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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La signification des actions des missions diplomatiques américaines en Haïti
à travers les discours de Kenneth H. MERTEN
. (2014)
Introduction


ne édition électronique réalisée à partir du texte de Mozard LOMBARD, La signification des actions des missions diplomatiques américaines en Haïti à travers les discours de Kenneth H. MERTEN. Mémoire pour l’obtention du grade de Licencié en Communication sociale, Faculté des sciences humaines, Université d’État d’Haïti, Port-au-Prince, mars 2014, 90 pp. [Autorisation de l'auteur accordée le 11 octobre 2014 de diffuser ce texte dans la collection: “Études haïtiennes” des Classiques des sciences sociales.]

[1]

La signification des actions
des missions diplomatiques américaines en Haïti
à travers les discours de Kenneth H. MERTEN
.

INTRODUCTION

La diplomatie haïtienne est institutionnalisée en 1807 avec la création du Ministère des Affaires Étrangères par Henri CHRISTOPHE [1]. Les États-Unis, selon l’historien Jean D. CORADIN [2], n’ont accepté de nouer des relations diplomatiques avec Haïti qu’à partir de 1862. Colin POWELL, l’ex Secrétaire d’État américain, a accordé une interview, autour de ces relations haïtiano-américaines, le 28 février 2010, au professeur Bill GUIGLEY [3] de l’Université Loyola de la Nouvelle-Orléans. Au cours de cette interview, l’ancien chef de la diplomatie américaine a indiqué qu’en 1804, quand Haïti conquit son indépendance de la France, la première révolution d’esclaves réussie dans le monde, les États-Unis refusèrent de reconnaitre le nouveau pays. Les américains, explique-t-il, ont nié son indépendance durant plus de 60 ans parce qu’ils continuèrent de maintenir en esclavage des millions de leurs propres citoyens. Ils évitaient comme la peste cette reconnaissance, de crainte de ne pas alimenter la révolution appréhendée des esclaves sur leur propre territoire [4].

Dès le début, nous dit CORADIN [5], ces relations haïtiano-américaines étaient fondées sur un rapport de force. Les États-Unis ont appliqué à Haïti la « diplomatie du dollar », en vigueur depuis 1906. À travers cette diplomatie, ils s’emparent de ses banques pour l’exploiter. Ils tirent des profits dans les rouages politiques et économiques du pays. Le Département d’État américain avait forcé le gouvernement haïtien à admettre la National City Bank of New York au sein du groupe concessionnaire Franco-allemand qui avait constitué le capital de la banque haïtienne de 1910, malgré l’opposition des banquiers allemands [6]. Cela étant dit, Haïti n’était pas le seul pays de la région caribéenne en proie à l’exploitation et à la domination américaine. Les États-Unis, en effet, s’étaient appliqués, dès 1910, à établir un contrôle politique et financier sur toute la zone de la Caraïbe, particulièrement, sur Haïti et la République Dominicaine. En raison de la construction du Canal de Panama, ces deux pays avaient acquis une importance stratégique de premier ordre.

Il faut souligner que les États-Unis et Haïti, au début de leur histoire, ont été colonisés respectivement par les Britanniques et les Français. Toutefois, les circonstances dans lesquelles chacun de ces pays a pris son indépendance et la nature des batailles révolutionnaires qui l’ont précédée sont différentes. En effet, la lutte pour la liberté américaine fut une lutte élitiste des grands colons dont les intérêts économiques furent mis en jeu. Elle a été engendrée suite aux crises économiques nées des nouvelles taxes imposées par la métropole britannique. Ces nouvelles taxes imposées sans consulter les colons américains poussaient ces derniers à s’y opposer catégoriquement et déclenchaient une révolution qui aboutit à la proclamation de l’Indépendance le 4 juillet 1776 des treize anciennes colonies britanniques qui constituent les bases de naissance de la nation américaine aujourd’hui [7]. L’indépendance haïtienne, proclamée le 1er janvier 1804, par contre, est issue de la révolution des esclaves, la classe la plus opprimée de St Domingue qui a basculé le système colonialiste, esclavagiste et ségrégationniste français [8].

Au cours de son histoire, Haïti a connu une occupation militaire américaine durant 19 ans. Les militaires américains ont débarqué dans le pays en 1915 et l’ont quitté en 1934. Cette occupation a eu lieu après une crise aigüe qui ébranlait les fondations de la nation haïtienne au début du 20ème siècle, nous rapporte l’historienne Suzy CASTOR[9]. L’impact des forces externes de caractère économique, technologique, politique et militaire a perturbé la dynamique interne de la société. Les intellectuels haïtiens n’ont pas cessé d’écrire des articles pour dénoncer ouvertement les actes de brigandage engendrés par les États-Unis. La diaspora haïtienne avait aussi apporté son aide jusqu’à ce qu’enfin ils partent physiquement en 1934. Mais jusqu’en 1946 les institutions, comme l’aéroport, la douane, la finance, qui constituent le bastion économique d’Haïti, étaient sous le contrôle des États-Unis [10].

