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Collection « Histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean »

Louise Dechêne, William Price 1810-1850 (1964)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de la thèse de Madame Louise Dechêne, William Price 1810-1850. Thèse de licence ès lettres (histoire), Institut d’histoire, Université Laval, avril 1964. [Section: Histoire régionale: Le Saguenay-Lac-Saint-Jean]. Une édition numérique réalisée par Michel Fortin, bénévole, adjoint à la mairie de Ville de Saguenay.

Introduction

LES ORIGINES DU COMMERCE DU BOIS AU CANADA 

Historique de l'exploitation forestière avant le Blocus continental.
Le commerce du bois et la politique tarifaire jusqu’en 1815.

 On distingue deux types de forêt dans l'est du Canada: la première est la grande forêt boréale ou coniférienne du bouclier canadien, dominée par l'épinette noire, le sapin baumier, le bouleau blanc. C'est le domaine actuel de l'exploitation du bois de pulpe. La seconde est la forêt mixte, qui s'étend entre cette forêt boréale et la forêt feuillue du sud. On y trouve une plus grande variété de conifères, soit l'épinette blanche, le cèdre, les pins blanc et rouge, mêlés à l'érable, à l'orme, au frêne, au chêne et autres feuillus. La forêt mixte correspond aux basses terres du Saint-Laurent, à la majeure partie de la région appalachienne, à l'exception des hauts plateaux de la Gaspésie et d'un secteur à l'ouest de la rivière Matapédia. Sur la rive nord, on trouve des enclaves de forêt mixte le long du Saguenay, autour du lac Saint-Jean, dans Charlevoix, et surtout le sud du bouclier, depuis Québec jusqu'au cours supérieur de l'Outaouais [1]. Aujourd'hui, sinon totalement défrichée, du moins appauvrie, cette forêt fut la grande source de l'exploitation forestière au XIXe siècle. 

Les premiers colons déboisèrent les terres seigneuriales en bordure du fleuve au moyen du brûlis, souvent sans égard pour les ordonnances royales visant à réserver le chêne et les grands pins. L'exploitation proprement dite, soit pour la construction navale, soit pour l'exportation de bois brut, demeura très limitée sous le Régime français. Il est cependant intéressant de noter que les techniques employées au XVIIIe siècle sont les mêmes qu'au siècle suivant [2]. Vers 1750, des cages de mâts sont formées à 35 lieues en haut de Montréal, comme sur le lac Champlain et descendues à Québec. Il y a aussi des expéditions de bois équarri, de planches, de bardeaux et de douves en France et aux Antilles. Le marquis de Vaudreuil écrit en 1716 qu'il y a abondance de scieries au Canada [3]. Au moment de la Conquête, il semble que le chêne ait à peu près disparu des basses terres du Saint-Laurent, mais il reste de vastes pineraies à l'intérieur des Seigneuries. Les régions du Haut-Canada, du lac Champlain et celles des principaux affluents de la rive nord sont à peu près intactes. Un commerce, toujours restreint, est amorcé avec l'Angleterre et les Antilles britanniques. 

L'Angleterre se ravitaille en bois dans la Baltique depuis le XVIIe siècle. Elle méprise la plupart des bois américains et n'accepte de ses colonies que les mâtures et les douves. Après la guerre d'Indépendance, elle commence à encourager la coupe des mâts dans le Nouveau-Brunswick et envoie même ses agents explorer les forêts canadiennes. On voit alors des marchands de Londres, négociant dans la Province de Québec, solliciter en leur faveur le renouvellement des primes à l'exportation des bois, jadis accordées aux colonies américaines [4]. La Grande Bretagne, ce pays sans forêt, doit importer tout son bois de construction et particulièrement ses munitions navales, soit les articles nécessaires pour la construction, l'équipement, l'entretien des navires de guerre et de commerce. Ceci comprend les poutres et madriers pour les membrures et les quilles (sapin de la Baltique), les planches pour les bordages (chêne ou orme) et les troncs de conifères pour la mâture (23 pièces pour un vaisseau de ligne). À la fin du XVIIIe siècle, les besoins de la Marine sont évalués à 30,000 loads [5] et ceux des chantiers commerciaux à quelque 20,000 loads [6]. Durant les guerres de la Révolution, les importations de bois coloniaux demeurent négligeables. L'Europe fournit presque la totalité des munitions navales et le déficit commercial chronique enregistré par l'Angleterre dans les pays baltes s'accentue [7]. D'autre part, un trust puissant contrôle le ravitaillement des chantiers, fait monter les prix et retarde l'exécution des contrats, lorsque le ministre de la Marine refuse de se plier à ses exigences. Il en résulte une pénurie de bois, dont l'Angleterre mesure toute la gravité au moment de la rupture de la Paix d'Amiens [8]

