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Collection « Histoire du Saguenay—Lac-Saint-Jean »

L'ALCAN ET LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE DU SAGUENAY-LAC-ST-JEAN (QUÉBEC) (1972)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de Jean-Joseph Moisset, L'ALCAN ET LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE DU SAGUENAY-LAC-ST-JEAN (QUÉBEC). Thèse présentée à la Faculté de droit et des sciences économiques et sociales de l'Université de Fribourg (SUISSE) par Jean Joseph MOISSET (Meaux, HAITI) pour l'obtention du grade de docteur ès sciences économiques et sociales. Acceptée par la Faculté de droit et des sciences économiques et sociales, le 19 décembre 1972, sur la proposition de M. le professeur G. Gaudard (premier rapporteur) et de M. le Professeur J. Valarché (second rapporteur). Une édition électronique réalisée par Michel Fortin, bénévole, adjoint à la mairie, Ville de Saguenay. [Collection: Histoire régionale: Le Saguenay-Lac-Saint-Jean].

ALCAN [1] ET LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE
DU SAGUENAY-LAC ST-JEAN (QUÉBEC)

INTRODUCTION

 

« Le problème du développement économique a toujours été l'un des pôles fondamentaux d'intérêt de l'économie politique »  [2]. Déjà Adam Smith, développant ses « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », concluait à « une progression historique généralisée des nations, liée à l'extension des marchés » et à son corollaire, « la division du travail ». Faisant preuve de perspicacité dans l'observation et de lucidité dans le raisonnement, il constatait cependant « une variation considérable de la marche du progrès de l'opulence entre les peuples et les siècles », qu'il expliquait par le fait que « la ville ne tire pas toujours la totalité de ses subsistances de la campagne qui l'avoisine, ni même du territoire auquel elle appartient, mais qu'elle les tire souvent de campagnes fort éloignées » [3]. 

Il y a là une intuition géniale à laquelle on ne se réfère certes plus aujourd'hui, mais qui est sous-jacente à l'hypothèse de base de toutes les théories modernes de la croissance économique, à savoir que « l'inégalité de croissance entre les nations et les régions accompagne inévitablement la croissance elle-même » [4]. 

L'analyse, relativement récente, de la croissance comme « processus de polarisation, puis de diffusion » procède également de cette idée de base. Partant de l'observation de l'inégale distribution de la croissance, le Professeur François Perroux en posa ainsi les bases : « le fait grossier, mais solide, est celui-ci : la croissance n'apparaît pas partout à la fois ; elle se manifeste en des points ou pôles de croissance, avec des intensités variables ; elle se répand par divers canaux et avec des effets terminaux variables pour l'ensemble de l'économie » [5]. 

Quel que soit le terrain sur lequel on se place, de la géographie ou de la théorie économique, on peut très difficilement contester l'idée que des phénomènes d'inégalité et de déséquilibre sont inhérents à la croissance. En fait, souligne J. Freyssinet, « personne ne soutient plus aujourd'hui la possibilité d'un développement également distribué entre toutes les unités économiques et qui reproduise, de période en période, les conditions de l’équilibre marginaliste » [6]. 

Axiomatique, la notion de pôle de croissance eût été vaine, ne fût-ce le caractère fonctionnel que voulut lui donner son auteur. En effet, écrit Perroux, « scruter cette modalité de la croissance (la polarisation), c'est rendre explicite et scientifiquement maniable une vue présentée déjà dans plusieurs élaborations théoriques, imposée par l'observation des pays à croissance retardée, apparente dans la politique des États modernes » [7]. 

Du fait de son caractère d'outil d'analyse, d'instrument de politique économique, le concept de pôle de croissance, souvent mal compris, si l'on en croit Jean Paelinck, a déjà fait l'objet de nombreuses études. D'après cet auteur, « on l'a confondu avec les notions d'industrie clef, d'industrie de base, d'ensemble industriel,... de point de croissance, dont l'action serait spontanée et géographiquement concentrée. » J. Paelinck s'élève contre ces interprétations qu'il estime mauvaises, car « constitue un pôle de croissance une industrie qui, par les flux de produits et de revenus qu'elle engendre, conditionne le développement et la croissance d'industries techniquement liées à elle, détermine la prospérité du secteur tertiaire par les revenus qu'elle engendre et produit une croissance du revenu régional grâce à la concentration de nouvelles activités dans une zone donnée, moyennant la perspective de pouvoir disposer de certains facteurs de production » [8]. 

On savait bien déjà avec le Professeur Perroux que le pôle de croissance est une unité motrice dans un milieu donné [9]. Mais, la définition de Paelinck, plus exhaustive, permet de dégager d'emblée les quatre types fondamentaux de modalités d'action du pôle de croissance, à savoir : la polarisation technique, la polarisation des revenus, la polarisation psychologique et la polarisation spatiale.

