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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Mauley COLAS, Action humanitaire, marginalisation et changement social en Haïti.
Une étude menée dans la région métropolitaine
. (2015)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Mauley COLAS, Action humanitaire, marginalisation et changement social en Haïti. Une étude menée dans la région métropolitaine. Éditions universitaires européennes, 2015, 104 pp. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 8 novembre 2019 de diffuser ce livre, en accès libre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[7]

Introduction

Le séisme du 12 janvier 2010 a presque tout détruit en termes de perte en vie humaine, d'infrastructure, laquelle infrastructure était déjà précaire avant cette catastrophe, et a empiré la situation sociale et économique des individus, surtout ceux qui habitent les quartiers marginaux ou du moins les bidonvilles et les zones rurales. La situation environnementale, qui était déjà dégradée à un niveau et suscitait de graves problèmes, devient encore plus inquiétante. En fait, le séisme n'a fait que mettre à nu les vraies conditions dans lesquelles vivent les gens qui habitent les quartiers marginalisés, qu'il s'agisse de l'espace rural haïtien ou des zones bidonvillisées de la périphérie [1].

La société haïtienne, bien avant le séisme, et d'ailleurs depuis plusieurs décennies, a été caractérisée par une morphologie spatiale bidonvillisée [2] et une insuffisance flagrante de prestation des services sociaux de base pour les individus qui y vivent [3]. Cependant, ces gens laissés pour compte, pour survivre développent leur propre stratégie, en se lançant dans des activités socio-économiques qui leur sont propres. Ce genre d'activités dites informelles, parce qu'elles ne fonctionnent pas selon la logique de l'économie classique et de la logique dite institutionnelle, sont entreprises pour subvenir aux besoins de la famille, pour envoyer les enfants à l'école, pour payer les loyers, ... Ceux qui habitent l'espace rural haïtien en font de même pour prendre soin de leur famille. En fait, ceux qui habitent les quartiers bidonvillisés et les zones rurales haïtiens se rencontrent, même si les espaces dans lesquels ils habitent n'ont pas la même configuration morphologique, par le fait que les deux, dans les stratégies déployées pour   répondre à leurs besoins, développent une logique de changement en dehors de la logique de [8] l'État central. En ce sens, nous pouvons nous référer à deux des travaux de recherche, dont les enquêtes ont été menées bien avant le séisme, sur la capacité des actions collectives de ces deux catégories d'acteurs le plus souvent marginalisés par les acteurs nationaux et internationaux, à savoir les habitants des bidonvilles dans les régions métropolitaines et ceux des zones rurales. Ilionor Louis, dont les recherches portent sur les quartiers marginalisés, a pu prouver le contraire de ce que stipulent certaines théories selon lesquelles les individus dans les bidonvilles ne sont pas à même de construire des actions collectives. Au contraire, l'originalité de ce travail prend tout son sens dans le fait qu'il remet en question ces théories à partir de la réalité empirique qui, bien évidemment, apprend que ces gens développent leurs stratégies et construisent des actions collectives, même si elles sont par ailleurs limitées, pour survivre en marge des valeurs dominantes de la société [4] ne faisant aucun cas d'eux. De son côté, Fritz Dorvilier, travaillant sur le milieu rural haïtien, a montré qu'il y a, à peu près, la même démarche du côté des paysans haïtiens qui se donnent une vision particulière du monde et du changement - vision du changement qui ne correspond pas forcément au modèle proposé par l'État -en fonction de laquelle ils construisent leurs actions collectives. Ainsi écrit-il :

Pour pouvoir mieux définir [...] et coordonner leur demande de changement politique et socio-économique, les paysans haïtiens se sont lancés dans un travail de remodélisation de leur soi agissant, c 'est-à-dire de restructuration de leurs représentations et de leurs conduites sociales. En  effet,  afin de constituer un pouvoir collectif capable de faire advenir le modèle de développement qu'ils souhaitent, ils ont enfin opté pour l'investissement dans ces nouvelles associations communautaires [...] [5].

