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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Guy Coutu, L’industrialisation du Saguenay—Lac-Saint-Jean, 1896-1929, in ouvrage sous la direction de Jean-François Hébert, LA PULPERIE DE CHICOUTIMI. UN SIÈCLE D’HISTOIRE, pp. 11-20. Chicoutimi: Musée de La Pulperie de Chicoutimi, 1998, 100 pp. [Le 5 juin 2014, la direction du Musée de la Pulperie de Chicoutimi, conjointement avec les auteurs, nous a accordé son autorisation de diffuser ce livre, en accès libre à tous, en version numérique, dans Les Classiques des sciences sociales.]

[11]

Guy Coutu

Historien et muséologue

L’industrialisation
du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
1896-1929
.”

In ouvrage sous la direction de Jean-François Hébert, LA PULPERIE DE CHICOUTIMI. UN SIÈCLE D’HISTOIRE, pp. 11-20. Chicoutimi : Musée de La Pulperie de Chicoutimi, 1998, 100 pp.


Il est intéressant de constater que toute la période d'activité des usines de pulpe de Chicoutimi (1897-1930) s'inscrit dans le cadre chronologique d'une période économique qu'on a qualifiée « d'âge d'or du capitalisme » [1], celle des années 1896 à 1929.

En effet, 1896 marque le début d'une phase de croissance économique et de prospérité sans précédent dans les pays industrialisés, qui va durer jusqu'en 1929, et ce malgré l'alternance de cycles plus courts correspondant à des fluctuations à court terme, cycles ayant chacun une phase de hausse et de baisse comme en témoignent les petites récessions de 1904, 1907, 1913-1914 et celle plus importante de 1922-1924.

Pendant toute cette période, les nouvelles entreprises se multiplient, les besoins en nouveaux capitaux augmentent. Les prix et les bénéfices suivent cette tendance généralisée à la hausse. C'est l'époque des grandes réussites bourgeoises dues aux profits de l'industrie.

Le Canada et le Québec profitent également de la nouvelle conjoncture internationale. Les gouvernements et les entreprises se lancent dans de vastes projets de développement. Pensons à la croissance agricole prodigieuse de l'Ouest canadien, à la construction de deux nouveaux chemins de fer transcontinentaux, à l'essor industriel de plusieurs nouvelles régions : le sud de l'Ontario, la Mauricie, etc.

Au Saguenay—Lac-Saint-Jean, 1896 est également, et pour les mêmes raisons, une date-charnière importante : c'est l'année de création de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi (C.P.C.), qui marque incontestablement les véritables débuts de l'industrialisation de la région.

Autre date majeure, celle-là fatidique : 1930 ! C'est l'année de la fermeture définitive des usines de pulpe et le début d'une crise économique qui va durer près de dix ans et plonger Chicoutimi, la région et l'ensemble des pays industrialisés dans un profond marasme économique et social.

Ce n'est pas une coïncidence si la naissance et la mort de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi s'inscrivent si précisément sur le tracé macro-économique des pays industrialisés. Cela reflète à quel point le développement de la C.P.C., comme celui d'ailleurs de la majorité des autres industries québécoises au début du siècle, a toujours été lié à la conjoncture internationale, dépendant qu'il était des capitaux et des marchés étrangers, principalement britanniques et nord-américains. L'histoire et le sort de la C.P.C. témoignent amplement des dangers de cette dépendance régionale.

Il nous faut également constater une autre dépendance incontestable des industries, au niveau de leur source d'énergie, qui provient... de l'eau ! Tout au long du XIXe siècle, c'est l'eau des rivières qui entraîne les roues à aubes et actionne les mécanismes des scieries. Au tournant du siècle, c'est encore cette même force hydraulique qui fait tourner les turbines de la C.P.C. et par elles fait fonctionner ses machines, au moyen d'arbres et de courroies de transmission.

Par contre, les premières décennies du XXe siècle voient s'amorcer le règne de l'hydroélectricité et la généralisation de son utilisation. Dès lors, c'est la disponibilité, en quantités sans cesse croissantes, de cette nouvelle et très performante source d'énergie qui détermine la capacité de démarrage et de développement des projets industriels. Et comme la technologie de l'époque ne permet pas de transporter à bas prix de grandes quantités d'électricité sur de longues distances, il est alors nécessaire de disposer, sur place ou tout près, de cette prodigieuse ressource énergétique.

C'est donc la formidable capacité de production hydroélectrique de la région qui, en s'ajoutant à ses immenses réserves forestières, a permis l'établissement ici des grandes industries modernes, consommatrices d'énergie, telles les papeteries et les alumineries !

Industrialisation et hydroélectricité vont de pair : plus l'industrie est lourde, plus elle est basée sur l'hydroélectricité... et plus elle exigera de capitaux. Voyons comment cette relation particulière s'est développée au fil des progrès de l'industrialisation régionale !

[12]

Fig. p. 12. La pulperie de Jonquière qui sera convertie en papeterie par la compagnie Price en 1909.
Source : ANQC, fonds SHS.

