Mot du président

Paul Sabourin
Département de sociologie, Université de Montréal. 

Le numéro des Cahiers que nous propose un collectif d’étudiants et de professeurs porte sur le renouvellement de la critique du capitalisme. Le travail de connaissance que nous donne à voir ce regroupement de chercheurs me semble correspondre d’une façon exemplaire à cette tâche originale de la sociologie et de l’anthropologie d’opérer des médiations entre les savoirs sociaux et les pratiques sociales. 

Tels que le constatent les éditeurs, les années qui suivirent l’effondrement du mur de Berlin furent celles de l’émergence de discours béats sur la supériorité tous azimuts des régimes capitalistes et de l’horizon indépassable de l’économie de marché chez les idéologues, et même, il faut le dire, chez certains chercheurs des sciences sociales. Le triomphe de ce discours stéréotypé de la « pensée unique » n’a d’égal, lorsque l’on a connu les deux époques, que celui d’une certaine doxa marxiste et ses relectures simplistes et figées de l’oeuvre de Marx, ignorant les problèmes de connaissance notamment ceux issus des développements historiques subséquents. 

Les auteurs du numéro montrent que ce qui caractérise fondamentalement notre travail de connaissance est notre capacité à mettre en rapport et assumer des traditions intellectuelles, ici marxienne, celle des développements du marxisme et plus généralement de la sociologie de l’économie à travers la problématique « économies et sociétés ». Mais plus encore, il s’agit de les confronter à l’observation des expériences sociales contemporaines, aux multiples transformations que trace le phénomène de financiarisation, afin non seulement d’envisager de les réactualiser suivant la prolongation d’une exégèse, mais littéralement de les redéployer privilégiant la nécessité d’une théorie constamment confrontée au travail construit d’observation des expériences sociales. Les limites évidentes des économies capitalistes actuelles fondent la nécessité de ce travail spécifique caractérisant nos disciplines. C’est à cette condition que nos disciplines apporteront une contribution à la critique sociale du capitalisme élaborée par les citoyens. Dans la poursuite de ces efforts, il deviendra nécessaire d’y adjoindre selon moi, les acquis de l’anthropologie de l’économie dont le regard original s’avère fondé sur l’observation et la théorisation des économies du sud.