C'est en réalité toutes ces stratégies développées, tant par les individus des bidonvilles que par ceux des zones rurales, qui ont permis à ces derniers de produire des moyens leur permettant de s'affirmer et de vivre comme des acteurs rationnels, ayant leur propre manière de comprendre le changement. Cependant, le dégât causé par ce séisme du 12 janvier 2010 a presque tout enlevé en termes de moyens que ces derniers possédaient et a tout déstructuré. Ils ont perdu les membres de leurs familles et leur maison. Leur situation socio-économique précaire s'est aggravée. Ils sont devenus des réfugiés qui n'ont plus de pâturage et ce qui a conduit à la création des campements. Ainsi donc dans cette situation critique, l'action humanitaire se révèle importante et trouve son cadre de mise en application si l'on [9] tient compte de la vocation humanitaire. Mais notre préoccupation est de savoir quel est l'impact de l'acte humanitaire sur ces individus qui ont presque tout perdu et comment sont considérés les gens victimes du séisme du 12 janvier 2010 ? Nous voudrions savoir s'ils sont considérés comme des passifs auxquels on doit apporter l'aide ou comme des acteurs potentiels devant également participer dans son propre rétablissement pendant l'intervention des différents acteurs humanitaires.

Au lendemain du séisme, la mobilisation de la communauté internationale a permis de recueillir une somme d'argent relativement importante pour venir en aide à cette population en détresse [6]. Et l'un des axes privilégiés de cette action humanitaire est d'occasionner la réhabilitation de la population en souffrance, c'est-à-dire à la rendre autonome dans le sens que Reymond Philippe et ses collègues l'ont précisé quand ils pouvaient écrire que l'aide humanitaire doit permettre de « rapatrier si possible les personnes déplacées et les réfugiés, sinon assurer de façon durable la survie de ces personnes, ou une cohabitation pacifique entre populations locales et réfugiées. Développer des programmes de formation professionnelle et scolaire pour relancer l'économie et la progression sociale [7] ». L'assurance de survie durable peut être saisie comme possibilité créée pour le processus de changement de cette population. Dans cette même ligne d'idées, nous tenons à établir les nuances qui existent entre l'aide humanitaire et l'aide au développement. De manière classique, le premier n'est pas le second dans la logique de départ. Mais, l'on comprendra tout au long de ce texte que cette différence dans ce nouveau contexte de l'aide internationale où l'humanitaire a pris de l'ampleur considérable que la cloison n'est plus étanche, en ce sens que l'humanitaire tend à se retrouver dans le champ d'activité du développement.

[10]

L'aide humanitaire se construit, de prime abord, dans le cadre d'une intervention immédiate pour venir épauler une population victime d'un événement malheureux, lequel événement pouvant être une catastrophe naturelle, une guerre quelconque. Cette dernière en détresse, il faut lui venir en aide en lui pourvoyant des accompagnements à tous les niveaux. Elle se construit dans le cadre des actions dont le but essentiel est de permettre à cette dernière de se rétablir et de rétablir les activités socioculturelles et économiques de sa communauté. Selon Raymond Philippe, Margot Jonas et Margot Antoine :

L'aide humanitaire se veut apolitique et neutre. Il s'agit d'une aide inconditionnelle et désintéressée pour les personnes dans le besoin, apportée dans le monde entier sans distinction sociale, politique ou culturelle. Son but est de fournir de l'aide aux personnes en détresse, de leur permettre de reprendre leur destinée en main, de surmonter leur désespoir et de reconstruire une nouvelle vie. Elle se concrétise par l'aide d'urgence, qui permet de satisfaire les besoins élémentaires des populations touchées par une crise, ainsi que l'aide de reconstruction, qui permet aux populations de reconstruire leur économie. [8]