Avant 1896

L'industrialisation du Québec démarre lentement dans la seconde moitié du XIXe siècle. Pendant toute cette période, jusqu'à 1896, les seules industries existantes dans la région sont de petites et moyennes entreprises, souvent de type familial. Elles disposent de capitaux tout juste suffisants et utilisent pour leurs besoins énergétiques la force hydraulique des rivières.

Les plus récentes ont rapport à l'industrie laitière et fromagère, qui amorce son âge d'or au cours des années 1890 : la région compte 27 fromageries en 1891, 80 en 1901, 120 en 1911 produisant alors 10,8% de tout le fromage québécois. Malgré tout, ce sont de petits établissements familiaux, qui n'emploient qu'une ou deux personnes [2].

Les plus anciennes appartiennent à l'industrie forestière, qui a été à la base de l'ouverture de la région à la colonisation. Malgré le déclin progressif qu'a connu cette industrie au Saguenay depuis 1870, son importance demeure tout de même grande jusqu'à la fin du XIXe siècle, grâce surtout aux scieries commerciales du Lac-Saint-Jean — comme celle de B.A. Scott à Roberval, qui emploie 150 hommes dès 1890.

En 1891, on compte encore une quarantaine de scieries dans la région : jusqu'au début du XXe siècle, elles vont continuer à employer plus de la moitié de la main-d'oeuvre industrielle régionale. Il faudra attendre 1911, et le développement de l'industrie des pâtes et papiers, pour que cette proportion descende à moins de 50% [3].

Même les grandes scieries de Price dans la région, au XIXe siècle, n'ont pas, malgré leur taille, un caractère véritablement industriel comme on l'entend de nos jours. Le fonctionnement et le développement de leur machinerie sont limités par l'importance de la force hydraulique des rivières et surtout par sa disponibilité : il faut fermer les scieries durant l'hiver en raison du manque d'eau !

Toutes ces activités de transformation ne sont donc pas des activités industrielles à proprement parler ; ce sont des activités saisonnières qui utilisent une technologie très simple et qui nécessitent peu de capital mais beaucoup de main-d'oeuvre.

1896 : Une première grande industrie :
la Compagnie de pulpe de Chicoutimi


Il faut attendre 1896, le retour de la prospérité et la formation de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi pour que change la nature du processus d'industrialisation dans la région. On peut en effet considérer la C.P.C. comme la première véritable grande entreprise à caractère industriel de la région. Sa production peut être qualifiée d'industrielle, selon la définition qu'on reconnaît à ce mot, au sens figuré : ce qui est produit « en très grande quantité, sur une grande échelle ». Ce qui est confirmé par le fait qu'elle requiert :

  • des investissements considérables (cependant la provenance des capitaux de départ n'a pas changé : ils proviennent en majorité d'hommes d'affaires de Chicoutimi et de Québec, issus de la bourgeoisie marchande et professionnelle) ;
  • une technologie de plus en plus spécialisée et des machines sans cesse plus performantes ;
  • de très grandes usines ;
  • de grandes quantités d'énergie ;
  • une main-d’œuvre nombreuse toute l'année, constituée en classe ouvrière ;
  • des marchés extra-régionaux vers lesquels est exportée la majeure partie de cette production.

Le démarrage des opérations de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi, en janvier 1898, est rendu possible par l'utilisation de la force motrice de la rivière Chicoutimi, canalisée vers les turbines hydrauliques de l'usine par une énorme conduite d'amenée d'eau de 46 mètres de longueur et 3,5 mètres de diamètre.

Fait nouveau, l'une des cinq turbines alimente une dynamo produisant de l'électricité utilisée pour éclairer l'usine ainsi qu'une partie de la ville de Chicoutimi ! C'est en effet en 1897 que le gouvernement a accordé la première concession d'un pouvoir d'eau dans la région, en vue de produire de l'hydroélectricité ; c'était à J.-É.-A. Dubuc, sur la rivière Chicoutimi ! [4]

Rappelons que c'est seulement du début des années 1890 que date la domestication de l'hydroélectricité à bon marché, permettant ainsi à l'électricité de détrôner la vapeur comme source d'énergie. Si Thomas Edison inaugure à New York, en 1882, son prototype de centrale électrique, il faut attendre 1895 pour voir la fin de la construction du barrage de Niagara Falls et l'entrée en production de la première centrale industrielle en Amérique. Au Québec, le premier grand [13] barrage hydroélectrique est mis en chantier en 1898 à Shawinigan, sur le Saint-Maurice. Le Québec entre donc à peu près en même temps que les États-Unis dans l'ère de l'électricité ! [5]

La réussite exemplaire de la C.P.C. à ses débuts suscite des imitateurs et des concurrents. Au cours des années suivantes, plusieurs autres pulperies voient le jour dans la région. Un tel phénomène est courant à l'époque. Partout au Québec, les années 1900-1910 se caractérisent par la création d'une multitude d'entreprises qui contribuent au développement rapide de l'industrie (son taux annuel de croissance dépasse 5%) [6].

