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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Carré rouge. La grève étudiante du printemps 2005. (2006)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir de l'ouvrage collectif (Lucie Roy, Pascale Bédard, Benoît Coutu, Richard Dion et Anne Thibault-Bellemard), Carré rouge. La grève étudiante du printemps 2005. Montréal: Les Éditions libres du Carré rouge, 2006, 111 pp. [M. Benoit Coutu nous a autorisé le 16 avril 2020 la diffusion en libre accès à tous dans les Classiques des sciences sociales de cette publication.]

[5]

Préface


CARRÉ ROUGE

La permanence de la lutte étudiante

Jean-Guy Lacroix professeur de sociologie, UQAM

Carré rouge a été créé au sein de la partie radicale, la CASSEE (Coalition de l'association pour une solidarité syndicale étudiante élargie), mais numériquement et politiquement fort importante, du mouvement étudiant québécois ayant fait la grève étudiante exemplaire de l'hiver 2005.

Carré rouge, un symbole.

Carré rouge est un bel objet : un bout d'étoffe duveteux, carré et rouge. Un objet sensible et lourd de sens. Un symbole quoi. Symbole qui constitua, aux dires de Stéphane Baillargeon [1], une véritable esthétisation de la contestation étudiante. Carré rouge est rouge, pas blanc, pas bleu, pas bleu-rouge, pas vert, pas orange. Rouge. Rouge sang. Rouge opposition. Rouge révolution, comme dans changement pour la justice humaine et la démocratie directe. Carré rouge signifie le caractère intolérable de la condition [6] étudiante, le caractère inacceptable du doute de la légitimité d'être et d'aspirer à être, le caractère ignoble de la dette pour avoir été coupable d'espérer être un jour un sujet humain légitime et égal. Il signifiait et signifie toujours la farouche volonté de bloquer la soif des dominants de sujétion, d'injonction, d'oppression, d'exploitation, de dépendance, de perte de sens de l'existence. C'est de ce sens qu'excipent et transpirent les pages de ce petit livre.

Carré rouge, un étendard et une identité.

Carré rouge a été largement porté à la boutonnière, à l'épaule..., et pas seulement par les étudiants. Quatre fois sur cinq, les gens à qui on le proposait l'arboraient avec sourire, chaleur, sympathie et complicité. On partageait le symbole et son sens, le refus global et commun de la réduction à l'insignifiance, l'affirmation commune d'être. Bref, on affirmait une identité.

Carré rouge, la résistance.

Autour de carré rouge se sont rassemblés les étudiants qui ont voulu exprimer la radicalité de leur refus de laisser dériver dans le « laisser-faire » néolibéral la condition étudiante. À travers carré rouge, on a refusé que soit normalisé le non-désir. On a réaffirmé le caractère fondamental et existentiel de l'idéal, se portant ainsi en faux, déjà à l'avance, des « lucides » du Manifeste du même nom. Avec carré rouge, les étudiants se sont montrés raisonnables, à la manière de Che Guevara, en demandant l'impossible... en régime capitaliste, de surcroît néolibéral, la gratuité d'un bien déjà commun, l'éducation supérieure. Ce faisant, ils se montraient aussi responsables, à la manière de Hans Jonas dans son Éthique du futur, d'eux-mêmes comme être en devenir et comme devenir du social, donc des générations futures. On ne peut [7] en dire autant de ceux à qui ils s'opposaient, ceux-là qui considéraient et considèrent toujours que l'endettement étudiant est une normalité... qui les sert bien parce qu'être endettés c'est à terme se soumettre et qu'ils ont besoin d'êtres dociles. Et c'est cette radicalité vraie, parce qu'ontologiquement liée à la justice humaine, qui a été reconnue, appuyée, approuvée. Même trahie par les raisonnables de la négociation à rabais et les compromissionnaires, même quand la grève s'est éteinte, et qu'ILS (les Charest, Fournier, banquiers...) ont pensé qu'ILS avaient gagné, défait les étudiants, surtout les radicaux qu'on avait tenté d'isoler-marginaliser malgré leur grand nombre, c'est elle, cette radicalité vraie, qui a donné et qui continue encore aujourd'hui de donner sens à la grève de mars 2005, qui est aussi le sens de carré rouge, le symbole, comme le livre.

Carré rouge, la mémoire.

Carré rouge, le livre qui suit, est un écrit collectif. Il émane du social de la grève. Il en témoigne pour que nous nous souvenions tous de ce qui a été fait, de pourquoi cela a été fait, du sens que cela avait et a toujours. Carré rouge dit à toute la société québécoise que ce qui a été fait l'a été parce que c'était faisable, parce que c'était nécessaire de le faire, car quand la parole devient insignifiante (comme l'obligation de négocier quand rien n'est négociable et que les principes ne sont pas des choses qui se négocient), ne reste alors comme parole signifiante que l'action. Et, carré rouge a été action signifiante. Carré rouge, le livre, nous le rappelle.

Carré rouge, le présage.

Carré rouge constitue l'annonce d'une permanence. La permanence de la prégnance de l'ontologie de la condition étudiante. C'est ce fondement ontologique qui a fait surgir du plus profond de l'oppression les luttes sociales qui ont institué plus de justice sociale. Le fondement de celle-ci réside donc dans la recherche perpétuelle par les humains de la justice humaine, laquelle crée et recrée, étend, leur humanité. Il y aura d'autres luttes étudiantes, l'ontologie du sujet humain les réclame déjà, et donc, il y aura d'autres carrés rouges. Et alors, ILS s'apercevront qu'ILS n'avaient pas gagné, car carré rouge a donné naissance à un sujet politique... en quête incessante de sens et de justice.

Carré rouge
Carré rouge
Carré rouge
Carré rouge


[1] Stéphane Baillargeon, « Pour un esthétisme de la contestation », Le Devoir, 2 avril 2005, p. B1.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 16 juin 2020 19:44
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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