Face à cette situation alarmante, à cette saignée de capital, aux incertitudes de la guerre, le Gouvernement est prêt à abjurer ses préjugés et dépêche des agents au Canada. L'un d'eux écrira: Les marchands de bois d'Angleterre, soit à cause de leurs intérêts dans la Baltique, soit par aversion pour l'ingérence de l'État dans leur commerce, qualifient de visionnaire mon projet d'importer du bois canadien [9]. Cependant, l'Amirauté a réussi à convaincre la maison Scott et Idle de Londres d'entreprendre le commerce des bois coloniaux, moyennant le monopole canadien des fournitures gouvernementales. Ce monopole soulève une telle hostilité, que cette société demande au Gouvernement de ne pas révéler au public les termes de son contrat [10]

Mais la reprise des hostilités affecte peu les courants commerciaux dans la mer du nord et la Baltique et c'est encore vers Mémel et Riga que l'Angleterre se tourne pour regarnir ses arsenaux. Les faibles préférences douanières accordées aux bois des colonies de 1802 à 1804 s'avèrent insuffisantes pour inciter l'émigration au Canada des capitaux britanniques. Il faudra la promulgation du décret de Berlin en novembre 1806, pour que les bois des Maritimes et du Canada obtiennent véritablement une place sur le marché britannique. 

Les graphiques 2, 3, et 4 [11], présentent une comparaison des importations de bois en Angleterre, provenant de l'Europe du Nord, des Maritimes et du Canada, pour la période 1800-1815. De 1807 à 1813, le Canada est le premier fournisseur de bois de chêne, premier fournis­seur de mâts également de 1808 à 1813. Dans ces deux catégories mineures, les quantités expédiées répondent aux besoins de la Grande Bretagne. À lui seul, le bois de sapin ou de pin [12] compte pour les 5/6 des bois importés en Grande Bretagne [13]. Or durant toute la période, le Canada n'en fournit qu'une très faible quantité qui n'est pas compensée par les expéditions des Maritimes. 

Avec la fermeture des ports prussiens, le volume total des importations reste bien en deçà du niveau de 1804, qui était de 268,000 loads. Les fluctuations que l'on peut lire sur le graphique 4 ne reflètent pas tant la demande, les conditions du marché, que les épisodes du conflit européen. 

En 1806, avant même l'imposition du Blocus, le commerce entre l'Angleterre et la Prusse avait été gravement atteint. Il renaît en 1807, grâce à la protection que la flotte de guerre accorde aux navires marchands, mais les assurances et les taux du fret sont devenus prohibitifs. En 1808, le Blocus est appliqué avec plus de rigueur et les bois, trop volumineux pour être objet de contrebande, s'en trouvent affectés. Ils le demeurent en 1809, alors que les décrets sont inefficaces pour des marchandises moins pondéreuses [14]. En même temps, l'embargo américain crée une pénurie de douves, qui menace l'important commerce méditerranéen et sud-américain dont vit l'Angleterre. 

À eux seuls, les prix élevés du bois ne peuvent détourner vers le Canada les capitaux investis dans la Baltique. Les marchands préfèrent attendre la fin des difficultés européennes, à moins que le Gouvernement ne leur offre des garanties sérieuses. Ces garanties leur sont votées avec la loi de 1809 qui porte le tarif sur les bois étrangers à 27s. le load, et celle de 1810, qui le hausse à 54s. 

