RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Histoire du Saguenay—Lac-Saint-Jean »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean-François Hébert, “Les compagnies subsidiaires de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi”, in ouvrage sous la direction de Jean-François Hébert, LA PULPERIE DE CHICOUTIMI. UN SIÈCLE D’HISTOIRE, pp. 59-64. Chicoutimi: Musée de La Pulperie de Chicoutimi, 1998, 100 pp. [Le 5 juin 2014, la direction du Musée de la Pulperie de Chicoutimi, conjointement avec les auteurs, nous a accordé son autorisation de diffuser ce livre, en accès libre à tous, en version numérique, dans Les Classiques des sciences sociales.]

[59]

Jean-François HÉBERT

Historien

Les compagnies subsidiaires
de la Compagnie de pulpe
de Chicoutimi
.”

In ouvrage sous la direction de Jean-François Hébert, LA PULPERIE DE CHICOUTIMI. UN SIÈCLE D’HISTOIRE, pp. 59-64. Chicoutimi : Musée de La Pulperie de Chicoutimi, 1998, 100 pp.


La fondation de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi (C.P.C.) entraîne la création de diverses compagnies dont les produits ou les services sont complémentaires à l'industrie de la pâte mécanique. Que ce soit au niveau du transport ou de la fabrication de la machinerie, les besoins de la nouvelle compagnie sont nombreux. Mais ce qui est particulier dans le cas de la C.P.C, c'est qu'elle s'implique financièrement dans ces organisations. Il faut cependant prendre en considération le fait que la C.P.C. ne contrôle pas 100% des parts de ces compagnies et que c'est principalement par l'entremise de son directeur-gérant, J.-É.-A. Dubuc, qu'elle possède ces actions. Avec le temps, plusieurs compagnies se greffent ainsi à la C.P.C, de sorte qu'un véritable empire économique se tisse autour d'elle.

Avec la création de la North American Pulp and Paper Companies (N.A.P.P.), en 1915, la mainmise financière créée autour de la C.P.C. déborde la région du Saguenay— Lac-Saint-Jean et s'étend jusqu'aux États-Unis. À la tête de ce holding, on retrouve Dubuc, qui est nommé président de la N.A.P.P. dès sa formation. Et avec lui, Dubuc amène au consortium la Compagnie de pulpe de Chicoutimi et tout son important réseau de compagnies subsidiaires. Ceci fait en sorte qu'à son apogée, à la fin de la décennie 1910, la N.A.P.P compte une quinzaine d'industries aussi diverses que complémentaires principalement grâce à l'éventail des entreprises associées à la C.P.C. Ces dernières peuvent se regrouper en quelques secteurs : les usines de pâte à papier, les compagnies de transport, les entreprises reliées aux services publics, les sociétés commerciales, ainsi qu'une compagnie de construction mécanique et un journal.

Fig. p. 59. L'usine de pâte mécanique de Val-Jalbert lors de ses rénovations, en 1910.
Source : ANQC, fonds Lemay.



Les usines de pâte à papier

Lorsque l'on parle de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi, on ne peut oublier le fait qu'elle a été fondée dans le but de fabriquer de la pâte mécanique. Il est donc normal qu'en plus de ses usines de Chicoutimi, elle s'implique financièrement dans d'autres établissements de ce genre dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Ainsi, il n'est pas étonnant de la voir acheter les installations de Val-Jalbert, en 1909, et s'impliquer activement dans la construction d'une usine de pâte chimique à Port-Alfred, à partir de 1916.

L'usine de Val-Jalbert

La Compagnie de pulpe de Chicoutimi n'est pas la seule industrie de pâte à voir le jour dans la région au tournant du siècle. En effet, en 1901, un dénommé Damase Jalbert, appuyé par un groupe d'investisseurs locaux, fonde la Compagnie de pulpe Ouiatchouan. Celle-ci construit un moulin à pâte au pied de la chute de la rivière Ouiatchouan, aux limites de la municipalité de Roberval.

Lorsque son fondateur décède, en 1904, la compagnie passe aux mains d'intérêts américains. Elle change alors de nom pour Ouiatchouan Faits Paper Company, ce qui trahit un peu la volonté des nouveaux propriétaires. Ces derniers veulent alors ajouter une machine à papier [60] à l'usine de pâte. Cependant, ils ne réaliseront jamais leur projet, n'étant pas en mesure de rentabiliser la société, sans cesse aux prises avec de grandes difficultés financières.

