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Collection « Sciences du développement »

Sciences du développement et analyse systémique (2004)


Une édition électronique réalisée à partir du texte du professeur Michel Maldague, Sciences du développement et analyse systémique. Leçon publique donnée à l'occasion du 5e anniversaire de l'ANSD, Kinshasa, le 16 décembre 2004.” Un article publié dans le Bulletin de l’ANSD, volume 5, décembre 2004, pp. 19-40. Kinshasa: Académie nationale des sciences du développement.

1. Portée des termes « sciences
du développement »

1   Que signifient les termes « les sciences du développement » qui est l'appellation de notre Académie ? Je vais tenter de répondre à cette question d'une manière à la fois pratique et théorique.

2. Mais, ce que l'on peut dire, d'entrée de jeu, c'est que cette expression définit la raison d'être de l'Académie : son but est, en effet, d'apporter une contribution au développement de la RDC. Dans le dernier Rapport sur le Développement Mondial du PNUD (2004), l'indice de développement humain (IDH), calculé pour la RD Congo, place celle-ci au 168e rang sur un total de 173. Ce chiffre est de toute évidence particulièrement alarmant.

3. Répondre à la question posée implique que l'on cerne tout d'abord le sens à donner aux termes « Sciences du développement ». Je retiendrai pour ce faire deux aspects. D'une part, les finalités du développement, et, d'autre part, la portée même de ce terme, en examinant les paradigmes qui peuvent en préciser les contours.

4. Ce que nous devons rechercher prioritairement, c'est le développement, bien distinct de la croissance, Dans un mémorable discours, prononcé à la fin de la décennie 1970, McNamara, ex-président de la Banque mondiale avait dénoncé la « croissance sans développement ». De son côté Jean Guitton écrit que ce n'est pas une croissance purement quantitative qui sert le véritable progrès humain. C'est de qualité dont nous avons besoin. « Le développement humain est plus valable que la croissance », écrit Jean Guitton [1].

1.1 Finalités du développement

5. C'est là incontestablement, le premier point qui doit retenir l'attention de ceux qui se préoccupent du développement de la RDC. Le développement, dans notre entendement, doit avoir deux finalités essentielles, tirées d'une réflexion de nature éthique :

Mettre un terme au gaspillage des ressources humaines

6. Il convient, tout d'abord, de mettre un terme au gaspillage des ressources humaines. Un IDH élevé traduit un niveau élevé de pauvreté humaine, des conditions de santé déplorables, une alimentation défectueuse, un retard éducationnel considérable, un niveau de vie extrêmement précaire, un état insatisfaisant des équipements et des infrastructures du pays, etc., autant d'éléments qui ne permettent pas de satisfaire les besoins humains essentiels. Nous accordons donc priorité à l'homme, vers le bien-être duquel doivent converger les efforts du développement.

* Dignité de l'homme. Principe de dignité

7. Le principe de dignité est au cœur de la finalité du développement humain. Le philosophe Philonenko, se référant à Kant et Schiller, écrit [2] que l'article premier de toute constitution digne de ce nom est que l'homme possède une Dignité Et cela signifie trois choses :

1° la première est l'égalité entre tous les hommes et la reconnaissance réciproque de cette égalité. Les hommes sont frères et libres parce qu'ils sont égaux ;

2° en second lieu,, le principe de dignité suppose la garantie de la subjectivité humaine et cela signifie la protection de l'identité et de l'intégrité mentale et corporelle ; cela implique non seulement l'interdiction des sévices et des peines corporelles, mais aussi l'interdiction de la cassure de l'identité subjective et sa dissolution par des moyens tels que les détecteurs de mensonges ;

3° en troisième lieu, cela signifie que sans réduire par l'assistance les citoyens à un statut servile, l'État doit assurer une existence digne pour chacun.

Mettre un terme au gaspillage des ressources naturelles

8. Ensuite, il convient de mettre un terme au gaspillage des ressources naturelles. Celles-ci sont mises à mal, notamment en RDC, par le fait que des préoccupations de survie immédiate prennent trop souvent le dessus sur l'application de règles de gestion rationnelle des ressources, des milieux et des mécanismes de production des ressources. Il en résulte une série d'impacts négatifs sur l'environnement. On peut citer ici la déforestation avec ses conséquences, comme l'érosion des sols, la perte de leur fertilité, la régression de la biodiversité, les pollutions diverses, l'insalubrité de l'habitat, etc. Or, la trame biophysique est à la base de la capacité sustentatrice de la biosphère pour la vie humaine. 

