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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Marie FALL, Fatou Sarr, l’égérie des îles du Saloum au destin exceptionnel.
Entretiens avec Noémie Boulanger.
(2020)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre sous la direction de Marie FALL, Fatou Sarr, l’égérie des îles du Saloum au destin exceptionnel. Entretiens avec Noémie Boulanger. Chicoutimi, Québec : GRIR (Groupe de recherche et d’intervention régionales), UQAC, 2020, 211 pp. [Autorisation formelle accordée conjointement par Mesdames Marie Fall et noémie Boulanger de l’Université du Québec à Chicoutimi le 17 février 2021 de diffuser en libre accès à tous ce texte dans Les Classiques des sciences sociales. L’autorisation nous a été transmise par M. Camil Girard, historien.]

[xi]

Fatou Sarr, l’égérie des îles du Saloum
au destin exceptionnel
.

Entretiens avec Noémie Boulanger.

Avant-propos

Quoi de plus exceptionnel qu’une femme rurale, analphabète, aux origines modestes et vivant dans une zone insulaire qui, jusqu’à une période récente, était fortement enclavée et très difficile d’accès. Fatou Sarr a triomphé de tous ces handicaps en faisant preuve d’un admirable leadership reconnu au plus haut sommet de l’État sénégalais et célébré dans le monde entier.

La vie de Fatou Sarr, c’est l’histoire d’une paysanne qui a su transformer, grâce à sa résilience, son charisme et son sens de l’initiative, ce qui devait être des facteurs limitatifs à son ascension sociale et professionnelle en autant d’opportunités et de leviers pour porter le combat du développement dans les îles du Saloum. Elle a su vaincre de multiples lourdeurs sociales et venir à bout de nombreux obstacles qui auraient pu nuire à la réalisation de vastes chantiers au profit des femmes et des familles insulaires. Elle a pu aboutir à cela, non pas en s’écartant des normes sociales et des prescriptions culturelles qui régissent les statuts et rôles de la femme dans la société niominka, mais plutôt en faisant preuve d’une capacité à concilier fidélité à sa culture, sa religion, et ouverture vers l’extérieur, acceptation de la nouveauté et investissement dans le combat du développement. Comme le montrent avec éloquence les multiples témoignages recueillis ainsi que son propre récit de vie, Fatou Sarr a su démontrer un enracinement dans les valeurs cardinales de la société niominka autant dans ses choix matrimoniaux que dans le respect des us et coutumes encadrant les conditions sociales des femmes.

Ce qui rend le parcours de Fatou Sarr encore plus remarquable, c’est comme si sa vie était une fenêtre ouverte sur l’évolution de la société niominka, permettant ainsi d’en décrypter les mutations majeures au cours des 60 dernières années. En lisant les multiples événements qui ont ponctué sa vie (enfance, relations avec sa fratrie et ses pairs, mariages, maternités, décès de ses conjoints), on en apprend [xii] énormément sur la société niominka et sur le village de Dionewar. Grâce à son itinéraire, on dispose d’autant de lunettes d’observation sur les rites sociaux, sur les canons de beauté féminins et masculins, sur l’organisation des cérémonies familiales, les rapports de genre, la conciliation activités professionnelles et vie de famille, etc.

Fatou Sarr a depuis fort longtemps été exposée aux rudes exigences de cette conciliation qui taraude beaucoup de femmes d’aujourd’hui professionnellement actives. Sa vie peut être vue comme une suite ininterrompue de sacrifices et de renonciations pour arriver à garder la dignité et l’humilité qui la caractérisent. Fatou Sarr est une pionnière dans l’autonomisation des femmes. Pour l’avoir vue se consacrer entièrement à la cause des femmes de Dionewar, des îles du Saloum et du Sénégal sans jamais rechigner ni se résigner, et pour l’avoir vue endurer des déplacements entre son île natale de Dionewar et ses nombreuses destinations sans jamais se plaindre des affres de l’ancienne route cahoteuse entre Joal et Djifère sur la base de va-et-vient incessants entre Dakar et les îles, je ne peux qu’être impressionnée par cette femme qui, derrière un physique en apparence fragile, dispose d’une puissante armure capable de lui permettre de rebondir après chaque coup du destin, que ce soit des problèmes de santé ou des épreuves de la vie.

Le leadership positif et inclusif que Fatou Sarr a toujours incarné explique sa longévité à la tête de la Fédération locale des groupements d’intérêt économique (FELOGIE) de Dionewar et les nombreuses marques de reconnaissance en faveur des femmes et du développement de Dionewar. Ce leadership a pour soubassement des valeurs interpersonnelles intériorisées grâce à une adhésion aux valeurs éminentes et aux cosmogonies de la société niominka : solidarité, pondération, humilité, osmose entre les humains et la nature, égalitarisme social, pacifisme, sobriété et générosité.

La vie de Fatou Sarr, c’est le destin d’une femme pour qui être illettrée n’a jamais été rédhibitoire à l’accomplissement de ses rêves. [xiii] Au contraire, ce handicap l’a amenée à miser sur d’autres potentialités : son tempérament de battante et sa propension à toujours refuser la fatalité pour être une authentique et efficace leader du développement. Mais combien ont été ardus les nombreux défis qu’elle a relevés, et qu’elle continue d’affronter, en étant continuellement animée par la forte ambition de permettre aux femmes de la FELOGIE de jouir pleinement des fruits de leur labeur que sont la cueillette et la transformation des fruits de la mer. Par son sens de l’innovation, par les soutiens qu’elle a pu mobiliser auprès des institutions gouvernementales, des ONG et des partenaires internationaux, et par le dynamisme qu’elle a su insuffler à la FELOGIE de Dionewar, Fatou Sarr a fortement contribué au succès de cette organisation et à donner dignité et reconnaissance aux femmes des îles du Saloum. Les retombées de son action et ses combats ont ultimement profité à l’ensemble de la population de cette région du Sénégal. Elle mérite donc pleinement ce titre d’égérie au destin exceptionnel que cet ouvrage sur sa vie va illustrer.

Marie Fall, Ph. D.,

Professeure de géographie et coopération internationale

Responsable du Laboratoire d'études
et de recherches appliquées sur l'Afrique
Département des sciences humaines et sociales
Université du Québec à Chicoutimi
Directrice du projet

[xiv]



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 21 février 2021 19:09
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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