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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Fabian CHARLES, La perception coloniale des langues créoles en France. (2017)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du mémoire de Fabian CHARLES, La perception coloniale des langues créoles en France. Mémoire de master en sociologie sous la direction du Professeur Beate COLLET, Université de Paris-Sorbonne, Paris, 2017, 128 pp. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 13 octobre 2017 de diffuser ce mémoire, en accès libre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[4]

La perception coloniale des langues créoles
en France
.

Introduction

« Comme vous dites en créole, même si je veux défendre ici la langue française, parce que nous la partageons, parce que nous la défendons, et parce que la secrétaire générale de l’organisation international de la francophonie est d’origine haïtienne. La France défend non seulement la langue française, mais la France défend toujours la pluralité linguistique. La France qui est attachée au français non pas parce que c’est sa langue, parce que c’est la langue du monde, parce que c’est la langue de la diversité, parce que c’est la langue de la pluralité. La France elle défend aussi le créole, parce que c’est une langue, et parce que comme toute langue, elle ne doit non plus être protégée, préservée, mais parlée. Alors, Haïti est bien vivant, « pitit ayiti toujou vanyan ». Vive la république, vive Haïti et vive la France ! » [1].

Nous ne devons pas nous étonner que lors du voyage présidentiel de François Hollande dans les caraïbes en Mai 2015 qu’il ait abordé la question de la langue créole, tout en abordant d’autres questions politiques. C’est parce que la question de la langue fait aussi partie des problèmes que les institutions politiques doivent gérer.

Dans toute société où il y a un rapport de domination culturel, il y a aussi un aspect linguistique qui manifeste cette domination. Il y a une langue qui est considérée comme la langue légitime, et il y a en a d’autres qui sont considérées comme illégitimes. C’est-à-dire, qu’il y a une langue qui est sur les lèvres des hommes du pouvoir, qui est différente de celle des autres personnes qui ne sont pas au pouvoir. Cela se fait non seulement sur le terrain national, mais aussi sur le terrain international, dans un rapport de domination entre une société et une autre. Ainsi, lorsque nous réfléchissons sur les rapports postcoloniaux, nous ne réfléchissons pas seulement sur ce qui se passe à l’heure actuelle, mais nous réfléchissons aussi sur ce qui s’est toujours passé, lorsqu’une société domine une autre société.

La langue devient à ce moment un bon outil, qui nous permet de comprendre comment un rapport de domination culturel se manifeste. Et dans le cas que nous allons traiter, nous verrons que la domination culturelle se situe dans nos propres perceptions. Il n’y a pas de rapport de domination, si [5] ceux qui sont en position sociale dominante ne sont pas aidés par ceux qui sont en position de dominés. Néanmoins, lorsque nous parlons de dominant/dominé, nous voulons préciser que nous sommes dans des considérations sociales. Ceux qui subissent la domination n’ont pas forcément conscience qu’ils se trouvent sous ce rapport, ou plutôt n’ont pas conscience des moyens utilisés pour les garder dans cette situation. Nous cherchons à révéler à l’esprit, des structures sociales cachées. Nous sommes donc ici sur le terrain de la psychologie sociale. C’est sur ce terrain, que nous allons présenter un dialogue entre Pierre Bourdieu et Frantz Fanon. Deux penseurs qui ont d’après nous des théories analogues sur le rapport entre les hommes et le langage. De plus, leurs théories correspondent très bien à la recherche que nous voulons mener, parce que ce qui nous intéresse ce n’est pas la langue elle-même, mais la société, les personnes qui s’expriment dans la langue.

Nous disons cela pour préciser que ce que nous cherchons à faire ce n’est pas de la linguistique mais de la sociologie. Cela veut dire que ce que nous allons analyser, c’est la société elle-même par le discours que les gens portent sur la langue. Et nous prendrons la langue comme un objet de la perception social, comme nous pourrions prendre aussi la race ou le genre. Ce que nous voulons montrer, quand nous faisons cela, c’est quel est le discours que les créolophones tiennent en France, quand ils parlent du créole. Ainsi, nous allons travailler sur la perception des langues créoles par ses locuteurs en France. Pour approfondir ce sujet, nous allons croiser deux concepts qui sont ceux de violence symbolique [2] et de perception du colonisé [3]. Nous le ferons pour observer comment les créolophones se perçoivent et perçoivent leur propre langue. C’est ainsi que nous pourrons juger de la place du créole au sein des catégories sociales.

Cela permettra de mieux comprendre les rapports entre langue et société et de mettre aussi l’opinion générale sous analyse scientifique. Pour voir si l’idée la plus propagée sur les créoles, ou dans ce cas sur les créolophones correspond à la réalité observable. On cherchera à connaître quelle est l’opinion générale en France sur la langue. C’est-à-dire celle qui est la plus propagée dans les médias, tel que dans la presse. Et aussi, quelle est la première idée qu’on peut trouver chez ceux qu’on interroge. L’objectif est de placer ces idées sous l’épreuve de l’analyse et de l’observation de la réalité. Dans ce cas-ci, il s’agira de confronter la réalité linguistique à celle des représentations sociales. Cela permettra de voir quel rôle les institutions jouent dans les questions de langue. Par exemple quel rôle l’État, qui pose le français comme langue légitime, peut jouer dans la représentation des autres [6] langues, particulièrement celles qui sont dites langues régionales.

Un des problèmes posé par le créole dans ce contexte dans les territoires français. C’est qu’il a dans la constitution la place d’une langue régionale comme les autres, que cela soit le breton ou l’occitan. Mais après un micro-trottoir que nous avons effectué où il est demandé à certaines personnes non-créolophones, quel est leur représentation du créole, ils nous ont dit pour la plupart qu’ils ne la perçoivent pas comme une langue régionale de la France, comme le breton ou l’occitan. Mais qu’ils la perçoivent plutôt comme une langue exotique. Cela veut dire qu’il que la représentation qu’ils ont du créole, ne correspond pas avec sa place administrative. Par conséquent, cela nous invitera à découvrir en nous servant de la langue comme outil qui permet de comprendre les relations sociales, comment les créolophones sont considérés et se considèrent en France.

On peut dire que cette perception se situe dans un contexte postcolonial. Un contexte postcolonial, c’est quand il demeure un rapport colonial entre plusieurs sociétés, pendant que l’une d’entre elles garde un rapport de domination avec l’autre en termes de culture et d’économie. Est-ce qu’on peut affirmer que le rapport des populations de ces départements d’outre-mer avec l’État français, sur la perception des langues, entre aussi dans un rapport colonial ?

Dans quelle mesure peut-on dire que les populations de ces départements ont intégrer les normes des institutions françaises ? Quel est la place de ces populations sur les sujets culturels par rapport aux populations de France métropolitaine ? Et aussi quel est leur place sur d’autres sujets sociaux portant sur l’immigration ou sur la race ?


[1] « Visite officielle du Président Français, François Hollande en Haïti,12 mai 2015.-Radio télé Ginen. - YouTube », [s.d.]. URL :

https://www.youtube.com/.

[2] Pierre Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Paris : Seuil, 2001 (Points), 423 p. 306.44.

[3] Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, France : Éditions du Seuil, DL 1952, 1952, 222 p.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 21 novembre 2017 12:33
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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