Cette occupation américaine, la plus longue de l’époque, puise ses racines, en réalité, dans une politique de domination et d’expansion, nous dit Suzy CASTOR. Elle a constitué un cas concret d’impérialisme, c’est-à-dire les américains se sont engagés dans l’agrandissement de leur sphère d’autorité. Les États-Unis entrèrent alors dans une phase accélérée de leur développement capitaliste dont l’étape impérialiste était le point culminant ; ils avaient comme objectif important de leur stratégie d’expansion la domination de l’Amérique Latine [11].

Il est à remarquer qu’au départ des militaires américains en 1934, les États-Unis n’ont pas rompu leurs rapports avec Haïti. Le caractère permanent des relations diplomatiques entre les deux pays a survécu. Les États-Unis continuent de déléguer des ambassadeurs en mission en Haïti. Dans les rapports entre États, il faut dire que la communication occupe une place de choix. Elle permet aux membres de chacune des missions de transmettre des messages, de défendre leurs valeurs et d’imposer leur vision du monde. Pour ce qui concerne, particulièrement, ces relations haïtiano-américaines, les ambassadeurs américains établissent une politique de communication en Haïti en s’adressant rituellement, à travers des discours, à la nation. Les diplomates s’expriment systématiquement à l’occasion des inaugurations, des cérémonies de récompense et de l’anniversaire de l’Indépendance américaine ayant lieu tous les quatre Juillet.

Nous avons eu l’opportunité de lire les discours de certains ambassadeurs américains adressés au peuple haïtien et l’interview sur Haïti de l’ex Secrétaire d’État américain, Colin POWELL, donnée au professeur Bill GUIGLEY. Les diplomates américains, à travers les discours, ont insisté sur l’engagement et la priorité des États-Unis en Haïti. L’ambassadeur Kenneth H. MERTEN, à l`occasion du lancement de l’exercice « Continuing Promise 2011 du bateau hôpital USNS Comfort », a déclaré que la santé, l’agriculture, l’infrastructure et l’État de droit sont les secteurs prioritaires des américains dans le pays. Il a indiqué, en préambule, que les États-Unis restent engagés à l’égard d’Haïti : « Les États-Unis demeurent engagés envers Haïti. (…) la santé constitue un des secteurs prioritaires pour les investissements du gouvernement américain en Haïti avec l'agriculture, l'infrastructure et l’État de droit. »

Néanmoins, l’ancien chef de la diplomatie américaine, Colin POWELL, au cours de son entrevue à Bill GUIGLEY, a affirmé que les États-Unis ont travaillé depuis des siècles à la destruction d’Haïti [12]. Après la révolution de 1804, argumente-t-il, Haïti a été l’objet d’un embargo économique coercitif mis en place par les français et les américains. Les sanctions américaines durèrent jusqu’en 1863. En 1915, au moment du débarquement des troupes du président américain Woodrow WILSON sur l’ile d’Haïti, les révoltés haïtiens ont été réprimés par l’armée américaine. Cette dernière a tué plus de 2000 d’entre eux dans une seule escarmouche. De 1957 à 1986, Haïti a été contrainte de vivre sous les régimes dictatoriaux de Papa Doc et Baby Doc supportés par les États-Unis. Ces derniers ont soutenu les dictateurs économiquement et militairement. En 2002, les États-Unis ont bloqué des centaines de millions de dollars de prêt consentis à Haïti. Ces sommes devraient être utilisées dans des projets publics comme l’éducation, la construction des routes.

Kenneth H. MERTEN, à l’occasion de la célébration de l’anniversaire de l’Indépendance américaine, le 4 juillet 2010, a signifié que le président OBAMA a donné l’assurance que les États-Unis accompagneront le peuple haïtien dans la reconstruction d’Haïti jusqu’à son paroxysme : « Le président OBAMA a promis que les États-Unis seront avec vous aujourd’hui et aussi longtemps qu’il faudra pour reconstruire et aider Haïti à atteindre le plus haut niveau que possible. » Il faut préciser que peu après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui a détruit les Départements de l’Ouest et du Sud Est d’Haïti, le président OBAMA avait annoncé une aide financière américaine au peuple haïtien à hauteur de 100 millions de dollars.

