec les « décideurs » et donc avec ceux dont ils dépendent pour leur carrière. Ils doivent donc être compréhensibles sans trop d'effort [23]. Surtout les produits de ces écoles doivent demander aux décideurs ce que ceux-ci ont besoin de savoir et quand ils en ont besoin ; ils doivent aussi participer au « policy process » et tenter de proposer des solutions à « bas coût politique » [24]. Tout le monde ne peut se permettre de faire des interventions [62] à la Aaron Wildavsky rejetant les conseils qui « disent » (« tell ») au bénéfice de ceux qui questionnent (« ask ») [Wildavsky, 1978].

2/ La deuxième explication tient en peu de mots, ou plutôt en quelques chiffres donnés ci-dessous : 64 % des hauts fonctionnaires américains sont révocables discrétionnairement contre 20 % des français. Où vont les premiers ? Dans les affaires ou dans l'Université, d'où ils viennent très généralement. Et par qui sont-ils remplacés ? Par des gens issus des affaires ou de la politique professionnelle mais surtout des universités où ils suivirent les cours de M. Crozier, A. Wildavsky, G. T. Allison et de tous ceux que nous avons cités dans cet article. Où vont les seconds ? Un peu dans les affaires, surtout publiques, dans les universités et beaucoup... dans leur corps d'origine. Par qui sont-ils remplacés ? Par leurs semblables, parfois camarades de promotion. Autrement dit, le mouvement entre l'université et la haute administration va aux États-Unis dans les deux sens, en France, il est à sens unique, de l'administration vers l'université, une fois passé, parfois à un très jeune âge, le passage royal de l'Université, en fait le plus souvent une grande École, vers une carrière toute tracée, surtout si l'on sort dans un grand Corps. De ce fait, l'administration est une vraie université, s'étudiant elle-même. Quant aux autres, ceux-ci sont le plus souvent des « problèmes » et parfois des alliés, mais rarement des collègues et partenaires.

Le paradoxe de l'intégration dans la science politique : l'analyse des politiques publiques est-elle une branche de la science politique ?

Dernière surprise : l'analyse des politiques publiques, qui se revendique pourtant clairement comme une branche de la science politique (et qui est souvent perçue comme telle par les membres d'autres disciplines), qui fait l'objet d'une option spécifique au concours d'agrégation de science politique, reste assez largement considérée par de nombreux politistes comme un domaine à part dont on redoute par ailleurs les tendances hégémoniques. L'analyse du politique à partir de l'action publique reste, encore aujourd'hui, frappée d'une certaine forme d'illégitimité dans la science politique française. Ainsi, même si les choses évoluent aujourd'hui, l'analyse des politiques reste le seul domaine de la science politique sur lequel un politiste pourra reconnaître, voire revendiquer, sans trop de gêne son absence de compétence minimale (on ne saurait être spécialiste de tout), comme si le caractère spécifique de la discipline justifiait un statut spécial dans la culture générale politiste (il est juste de reconnaître qu'il en va parfois de même pour la philosophie politique).

Il semble que ce qui a été exposé au paragraphe précédent répond en partie à la question : parfois on considère que la science politique générale doit être « weberienne » et donc se refuser à intervenir es qualités dans la [63] politique sauf pour être « critique » des mécanismes qu'elle met à jour, parfois son utilité est perçue ailleurs que dans l'analyse des politiques publiques, jugées alors trop « pratiques », trop coupées de la « grande » politique, trop exposées à un mélange malsain, parce que non contrôlé, avec les « décideurs » d'un secteur. Ce risque de complicité est jugé moindre dans l'analyse électorale (même si les dangers liés à l'intervention dans les médias ou les liens avec les acteurs politiques sont soulignés par certains), des partis, de l'ingénierie institutionnelle, des mobilisations sociales et, pour ceux qui cherchent un supplément d'âme (ils sont légion en ce moment) dans la philosophie politique. L'analyse des politiques « à la française » peut ainsi se trouver prise entre le marteau de ceux qui la considèrent comme trop proche des décideurs (« quel est finalement votre apport à la science politique ? ») et l'enclume de ceux qui la jugent peu pertinente pour la décision (« vous ne nous servez à rien pour mener une politique « problem solving »).

Dans tous ces cas, l'utilité et l'utilisation sont jugées à travers le filtre d'un débat intellectuel plus large et plus divers gardant à la politique son ouverture et sa généralité alors que les politiques publiques sont jugées « fermées » sur des secteurs et donc condamnées au dialogue dangereux avec les praticiens de ceux-ci. Que cette présomption soit profondément inexacte ne l'empêche pas de peser même si ce poids tend à diminuer sensiblement du fait de l'importance croissante de certains secteurs pour la politique générale (que l'on pense à la sécurité, physique ou sociale, ou l'immigration) et aussi de l'intérêt de l'analyse des politiques publiques « à la française » pour le « global ». Après tout, pourquoi l'analyse d'une politique serait-elle moins éclairante du point de vue de la compréhension des processus politique en général que l'observation d'une mobilisation pour les mal logés ou l'interprétation du vote d'extrême droite ?

