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Collection « Histoire du Saguenay—Lac-Saint-Jean »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Benoît Brouillette [1904-1979], “Les régions géographiques de la province de Québec.” Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction d’Esdras Minville, NOTRE MILIEU. Aperçu général de la province de Québec, chapitre I, pp. 41-52. Montréal: Les Éditions Fides — l’École des Hautes Études Commerciales, 1942, 443 pp. Collection: Études sur notre milieu. Une édition numérique réalisée par mon épouse, Diane Brunet, bénévole, guide de musée retraitée du Musée de La Pulperie de Chicoutimi.

[41]

Première partie :
LES VALEURS NATIONALES

Chapitre I

Les régions géographiques
de la province de Québec
.”

par Benoît BROUILLETTE


Les géographes, ceux de France avant les autres, ont joué un grand rôle dans la constitution de la doctrine du régionalisme. Leurs travaux ont mis en lumière les notions essentielles, telles que celle de la région naturelle ou géographique que nous nous proposons de discuter, avant de tracer des frontières aux régions de la province de Québec. Disons tout de suite pour préciser notre situation que nos maîtres, les géographes, ne sont pas des partisans de la thèse régionaliste telle que présentée par J.-Charles Brun avant la guerre de 1914. Ils font des exposés critiques du régionalisme. Leur but, écrit Henri Hauser, est « une tentative raisonnée pour adapter à la vie économique moderne, aux besoins actuels du pays, des divisions administratives considérées comme périmées [1] ». Agissant en fidèle disciple, je m'efforcerai en écrivant ces lignes d'être le plus objectif possible.

Par ailleurs, des apôtres du régionalisme se livrent à des travaux de recherche sur les traditions et coutumes locales, sur le folklore et les arts domestiques.  Initiatives louables ; mais constatons avec [42] M. Hauser que ce ne sont que des « formes innocentes et charmantes du régionalisme ».

Les amateurs de définitions, qui voudront savoir d'une façon didactique ce que sont le régionalisme et la région naturelle, trouveront, dans un livre récent, dix-neuf définitions du régionalisme par neuf auteurs différents et quarante définitions de la région par vingt-huit auteurs [2]. Ne retenons que celles qui nous paraissent les plus appropriées à notre sujet. « Le régionalisme, écrit Carol Aronovici, peut se définir comme l'étude de ce qui relie l'homme au milieu géographique et des horizons possibles que ce lien ouvre pour le bien-être et le progrès humain [3] » La définition implique l'existence d'une région géographique dont a besoin le peuple qui, ayant un certain type de civilisation, veut satisfaire ses aspirations en mettant en valeur les ressources d'une telle région, ressources qu'il croit essentielles à son équilibre économique. En réfléchissant sur le sens du régionalisme, on arrive à le concevoir d'une façon très générale, d'une façon adaptée à l'ensemble de la nation. On parle par exemple de cadre régional de notre civilisation. Le régionalisme symbolise l'aspect géographique du continent américain, par opposition à l'uniformité des occupations et genres de vie. Nos pays d'Amérique du Nord n'ont pas d'unité géographique. Qui peut définir ce qu'est un Canada en moyenne ? C'est une abstraction. On n'arrive à la réalité, à des notions concrètes, qu'en divisant et subdivisant le pays. Souvent le régionalisme sert à rétablir l'équilibre dans nombre de cas, tels par exemple que le conflit entre une conception trop internationaliste et une autre trop nationaliste, entre le provincialisme et le fédéralisme, entre la vie rurale et la vie urbaine, entre l'agriculture et l'industrie, entre le travail quantitatif et trop standardisé et celui qui a pour objet la qualité, c'est-à-dire entre la machine et l'artisanat. Le régionalisme utilise la décentralisation, parfois tellement souhaitable, comme moyen d'action. Ne considérons cependant pas le régionalisme comme une panacée mais comme un instrument, comme un moyen susceptible de conduire aux réalisations souhaitées.