L'aide au développement, pour sa part, n'est pas enclenchée à cause d'un événement malheureux ou d'une catastrophe naturelle ; elle s'inscrit, de préférence, dans un plan de développement de longue durée, en ce sens qu'elle intègre, la plupart du temps, un schéma de coopération entre les pays du Nord et ceux du sud qui vise à réduire le taux de pauvreté et à résoudre la situation de crise dans les pays du Sud. Cependant, en finalité, l'aide humanitaire comme l'aide au développement visent à produire un changement durable dans la société qui se trouve dans la situation de crise. Il suffit de comprendre la deuxième phase de l'action humanitaire qui vise à reconstruire l'économie de la population victime de la catastrophe.

Pour ainsi dire, la différence que nous venons d'établir est moins pertinente, en ce sens que les objectifs visent à changer de manière durable une situation constatée inacceptable. L'approche de Marie-Thérèse Neuilly, sociologue du risque, se révèle éclairante, en définissant l'action humanitaire comme « un secteur d'activité sociale important, qui vise à travers l'aide tant dans les situations d'urgences que dans celles de développement à rétablir des régulations, à compenser des inégalités, à enrayer des [11] fléaux [9] ». Plus près de nous, dans la même veine, la réflexion de Jean Copans aide à mieux comprendre en fait que la finalité de ces deux types d'aide est de contribuer au changement durable de la communauté en situation de crise, en montrant d'ailleurs que l'humanitaire est partie prenante du développement. Ainsi fait-il savoir que « l'humanitaire est indubitablement un élargissement du champ de l'étude du développement en période de crise et des conflits internationaux et nationaux. Son étude [...] comprend aussi les domaines de la reconstruction post-catastrophique, de la mise en place des politiques de gouvernance et des droits de l'homme, de la gestion des réfugiés et des migrants et en fin celui des interventions d'urgence proprement dites [...] » [10].

La population victime est considérée comme un acteur qui prend part activement à son relèvement. Il est vrai que l'acteur humanitaire vient aider, mais son aide ne serait efficace si et seulement il prend en compte la participation active de cette population en détresse dans le processus de sa réhabilitation. C'est là l'enjeu culturel important qu'il faudrait essayer de saisir pour mieux comprendre le rapport, nous dirions même conflictuel la plupart du temps, qui existe entre les acteurs : les aidants et les aidés. La logique des aidants n'est pas toujours celle des aidés. Deux visions du monde peuvent s'affronter au sein même du cadre de l'action humanitaire, surtout quand elles sont antinomiques [11] ; ce qui porte à [12] comprendre qu'il faudrait tenir compte dans ce cas du principe de l'altérité pour une cohabitation nécessaire de ces logiques. Même si la population victime d'un événement vit dans une situation précaire, cela n'enlève pas pour autant toute sa capacité d'avoir une attitude critique à l'égard de l'aide qu'elle reçoit, car elle n'est pas tout à fait dénuée d'aptitude d'appréciation et de jugement. Elle a sa propre vision des choses qu'elle acquiert historiquement et qu'elle vit quotidiennement. Donc, elle est un acteur incontournable qui peut participer activement dans le processus de l'action à la reconstruction et la réhabilitation de sa propre communauté [12]. C'est en quelque sorte ce qu'a fait remarquer Tommasoli quand il écrivait : « à travers les rhétoriques participatives, les sujets considérés auparavant uniquement comme des destinataires d'aides (femmes, jeunes, personnes âgées, handicapés, chômeurs, marginaux, minorités ethniques) prirent de l'importance sur la scène de coopération » [13]. Cela s'explique en raison du fait que sa participation active est une condition nécessaire à la mise en application du programme destiné à l'aider et sa réussite. Alok Mukhopadhyay, un professionnel de l'humanitaire, pour sa part, dans le cadre de l'action humanitaire, souligne à peu près la même chose, en précisant que « la meilleure façon de lutter contre une catastrophe est de s'appuyer sur la force et l'énergie des populations affectées. Des aides financières extérieures pour la reconstruction des bâtiments sont toujours souhaitables, mais elles ne sont jamais suffisantes à elles seules pour permettre la reconstruction de leurs vies [14] ».