Au sujet de ces 100 millions de dollars, Colin POWELL, lors de son entretien au professeur Bill GUIGLEY, a déclaré que ce don n’est pas une aide bénévole. Selon lui, les États-Unis ont une obligation beaucoup plus importante à l’égard d’Haïti : «  Nous avons une lourde dette envers Haïti. Ce n’est pas de la charité. C’est une question de justice. Nous y avons un devoir de réparation. Les cent millions de dollars promis par le président OBAMA n’est qu’une bagatelle qu’on peut gagner à la loterie ‘’Power Ball’’. Il n’y a rien là. Le gouvernement américain doit Haïti des Billions avec un grand B. » [13]

En effet, les différents auteurs que nous avons consultés soutiennent que les relations bilatérales haïtiano-américaines sont caractérisées par l’exploitation, la domination et la destruction d’Haïti par les États-Unis. À travers les discours, les ambassadeurs, par contre, témoignent de l’engagement du peuple et du gouvernement américains dans le pays, notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’infrastructure, de l’État de droit, de la sécurité, de l’agriculture. Contrairement au témoignage des diplomates, Colin POWELL, particulièrement, a révélé qu’en 2002 les États-Unis ont bloqué des centaines de millions de dollars de prêt qui devraient être servis dans des projets publics comme l’éducation, la construction des routes en Haïti. Voilà ce qui a occasionné toutes nos préoccupations dans le cadre de ce travail.

À travers l’analyse de neuf discours du diplomate Kenneth H. MERTEN accrédité en Haïti de 2009 à 2012, nous allons essayer de trouver réponse aux questions suivantes : Quelle est la signification des actions, c’est-à-dire des énoncés, des récompenses et de l’aide des missions diplomatiques américaines en Haïti ? Quelles sont les valeurs que défendent les diplomates américains dans le pays ? Quels sont les enjeux des dons, du soutien du peuple américain à Haïti dans les secteurs de la santé, de l’infrastructure, de l’État de droit, de l’éducation, de la sécurité, de l’agriculture ? Quels sont les facteurs qui influencent ses actions ? En quoi consiste son engagement dans le pays ? Quelle est l’image d’Haïti à son regard ?

Dans le cadre de ce travail, nous nous sommes fixés pour objectifs de :

  • Rechercher la signification des actions des missions diplomatiques américaines en Haïti dans les discours de l’ambassadeur Kenneth H. MERTEN;
  • Trouver les facteurs qui déterminent les actions diplomatiques américaines en Haïti ;
  • Identifier le regard que les américains portent sur les haïtiens ;
  • Découvrir les enjeux des actions des missions diplomatiques américaines en Haïti.

Ce travail comporte quatre chapitres. Le premier évoque la notion de discours diplomatiques. Le deuxième traite des représentations sociales et de la notion de l’idéologie. Le troisième développe la méthodologie de la recherche et l’analyse quantitative des énoncés discursifs de Kenneth MERTEN. Le quatrième présente l’analyse qualitative des expressions de ses discours.

En annexe sont attachés :

  • Les neuf discours de l’ambassadeur Kenneth H. MERTEN de 2009 à 2012 ;
  • La biographie du diplomate Kenneth H. MERTN ;
  • La liste des ambassadeurs et chargés d’affaires américains en Haïti  de 1862 à 2012.


[1] LATORTUE, Gérard, Ministère des Affaires Etrangères. (11 Septembre 2012). Livre blanc du gouvernement de transition, (en ligne). Adresse URL : http://www.gerardlatortue.org/PDF/MAE.pdf

[2] CORADIN, Jean, Histoire diplomatique d’Haïti. Tome 4, Port-au-Prince, Les presses de l’imprimerie II, 2000, p.12.

[3] GUIGGLEY, Bill est américain et directeur adjoint du centre pour les droits constitutionnels et professeur de droit à l’université Loyola de la Nouvelle-Orléans.

[4] In GILBERT, Hervé, Haiti connexion Network. (16 mars 2013). Les milliards de dollars d’Haïti, (En ligne). Adresse URL.

(Ingénieur électrique de formation, Hervé GILBERT a travaillé à l'Électricité d'Haïti pendant environ 15 ans en qualité de responsable informatique du Département des Mouvements d'Énergie qui s'occupait de la gestion et de la distribution de l'énergie dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Il est aussi détenteur d'une licence en électricité industrielle et commerciale aux États-Unis d'Amérique. Hervé s'est consacré aussi à d'autres champs d'activités comme le journalisme, la radiodiffusion et l'écriture. De concert avec son frère Carl, ils ont lancé le forum Haïti Connexion en Juin 2006 qui est devenu l'un des forums les plus connus sur le web Haïtien, et par extension Haïti Connexion Network).

[5] CORADIN, Jean, Op.cit., p.12.

[6] Ibid. p.19.

[7] Charles-Philippe, David et al. La politique étrangère des États-Unis. 2em édition revue et augmentée, Sciences Po. Paris, Les Presses, 2008. p.23.

[8] FABIEN, Jean, (25 janvier 2013). Les relations diplomatiques entre Haïti et les États-Unis, (en ligne) Adresse URL.

[9] CASTOR, Suzy, L’occupation Américaine d’Haïti. Pétion-ville, Résopresse, 1988 (1971). P. 11.

[10] Ibid.

[11] Ibid.

[12] Ibid.

[13] GILBERT, Hervé, op.cit. s.p.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 21 octobre 2014 19:53
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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