Toutes ces pulperies, mises sur pied par des régionaux, sont de petite taille et ne vont pas tarder soit à disparaître (Saint-André de l'Épouvante, 1900-1902 ; Saint-Amédée de Péribonka, 1901-1913), soit à être récupérées et réaménagées par de grandes compagnies (Jonquière, 1900 ; Val-Jalbert, 1901-1927 ; Port-Alfred, 1918 ; Desbiens, 1922-1981). Quoiqu'il en soit, en 1910 les pulperies régionales produisent plus de 100 000 tonnes de pâte par année, soit près de la moitié de la production québécoise. [7]

1900-1910 :
Les premières papeteries


En même temps que la Compagnie de pulpe de Chicoutimi prend son essor sous la gouverne avisée de J.-É.-A. Dubuc, la compagnie Price connaît des heures difficiles. À la mort de son oncle Evan-John Price en août 1899, c'est William Price III qui devient directeur de l'entreprise familiale, la Price Brothers, alors moribonde. Il choisit de la réorganiser en la liquidant et en mettant sur pied une nouvelle compagnie publique, la Price Brothers Ltée, avec un capital-actions de 2 000 000$.

Homme d'affaires avisé, il suit de près les développements du monde des affaires, notamment les nouvelles entreprises de pâtes à papier qui s'implantent au même moment en Mauricie, vers 1900 (la Laurentide à Grand-Mère, la Brown Corp à La Tuque, la Belgo Canadian Pulp à Shawinigan). La plupart de ces nouvelles entreprises ne produisent au début que de la pulpe, exportée pour être transformée en papier à l'étranger. Elles optent rapidement pour fabriquer elles-mêmes du papier journal, afin d'accroître leur rentabilité.

C'est le choix que fait William Price ! Il entreprend dès lors de transformer la vieille industrie familiale de bois d'oeuvre en une industrie moderne de pulpe et papier, d'autant plus que la compagnie dispose encore d'immenses réserves forestières s'étendant sur 15 540 kilomètres carrés. [8]

Il commence par acheter en 1902 la pulperie de Jonquière, qui vient d'ouvrir ses portes en novembre 1900 sur les bords de la rivière aux Sables. Il l'agrandit et la modernise en y installant, en 1903, une petite machine à carton de 178 cm qui absorbe toute la production de pulpe (la pulpe se vend alors 20$ la tonne, le carton 40$). En 1909, il la transforme finalement en papeterie, en y ajoutant une machine à papier Fourdrinier de 280 cm, capable de produire 25 tonnes de papier journal par jour. [9]

Même si les deux compagnies (C.P.C. et Price) connaissent un développement différent, un problème commun se pose à elles : le besoin d'un approvisionnement suffisant et régulier en eau et en énergie pour garantir leur production respective. Pour ce faire, une seule solution : il faut construire des barrages !

Leur rôle est primordial. Un barrage crée un réservoir qui emmagasine l'eau et assure un débit d'eau minimum constant à la centrale qui y est souvent intégrée (ce sera le cas à Isle-Maligne, à la sortie du lac Saint-Jean) ou à celles situées en aval (c'est le cas au lac Kénogami). Cette régularisation du débit est essentielle au fonctionnement continu des centrales qui produisent l'énergie électrique nécessaire aux usines.

Dès 1900, Dubuc négocie donc une entente avec la nouvelle Compagnie de pulpe de Jonquière, créée en 1899, pour régulariser et utiliser l'eau du lac Kénogami, qui alimente les deux pulperies par deux rivières différentes. Il fait construire un barrage en bois au Portage-des-Roches pour relever de près de trois mètres le niveau du lac Kénogami. Il collabore également avec la pulperie de Jonquière pour la construction du barrage de Pibrac sur la rivière aux Sables [10]. Cependant ces aménagements sont tout juste suffisants pour faire fonctionner les moulins à pleine capacité sept ou huit mois par année ! [11]

Il faudra attendre les années 1920 pour qu'une solution définitive soit trouvée. Dubuc et Price s'associeront alors au projet d'endiguement du lac Kénogami et à la construction par le [14] gouvernement, en 1923, de quatre digues en terre et en pierre et de deux grands barrages en béton : Portage-des-Roches et Pibrac. Ces travaux d'envergure permettront de hausser de près de dix mètres le niveau du lac et de tripler sa superficie, qui passera de 20 à 60 kilomètres carrés. Le réservoir artificiel ainsi créé sera assez vaste pour assurer aux usines en aval une production normale toute l'année.

1910 : L'essor des papeteries

Même si pendant les années 1910-1920 le taux de croissance annuelle de l'économie québécoise est nettement moins rapide que pendant la décennie précédente (il est inférieur à 2%), plusieurs facteurs favorisent l'émergence et le développement du secteur des papeteries, dans la région comme ailleurs au Québec.

En avril 1910, le gouvernement du Québec passe une loi qui interdit d'exporter à l'état brut le bois à pâte coupé sur les terres publiques —comme l'Ontario l'a fait en 1900—ce qui oblige les Américains à acheter au Québec du bois transformé sous forme de pâte ou de papier fini... ou à venir le transformer sur place. Ce que plusieurs compagnies américaines choisissent de faire ! [12]

Cette mesure favorise donc les investissements américains dans l'industrie québécoise des pâtes et papiers, entre 1915 et 1925, et stimule grandement la production dont la valeur augmente en flèche : de 7 400 000$ en 1905, elle passe à 14 000 000$ en 1910, 64 500 000$ en 1919,75 000 000$ en 1922 pour finalement atteindre 130 000 000$ en 1929 [13]. Cette hausse spectaculaire s'explique également par le fait qu'après 1913 le papier à journal canadien entre en franchise aux États-Unis (tarif Underwood), ce qui avantage encore plus les producteurs canadiens ou du moins ceux établis au Canada.