Ainsi selon Mukhopadhyay on ne saurait réussir dans son entreprise en tant qu'acteur de changement sans prendre en compte la capacité de la population en situation difficile. D'ailleurs, ce qu'il faudrait retenir dans le cas de cette population marginale aux prises à des graves problèmes, c'est que bien avant le séisme, elle n'allait pas bon train avec ce qui a été proposé comme modèle dominant, en ce sens qu'elle fonctionnait toujours en dehors du système. Elle fonctionnait suivant la logique du « pays en dehors », selon l'expression de Barthélémy, ce qui ne l'a pas pour autant rendu incapable de [13] subsister. En revanche, les pratiques quotidiennes esquissent la réalité d'une catégorie d'individus développant un moyen de se faire particulièrement cohérent à leur propre vision du monde pour répondre à leurs besoins. Cela correspond à ce que Giddens appelle la « conscience pratique » acquise à partir des vécus quotidiens construits dans un cadre sociohistorique. Cela amène à considérer la population bénéficiaire comme des acteurs qui ont conscience de ce qu'ils font comme action et à partir de cette conscience ils arrivent non seulement à mesurer et à expliquer leurs actions, mais aussi à juger ce qui est acceptable ou non. Pour mieux expliciter cet aspect, Giddens évoque le concept de « rationalisation de l'action » pour se référer « au fait que les acteurs [...] de façon routinière et sans complication, s'assurent d'une compréhension théorique continue des fondements de leurs activités [15] ». En réalité, l'approche de Giddens est particulièrement à considérer pour comprendre que les acteurs bénéficiaires de l'aide ne sont pas des « passifs-absorbants » qui n'ont pas de capacité critique par rapport à ce qui passe dans son environnement. En fait, ils sont des potentiels incontournables qui ont aussi leur propre vision du changement qu'ils expérimentent dans les pratiques sociales quotidiennes. Cette vision constitue un système de référence à partir duquel ils organisent leur environnement social, culturel et économique et qui leur permet aussi d'avoir un recul par rapport à tout qui vient de l'extérieur. Partant de cette perspective, elle suggère à poser la question suivante, Comment l'action humanitaire peut-elle arriver à contribuer au changement au sein des communautés locales de la population victime du séisme du 12 Janvier 2010 ? Cette question nous invite à formuler deux hypothèses qui serviront de fil conducteur. La première précise que « La contribution de l'action humanitaire au changement des communautés locales victimes du séisme dépend de la vision et de la participation de la population bénéficiaire » ; la deuxième stipule que « Le changement prôné par les acteurs humanitaires implique des résultats concrets durables auprès de la population bénéficiaire victime du séisme ». Ces hypothèses sont ainsi formulées dans les objectifs de chercher premièrement à « examiner dans quelle mesure la population locale participe comme véritable acteur dans les actions visant à produire le changement durable », et, deuxièmement, à « Analyser les actions posées par les acteurs humanitaires à partir du discours de la population bénéficiaire ».