1.2 Paradigmes du développement

9. Il est nécessaire aussi d'enrichir le concept de développement par les apports des trois paradigmes suivants qui en fixent la portée et le sens, à savoir : le développement humain, le développement durable et le développement écologiquement viable.

9.1 Le développement humain, bien différent du développement des ressources humaines - simple question de gestion de personnel -, implique l'intégration de la culture au développement, conformément aux conférences de l’UNESCO - de Venise (1972) et de Mexico (1982) -, et à la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (CNUED, Rio, 1992). Les sciences, quelles qu'elles soient, doivent être mises au service de l'humanité, au service de l'homme [3]. Toutes les cultures peuvent contribuer au savoir scientifique universel.

9.2 Le développement écologiquement viable nécessite :

-   le maintien des systèmes entretenant la vie (systèmes édaphiques et hydrologiques) et des processus écologiques essentiels [4]
-   la protection de la biodiversité ;
-   l'intégration de l'environnement et du développement [5].

9.3 Quant au développement durable, il insiste sur :

-   le respect de la capacité de la biosphère à supporter la vie ; et
-   le respect des capacités de la biosphère à générer des ressources et à assimiler les déchets résultant de son fonctionnement [6].

10. Ces bases étant établies, et pour orienter le développement suivant une stratégie opérationnelle qui permette d'aller de l'avant, il convient de consulter les premiers intéressés, les gens, les habitants des villes, villages, etc. : « les meilleures décisions sont celles que l'on prend après consultation des gens. - Il faut se préoccuper des gens qui vivent à proximité des ressources, et pas seulement exploiter ces ressources. L'opposé est la pire attitude que l'on puisse adopter »  [7]. 

On peut poser les questions suivantes :

-   « Que veut la population ? »
-   « Que veulent les gens, spécialement les ruraux qui constituent la grande majorité de la population de ce pays ? » 

Ce souci de l'homme et la reconnaissance, chez chacun d'un « individu humain qui dispose des qualités de l'esprit (réflexion, conscience) » est cohérente aussi avec l'approche existentielle à laquelle se réfère Edgar Morin [8].

La réponse, donnée par de multiples ruraux, aux questions posées ci-dessus, peut se résumer simplement comme suit : vivre en sécurité ; avoir sa terre et son toit ; être bien dans sa peau, ce qui signifie disposer de conditions de vie satisfaisantes, être en mesure d'éduquer ses enfants ; avoir accès aux soins de santé primaires et aux biens de première nécessité.

11. En fait, ces désirs peuvent se traduire sur un plan à la fois pratique et théorique par la satisfaction des besoins essentiels. Et c'est, à partir d'une réflexion sur ces besoins que se préciseront « les sciences du développement ».


[1]     Jean Guitton, Le sens de la durée. Revue des Deux Mondes, oct. 1986, p. 138.

[2]     A. Philonenko, Dignité de l'homme. Principe de dignité. Revue des Deux Mondes, juin 1993, pp. 155-167.

[3]     Conférence mondiale sur la Science pour le XXIe siècle. Un nouvel engagement Budapest, Hongrie, 26 juin - 1er juillet 1999. UNESCO, Paris, 2000, 55 p. - Cf. Michel Maldague, La science pour le XXIe siècle. Un nouvel engagement. La science au service du développement de la RDC. Bull. Académie Nationale des Sciences du Développement de la RDC, no 1, pp. 42-70, 2000.

[4]     Cf. UICN, L'avenir de la vie. UICN, WWF, PNUE, 1990 -La Charte mondiale de la nature, 1982. - Stratégie mondiale de la Conservation, UICN, WWF, PNUE, 1980.

[5]     Réf. CNUED, Déclaration du Sommet de la Terre, 4e principe. Rio de Janeiro, 1992.

[6]     Ibid.

[7]     Réf. Intervention de Mme Elisabeth Odio, Vice-présidente du Costa Rica, lors du forum organisé par l'UICN, à Amman (Jordanie), le 4 octobre 2000.

[8]     Edgar Morin, L'identité humaine. À la veille du monde planétaire. Revue des Deux Mondes, fév. 2002, pp. 122-133.



Retour au texte de M. Michel Maldague Dernière mise à jour de cette page le Jeudi 11 août 2005 07:22
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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