En 1810, le commerce du bois européen reste entravé et le Canada accroît ses exportations de pin [15]. Depuis le premier train de flottage descendu de l'Outaouais en 1808, le commerce s'organise, de nouveaux comp­toirs sont créés à Québec. Mais avant même que le mouvement ait pris une certaine ampleur, la conjoncture se dégrade brusquement. La crise qui avait frappé la plupart des secteurs industriels britanniques l'année précédente, atteint la construction navale en 1812. Les investissements productifs ayant été très faibles durant toute la période dominée par l'effort de guerre, nulle demande dans le secteur de la construction ne vient contrebalancer le marasme dans les arsenaux. Cette baisse de la demande sera suivie en 1814 et 1815 d'une brusque baisse des prix du bois. Avec le commerce libéré, les craintes de disettes oubliées, prend fin l'inflation [16]

En plus de souffrir de la conjoncture du marché anglais, le commerce canadien subit le contrecoup de la guerre de 1812. Avec les risques de la navigation, les coûts de fret et d'assurances sur l'Atlantique augmentent. Le marasme sera de longue durée, alors que, dès 1813, les bois de la Baltique reprennent la première place sur le marché britannique, pour la conserver jusqu'en 1816. Les taux de fret européens sont encore élevés, mais dans l'euphorie spéculative qui s'empare de l'Angleterre à la fin des hostilités, les intérêts de la Baltique espèrent encore conserver leur marché, malgré les récents tarifs. Menacés, les importateurs de bois coloniaux lancent une nouvelle offensive et le gouvernement déjà trop engagé envers eux, doit consentir en 1814 à porter le tarif à 65s. le load. Les effets de cette politique, momentanément amortis par la conjoncture défavorable, commenceront lentement à se faire sentir dans les années suivantes. 

Un commerce artificiellement fondé en temps de guerre devait tenter de survivre à la paix, parfaire ses techniques et conserver son marché. Si l'on considère l'ensemble de la période 1808-1815, on peut conclure que ce furent là des années difficiles pour le marchand de bois de Québec. C'est durant cette période incertaine, que William Price fait au Canada l'apprentissage du commerce. 

* * *


[1] Jacques Rousseau, La forêt mixte du Québec dans la perspective historique, C.G.Q., XIII, octobre 1962, 114.

[2] A.R.M. Lower, The Forest in New France, RCHA, 1928, 78 à 91.

[3] Loc. cit.

[4] Mémoire des marchands anglais à Lord Sydney, Doc. Const., 1759-1791, 781p.

[5] Le load = 50 pieds cubes de bois.

[6] G.G. Albion, Forest and sea power – The Timber problem of the Royal Navy, 1652-1862, 21ss.

[7] Ibid., 162.

[8] Ibid., 186ss.

[9] Gerald S. Graham, Sea Power and British Noth America, 1783-1820, 146.

[10] Archives du Canada, Q, vol. 106 – II : 552-554, cité par Graham, op. cit., 147.

[11] Voir appendice A, pages 68,69,70.

[12] Le pin du Canada remplace le sapin de la Baltique.

[13] Gayer, Rostow and Schwartz, The Growth and fluctuation of the British Economy, l790-1850, II: 791.

[14] François Crouzet, L'Économie Britannique et le Blocus Continental, I, deuxième partie.

[15] En 1811, selon les statistiques britanniques, appendice B, tableau 11, p. 80, les exportations canadiennes auraient augmenté, tandis que les statistiques du port de Québec enregistrent une baisse pour cette même année, (appendice A, graphique 6, p. 73).

[16] Ces problèmes sont étudiés à fond dans les ouvrages de Gayer, Rostow et Schwartz, et de François Crouzet, précédemment cités.


Retour au texte de l'auteur: Eugène l'Heureux, directeur “Progrès du Saguenay” Dernière mise à jour de cette page le samedi 24 février 2007 19:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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