Cette recherche, divisée en trois parties, est composée de huit (8) chapitres. La première, étant la partie théorique, est composée de trois (3) chapitres qui traitent la dimension théorico-conceptuelle de la recherche. Trois concepts sont l'objet de réflexions théoriques : action humanitaire, développement et marginalité. L'action humanitaire, dans sa version nouvelle, ce que certains chercheurs dénomment le [14] « nouvel humanitarisme » ne se confine plus uniquement dans l'intervention urgente. Bien que celle-ci soit la porte d'entrée de l'intervention humanitaire sur un territoire en proie à des difficultés dues à des catastrophes naturelles ou sociopolitiques, on se rend compte qu'elle pose des actions d'emblée dans des champs qui, dans le temps, relevaient du domaine de développement. Ainsi dans ce travail, on tient davantage compte du concept dans son aspect nouveau, prenant surtout en compte la dimension de développement. Celui-ci, à savoir le développement, étant également un concept complexe, est également l'objet de considération conceptuelle, en passant en revue les différents paradigmes éructes autour de ce dernier pour enfin nous situer dans la dimension locale du développement, tout en considérant des aspects importants trouvés dans les paradigmes de la modernisation et de la dépendance. La dimension locale du développement met surtout l'emphase sur les potentialités, la vision et la capacité critique des acteurs locaux qui le plus souvent évoluent en marge de la société, dans la mesure où ils fonctionnent selon une logique parallèle. Étant conscient de cet aspect dans la recherche et du lien qui est établi entre développement et marginalité. Cette dernière est aussi abordée pour préciser qu'elle est ici traitée dans la logique constructiviste, c'est-à-dire comme construction d'un mode de vie parallèle par rapport au modèle dominant. La deuxième partie, composée de deux (2) chapitres, aborde la méthodologie de cette recherche. Dans cette partie, sont présentées les méthodes d'enquêtes utilisées pour le recueil des données, la méthode d'analyse de ces données ainsi que la présentation des deux communautés d'enquête.

La troisième partie, constituée de trois (3) chapitres, traite la dimension empirique de la recherche. Ainsi sont analysés les discours de gens sur les interventions des acteurs humanitaires dans les communautés dans lesquelles nous avons mené l'enquête. Il s'agira de prendre en considération la compréhension de ces individus de l'ensemble d'action posées par les institutions travaillant dans l'humanitaire, non seulement en terme de niveau d'implication des populations cibles, mais d'analyser aussi les impacts concrets de ces actions sur la vie de ces dernières. Dans cette partie, le premier chapitre traite les stratégies de survie de ces communautés marginalisées avant le Séisme. Le deuxième chapitre prend en compte les différentes interventions des institutions après le séisme et l'implication locale, et le dernier chapitre fait état des différentes critiques construites par les acteurs sur les interventions humanitaires et sur l'irresponsabilité de l'État haïtien. Ainsi, l'on comprendra que les gens des communautés qui ont été le théâtre de différentes interventions humanitaires, ont leurs propres discours sur ces actions posées par rapport à leurs attentes.



[1] Dans cette même ligne d'idées le sociologue Ilionor Louis, dans son article titré, le reflet du miroir, a précisé ce qui suit : « la réalité de l’après-séisme nous frappe en plein visage et révèle ce que plus d'un ont voulu fuir : la laideur de la pauvreté et de la misère, l'abandon de centaines de milliers de familles dans des zones en déréliction, le fossé entre riches et pauvres, entre nos élites politiques et économiques et le reste de la population. Le spectacle de ces tentes de fortune, de ces taudis, de ces enfants, de ces femmes enceintes, de ces vieillards, de ces personnes handicapées bref, de ces familles qui dorment à la belle étoile, sans espoir de se reloger dans une maison un jour, vient nous rappeler une fois de plus que nous ne sommes pas dans une république ». In Revue CREMES, Hiver 2010, Vol. 3, No. l, p.43.

[2] Nous pouvons dire que pour ce qui est des quartiers bidonvillisés en Haïti, il n'en était pas toujours ainsi. C'est un phénomène dont on peut retracer son histoire. Pour ce qui est des bidonvilles dans la région métropolitaine, le sociologue Ilionor louis, dans son article Rompre pour mieux comprendre, publié en ligne dans la revue PAPDA, précisait que cela a été provoqué par les organismes internationaux qui encourageaient les acteurs nationaux à faire venir travailler les paysans dans les industries de Port-au-Prince dans le but d'occasionner le développement. En fait, ces acteurs internationaux ne voulaient que transférer le modèle de développement de la société anglaise dans la société haïtienne. Ce type de développement était, par ailleurs, considéré comme croissance économique. Cependant, le fait tout simplement de vouloir transférer ce modèle n'a pas produit le résultat escompté, sinon que des bidonvilles qui ne cessent depuis lors de pulluler non seulement en termes de population, mais aussi en termes de nombre de bidonvilles. Ces derniers ont une configuration particulière du point de vue de l'organisation spatiale et sociale et dans laquelle est développée une logique qui ne correspond pas la plupart à la logique prônée par l'État.