Et ce qui devait arriver se produit en 1909 : la faillite. Les actifs de la Ouiatchouan Falls Paper Co. sont rachetés, le 4 mai 1909, par J.-É.-A. Dubuc, qui rebaptise l'endroit Val-Jalbert, en l'honneur de son fondateur. Dès lors, on parle de l'usine Saint-Georges de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi, division Val-Jalbert.

Dubuc effectue d'importants travaux au moulin, mais n'y installe pas de machine à papier tel qu'envisagé par les propriétaires antérieurs. Étant donné que cette usine était rattachée à la C.P.C., il aurait été mal vu que Dubuc produise du papier à Val-Jalbert alors qu'il se contentait de faire de la pulpe à Chicoutimi.

À la suite de la faillite de la C.P.C., survenue en 1924, le moulin de Val-Jalbert cesse ses activités pendant un an ; il les reprend l'année suivante, mais pour une courte période seulement. Ainsi, dès 1927, la compagnie arrête à nouveau la production ; ce qui devient en fait la fermeture définitive de l'usine de Val-Jalbert.

Il est intéressant de noter qu'en plus de l'usine, la compagnie possède également les infrastructures du village. Érigée à partir de la construction du moulin, mais principalement au cours des années 1910, selon un plan d'urbanisme très développé pour l'époque, l'agglomération compte environ 80 maisons en 1920. La grande majorité de ces dernières sont équipées de tous les services possibles : l'égout, l'aqueduc, le téléphone, l'électricité, etc. De plus, le village est nanti d'installations assez intéressantes pour l'époque : un service de police, une caisse populaire, un hôtel, un magasin général, une boucherie, une école, etc.

La fermeture de l'usine occasionne le départ graduel des habitants du village. La désertion est totale ; Val-Jalbert devient un no man's land. Cette situation est remise en question une quarantaine d'années plus tard lorsque certains individus veulent reprendre le village pour en faire un lieu touristique. C'est comme tel que nous connaissons Val-Jalbert aujourd'hui : un « village fantôme », qui témoigne de l'âge d'or de l'industrie de la pulpe dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean.

La Ha ! Ha ! Bay Sulphite Company

L'industrie que domine J.-É.-A. Dubuc au début des années 1910 ne compte que des usines de pâte mécanique. Devant la demande sans cesse croissante pour la pâte chimique, Dubuc décide d'implanter une usine de ce type en bordure de la baie des Ha ! Ha !. Ce sera le moulin de Port-Alfred, érigé par la nouvelle Ha ! Ha ! Bay Sulphite Company Limited qui est fondée explicitement dans ce but et qui produira uniquement de la pâte chimique.

Le choix de l'emplacement est tributaire de la proximité de plusieurs éléments nécessaires au bon fonctionnement de l'usine : le potentiel forestier, la main-d’œuvre compétente, le port en eau profonde et l'énergie à bon marché. En ce qui concerne les autres éléments indispensables à la production, l'usine est alimentée en eau douce par la rivière Ha ! Ha !, le calcaire provient d'une carrière située à six kilomètres de Port-Alfred et le soufre est importé de la Louisiane.

Fort d'un important contrat octroyé par la société appartenant à sir Frederick Becker, de Londres, la compagnie construit son usine à partir de 1916. La production commence au printemps de 1918 : le moulin produit alors 120 tonnes de pâte chimique par jour et emploie près de 400 ouvriers. Cependant, en raison de la crise financière que connaît Becker, son principal client, la compagnie doit liquider ses actifs cinq ans à peine après le début de ses activités.

Suite à plusieurs changements de mains, la pulperie est finalement convertie en papeterie par la Port Alfred Pulp & Paper Corporation. Ce n'est cependant qu'avec la Consolidated Paper Corporation qu'elle prend définitivement son envol. Elle fabrique encore du papier aujourd'hui grâce à l'entreprise Abitibi-Consolidated qui résulte de la fusion survenue en 1997 entre les compagnies Stone-Consolidated et Abitibi-Price.

Fig. p. 60. Un wagon de queue appartenant à la compagnie Roberval-Saguenay devant l'atelier de réparation mécanique. Source : La Pulperie de Chicoutimi, collection P.-A. Robitaille.

