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MORCEAUX CHOISIS
Avant-propos
En mars 2000, alors que je venais d'achever l'adaptation en langue française du roman d'exil de 1933 de Walter Kolbenhoff (1908-1993), Les Sous-Hommes, et que je m'apprêtais à le faire paraître dans la présente collection, je reçus de la veuve de l'auteur, Isolde Kolbenhoff - sans le constant soutien de laquelle je n'aurais certainement pas pu mener mon travail à bien -, le courrier suivant : "Ce qui m'importe par-dessus tout, c'est la parution en France des livres de mon mari. C'est pourquoi je me permets de vous faire parvenir ci-joint d'autres ouvrages qu'il a écrits, que j'estime tout aussi importants que Les Sous-Hommes, et pour lesquels je possède l'intégralité des droits." Suivit en avril un pouvoir visé par un magistrat de la ville de Germering me donnant toute latitude pour faire connaître l'œuvre de Kolbenhoff en France. Hélas, quelque temps plus tard Madame Kolbenhoff me faisait savoir qu'elle venait d'être hospitalisée pour une grave maladie ! Nous restâmes néanmoins en contact épistolaire et téléphonique, et le jour où elle reçut la traduction des Sous-Hommes, sa vivacité était telle qu'une personne ignorante de son état de santé aurait pu penser qu'elle était en pleine forme. Peu avant sa disparition, le 14 juin 2002, je lui promis de concevoir un recueil qui serait un hommage à son mari.
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C'est donc aujourd'hui d'une dette que je m'acquitte envers cette grande dame - d'une rare générosité humaine et intellectuelle - qui, à 25 ans, participa à la fondation du Groupe 47 et fut présente à pratiquement toutes ses réunions, qui pariait de Toni Richter, l'épouse de Hans-Werner, comme d'une sœur, et de Heinrich Böll, lise Aichinger, Ingeborg Bachmann, Walter Jens, Siegfried Lenz et Gunter Grass, comme autant d'enfants qu'elle avait vus naître à la littérature. Dotée d'une mémoire phénoménale, n'hésitant pas à contester avec humour maint détail biographique enjolivé par son mari ("un merveilleux baratineur, Monsieur Feral !"), ce n'était pas sans une certaine coquetterie qu'elle parlait de son amitié avec Alfred Andersch et de tous ceux qu'elle avait un jour accueillis entre 1947 et 1949 dans son appartement munichois de la Schellingstrasse : Wolfgang Bächler, Gunter Eich que son tout jeune fils Dietram aimait tant, Luise Rinser, Wolfdietrich Schnurre, Erich Kästner, Hermann Kesten, Inge Scholl, Walter Mehring, sans oublier le "professeur", Joseph Rovan.
Pourtant, à l'entendre, on ne pouvait se garder du sentiment que, derrière la joie de vivre et une certaine insouciance affichées, perçait une réelle amertume : que Walter, cofondateur du Groupe 47, n'ait jamais bénéficié qu'épisodiquement de la reconnaissance qu'il aurait légitimement méritée. Souhaitons que ce petit livre contribue et incite enfin à réparer cette injustice !
Thierry Feral
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