À côté des analyses théoriques dont le but a été d'apporter plus de systématisation et de rigueur au concept de « pôle de croissance », beaucoup d'autres, plus modestement, se sont penchées sur les applications du développement régional polarisé. Du reste, ce deuxième aspect de la théorie du pôle de croissance est complémentaire du premier et d'une grande utilité. Il est vrai, comme le fait ressortir Bridgman, que « la valeur d'une conception, comme son sens profond, doivent être trouvés en observant ce qu'un homme accomplit (ou peut accomplir) avec elle et non ce qu'il dit sur elle » [10]. Tenant ou s'opposant à la théorie de la croissance polarisée, on a ainsi senti la nécessité de la confronter avec la réalité. Le champ offert par les pays sous-développés et les régions à croissance retardée des pays industrialisés s'y prêtait d'ailleurs fort bien. 

Les démarches effectuées dans cette perspective peuvent être classées en deux catégories : d'une part, l'application des idées de polarisation à l'élaboration de plans de développement régional ; d'autre part, l'analyse des problèmes soulevés par l'implantation d'une industrie ou d'un complexe industriel dans une région, à la lumière de la théorie du développement régional polarisé. 

La présente étude se rangerait dans cette dernière catégorie. Son titre, à cet effet, est significatif : « l'Alcan et la croissance économique du Saguenay—Lac-St-Jean ». Quel rôle l'Alcan, grande société de production d'aluminium, a-t-il joué dans la croissance économique de cette région de la Province de Québec ? Quel rôle aurait-il pu y jouer ou peut-il encore y jouer ? Telles sont les questions essentielles auxquelles ce travail tâchera d'apporter une réponse. 

Puisque, par définition, « tout développement est un processus impliquant deux aspects fondamentaux, le temps et l'espace » [11], cette étude se réfèrera à un cadre temporel plus ou moins précis, se situant entre la période d'implantation de l'Alcan dans la région et les années les plus récentes. Quant au cadre spatial, une première démarche sera de le définir. 

Cette recherche revêtira un certain caractère partiel, car elle ne procède pas d'une enquête systématique sur le terrain, ce qui aurait exigé des moyens considérables. Or, dans ce domaine, des matériaux statistiques nécessaires font parfois défaut et ceux qui sont disponibles ne sont pas tous homogènes. 

Cela conduit à ne pas envisager, pour cette analyse, l'élaboration d'un modèle de type input-output, dont on connaît cependant la valeur quand il s'agit de dégager les caractères structurels d'une économie et les effets quantifiables d'une industrie sur cette économie. Mais, comme l'a fait justement remarquer F. Perroux, « nous sommes souvent contraints de restreindre nos analyses à partir de la documentation au lieu d'étendre la documentation à la demande de l'analyse » [12]. 

Cette étude comportera trois parties. Dans la première, le Saguenay—Lac-St-Jean sera défini en tant que région et on en verra les données caractéristiques avant l'implantation de la Société Alcan. La deuxième partie sera consacrée à une présentation des différentes dimensions de l'Alcan et essaiera de saisir simultanément l'évolution de quelques variables stratégiques de l'économie régionale. Enfin, dans la dernière partie, on tentera, après avoir mis en relief les principaux effets de l'Alcan sur le Saguenay—Lac-St-Jean, de caractériser, à la lumière de la théorie du développement régional polarisé, le rôle de cette société dans la dynamique de l'économie saguenayenne.


[1] ALCAN : désignation abrégé propre à l’Aluminium du Canada Limitée et à ses filiales.

[2] P. A. Baran, Économie politique de la croissance, Maspero, Paris, 1967, p. 4.

[3] A. Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Paris, 1843, p. 740.

[4] A. Hirschman, Stratégie du développement économique, traduction de F. Pons, Les Éditions Ouvrières, Paris, 1964, p. 210.

[5] F. Perroux, Note sur la notion de pôle de croissance, Cahiers de l’I.S.É.A., p.143.

[6] J. Freyssinet, Le concept de sous-développement, Mouton, Paris, 1966, p. 276.

[7] F. Perroux, L’économie du XXe siècle, PUF, Paris, 1964, pp. 143-144.

[8] J. Paelinck, La théorie du développement régional polarisé, Cahiers de l’ISEA, mars 1965, pp. 11-12.

[9] F. Perroux, La firme motrice dans la région et la région motrice, Cahiers de l’ISEA, mars 1961, p. 301 ss.

[10] W. Bridgman, « The Logic of Modern Physics », dans J. Boudeville, Les espaces économiques, Collection QSJ, p.18.

[11] T. Hermansen, Growth and Growth centers in National and Regional Development, A Synthetical Approach, part 1, pp. 1-2.

[12] F. Perroux, La firme motrice dans la région et la région motrice, op. cit., p. 294.


Retour au texte de l'auteur: Ernest Bilodeau, journaliste et chroniqueur Dernière mise à jour de cette page le dimanche 25 février 2007 19:19
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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