[61]

Les transports

Les marchés auxquels est destinée la pâte fabriquée par la C.P.C. sont principalement situés aux États-Unis et en Angleterre. Les distances à parcourir étant fort considérables, le transport représente donc un élément essentiel pour l'industrie. Afin d'avoir la possibilité de minimiser les coûts inhérents à ses exportations, la C.P.C. participe à la création de deux compagnies de transport, l'une ferroviaire et l'autre, d'installations portuaires.

La Compagnie de chemin de fer
Roberval-Saguenay


En 1908, un groupe de citoyens de Bagotville décide de créer la Compagnie de chemin de fer de la Baie des Ha ! Ha !. Celle-ci commence alors la construction d'une voie ferrée entre Saint-Alphonse et Chicoutimi. À peine deux ans plus tard, soit en 1910, le premier train de passagers en provenance de Saint-Alphonse entre en gare à Chicoutimi.

En plus du transport des passagers, ce service ferroviaire permet également à la Compagnie de pulpe de Chicoutimi d'expédier sa pâte jusqu'à Bagotville, où un quai en eau profonde est déjà aménagé. Dès lors, la C.P.C. n'est plus obligée d'effectuer le cabotage entre Chicoutimi et Saint-Fulgence pour charger sa production sur les transatlantiques.

C'est en 1911 que Dubuc fonde une autre société ferroviaire, la Compagnie de chemin de fer Roberval-Saguenay, dans le but de construire une voie ferrée qui relierait Jonquière et la région du Lac-Saint-Jean. Le chemin emprunté serait situé sur la rive nord de la rivière Saguenay. Cependant, ce projet restera à l'état d'ébauche et ne se concrétisera jamais.

Néanmoins, deux ans plus tard, Dubuc achète la Compagnie de chemin de fer de la Baie des Ha ! Ha !. Cette dernière est alors intégrée à la Compagnie de chemin de fer Roberval-Saguenay. Consolidant ainsi son réseau, cette société dessert principalement le secteur compris entre Jonquière, Chicoutimi et Saint-Alphonse.

Avec l'implantation au Saguenay de la compagnie Alcan, au milieu des années 1920, la Compagnie de chemin de fer Roberval-Saguenay intéresse au plus haut point les nouveaux industriels. Cet intérêt est à ce point sérieux que le Roberval-Saguenay passe aux mains de l'Alcan dès 1926. Cette compagnie est encore en opération aujourd'hui comme étant une filiale de l'Alcan.

La Compagnie générale du port de Chicoutimi

Pour le marché de la pulpe situé en Angleterre, l'expédition par bateau représente le seul moyen de transport possible. Pour ce faire, la C.P.C. envoie par train, jusqu'à Québec, sa production destinée à cette contrée et c'est de là que la pulpe est transportée sur des transatlantiques jusqu'en Europe.

Cette opération ne prévaut que pendant quelques années puisque les frais inhérents sont astronomiques. On tente alors l'expérience du cabotage entre Chicoutimi et Saint-Fulgence. Le choix de cette localité s'explique par le fait qu'on y retrouve les limites naturelles des eaux navigables de la rivière Saguenay pour les transatlantiques. Ces bateaux peuvent aisément naviguer jusque-là sans qu'il soit nécessaire d'y faire des travaux de dragage. C'est donc à cet endroit que sont installés les équipements portuaires nécessaires pour recevoir les navires qui transportent la pulpe vers l'Angleterre.

Afin de diminuer les coûts encore trop élevés reliés à l'expédition basée à Saint-Fulgence, on fonde la Compagnie générale du port de Chicoutimi en 1904. Celle-ci aura pour principal mandat de faire de Chicoutimi une ville portuaire. Dès lors, la compagnie entreprend la construction d'un port dans la zone du Bassin. Elle doit cependant changer d'idée et regarder vers un autre site puisque la Lloyd's ne veut pas assurer un port de mer à cet endroit.

Le cabotage entre Chicoutimi et Saint-Fulgence apparaît encore à ce moment la seule alternative à cette situation. Néanmoins, ce choix ne peut être permanent. La compagnie procède donc à la mise en place d'installations portuaires à Bagotville : la pulpe y est alors expédiée par train de Chicoutimi, par l'entremise de la Compagnie de chemin de fer de la Baie des Ha ! Ha !.