Les années 1910 voient également l'apparition des imposantes machines à papier modernes, conçues pour la production à grande vitesse du papier journal, et le développement spectaculaire des papeteries de William Price.

Fort du succès remporté depuis 1909 au moulin de Jonquière, Price va de l'avant et décide, en 1910, de produire du papier journal sur une plus grande échelle. C'est à Kénogami, au confluent des rivières aux Sables et Saguenay, qu'il construit en 1911 -1912 la première vraie papeterie de la région : ses trois machines à papier de 396 cm fournissent alors 150 tonnes de papier journal par jour, ce qui fait d'elle l'une des plus importantes au monde. En même temps, fin 1912, s'achève la construction de la centrale électrique de Chute-à-Bezi, tout près, qui fournit les 15 000 c.v. nécessaires au fonctionnement de la nouvelle papeterie.

L'ajout de quatre autres machines, deux en 1917 et deux autres en 1924, haussera sa production quotidienne à 260 tonnes puis à 500 tonnes, ce qui fera alors de l'agglomération Jonquière-Kénogami le plus grand producteur de papier journal au Canada !

Les années 1910 sont aussi celles de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Tous les secteurs de l'activité économique tournent à plein régime pour répondre aux besoins constants des forces armées. La conjoncture économique de l'effort de guerre contribue fortement à l'expansion de l'agriculture et des industries, entre autres la C.P.C. Tous investissent beaucoup pour produire davantage !

C'est pourquoi Dubuc entreprend, en 1917-1918, la construction d'une usine de pulpe chimique sur le bord de la baie des Ha ! Ha ! Le but est de fournir davantage de pulpe à l'Angleterre, alors privée de la pulpe Scandinave en raison de la guerre. L'usine commence à produire de la pâte chimique en 1918 : 45 000 tonnes par année, toutes exportées en Angleterre. Une ville se crée en 1919 autour de l'usine : Port-Alfred, ainsi nommée en l'honneur de J.-É.-Alfred Dubuc. Elle compte 240 habitants en 1920, 1 200 en 1921 et bientôt 2 500 en 1927.

1920 : L'après-guerre

La fin de l'effort de guerre et le retour à la paix provoquent, autant dans l'industrie [15] que dans l'agriculture, une grave crise de reconversion. La baisse de la demande extérieure conjuguée à la surcapacité de production développée pendant la guerre entraînent une brutale baisse des prix, qui reviennent à leur niveau d'avant-guerre. S'ajoutent à cela une hausse du coût de la vie et des problèmes majeurs d'endettement, dus aux investissements importants consentis pour accroître la production.

Quoique de courte durée, de 1921 à 1924, cette récession généralisée frappe durement le Québec car elle touche tous les secteurs [14]. Ainsi, la valeur brute de la production agricole chute dramatiquement de 266 000 000$ en 1920 à 184 000 000$ en 1921 puis 154 000 000$ en 1922 et 135 000 000$ en 1923 [15] (elle finira par remonter à 159 000 000$ en 1927) [16]. Cette crise agricole entraîne dès 1922 une hausse de l'émigration vers les villes et vers les États-Unis.

Fig. p. 15. Le barrage de Portage-des-Roches à la décharge du lac Kénogami dans la rivière Chicoutimi. Source : ANQC, fonds SHS.

D'autre part, c'est toute l'industrie québécoise de la pulpe qui se retrouve en difficulté. Les profits de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi chutent de moitié, ce qui s'explique par l'abolition de la régie des prix au Canada et aux États-Unis et par la reprise de la compétition des pays Scandinaves, qui vendent leur pulpe moins cher en raison des salaires moins élevés [17]. La situation est pire pour la pulperie de Port-Alfred, qui se voit liquidée en juin 1922, suite à la faillite d'un important actionnaire anglais. Elle passera en juillet 1924 aux mains de la Port-Alfred Pulp & Paper, qui la réorganisera et la transformera en papeterie.

Il faut dire que c'est tout le marché de la pulpe qui est alors en voie de se détériorer de façon irrémédiable. La pulpe est un produit semi-fini, de plus en plus vulnérable sur les marchés mondiaux face à un produit fini à valeur ajoutée, donc plus rentable, comme le papier. Au fur et à mesure que la production québécoise de papier journal s'accroît (elle quintuplera entre 1918 et 19281), les exportations de pulpe diminuent, ce qui réduit d'autant la marge de profit déjà mince des pulperies. Leur situation financière va donc aller en se détériorant tout au long des années 1920 [18]. La grande majorité de celles encore en activité fermeront leurs portes avant la fin de cette décennie (Val-Jalbert en 1927, Chicoutimi en 1930).