[3] Jean Maxius Bernard et Barbara O. de Zalduondo, « les conditions sanitaires dans les bidonvilles haïtiens : le cas de Cité-Soleil », in Bulletin du Bureau National d'Ethnologie 1993-1994, Port-au-Prince : Presses de l'Imprimeur II, 1995, p.70.

[4] Ilionor Louis,  Survivre en marge et lutter pour la reconnaissance : les populations de Cité Lajoie à Port-au-Prince in Diversité urbaine, vol. 9, n° 2,2009, p. 99-118. Disponible en ligne sur http://id.erudit.org/iderudit/039389ar.

[5] Fritz Dorvilier, Gouvernance associative et développement local en Haïti, Port-au-Prince : Éditions de l'Université d'État d'Haïti, 2011, p12.

[6] Michel Michelet a écrit à ce propos : « Prompte et massive, l'aide internationale se mobilise en provenance de sources multiples. Les bailleurs de fonds institutionnels (multilatéraux, bilatéraux ou régionaux) et les grandes Agences internationales d'aide au développement (Banque mondiale (BM), Union européenne (UE), Banque interaméricaine de développement (BID), Organisation des Nations Unies (ONU), Organisation des États Américains (OEA), Programme alimentaire mondial (PAM), etc., rivalisent de générosité dans le challenge humanitaire : dons et promesses de dons affluent de toutes parts, par centaines de millions de dollars. Dans les relations bilatérales de pays à pays, les Etats-Unis d'Amérique, le Canada, la République dominicaine, la France, l'Espagne, l'Allemagne, le Brésil, etc., sont aux premières loges dans la fourniture spontanée de l'aide humanitaire immédiate. » In Haïti, Gérer l'après Séisme, Mai 2010, P. 2. (Disponible en ligne). D'un autre côté, nous avons Pierre Micheletti qui a fourni des chiffres. Ainsi écrit-il : Huit jours après le séisme, la population des États-Unis avait fait des dons à hauteur de 132 millions d'euros, un « Téléthon » animé par l'acteur George Clooney rapportant 41 millions d'euros quelques jours plus tard Même le Fonds monétaire international (FMI) a décidé de verser SI millions d'euros. La France n 'a pas été en reste par l'ampleur des dons privés. Pierre Micheletti, L'humanitaire, du tsunami à Haïti, in Le Monde diplomatique, Archive, mars 2010.

[7] 7Raymond Philippe, Margot Jonas et Margot Antoine, Les limites de l'aide humanitaire, Lausanne : Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne, année 2006-2007, p.4. consulté en ligne.

[8] Raymond Philippe, Margot Jonas et Margot Antoine, Op. cit, p.6.

[9] Marie-Thérèse Neuilly, Implication : entre imaginaire et institution, regards croisés sur le développement social et la recherche, in Esprit Critique, revue internationale de Sociologie et des sciences sociales, vol. 9, no 1, Printemps 2007.

