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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Carré rouge. La grève étudiante du printemps 2005. (2006)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'ouvrage collectif (Lucie Roy, Pascale Bédard, Benoît Coutu, Richard Dion et Anne Thibault-Bellemard), Carré rouge. La grève étudiante du printemps 2005. Montréal: Les Éditions libres du Carré rouge, 2006, 111 pp. [M. Benoit Coutu nous a autorisé le 16 avril 2020 la diffusion en libre accès à tous dans les Classiques des sciences sociales de cette publication.]

[8]

Introduction

Le comité éditorial


La grève est morte, vive la grève ! Ce n'est qu'un combat, continuons le début !, scandait-on lors de l'ultime soirée du « repli stratégique » venant clore les quelques 50 jours d'une grève plus que mouvementée à l'UQAM et partout au Québec. Encore galvanisés par les événements, mais heurtés par la fin abrupte du mouvement auquel on croyait encore, nous cogitions déjà les suites de cette grève qui se voulait illimitée, comme pour la préserver de cette limite contraire à son idéal. C'est dans cet esprit de continuité qu'est née l'idée de ce livre, pour qu'à la fois reste une trace visible et tangible de ce mouvement et que soit relancé le débat sur l'éducation publique, non résolu malgré les « ententes de principe » qui mirent fin à la grève.

Entre les mois de mai et de décembre 2005, de multiples appels auront été lancés, avec l'intention d'encourager la participation du plus grand nombre d'auteurs issus du milieu étudiant. Les documents présentés forment autant de textes, de témoignages, d'analyses et d'artefacts issus de divers horizons de la grève et de [9] ses participants. Malgré notre désir de parler de cette grève pan-québécoise d'une manière élargie, nous avons choisi de nous concentrer sur la région, voire même sur l'institution qui fut le théâtre de la grève que nous avons vécue. Ainsi, nous ne prétendons pas dresser un portrait général de la grève étudiante qui enflamma le Québec en entier. Les auteurs qui ont répondu à notre appel tracent plutôt les contours du microcosme que fut la grève à l'UQAM. Nous souhaitons que la publication de leur texte suscite la discussion au sein de l'espace public québécois.

Le préjugé selon lequel la jeunesse québécoise fait preuve d'apathie politique, de cynisme et d'irresponsabilité fut démenti avec force pendant cette grève générale illimitée. Une large frange du mouvement étudiant se préparait déjà depuis des mois à ce qu'on perçut comme un élan spontané. C'est au sein de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE), à tort taxée de vandale mais à raison décrite comme radicale à cause de sa volonté d'aller « à la racine » des choses, que commencèrent il y près [10] de deux ans, les rêves de grève générale. Acceptant de maintenir ce cap idéaliste, tout en s'ouvrant sans conditions à toutes les associations étudiantes désireuses d'agir solidairement, l'organisation de l'ASSE se métamorphosa et mit au monde la CASSEE. La Coalition de l'association pour une solidarité syndicale élargie prônait la démocratie directe et se montra déterminée dans son engagement politique envers la société en dénonçant tant les coupures de l'aide financière aux études que l'inégalité constitutive de la fiscalité québécoise, allant jusqu'à réclamer la démission du ministre de l'Éducation du gouvernement Libéral, Jean-Marc Fournier. Ainsi, malgré les différents conflits entre la CASSEE et les Fédérations étudiantes universitaire et collégiale du Québec (la FEUQ et la FECQ) qui ne manquèrent de soulever les passions des grévistes, cette grève étudiante constitua un événement politique marquant, tant par son ampleur que par la profondeur du discours. Car malgré les clivages idéologiques ou partisans que peuvent révéler ces conflits, ils mettent plutôt en évidence la diversité de nos mouvements et ils suscitent alors la réflexion sur la possibilité d'une « solidarité étudiante » et sur les principes qui doivent guider de telles mobilisations.

La grève étudiante du printemps 2005 dura plus de 50 jours, du 21 février au 14 avril. Certaines associations traditionnellement rébarbatives à ce genre d'action se sont même jointes à la grève, au moins pour un jour. Mentionnons pour mémoire la Faculté de médecine de l'Université Laval, les HEC, l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, la Polytechnique... Trois écoles secondaires ont même tenté de joindre le mouvement, bravant la désapprobation et le « paternalisme » [sic] des autorités ! En fait, plus de 200 000 étudiantes et étudiants de toutes les régions du Québec participèrent à cette grève. Du jamais vu !

[11]

Piquetage devant le pavillon Hubert-Aquin de l'UQAM, rue Ste-Catherine : des enfants qui passent nous rappellent la finalité de notre cause.


En outre, l'expérience générale de cette grève prouve distinctement que non seulement la majorité des engagements gouvernementaux ne tiennent plus la route, mais que c'est également notre modèle d'organisation sociale, nos manières de faire, de penser et d'agir ensemble, que nous devons revisiter. Rappelons d'emblée que le soulèvement étudiant ne s'est nullement limité à la seule revendication financière, comme le gouvernement Charest et les médias ont voulu le laisser entendre. Les revendications des grévistes dépassaient largement, sans toutefois la négliger, l'unique demande de remboursement des 103 millions annuels amputés au budget de l'aide financière aux études. Au cœur des discussions entre grévistes, dans les assemblées générales hebdomadaires comme sur les coins de rue, c'était plutôt de l'avenir de l'éducation dont il était question, celle dont pourraient bénéficier nos enfants, par laquelle serait possible la construction collective d'une société plus juste. Si, tout au long de la grève la sympathie de la population était tangible et souvent portée à la boutonnière sous la forme impertinente d'un carré de feutre rouge, c'est qu'il y avait reconnaissance de la légitimité des principes de cette grève. Cet appui massif démontre que le débat est prêt à éclore, que nous n'étions pas seuls dans notre lutte et que la population sait encore reconnaître, malgré les brouillages médiatiques et politiques, les causes qui méritent qu'on s'y attarde.

[12]

Des comédiennes du clownesque Parti Néo-Libéral du Québec.


Ainsi, tout au long de cette grève, les innombrables actions hautes en couleurs, diversifiées, et dispersées dans une multitude de localités, furent autant de façon de dire qu'oser dénoncer ne suffit plus, mais qu'il faut aussi et surtout oser s'opposer ensemble, concrètement, et se réapproprier les lieux de notre existence commune pour mieux la relier à nos existences personnelles. La grève étudiante fut un de ces instants d'une richesse inouïe où l'individu se comprend comme participant d'un tout, comme acteur et non seulement spectateur du déroulement de l'histoire collective. Cet événement fit apparaître une autre forme de pédagogie en devenant une véritable école de la contestation politique, ne serait-ce qu'en faisant découvrir à autant d'étudiant-e-s la puissance de la voix collective et la possibilité d'un prise de parole démocratique au sein des assemblée générale.

Si la fin de la grève nous a tous laissés un peu perplexes, entre le soulagement, la déception et le sentiment de trahison, il importe aujourd'hui de ne pas trop laisser refroidir les souvenirs de cet événement. C'est ainsi que nous justifions cet ouvrage post-partum, écrit en grande partie à chaud, souvent sans prétentions. Nous espérons que le temps qui vient permettra la consolidation du mouvement étudiant, le recul et la réflexion stratégique, afin que les prochains enjeux fassent l'objet de mobilisations à la hauteur de leur importance, à la hauteur de nos espérances.

Bonne lecture



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 16 juin 2020 19:53
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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