Pour résoudre la crise, qui frappe durement le secteur agricole, et pour contrer l'émigration vers les États-Unis, le gouvernement libéral de l'époque, celui d'Alexandre Taschereau, choisit d'accélérer le développement industriel en faisant tout pour attirer les capitaux étrangers. Il fait de l'énergie électrique la clef de voûte de sa politique industrielle et offre aux compagnies étrangères des conditions alléchantes pour utiliser les abondantes ressources hydrauliques de la province, à condition qu'elles viennent établir au Québec des centres industriels créateurs d'emploi... Il renforcera cette politique en 1926 en faisant voter une loi interdisant d'exporter aux États-Unis l'électricité produite dans la province [19].

L'opposition blâme cette « politique d'industrialisation à [16] outrance au profit des étrangers », cette vente du Québec aux Américains [20]. Les nationalistes s'inquiètent quant à eux des conséquences dangereuses de cette « invasion » américaine sur les valeurs traditionnelles, culturelles, religieuses et agricoles des Canadiens français.

De son côté, le premier ministre Taschereau a beau jeu d'en montrer les avantages, comme en fait foi le slogan qu'il utilise dans ses discours : « l'opposition nous reproche d'importer des dollars américains, mais j'aime mieux importer des dollars américains qu'exporter des Canadiens aux États-Unis » [21]. Ce qui lui permettra, aux élections de mai 1927, de faire élire 75 députés sur 85 et d'obtenir 62,7% du vote ! [22]

D'autre part, cette pénétration américaine est encouragée par la Politique nationale du gouvernement libéral en place à Ottawa depuis 1896. L'un des éléments de cette politique, qui sera maintenue jusqu'à la crise des années 1930, est la protection des industries canadiennes par l'imposition de tarifs douaniers. Par contre, un effet pervers de cette politique est de favoriser l'implantation américaine. Il suffit aux entreprises américaines de créer des filiales canadiennes pour contourner « le mur tarifaire » et faire pénétrer leurs produits au Canada. [23]

1924-1929 : « Les années folles »

Après la brève récession de 1921-1924, le retour à la prospérité s'amorce en 1924-1925, s'accélère en 1926-1927 et se poursuit sans défaillance pendant les deux années suivantes, jusqu'à la Crise. Ce sont les « années folles », des années de surinvestissement, mais aussi, en contrepartie, d'endettement accru, qui vont se terminer abruptement avec le krach de Wall Street en octobre 1929.

Les années 1920 constituent une période faste pour la grande majorité des nouvelles industries, tant au Québec qu'au Canada. C'est ce que reflète le taux moyen annuel de croissance de la production manufacturée québécoise, qui est de plus de 6% pour la décennie 1920-1930, le plus haut taux enregistré au XXe siècle [24]. L'évolution de ce taux est également significative. Il passe de -6,26% en 1924 à 2,10% en 1925, puis à 12,25% en 1926, 11,56% en 1927, 8,60% en 1928 et 8,61%en1929. [25]

La raison principale de cette croissance exceptionnelle est à coup sûr l'arrivée massive au pays de capitaux étrangers. Les investissements étrangers au Canada passent de 1,2 milliard de dollars en 1900 (dont 85% sont britanniques) à 7,6 milliards en 1930 (dont 61% sont américains) [26]. Il faut noter le renversement de tendance : alors qu'en 1914 les Américains ne possèdent que 23% des capitaux étrangers investis au Canada (1,6 milliard de dollars en 1918), leur part augmente à 61 % en 1930 (4,6 milliards de dollars sur 7,6 milliards) [27].

C'est que la Première Guerre mondiale a vu les États-Unis sortir de leur isolationnisme, intervenir sur les champs de bataille en Europe et remplacer l'Angleterre comme principale puissance mondiale. Après la guerre, forts de leur puissance, ils continuent sur leur lancée et interviennent désormais sur les principaux marchés financiers et économiques.

Un grand nombre des entreprises américaines installées au Canada se sont établies au pays de 1920 à 1929 [28]. En Ontario, elles sont liées en grande partie à l'industrie de l'automobile ; au Québec, et dans la région en particulier, elles ont investi dans l'exploitation des richesses naturelles et dans le développement des industries de production, telles les pâtes et papiers, ce que traduit la hausse particulièrement forte du taux de croissance de ce secteur : -5,29% en 1924, +14,46% en 1925, +21,61% en 1926 ! [29]

Pendant cette période, courte mais intense et fébrile, l'industrialisation se poursuit à un rythme extrêmement rapide. Les projets industriels d'envergure se multiplient un peu partout au Québec, financés en grande partie par des magnats américains. Ces projets, qui nécessitent beaucoup de main-d’œuvre, créent de l'emploi et attirent l'excédent de population rurale [30]. L'on délaisse la terre pour aller travailler à l'usine, « en ville ». Ce sont surtout ces nouveaux prolétaires qui seront durement touchés par le chômage chronique des années '30.