[43]

Méfions-nous toutefois des fausses interprétations du régionalisme, de celle en particulier qui conduit au déterminisme, à la fois géographique et économique. C'est un anthropologue qui nous met en garde contre cet abus, M. Franz ; Boas, que l'ACFAS invita à donner des conférences à Montréal en 1938. « Le déterminisme géographique, écrit-il [4], signifie que le milieu géographique contrôle le développement culturel ; le déterminisme économique, que les conditions économiques façonnent toutes les manifestations de la culture primitive et de la civilisation ultérieure et complexe. Il est facile de démontrer que ces deux théories accordent une importance exagérée aux facteurs qui, malgré leur part dans la vie de l'homme, n'en constituent qu'un des nombreux éléments déterminants. L'étude de l'histoire culturelle de n'importe quelle région montre clairement que les conditions géographiques n'ont par elles-mêmes aucune force créatrice et ne constituent certainement aucune force qui détermine le genre de culture d'une façon absolue. »

Le concept de la région est encore plus divers que celui du régionalisme. Il est presque impossible de définir exactement ce qu'est une région géographique. « Toute partie de la surface de la terre dont les conditions physiques sont homogènes [5] », écrit Wolfrang L. G. Joerg. « La région naturelle, écrit I. Bowman, ancien président de l’ American Geographical Society of New York se définit par un ensemble de rapports entre l'homme et le milieu naturel [6]. » Voilà qui est déjà moins vague que la définition précédente. Vidal de la Blache dit que « chaque région possède son caractère unique auquel contribuent les facteurs physiques, climatiques, végétaux et humains. La région est une superficie de pays à travers laquelle un ensemble particulier de conditions physiques conduira à l'établissement d'un type particulier de vie économique. » L'essence même de la région est d'avoir un cadre naturel et d'être occupée par des groupes humains qui y trouvent leur subsistance. C'est pourquoi ceux qui, s'occupant d'aménagement régional, basent leurs études sur des unités, envisagent les régions sous un double aspect : régions géo-physiques, régions organiques.

[44]

Les premières sont celles qui sont bornées par des accidents ou conformations physiques déterminés, qui ont des caractéristiques physiques semblables, comme les éléments du climat, ceux du relief, de la structure, des plantes et des animaux (facteurs écologiques). Les secondes, les régions organiques, sont plus difficiles à définir. Ceux qui les habitent sont des gens liés ensemble par des dépendances mutuelles, provenant d'intérêts communs. Ils sont plus liés les uns aux autres qu'avec ceux qui habitent hors de la région étudiée [7].

Il n'y a pas que les géographes qui utilisent la méthode régionale dans leurs études. On compte au moins cinq autres catégories de chercheurs : les anthropologues, les écologues, les économistes, les sociologues et ceux qui étudient les sciences politiques. Contentons-nous de voir comment les géographes font du régionalisme. Quel qu'il soit, le régionalisme trouve son essence dans le facteur géographique. N'allons pas jusqu'à croire que les problèmes sociaux dépendent totalement de faits de nature ; mais constatons que le milieu physique et le reflet de ce milieu sur la végétation et la vie animale rendent possibles certaines adaptations que l'homme est libre de faire ou de ne pas faire, d'accord en cela avec d'autres influences, telles son degré de civilisation, sa culture et ses traditions. Donc, pas de déterminisme absolu, comme le suggérait Ratzel, mais « seulement des possibilités mises en œuvre par l'initiative humaine », selon l'expression de A. Demangeon. L'homme est un agent actif, dont le rôle est au moins aussi important que celui des facteurs purement physiques pour expliquer les phénomènes géographiques.

Vidal de la Blache a raison de dire qu'il n'y a pas de meilleur antidote contre la tendance universaliste de la vieille géographie que l'étude des régions : la géographie régionale. Il a donné l'exemple en étudiant la France de l'Est (Paris, 1917). Et ses disciples entre' prirent une admirable collection d'études régionales. Ce sont pour ne citer que les plus connues : A. Demangeon, avec la Picardie (1905) ; R. Blanchard, avec la Flandre (1906) ; M. Sorre, avec les Pyrénées méditerranéennes (1913) ; Jules Sion, avec les paysans de la Normandie orientale (1909).  Ceux-là sont les maîtres d'aujourd'hui. [45] D'autres ont fait des études plus récentes et encore, si l'on peut dire, plus minutieuses : Pierre Deffontaines, Les hommes et leurs travaux dans les pays de la Moyenne-Garonne (1932) ; R. Dion, Le val de Loire (1933) ; enfin R. Blanchard, « Études Canadiennes », Revue de Géographie Alpine 1931-1939  [8].