À partir de 1915, année où elle est rattachée au consortium de la North American Pulp and Paper Companies, la Compagnie du port est réorganisée et sa raison d'être se modifie quelque peu. C'est désormais elle qui a la charge de l'entreposage et de l'expédition de la pulpe de la C.P.C.

Rachetée par l'Alcan en 1926, en même temps et dans le même but que la Compagnie de chemin de fer du Roberval-Saguenay, la Compagnie générale du port de Chicoutimi ne cesse d'accroître ses installations à Port-Alfred. Rebaptisée Terminus Maritime du Saguenay en 1929, elle opère encore aujourd'hui des installations portuaires à cet endroit.

Les activités commerciales

L'implantation de la C.P.C. à Chicoutimi entraîne une forte augmentation de population, ce qui implique un accroissement de la valeur du commerce qui s'y fait. Afin de profiter de cette situation, la C.P.C. investit dans des compagnies de nature commerciale : une qui se spécialise dans le commerce de gros .et détail, et deux autres qui se consacrent au marché foncier.

Côté & Boivin et compagnie

Ce sont deux commerçants de la région, Onésime Côté et Elzéar Boivin, qui fondent la société de commerce en gros Côté & Boivin et Cie, en 1896. Établissant à Chicoutimi leur maison d'affaires, ces marchands se spécialisent particulièrement dans le [62] commerce des produits alimentaires. D'un côté, ils voient à l'exportation de nombreux produits régionaux, tels que le beurre, le fromage et les produits des meuneries. D'un autre côté, ils importent les produits de consommation fabriqués à l'extérieur de la région. Ceci fait en sorte qu'à un certain moment, la maison Côté & Boivin fournit en marchandises presque la totalité des détaillants de la région.

Avec le temps, la société commerciale élargit son champ d'activité. Elle ne se limite plus à vendre en gros des produits alimentaires. Bien plus, toute une variété de produits d'épicerie, de matériaux de construction et d'articles de quincaillerie sont écoulés par Côté & Boivin. Toujours dans le but d'augmenter son chiffre d'affaires, elle ajoute deux autres succursales à celle de Chicoutimi : l'une à Roberval, l'autre à Hébertville-Station.

Fig. p. 62. La maison de gros Côté & Boivin, à Chicoutimi. Source : ANQC, fonds Lemay.


La Société de construction ouvrière de Chicoutimi

Cette compagnie formée le 16 juin 1906 s'occupe de commerce foncier : vendre, échanger et louer des terrains ou en disposer autrement. Elle peut également faciliter l'achat, la vente, le loyer et la possession d'immeubles, tout comme elle est autorisée à faire tous les contrats en rapport avec ces activités. Elle est aussi habilitée à emprunter et à prêter de l'argent, de même qu'à prendre et à tenir des hypothèques.

La Chicoutimi Freehold Estates Ltd

Avec l'augmentation de la population et une économie somme toute florissante, un secteur économique qui est intéressant, c'est la vente immobilière. C'est pour profiter de cette situation qu'on fonde, le 31 décembre 1913, la Chicoutimi Freehold Estates Limited. Cette compagnie est complémentaire à la Société de construction ouvrière de Chicoutimi. En effet, alors que cette dernière s'occupe principalement du commerce foncier, la vocation première de la Chicoutimi Freehold Estates Ltd est le commerce immobilier et toutes les autres entreprises reliées aux immeubles. Ainsi, elle construit des maisons d'habitation et d'autres sortes d'immeubles ; elle effectue des opérations financières telles que la prise et la tenue d'hypothèques et de prêts et charges pour garantir le paiement du prix d'achat de toutes propriétés ; elle agit également comme une société de colonisation, c'est-à-dire qu'elle peut effectuer les affaires d'une compagnie de terres : acheter, posséder, développer, améliorer et vendre des immeubles et des terres, que celles-ci soient cultivées ou non, ainsi que défricher, coloniser et cueillir.

Les services publics

L'augmentation de la population conjuguée à la mise en place de nouvelles technologies fait en sorte que la C.P.C. se retrouve associée à certaines compagnies qui oeuvrent dans les services publics : l'aqueduc, l'électricité et le téléphone.

Le Crédit municipal canadien

C'est en 1903 qu'est fondée à Montréal la société appelée Crédit municipal canadien, avec comme principaux mandats la construction d'aqueducs et d'égouts et le développement de l'énergie électrique. Elle est associée à deux autres compagnies européennes : l'une située à Bruxelles alors que l'autre se trouve à Paris.