Tous les secteurs industriels connaissent des développements majeurs. Citons ceux de l'amiante (la John-Manville à Asbestos), des textiles (la Canadian Celanese à Drummondville), de l'aluminium (Alcoa à Arvida), de l'hydroélectricité (projets d'Isle-Maligne, de Gatineau, etc.) et, plus particulièrement, le secteur des pâtes et papiers, qui connaît un développement spectaculaire à partir de 1925. Plusieurs papeteries sont agrandies et de nouvelles sont construites partout au Québec ; par exemple la Canadian International Paper s'établit à Trois-Rivières en 1925, à Gatineau en 1926, puis à La Tuque. La région obtient elle aussi sa large part dans ce développement spectaculaire :

  • en 1922, la Saint-Raymond Paper Co. construit une usine de pâte chimique à Desbiens, usine qui demeurera en activité jusqu'en 1981 ;

  • en 1925, la compagnie Price inaugure à Riverbend sa nouvelle papeterie, l'une des premières usines au monde à fonctionner totalement et uniquement à l'électricité (la construction de l'usine donne naissance à la ville du même nom, qui sera fusionnée en 1962 avec Isle-Maligne et Aima) ; aux deux machines à papier de 1926 s'en ajoutent quatre autres en 1929 ;

  • en 1926, la pulperie de la Baie des Ha ! Ha ! est transformée en papeterie par la Port-Alfred Pulp & Paper Co., laquelle sera intégrée à la Canada Power & Paper Co. en 1928, qui deviendra la Consolidated Paper en 1931 [31] ;

  • finalement en 1926-1927, la Lake Saint John Pulp & Paper construit une papeterie à Dolbeau, donnant ainsi naissance à la ville de Dolbeau ; c'est  [17] la chaîne américaine de journaux Hearst qui est à la fois bailleur de fonds, propriétaire et client principal ; ses deux machines à papier journal produisent dès le début près de 300 tonnes par jour ; l'usine passera plus tard aux mains de la Saint Lawrence Paper Mills, puis de Domtar en 1961.

C'est donc grâce à ces abondants capitaux étrangers qu'en 1926 le Québec dépasse les États-Unis pour la production de pulpe et de papier et l'Ontario pour celle de l'énergie électrique ! [32] Mais cette course à l'investissement amène une surcapacité de production, une concurrence effrénée et, à partir de 1925, une guerre des prix du papier qui conduira à l'élimination de plusieurs sociétés papetières, dont la Québec Pulp and Paper Company en 1927, qui avait repris depuis deux ans les actifs de la C.P.C. suite à la faillite de celle-ci.

1923-1926 : Isle-Maligne

Un autre secteur qui connaît au même moment des développements tout aussi spectaculaires... et coûteux est celui des aménagements hydroélectriques. En quatre ans, la puissance des turbines installées au Québec double presque, passant de 1 136 000 c.v. en 1923 à 2 069 000 en 1927, puis à 2 595 000 en 1929 (elle n'était que de 83 000 c.v. en 1900) [33]. On construit de nouvelles centrales un peu partout au Québec dans les années '20 : sur la rivière Gatineau, sur le Saint-Maurice, sur le Saint-Laurent même, à Beauhamois (1929-1932) et, bien sûr, sur le Saguenay.

C'est que tout projet d'agrandissement ou de construction de nouvelle usine ou papeterie augmente les besoins en énergie électrique. Et pour réaliser un projet industriel, son promoteur a besoin d'une garantie d'approvisionnement en énergie.

C'est le cas de William Price III en 1920. Il exploite déjà deux usines à papier au Saguenay (à Jonquière et Kénogami) ; il vient de les agrandir et projette d'en construire une troisième, fonctionnant entièrement à l'électricité, à Riverbend, sur l'île d'Alma (elle entrera en opération en 1925). Pour ce faire, il a besoin d'électricité, de beaucoup d'électricité : 200 000 chevaux-vapeur !

Entre alors en scène James Buchanan Duke, industriel américain milliardaire, président de l'American Tobacco. Lors d'une visite dans la région en 1912, il a découvert l'énorme potentiel hydroélectrique des nombreux rapides de la rivière Saguenay, notamment à Isle-Maligne et à Chute-à-Caron. Il a acheté en 1913 les droits d'utilisation des « pouvoirs hydrauliques » de la rivière Saguenay et créé, en octobre de la même année, avec d'autres actionnaires, la Québec Development, dans le but de construire une usine hydroélectrique importante à la Grande-Décharge. La réalisation de son projet sera cependant retardée jusqu'en 1922, en raison de la Première Guerre mondiale et en l'absence d'acheteur pour l'électricité qu'il comptait produire.

En 1920, en raison de la convergence de leurs intérêts, Price s'associe donc à Duke en acquérant 25% des actions de la Québec Development. Par la suite, pour mieux financer la construction de la centrale d'Isle-Maligne, le duo Duke-Price forme en décembre 1922 la Duke Price Power Company, dotée d'un capital de 12 000 000$.

Fig. p. 17. La papeterie de Riverbend de la compagnie Price, vers 1927. Source : ANQC, fonds SHS.

Le projet est réalisé de 1923 à 1926. Il implique au point de départ l'endiguement du lac Saint-Jean et son relèvement jusqu'à 5,18 mètres au-dessus de son niveau habituel d'été. Pour ce faire, l'on construit le barrage principal en béton de 220 mètres de longueur par 50 mètres de largeur, deux digues en terre et cinq déversoirs avec vannes d'évacuation. L'eau ainsi accumulée alimente les douze turbines de la centrale, qui se trouve pour un temps être la plus importante au monde.