Il faudrait bien sûr prolonger ces quelques remarques par une étude des années qui suivirent cette décennie de l'introduction de l'analyse des politiques publiques en France. La place de celle-ci n'y est plus contestée (au moins ouvertement) et les nouvelles générations de jeunes chercheurs multiplient les thèses et les travaux de recherches. Il reste que les trois paradoxes que nous avons soulignés en conclusion restent des enjeux bien réels, surtout dans le contexte actuel de transformation des conditions d'exercice des métiers de la science politique. Il serait donc intéressant de poursuivre cette réflexion sur l'évolution de cette sous-discipline en France à la lumière de ses spécificités dont nous avons essayé de souligner les origines. Mais c'est une autre histoire, qui reste à écrire.

[64]

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[1] Témoignage personnel d'Arnold Heidenheimer à Jean Leca. Cette idée baroque supposait que les politiques publiques, étant gouvernementales et administratives, sont « au dessus de la politique » mais contenait un petit grain de vérité dans la mesure où elle manifestait la conscience diffuse quelles mobilisaient beaucoup plus d'acteurs que les professionnels de la politique.

[2] Curieusement, l'ouvrage fut immédiatement traduit en français [Lasswell, 1951] sous le titre... Les Sciences de La politique aux États-Unis. Tout un programme...

[3] Il pénétrera difficilement en France. En revanche son article ultérieur fortement critique de la réduction de la « policy analysis » à la rationalisation économique des choix budgétaires [Wildavsky, 1970], sera très bien reçu en France.

[4] Non que l'entretien ne soit pas aussi utilisé ailleurs, par exemple par Vincent Wright ou Christopher Hood, mais il est vrai qu'il a, en France, une place prééminente à un tel point que certains en viennent à croire que l'entretien est au « policy analyst » ce que « le carton d'archives » est à certains historiens, ce qui dispense de faire l'état de l'art et de la question et d'esquisser au moins un ensemble d'hypothèses.

[5] La vogue du terme « socio-histoire », tout comme d'ailleurs de son cousin la « socio-genèse », resterait un mystère si l'on ne se rappelait pas que l'usage courant du terme « histoire sociale », apparemment plus simple et plus commode, exclut toute histoire politique en tenant pour acquise la douteuse coupure scientifique entre le « social » et le « politique ».

[6] Cette approche est en relation avec celle de Murray Edelman, qui commença à produire dans les années 1960, même si ses travaux n'ont été traduits et (bien) connus en France que dans les années 1980 et 1990 [Edelman, 1964]. Mais celui-ci insiste surtout sur la distraction et la manipulation des publics, produisant ainsi des « policies that fail and politics that succeed ». En France, Lucien Sfez, dont la Critique de la décision [1976] connut un vif succès académique, avait publié dans les Annales, Economie, Société, Civilisation, un article où il dépistait « le rôle épistémologique de la DATAR » (Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale).

[7] Elle sera relayée par Jeanne Siwek [1969], Jean-Luc Bodiguel [1978], Marie-Christine Kessler [1986], Catherine Grémion [1979], Michel Bauer et Dominique Danic [1989], puis par Luc Rouban [2002]. On se doit de saluer ici la mémoire de l'Anglais Vincent Wright qui a contribué peut-être plus que tout autre à contextualiser les contraintes institutionnelles pesant sur l'administration et à démystifier des généralisations qui ont pourtant survécu comme paradigme, on le verra. Son dernier ouvrage que la mort a laissé inachevé, prosopographie de 136 préfets nommés par l'éphémère gouvernement de Défense nationale de septembre 1870 à février 1871 porte, il est vrai, sur une période intensément politique où la plupart des politiques publiques sont « gelées » sauf celles ayant trait à la défense [Wright, 2007].

[8] Sur les débuts de la Cinquième République, voir Gaxie [1983] ; pour la « longue période », voir Best et Gaxie [2000].