J.-É.-A. Dubuc rachète la compagnie vers 1910 et transfère immédiatement son siège social à Chicoutimi. Il nomme alors des directeurs de la région du Saguenay afin de l'administrer.

Comme la compagnie opère principalement dans la région de Rimouski, où elle produit de l'énergie électrique, son siège social sera transféré dans cette municipalité en 1925.

La Société d'éclairage et d'énergie électrique du Saguenay

C'est au milieu des années 1890 qu'est fondée la première compagnie dont le but est de fournir en électricité la ville de Chicoutimi. Après quelques transferts d'actions, c'est finalement la Société d'éclairage et d'énergie électrique du Saguenay qui, en 1913, prend la relève de la Compagnie des eaux et d'éclairage de Chicoutimi, créée une dizaine d'années plus tôt.

Quatre ans à peine après sa fondation, la Société d'éclairage est rattachée au consortium de la North American Pulp and Paper Companies. Elle suit ainsi le même chemin que toutes les autres compagnies rattachées à la C.P.C. À la suite du démantèlement du holding, après la faillite de 1924, la Société d'éclairage et d'énergie électrique du Saguenay reçoit, en 1927, une nouvelle charte sous l'appellation de Compagnie électrique du Saguenay. Lors du grand mouvement de nationalisation de l'électricité par le gouvernement du Québec, en 1963, la Compagnie électrique sera absorbée par la société d'état, c'est-à-dire Hydro-Québec.

Une des plus importantes réalisations de cette compagnie est l'érection de la centrale hydroélectrique de Pont-Arnaud, située sur la rivière Chicoutimi. Nécessitant un investissement de 300 000$, cette [63] centrale alimente en électricité, non seulement la C.P.C., par le biais d'une station de répartition électrique bâtie sur le site, mais également la ville de Chicoutimi.

Propriété d'Hydro-Québec, Pont-Arnaud produit encore de l'électricité, ce qui en fait la plus vieille centrale hydroélectrique en opération dans la région du Saguenay— Lac-Saint-Jean.

La Compagnie de téléphone Saguenay-Québec

La Compagnie de téléphone Saguenay-Québec est constituée en 1892, principalement sous l'égide de J.-D. Guay et de P.-A. Guay. C'est en 1898 que Dubuc et ses associés achètent la compagnie. Cette dernière met en place tout le réseau téléphonique du Saguenay, voire plus. Avec les années, elle s'installe également dans la région du Lac-Saint-Jean, principalement à Roberval où elle achète la compagnie locale de téléphone, en 1909. Ceci fait en sorte que, de son siège social situé à Chicoutimi, elle dessert les comtés de Chicoutimi et Lac-Saint-Jean.

À partir de 1910, la compagnie est reliée au réseau de Bell, ce qui lui permet d'être en contact avec les autres régions de la province desservies par cette compagnie, plus particulièrement La Malbaie. L'importance du développement de la compagnie ne fait aucun doute puisqu'en 1913 son réseau s'étend sur une longueur de 586 kilomètres. Elle compte alors 40 bureaux et environ 1000 abonnés inscrits à ses registres.

Fig. p. 63. Publicité de la Compagnie d'éclairage et d'énergie électrique du Saguenay,
en 1915. Source : Le Progrès du Saguenay.


Les actifs de la Compagnie de téléphone Saguenay-Québec seront finalement achetés par Bell Canada dans les années 1950.

Les autres champs d'activités

En plus de toutes ces compagnies, la C.P.C. est impliquée dans deux autres champs d'activité bien distincts : la construction et la réparation d'outillage mécanique, ainsi que la publication d'un journal.

La Société des constructeurs-mécaniciens

Au début du XXe siècle, la région connaît un développement industriel fort intéressant. Ces nouvelles industries requièrent des produits spécifiques. C'est dans cette optique qu'est fondée à Chicoutimi, en 1906, la Société des constructeurs-mécaniciens. Ce regroupement vise la fabrication et la réparation d'outillage et de machinerie de toutes sortes pour l'industrie régionale : principalement les pulperies, les moulins à scie et les bateaux à vapeur.