Les 540 000 chevaux-vapeur produits à Isle-Maligne serviront à alimenter en énergie, non seulement la nouvelle papeterie Price à Riverbend, la papeterie de Port-Alfred et la future papeterie de Dolbeau (1927), mais également, jusqu'à ce que Chute-à-Caron prenne la relève, la nouvelle aluminerie que la compagnie américaine [18] Alcoa (Aluminium Company of America) est en train de construire à Arvida.

Fig. p. 18. Les usines de l'Alcan, à Arvida, au milieu des années '40. Source : ANQC, fonds SHS.


1926 : Une nouvelle industrie :
l'aluminium !


Au début des années '20, c'est la forte demande d'aluminium à travers le monde qui incite Alcoa, alors le plus grand producteur d'aluminium en Amérique, à accroître sa production. Déjà établie à Shawinigan depuis 1900, elle choisit de construire, en 1925-1926, une nouvelle aluminerie entre Jonquière et Chicoutimi ; cette aluminerie serait alimentée en électricité par un puissant complexe hydroélectrique devant être aménagé au pied de la Chute-à-Caron, à quelques milles de là, et pouvant produire 800 000 chevaux-vapeur. Il s'agit d'un projet global de 75 000 000$ pouvant créer de 5 000 à 6 000 emplois, et qui inclut la construction d'une ville entièrement nouvelle, Arvida, pour loger les employés.

Ce choix du Saguenay s'explique bien sûr par la disponibilité d'une main-d’œuvre bon marché et l'existence d'une voie d'eau navigable pour faciliter l'importation des matières premières (la bauxite, principalement) et l'exportation des lingots d'aluminium. Il s'explique aussi et surtout par la proximité de ressources hydroélectriques abondantes, la production d'aluminium étant une industrie très énergivore : la production d'une livre d'aluminium nécessitait, à l'époque, l'utilisation d'environ 12 kWh d'électricité.

Il est intéressant de noter que le même scénario se répète à un quart de siècle d'intervalle : c'est en effet la construction du barrage et de la centrale de Shawinigan en 1898 qui a permis l'installation dans cette ville de la première aluminerie d’Alcoa au Québec, mise en service en 1901.

L'aluminerie est construite en 1925-1926 à Arvida (le nom provient des initiales du président de la compagnie : ARthur VIning DAvis) et produit son premier lingot en 1926. L'usine emploie alors 1 600 employés et possède une capacité de [19] production annuelle de 30 000 tonnes d'aluminium : l'objectif visé à long terme est de 300 000 tonnes par année.

Quant au complexe hydroélectrique projeté, il ne se réalisera que plus tard, en deux phases : la centrale de Chute-à-Caron sera construite de 1928 à 1931 ; la grande dépression des années '30 fera en sorte que la construction de l'autre centrale, tout près de là, à Shipshaw, ne se fera qu'en 1940-1942, dans le contexte de l'effort de guerre.

En attendant, suite au décès de J. B. Duke en 1924, Alcoa achète de sa succession, en août 1925, tous les droits hydrauliques que Duke détenait dans la partie supérieure du Saguenay. Puis, en mai 1926, elle rachète, au coût de 37 000 000$, tous les actifs de la Duke-Price et prend ainsi le contrôle du projet d'Isle-Maligne.

Installée pour de bon au Saguenay, Alcoa crée en 1928 Alcan (Aluminium Company of Canada) pour gérer l'usine d'Arvida et ses diverses compagnies tributaires, entre autres les installations portuaires de Port-Alfred et le chemin de fer Roberval-Saguenay reliant l'usine d'Arvida au port. Alcan deviendra rapidement la plus importante filiale d’Alcoa, au point de se détacher de sa compagnie-mère en 1950.

Fig. p. 19. La papeterie de Dolbeau de la Lake St. John Power & Paper Co. Ltd.
Source : ANQC, fonds SHS.



1929 : La grande dépression

Cette croissance industrielle effrénée dure jusqu'en 1929, année qui voit l'effondrement de la structure économique des pays industrialisés et l'amorce d'une grande dépression et d'une stagnation qui vont durer près de dix ans.

Cette période s'avère extrêmement difficile pour l'industrie québécoise, entre autres pour celle des pâtes et papiers : de 1929 à 1933, la valeur de sa production tombe de 129 000 000$ à 56 000 000$. Cette dépression se traduit dans la région par la fermeture, en 1931 et 1932, de la papeterie de Port-Alfred, et par la faillite en mars 1933 de la Compagnie Price, qui renaîtra en 1937. L'on enregistre également une chute dramatique de la demande d'aluminium. L'usine d'Arvida qui employait 1 650 hommes en 1927 n'a plus que 400 employés en 1932 et produit au tiers de sa capacité. [34]

Il faudra attendre le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale pour voir la fin de ce marasme. L'effort de guerre exigé suscitera alors une vive reprise industrielle et nécessitera l'injection de nouveaux capitaux : construction en 1942 de la grande centrale hydroélectrique de Shipshaw, multiplication par dix de la production d'aluminium à Arvida (360 000 tonnes/an), construction en 1942 de l'aluminerie d'Alma qui verra rapidement sa production augmenter de 20 000 à 115 000 tonnes par an...