Comment est-il légitime de partager notre province en régions naturelles ? Les grandes divisions, imposées par la géologie et la topographie ne correspondent pas nécessairement aux divisions qu'on peut qualifier de naturelles. Il faut tenir compte, en plus, du climat, de la végétation, et surtout du peuplement, des facilités de communication, naturelles et artificielles ; enfin, il faut, dans une certaine mesure, tenir compte des divisions administratives. Ces dernières cependant nous donnent bien du mal. Il faut toutefois respecter l'unité de mesure, la plus restreinte, que forme soit la municipalité, soit le canton. En définitive, c'est le bon sens, appuyé sur des connaissances sérieuses de géographie générale, qui doit orienter l'observateur dans le choix des limites à tracer.


Laissons nous guider par M. Raoul Blanchard pour le partage de la province de Québec en ses régions naturelles.  Traçons sur [46] les cartes ci-jointes un essai de classification, que nous présentons d'abord sous forme de tableau.

I. La région laurentienne

1. La plaine de Montréal
2. La plaine du Saint-Laurent
(du lac St-Pierre à l'estuaire)
3. Les abords de l'estuaire
(De Lévis à Matane au sud)
(Enclaves sur la rive nord jusqu'au Saguenay)

II. La région appalachienne

1. Les Cantons de l'Est
2. Les plateaux du Sud de l'Estuaire
3. La Gaspésie

III. Le Bouclier canadien

1. Les Laurentides
2. Le lac Saint-Jean-Saguenay
3. La Côte Nord
4. L'Abitibi-Témiscamingue
5. L'Outaouais.

Notre carte, trop schématique, ne montre pas les noms de lieux, ni de comtés où passent les limites entre chaque région. Indiquons-les brièvement pour ceux qui voudraient la reconstituer sur une carte officielle. Rappelons d'abord que nous avons voulu respecter aussi souvent que possible les frontières de comtés (c'est tellement plus commode pour la compilation des statistiques !) ; cependant, lorsque nous partageons un comté, nous évitons, au risque même de commettre une erreur géographique, de recouper une municipalité, car cette dernière est la plus petite unité administrative, base de la documentation statistique.

Suivons maintenant du sud au nord la ligne de démarcation entre la plaine et les Cantons de l'Est. Elle commence sur la baie de Missisquoi dans le comté du même nom. Philipsburg et Stanbridge sont dans les Cantons de l'Est, Farnham dans la plaine de Montréal. Tout Shefrord appartient aux Cantons, sauf Saint-Valérien au nord-ouest.  Dans Bagot, les Cantons ne prennent

[47]


[48]

que le triangle d’Actonvale, puis la limite que nous traçons recoupe la Saint-François, entre L'Avenir et Saint-Félix. Drummondville est incluse dans les Cantons. À partir du comté d'Arthabaska, la limite passe, en les englobant, par les localités suivantes : Sainte-Élisabeth, Victoriaville, Priceville, Plessisville (Mégantic) et Laurierville. Tout le comté de Mégantic est dans les Cantons. Tout Lotbinière en est exclu, sauf Sainte-Agathe et Saint-Sylvestre, au sud-est. La limite traverse la Chaudière à Scott, frontière du comté de Beauce, et traverse l'Etchemin entre Sainte-Claire à l'est et Saint-Anselme à l'ouest. Les comtés de Beauce et de Dorchester en entier sont compris dans les Cantons.