Au fil des ans, la compagnie se développe et progresse d'une façon remarquable. Ses activités débordent la région alors qu'elle réussit notamment à obtenir des contrats jusqu'aux Etats-Unis. Bien entendu, la participation de la Compagnie de pulpe n'est pas étrangère à cette réussite.

La collaboration entre les deux compagnies est à ce point importante que la C.P.C. décide de loger la Société des constructeurs-mécaniciens. En effet, cette dernière était à l'origine installée dans un édifice de la rue du Havre. Elle déménage en 1921 dans un tout nouveau bâtiment érigé sur le site de la C.P.C. et qui possède des aménagements propices à ses activités, entre autres une fonderie.

La caractéristique la plus intéressante de cette société, c'est qu'elle a été fondée d'abord pour servir d'école. En effet, ce sont des mécaniciens voulant que leurs fils apprennent correctement les rudiments du métier qui ont eu l'idée de se regrouper pour fonder un atelier-école et qui ont créé la Société des constructeurs-mécaniciens.

Le Progrès du Saguenay

C'est le 18 août 1887 que paraît la première édition du journal Le Progrès du Saguenay, qui prend la relève du Réveil du Saguenay. C'est Alphonse Guay qui en est l'éditeur propriétaire, alors que J.-D. Guay et L.-G. Belley en sont les rédacteurs. Deux ans plus tard, J.-D. Guay en devient l'unique propriétaire et en assume seul la rédaction.

En 1907, le journal est aux prises avec d'importantes difficultés financières. C'est alors qu'apparaît J.-É.-A. Dubuc qui investit dans l'entreprise pour la sauver de la faillite. Dès l'année suivante, il forme le Syndicat des imprimeurs du Saguenay qui devient propriétaire du journal. En plus de voir à l'impression du Progrès du Saguenay, le Syndicat a aussi comme mandat d'imprimer [64] toutes sortes d'autres publications, tels que revues et livres.

Hebdomadaire jusqu'au milieu des années 1920, le Progrès du Saguenay devient bihebdomadaire en 1926, suite à son affiliation à la Canadian Press, et quotidien à partir de 1927. Au fil des ans, le journal redevient hebdomadaire puis quotidien à quelques reprises. Ceci aboutit finalement, en octobre 1964, à l'hebdomadaire Progrès-Dimanche que l'on connait encore aujourd'hui

*  *  *

Comme nous venons de le constater, la Compagnie de pulpe de Chicoutimi a été beaucoup plus qu'une simple industrie vouée à la fabrication de la pâte mécanique. En effet, avec les années, son champ d'action s'est tellement étendu qu'on peut facilement dire qu'elle a participé, d'une manière ou d'une autre, à pratiquement tous les secteurs de l'activité économique de son époque.

Fig. p. 64. Publicité de la Société des constructeurs-mécaniciens de Chicoutimi,
située sur la rue du Havre, en 1915. Source : Le Progrès du Saguenay.



Sources

Bélanger, Roland, « Bref historique de la centrale Pont-Arnaud » dans Saguenayensia, Vol. 24, nos 3-4 (juillet-décembre 1982), pp. 62-66.

Bouchard, Louise, Textes de l'exposition « Dubuc et la C.P.C. : au coeur d'un empire », La Pulperie de Chicoutimi, 1993, document non publié.

Bouchard, Russel, Val-Jalbert : un village-usine au royaume de la pulpe, Chicoutimi, Société historique du Saguenay, Coll. « Histoire des Municipalités », no 2, 1986, 42 p.

Brève histoire de l'usine à papier de Port-Alfred, 1973.

Campbell, Duncan C, Mission mondiale : Histoire d'Alcan, Vol. 1 : Jusqu'à 1950, Ontario Publishing Company Limited, 1985, 438 p.

Gagnon, Gaston, La Pulperie de Chicoutimi ; Histoire et aménagement d'un site industriel, Ville de Chicoutimi et MAC, 1988,233 p. document non publié.

Lapointe, Raoul, Histoire de l'imprimerie au Saguenay, Chicoutimi, Société historique du Saguenay, No 22, 1969, 292 p.

« Le Roberval-Saguenay reflète l'essor économique de la région » dans Saguenayensia, vol. 1, no 4 (juillet-août 1959), p. 96.

Organigramme de la North American Pulp and Paper Companies, La Pulperie de Chicoutimi, document non publié.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 28 mars 2015 11:57
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref