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Situation et avenir
du catholicisme québécois.
Tome I. Milieux et témoignages.
Préface I
Fernand DUMONT et Jacques RACINE
Cet ouvrage a eu des origines fort modestes. Nous espérons qu'il en garde la marque dans la forme où il est offert à la lecture.
Il est né des conversations de deux amis, d'un prêtre et d'un laïc, au cours d'excursions de ski du samedi matin. S'arrêtant dans la neige pour manger des sandwichs et vider un pot de café, ils s'entretenaient, entre bien des choses, de l'avenir de leur foi. À l'été de 1979, quelque part en Charlevoix, le cercle s'est élargi : en plus des deux compères, un curé d'une paroisse toute proche, un curé de paroisse urbaine, une religieuse, un oblat, un autre laïc... Plus tard se sont rejoints, en ville cette fois et à de nombreuses reprises, ces collaborateurs et bien d'autres. De plusieurs d'entre eux, on trouvera les signatures sous les textes ici réunis.
Au commencement comme à la fin, on le voit, rien d'officiel. Personne ne nous a mandatés pour de quelconques expertises. Nous n'avons prié aucun organisme de payer nos repas ou nos billets d'autobus. Au surplus, nous ne correspondons pas aux canons des échantillonnages statistiques. Prêtres ou laïcs, hommes ou femmes, vieux ou jeunes : ces catégories ne nous permettent pas de nous réclamer des critères habituels des sondages d'opinion ou des commissions d'enquête. On peut encore se rassembler au nom de l'amitié, et sans vouloir d'autre caution que celle-là.
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Dans nos entretiens aussi bien que dans nos écritures, chacun a apporté son expérience, la confrontant avec celle des autres. Nous n'avions pas à soumettre à des commanditaires des propositions unanimes, mais à pousser au plus loin des préoccupations qui nous étaient communes. Pour autant, nous ne nous sommes pas enfermés dans le cercle de nos propos intimes. Les uns et les autres, nous avons interrogé, et parfois dans de nombreuses rencontres, les gens de nos milieux de vie. Nous ne proposons pas d'enquêtes dites « sociologiques » ; nous nous sommes mis à l'écoute de beaucoup de croyants, tout en conservant notre liberté de parole.
Tous les textes ont fait l'objet de discussions, souvent animées, toujours amicales, de notre groupe. On n'y cherchera pas un système parfaitement arrangé en ses rouages mais le produit d'une concertation où chacun parle pourtant en son nom propre.
Au cours de nos entretiens, combien de fois avons-nous souhaité que d'autres chrétiens, catholiques ou non, que d'autres croyants des diverses religions qui existent au Québec, disent comme nous ouvertement leurs incertitudes et leur foi ! Il nous aurait paru inconvenant de chercher chez eux, pour les fins de cet ouvrage, des interlocuteurs de service. On parle d'abord de sa place pour accéder à un plus large œcuménisme. D'autres confessions, d'autres groupes, d'autres amitiés corrigeront nos esquisses, y ajouteront les leurs. Cette conviction nous empêche de trop regretter nos propres insuffisances.
Cet ouvrage comporte deux volumes.
Le premier procède, pour ainsi dire, au ras du sol. On y passe en revue, à tour de rôle, divers milieux sociaux. Ces derniers, on le remarquera, n'ont pas été répertoriés selon des vues systématiques ; aucune théorie a priori des classes sociales n'a présidé à la distinction des milieux ruraux, ouvriers ou bourgeois ; ce n'est pas là mépris de catégorisations par ailleurs légitimes et indispensables, mais nécessité et limite inhérentes à notre entreprise. Partant de nos solidarités quotidiennes, nous nous sommes refusés à en rompre les fils, à passer trop vite de l'écoute des personnes à des vues générales. Ce [11] pari sera contesté. On se souviendra, en tout cas, que les auteurs de ce premier volume sont engagés, pour leur part respective, dans les milieux dont ils parlent et dont ils témoignent à leur manière.
Ce premier volume comporte des lacunes plus importantes et que nous ne nous dissimulons pas.
Ainsi, un chapitre est consacré aux jeunes ; mais aucun texte ne traite spécifiquement des gens du troisième âge ni de ceux qui sont dans l'entre-deux (et dont on ne parle à peu près jamais). On ne trouvera pas non plus de chapitre sur la condition féminine ; heureusement, là-dessus, de solides études ont paru depuis quelques années et on pourra s'y reporter [1]. D'ailleurs, le manque le plus grave ne réside pas dans cette absence d'un texte sur les femmes, mais dans l'absence des femmes parmi les signataires de l'ouvrage. Nous ne saurions trop regretter que Gisèle Turcot, qui a participé à notre travail depuis les débuts, ait dû nous quitter en cours de route, au moment de sa nomination au poste de secrétaire générale de l'Assemblée des évêques du Québec.
Malgré tout, et on nous permettra d'y insister, les personnes et les groupes que nous avons longuement consultés sont de toutes les conditions et nous avons essayé de faire attentivement écho à leur expérience et à leur témoignage.
Pour s'être voulu situés dans tel ou tel milieu, les auteurs de ce premier volume débouchent néanmoins sur des vues plus larges. Ainsi se trouvent amorcées les perspectives d'ensemble proposées dans le second fascicule de cet ouvrage.
Fernand Dumont et Jacques Racine
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[1] Dans une bibliographie déjà considérable, signalons au moins la remarquable vue d'ensemble de Monique Dumais : « Féminisme et religion au Québec depuis 1960 », Relations, septembre 1977, 244-250.
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