[9] Les hauts fonctionnaires français ayant la plume facile et diserte, on comparera ce rapport, commandé par le gouvernement d'Edouard Balladur sous la présidence de François Mitterrand, au rapport commandé à un ancien ministre par le gouvernement de Lionel Jospin sous la présidence de Jacques Chirac, publié sous un titre « accrocheur » (Le Livre-vérité de la fonction publique) par R. Fauroux et B. Spitz [2000] et le commentaire de Françoise Dreyfus, au titre provocateur et à peine excessif : « À la recherche du temps perdu : la science politique française oublieuse de l'administration publique : à propos de "Notre État". » [Dreyfus, 2002]

[10] Il est intéressant de voir resurgir aujourd'hui un débat analogue provoqué par la vogue des approches « néo-institutionnalistes », notamment l'institutionnalisme historique [Thelen, 1999 ; Pierson et Skocpol, 2002] et la théorie de la « path dependency » qui, en vertu de « la loi des rendements croissants » [Pierson, 2000], posent que les actions se déduisent des arrangements institutionnels antérieurs, ce qui n'explique le changement que si celui-ci survient dans des conjonctures critiques extraordinaires (« la révolution » marxiste). Or ces approches, aussi fécondes soient-elles, sous-estiment les changements se produisant dans des périodes « normales » [Thelen, 2004] et ont du mal à les expliquer faute de prêter attention à leurs effets cumulatifs [Pierson, 2004]. D'où l'intérêt de l'exploration des « dissonances institutionnelles » [Orren et Skowronek, 1994, 2004], à condition de réintroduire les agents [Katznelson, 2003], y compris les non-élites, pris dans des ensembles institutionnels complexes et multiples ; et de ce fait capables de re-définir leurs intérêts et leur stratégies [Weir, 2006]. Le contexte idéologique ayant changé entre 1970 et 2000, ainsi que les pays sites du débat, les positions « de gauche » et « de droite » ont permuté, si l'on veut bien admettre que les sociologues des organisations français étaient « de droite » en 1970 de même que les ins-titutionnalistes historiques américains en 2000, ce qui est des plus douteux dans les deux cas.

[11] Père de l'actuel ministre des Affaires étrangères britannique.

[12] Entendu au cours de la présentation du livre récent de l'ancien directeur de l'École des mines de Paris où l'on trouve reproduite la formule du texte [Veltz, 2007].

[13] Voir le fameux (à l'époque...) Montesquieu, la politique et l'histoire de Louis Althusser [Althusser, 1974].

[14] Parmi eux Manuel Castells qui devait s'envoler par la suite vers Berkeley via l'Amérique latine pour se consacrer aux systèmes d'information mondiaux (toujours « le global » !).

[15] Son ouvrage L'État au concret [Padioleau, 1982] contribuera à faire connaître en France les travaux américains, notamment pour ce qui concerne la problématique de la mise à l'agenda retravaillée et adaptée par des recherches empiriques. Son influence considérable se fera sentir auprès des sociologues plus que des politistes, même si le livre cité sera une lecture obligatoire dans plusieurs DEA de science politique.

[16] Seul un ouvrage de celui-ci sera traduit en français [Edwards et Sharkansky, 1981].

[17] Mais il publie encore en 1991 L'Appareil administratif de l'État [Quermonne, 1991].

[18] La formule de Schattschneider « new government policy creates new politics » lui est légèrement antérieure [Schattschneider, 1963 ; Lowi, 1964]. Sur le fameux modèle à quatre cases, voir Lowi [1972] ; pour un modèle voisin, Wilson [1980] ; pour un modèle à deux cases (politiques d'agrégation, politiques d'intégration), March et Olsen [1989].

[19] Plusieurs fois conseiller à la direction des Enseignements supérieurs, il fut nommé directeur sous le gouvernement Chirac où Jean-Pierre Soisson avait la charge des universités. Après la nomination de Raymond Barre comme Premier ministre, il conserva cette direction sous la férule de la redoutable Alice Saunier-Séité.

[20] Il ne faut pas oublier qu'il a signé, avec Jean-Claude Thoenig, le premier manuel d'analyse des politiques publiques en français [Mény et Thoenig, 1989].

[21] Premier congrès de l'Association française de science politique, Paris, 22-24 octobre 1981 : présentation de la table ronde n° 1, archives AFSP.

[22] C'est T. H. Marshall et son fameux texte de 1963 Class, Citizenship and Social Development [Marshall, 1977], souhaité obligatoire pour tout débutant dans la macro-analyse des politiques publiques, qui est ici visé.

[23] On veut bien, en effet, se plier au langage des biologistes et même des économistes mais pas à celui des autres sciences sociales : le premier est « technique », le second « jargonnant ».

[24] Dans le jargon américain des politiques publiques, que les « wonks » (« rats de bibliothèque » qui étudient méticuleusement la substance d'une politique publique sans se préoccuper de sa faisabilité politique) veuillent bien se faire entendre des « hacks » (« journaleux » ou joueurs qui se préoccupent d'abord de « gagner » sans trop se demander si ce trophée améliorera les choses). Il y a un grain de vérité dans ce conseil cavalier.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 10 juin 2018 13:56
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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