[10] Jean Copans, « L'anthropologie de l'aide humanitaire et du développement est bien une anthropologie sociale globale ! » (préface), in Laetitia Atlani-Duault, Laurant Vidal (Sld), Anthropologie de l'aide humanitaire et du développement : des pratiques aux savoirs, des savoirs aux pratiques, Paris : Armand Colin, 2009, pl3. Dans le sillage de la réflexion de Copans, nous pouvons dire avec Laetitia ATLANI-DUAULT que « [...] l'action humanitaire prend de l'ampleur et se transforme. Du même coup, elle a généré un champ de recherche de plus en plus investi par l'anthropologie, que celui-ci recouvre le domaine d'activité traditionnel de l'aide humanitaire (l'aide d'urgence) ou qu'elle pénètre des espaces auparavant identifiés comme relevant du développement », in « Introduction. Les figures de l'aide internationale », Ethnologie française, 2011/3 Vol. 41, p. 389-392. Disponible en ligne sur http://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2011-3-page-389.liliii- Et Jean Pierre Oliver de Sardan, à partir d'un cas pratique, dans ce même dossier soutient la même position, en montrant qu'il faut exercer une vigilance anthropologique face à ces tendance tenant à faire comprendre l'aide humanitaire sur une facette différente de l'aide au développement : « La « raison humanitaire » ou la « morale humanitaire  »[...] ne sont à divers égards que des rhétoriques, et l'anthropologie de l'aide humanitaire a mieux à faire qu'à les « déconstruire » : elle doit s'intéresser, comme l'a fait l'anthropologie du développement aux acteurs, aux processus, aux pratiques, aux interactions. Loin alors de s'opposer aux opérations de développement les opérations humanitaires les rejoignent, et même parfois s'y confondent. « Aide humanitaire ou aide au développement ? La « famine » de 2005 au Niger », in Ethnologie française, 2011/3 Vol. 41, p. 416. En ligne.

[11] Voir en ce sens Olivier de Sardan qui a consacré tout un chapitre dans l'un de ses ouvrages : Anthropologie et Développement, Paris : Karthala, 1995, pp 125-140. Dans cette même logique nous pouvons également considérer le constat relaté par l'anthropologue Steeve RINGAL montrant toute la contradiction qui existe entre les acteurs humanitaires et les bénéficiaires de l'aide, laquelle contradiction qui conduit la plupart à des conflits. Cela est du par le fait que le savoir, qui est d'ailleurs ethno savoir, des acteurs humanitaires va à l'encontre des savoirs locaux, c'est-à-dire que quand l'action humanitaire ne tient pas compte de la réalité culturelle de la population en détresse cela débouche fort souvent sur l'échec. C'est ce qu'il explique, après avoir exposé son parcours de terrain, pour arriver sur le cas de Tchad. In « Paradoxes dans l'aide humanitaire, L'action humanitaire comme procédure contradictoire », in Revue Émulations, N° 4 - La construction du politique.

[12] Cette perspective est en quelque sorte soutenue par MONTOISY. Selon lui, l'aide doit correspondre non pas à la vision de celui qui vient aider, car souvent prise pour l'universelle, ce qui n'est pas tout à fait vrai, il arrive que l'action humanitaire ne réussit pas parce qu'elle ne tient pas compte de la vision de la population victime. MONTOISY, Philippe, De l'ethnocentnsme dans l'action humanitaire occidentale, ASTM, DOCUMENTATION /COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT, novembre 2006, http://www.astm.lu/spip.php?articlel290&astm lang=fr.

[13] Massimo Tommasoli, Le développement participatif : analyse sociale et logiques de planification (traduit de l'italien par Corinne Hamélien), Paris : Karthala, 2004.p.l06.

[14] Alok Mukhopadhyay « S'appuyer sur la force et l'énergie des populations affectées » (traduit par Pierre Levigan) in Humanitaire, numéro 24 (mars 2010), Faut-il « désoccidentaliser » l'humanitaire ?[Enligne], 24 | mars 2010, mis en ligne le 04 juin 2010. URL : http://humanitaire.revues.org/index705.html

[15] Anthony Giddens, La constitution de la société (traduit de l'anglais par Michel Audet), Paris : Quadrige /Puf, 2005, p.54.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 4 décembre 2019 10:22
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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