Entre Bellechasse et Matane nous arrivons dans la région que M. Blanchard nomme « la rive Sud de l'Estuaire ». Elle offre partout deux aspects nettement différents : les Bords de l'Estuaire, plaine formée de terrasses en gradins depuis le rivage jusqu'aux collines, et les Plateaux du Sud de l'Estuaire, où règne la pénéplaine appalachienne. Où avons-nous fait passer la limite entre les deux ? [9] Dans Bellechasse, la limite passerait, d'après nos observations, entre Saint-Gervais et Saint-Lazare et juste en arrière de Saint-Raphaël. Dans Montmagny, deux rangées de paroisses sont dans la plaine : Berthier et Montmagny en bordure, Saint-François et Saint-Pierre au sud-est. Dans l'Islet notre frontière laisse encore dans la plaine une double rangée de paroisses : elle passe au sud-est de Saint-Eugène, rebord du plateau, de Saint-Aubert et de Sainte-Louise, laissant Saint-Cyrille et Saint-Damase dans la région des Plateaux. Dans Kamouraska, la limite passe au sud-est de Sainte-Anne de la Pocatière, de Saint-Pacôme, de Saint-Pascal (là elle isole Saint-Bruno, situé sur le plateau), de Sainte-Hélène et de Saint-Alexandre. Séparant les paroisses plus récemment colonisées des vieilles paroisses du littoral, elle atteint, dans Rivière-du-Loup, la rivière au Chemin-du-Lac (où nous saluons en passant l'usine de pâte de bois d'un H.E.C., M. Florent Soucy). Elle passe ensuite au sud de la municipalité de Rivière-du-Loup, qu'elle sépare de Saint-Antonin et de Saint-Modeste. Ici encore double rangée de paroisses sur les terrasses inférieures : Cacouna et Saint-Arsène, L'Isle Verte et Saint-Ëloi.  À partir de Trois-Pistoles, la plaine [49] disparaît presque. La plate-forme appalachienne s'avance vers l'Estuaire à la faveur des roches dures de la série géologique dite Kamouraska. Notre limite passera entre Trois-Pistoles et Sainte-Françoise et, dans Rimouski, entre Saint-Simon et Saint-Mathieu, entre le Bic et Saint-Valérien. De nouveau la plaine s'élargit au nord-est de Rimouski dans Saint-Anaclet et Sainte-Luce. Nous plaçons Sainte-Blandine, Neigette et Saint-Donat sur le plateau. Mais plus à l'est, l'échancrure de la rivière Mitis nous oblige à reculer la limite au sud de Sainte-Angèle-de-Mérici. Les terrasses et la plaine littorale portent ici trois paroisses en profondeur : Sainte-Flavie, Mont-Joli et Sainte-Angèle. En arrière de Saint-Octave, la limite entre les basses et hautes terres coïncide avec la frontière des comtés de Matapédia et de Matane. Plus loin, la Baie-des-Sables est dans la plaine et Saint-Damase sur le plateau, Saint-Ulric dans la plaine, Saint-Léandre sur le plateau. Enfin les Bords de l'Estuaire se terminent en englobant la seigneurie de Matane et Sainte-Félicité.

Revenons maintenant au sud-ouest de la plaine laurentienne pour tracer sa frontière au pied des Laurentides, rebord du Bouclier canadien. Tâche facile au sud de l'Outaouais, car les comtés de Soulanges et de Vaudreuil y sont entièrement compris. Deux autres comtés sont entièrement englobés aussi : Deux-Montagnes et l'Assomption. Dans tous les autres, la plaine ne comprend que le bas des comtés. Dans Terrebonne, la frontière passe au sud de Saint-Jérôme ; dans Joliette, au sud de Saint-Félix de Valois — Joliette et Sainte-Elisabeth se trouvant dans la plaine ; dans Berthier, elle passe au nord-ouest de Saint-Norbert, Saint-Cuthbert et Saint-Barthélémy (qui sont dans la plaine). Dans Maskinongé, la limite se redresse vers le nord, le long de la voie du Canadien-National, pour laisser Saint-Justin et Sainte-Ursule dans la plaine et isoler Saint-Édouard-de-Maskinongé et Saint-Paulin (Beauvallon) dans les Laurentides ; puis elle s'incurve de nouveau vers l'est, dans le comté de Saint-Maurice, plaçant dans la plaine, Saint-Sévère, Saint-Barnabe et Saint-Étienne-des-Grès, et sur le rebord des terrasses du Bouclier, Charette et Saint-Boniface-de-Shawinigan.

