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Collection « Méthodologie en sciences sociales »

TEXTES DE METHODOLOGIE EN SCIENCES SOCIALES
choisis et présentés par Bernard Dantier
Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales
Maître de conférences à Sciences-Po Paris.
Chargé de cours et de gestion de formations à l'Institut Supérieur de Pédagogie -
Faculté d'Éducation de Paris.

Cette rubrique, évolutive, qui s’enrichira au cours du temps, propose au lecteur des textes de méthodologie
en sciences sociales, cela afin de l’aider dans une démarche de compréhension et de participation à ces sciences.

Boudon Raymond, Holisme et individualisme méthodologiques.”
Extrait de: Raymond Boudon et François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1982.

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Raymond Boudon, Holisme et individualisme méthodologique”.

Nous pouvons constater, avec par exemple Karl Popper, que, à l’instar de toute autre science, la sociologie se base sur la création de théories et d’hypothèses puis sur leur test dans le monde social. Or, quelles conceptions du monde social et de sa causalité peuvent former ces hypothèses? À ce sujet la réflexion sur la façon dont la sociologie approche et définit son objet tend à dégager, par simplification, deux principaux modes qui se distinguent jusqu’à devenir opposés: le holisme méthodologique d’une part, que paraît suivre par exemple Emile Durkheim, et d’autre part l’individualisme méthodologique que semble préfèrer Max Weber. La distinction et l’opposition que l’on instaure entre ces deux modes d’approche, comme entre «explication» et «compréhension», peuvent être utile comme repères pour formaliser la théorie et la pratique sociologiques. Cependant certains promeuvent l’individualisme méthodologique jusqu’à soutenir que les tenants du holisme ne peuvent s’en dispenser. On se fera une idée de ce débat en considérant dans l’extrait suivant le point de vue qu’expose le sociologue français Raymond Boudon.
Bernard Dantier, sociologue, 14 mai 2004.

Extrait de: Raymond Boudon et François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1982.

(…) Soit à expliquer un phénomène social P. Par exemple: la mobilité sociale est plus grande dans le pays A que dans le pays B. Pour expliquer P, on peut procéder de différentes manières. Ainsi, on peut faire l'hypothèse que la mobilité croît avec le développement économique et tenter de vérifier que le pays A a un niveau de développement plus élevé que le pays B. Dans ce cas, on aura «expliqué» P en le mettant en relation avec un autre phénomène social P'. De la même manière, on peut chercher à expliquer la variation P de la criminalité dans le temps ou dans l'espace en cherchant à mettre ce phénomène en relation avec d'autres phénomènes P', P", etc., par exemple l'urbanisation, la sévérité des tribunaux, etc. On cherchera alors à établir l'existence de corrélations entre P et P', P et P", etc. Ainsi, on observera peut-être que les taux de criminalité caractérisant un certain nombre de pays pour des catégories bien définies de crimes et de délits sont d'autant plus forts en moyenne que l'urbanisation est plus développée. On observera peut-être par ailleurs que les taux de criminalité sont en moyenne d'autant plus élevés que la sévérité des tribunaux est moins grande. Si tel est le cas, on aura établi une relation causale (de type probabiliste) entre P' (urbanisation) et P" (sévérité des tribunaux) d'une part, et P (taux de criminalité), d'autre part; dans ce cas, l'«explication» du phénomène, plus exactement de la variable P est donc obtenue en examinant la relation entre cette variable et d'autres variables, P' et P". Ces variables «indépendantes» étant également observées à un niveau agrégé (…), une telle «explication» peut elle-même être dite agrégée ou non individuelle dans la mesure où elle ne prend pas en compte le comportement des individus dont la logique engendre les corrélations observées au niveau statistique. (…)

Par contraste, une explication est dite individualiste (au sens méthodologique) lorsqu'on fait explicitement de P la conséquence du comportement des individus appartenant au système social dans lequel P est observé. Ainsi Durkheim recourt, contre ses principes, à une interprétation individualiste lorsqu'il tente d'expliquer pourquoi les périodes de boom économique paraissent être fréquemment accompagnées d'une augmentation des taux de suicide: lorsque le climat est à l'optimisme, l'individu peut être incité à élever le niveau de ses attentes et, ainsi, à s'exposer au risque de la déception. Tocqueville recourt à une analyse micro sociologique de même type pour expliquer que les révolutions paraissent plutôt se déclencher dans des conjonctures favorables où la condition et les chances de tous ont tendance à s'améliorer. Sans doute l'analyse revient-elle dans les deux cas à une mise en relation entre un phénomène agrégé P (augmentation des taux de suicide, déclenchement des révolutions) et d'autres phénomènes agrégés P', P", etc. (croissance économique, augmentation de la mobilité sociale). Mais la relation est déduite d'une représentation explicite du comportement des individus. Ces exemples et les mille autres qu'on pourrait produire démontrent que les théories individualistes ne sont pas étrangères à la sociologie et qu'elles sont repérables même chez des sociologues qui, comme Durkheim, répugnent à la méthodologie individualiste. De manière générale, on dira qu'on a affaire à une méthodologie individualiste lorsque l'existence ou l'allure d'un phénomène P, ou lorsque la relation entre un phénomène P et un phénomène P' sont explicitement analysés comme une conséquence de la logique du comportement des individus impliqués par ce ou ces phénomènes.

Certains épistémologues des sciences sociales, Friedrich von Hayek et Karl Popper en premier lieu, ont insisté sur l'importance du principe de l'individualisme méthodologique dans les sciences sociales. Pour ces auteurs, expliquer un phénomène social, c'est toujours en faire la conséquence d'actions individuelles (…). Une corrélation entre un phénomène P et un phénomène P' ne saurait, quelle que soit son intensité, passer pour une «explication» de P. Il faut encore mettre en évidence la logique des actions individuelles sous-jacente à la corrélation. Une corrélation aussi simple que celle qui lie les prix agricoles aux conditions météorolo-giques n'a de signification que si on en fait la conséquence de micro-comportements obéissant à une certaine logique.

Le principe de l'individualisme méthodologique fait l'objet d'un large consensus en économie (…). En sociologie, la situation est plus floue. D'une part, beaucoup d'études sociologiques se satisfont d'une définition «causale» de l'explication de type P' ---> P. D'autre part, certains sociologues partent du postulat selon lequel l'individu, étant le produit des structures sociales, peut être négligé dans l'analyse. Ce postulat, qui décrit ce qu'on appelle parfois le sociologisme ou le holisme, conduit à de redoutables apories. Il est vrai que l'action individuelle est soumise à des contraintes sociales; il est rare de pouvoir agir à sa fantaisie. Mais cela n'implique pas que les contraintes sociales déterminent l'action individuelle. Ces contraintes délimitent le champ du possible, non le champ du réel. Plus précisément, la notion de contrainte n'a de sens que par rapport aux notions corrélatives d'action et d'intention: un individu qui n'a pas d'intentions d'achat n'est exposé à aucune contrainte budgétaire. De manière plus générale, la notion de structure sociale ne peut recevoir de signification que si on la réfère aux intentions et projets des acteurs. Si la stratification est généralement considérée comme une dimension essentielle de la structure sociale, c'est qu'elle décrit la distribution des contraintes auxquelles sont soumis les projets des acteurs. (…)

Fin de l'extrait.

Retour à la collection: Méthodologie en sociologie Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2015 12:32
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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