Conclusion

En 1929, les fondements de la structure industrielle de la région sont donc presque entièrement établis. Ils demeureront pratiquement inchangés au cours du demi-siècle suivant. L'on s'efforcera tout de même de les consolider, pour exploiter au maximum les ressources forestières et énergétiques.

Cette grande période d'industrialisation qui se termine en 1929 a profondément affecté et transformé la région, et ce de plusieurs façons : création d'une série de petites et moyennes entreprises pourvoyeuses de la grande industrie, création d'emplois bien rémunérés, création de nouvelles villes, urbanisation croissante, plus grande ouverture sur le monde...

Par contre, l'équilibre, jusque-là jugé nécessaire, entre l'agriculture et l'industrie a été rompu. Et les progrès spectaculaires de l'industrialisation ont fait ressortir davantage les difficultés du monde agricole, en perte de vitesse (la part relative de l'agriculture dans l'économie québécoise passe de 65% en 1900 à 10% seulement en 1939).

De plus, les gens de la région ont perdu, pendant cette période, le contrôle de leur développement : sauf, en partie seulement, dans le cas de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi, l'industrialisation de la région a été faite pour et par l'extérieur : pour les marchés extérieurs (ceux de la Grande-Bretagne puis des États-Unis), et par des entreprises de l'extérieur de la région et même du pays. Ici, comme ailleurs [20] au Québec, ce sont des compagnies étrangères, principalement américaines, qui ont pris la relève des hommes d'affaires locaux dans le développement industriel régional [35].

Certains régionaux ont combattu le changement, d'autres se sont adaptés progressivement, parfois péniblement, à ce développement économique et social accéléré, aux défis nouveaux de la société industrielle et urbaine, aux valeurs nouvelles.

Dans l'ensemble, on peut croire que l'on s'est réjoui, dans la région, de l'annonce et de la réalisation de ces projets industriels, comme en témoigne l'extrait suivant d'un éditorial du directeur du Progrès du Saguenay, en 1925 :

« On peut apprécier diversement le mode de concession de ces deux incomparables facteurs de richesse [la forêt et l'hydroélectricité], mais il faut se réjouir, croyons-nous, du FAIT qu'elles sont exploitées. Et puisque le capital des nôtres est bien insuffisant à la réalisation de semblables entreprises, il faut accepter comme un moindre bien, mais comme un bien, cette réalisation opportune ». [36]


[1] Robert Lavoie, « Le contexte économique nord-américain de la tragédie du Lac-Saint-Jean » dans Saguenayensia, vol. 22, no 2 (mars-avril 1980), pp. 39-43.

[2] Camil Girard, « L'industrialisation », document d'accompagnement #2, série Initiation à l'histoire régionale, Cégep de Jonquière, 1985, 10 pages, p. 21.

[3] Ibid., p. 20.

[4] Dany Côté, « Mutations foncières et émergence de la grande industrie : histoire du développement du potentiel hydroélectrique de la Grande-Décharge, au Lac-Saint-Jean (1900 et 1928) » dans Saguenayensia, vol. 33, no 4 (octobre-décembre 1991), p. 18.

[5] Girard, op. cit., p. 21.

[6] Jean Hamelin, Histoire du Québec, Toulouse, Edouard Privât, 1976, 538 pages, p. 420.

[7] Girard, op. cit., p. 22.

[8] Adam Lapointe, Paul Prévost et Jean-Paul Simard, Économie régionale du Saguenay—Lac-Saint-Jean, Chicoutimi, Gaétan Morin, 1981, 272 pages, p. 44.

[9] Ibid., p. 46.

[10] Ibid., p. 48.

[11] Ibid., pp. 42 et 49.

[12] Girard, op. cit., p. 22.

[13] Paul-André Linteau, René Durocher et Jean-Claude Robert, Histoire du Québec contemporain, de la confédération à la crise (1867-1929), Montréal, Boréal Express, 624 pages, p. 581.

[14] Yves Roby, Les Québécois et les investissements américains 1918-1929, Québec, P.U.L. (collection « Les cahiers d'histoire de l'Université Laval », no 20), 1976, 250 pages, p. 4.

[15] Ibid., p. 55.

[16] Ibid., p. 119.

[17] Lapointe, op. cit., p. 43.

[18] Girard, op. cit., p. 22.

[19] Roby, op. cit., p. 140.

[20] Linteau, op. cit., p. 584.

[21] Roby, op. cit., p. 141.

[22] Ibid., p. 143.

[23] Linteau, op. cit., p. 453.

[24] Roby, op. cit., p. 4.

[25] Ibid., pp. 120 et 168.

[26] Linteau, op. cit., p. 385.

[27] Roby, op. cit., p. 4.

[28] Ibid., p. 5.

[29] Ibid., p. 121.

[30] Ibid., p. 120.

[31] Girard, op. cit., p. 23.

[32] Roby, op. cit., p. 140.

[33] Ibid., p. 124.

[34] Lapointe, op. cit., p. 52.

[35] Côté, op. cit., pp. 15-24.

[36] Eugène L'Heureux, « Nos ressources naturelles. Aspects multiples du problème » dans Le Progrès du Saguenay, 23 juillet 1925 ; cité dans Roby, op. cit., p. 147.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 28 mars 2015 9:07
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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