La limite que nous traçons franchit le Saint-Maurice entre les Grès au sud et Shawinigan au nord.  Sur la rive gauche de la rivière, [50] la frontière passe, selon les indications de M. Blanchard [10], au sud d'Almaville, de Mont-Carmel, du Lac-à-la-Tortue et de Saint-Stanislas, au nord de Saint-Maurice et de Saint-Narcisse. Le comté de Champlain se termine à Test par Saint-Prosper dans la plaine et Saint-Adelphe dans les Laurentides.

Dans Portneuf la limite passe entre Saint-Thuribe au sud-est et Saint-Ubald au nord-ouest, au nord de Saint-Alban, entre Saint-Gilbert et Sainte-Christine, entre Saint-Basile et Saint-Raymond, entre Sainte-Jeanne de Neuville et Sainte-Catherine, entre Saint-Augustin et Saint-Gérard-Majella. Dans le comté de Québec, nous proposons de faire passer notre limite, bien que ce ne soit pas Lavis de M. Blanchard, en arrière de Québec entre Loretteville et Notre-Dame des Laurentides (lac Saint-Charles), entre Charlesbourg et Sainte-Thérèse de Beauport.

Les Bords de l'Estuaire sur la rive nord s'étendent beaucoup moins que sur la rive sud, car le Bouclier canadien, au nord de Québec, se rapproche du littoral qu'il surplombe en falaises pittoresques à partir du cap Tourmente. La plaine se poursuit cependant dans les îles : Orléans, aux Coudres, etc. et s'appuie sur la terre ferme en trois lambeaux séparés : la Côte de Beaupré, la Baie Saint-Paul et La Malbaie. Les deux dernières ne sont que de petites enclaves situées à l'embouchure des rivières. La première va de la rivière Montmorency à Saint-Joachim au pied du cap Tourmente.

Les limites des autres régions nous semblent assez ; claires par elles-mêmes. Vers l'Est, le partage tripartite s'impose naturellement. La Gaspésie englobe les comtés de Gaspé, Bonaventure et Matane, sauf les basses terres de ce dernier, se rattachant aux Bords de l'Estuaire. Matapédia appartient, dans sa partie occupée du moins, aux plateaux du sud de l'Estuaire de même que l'est de tous les autres comtés jusqu'à Bellechasse inclusivement. Notons que nous n'acceptons pas l'expression trop vague de « Bas du fleuve ». Quelque étonnant que cela paraisse, nous incluons Dorchester et Beauce dans les Cantons de l'Est, quitte à en faire une subdivision ultérieurement ; ils ne se rattacheraient pas mieux à l'une ou l'autre des régions avoisinantes.  Autre partage tripartite, [51] celui de la plaine laurentienne. Les Bords de l'Estuaire se terminent en amont, au sud, par la frontière entre Bellechasse et Lévis, au nord par celle entre Montmorency et Québec. La plaine du Saint-Laurent se termine en amont au sud du lac Saint-Pierre. La limite entre les deux plaines passe arbitrairement entre les comtés de Berthier et de Joliette au nord et par les lieux suivants au sud : Sorel (incl.), Saint-Denis (excl.), Saint-Jude (incl), Saint-Hyacinthe (excl.), Sainte-Hélène (incl.), et Saint-Théodore (excl.). Elle rejoint la frontière des Cantons à l'ouest d'Actonvale.

Reste l'immense Bouclier. On y distingue trois régions sur son rebord et deux enclaves. Les régions marginales sont la Côte-Nord, longue frange qui va de Tadoussac au détroit de Belle-Isle, les Laurentides, entre Charlevoix et l'Outaouais, la région de l'Outaouais en contre-bas, l'enclave du Lac Saint-Jean-Saguenay, que nous avons elle-même subdivisée en trois, et la vaste Abitibi-Témiscamingue, sur la frontière ontarienne. Dans ces régions solitaires, où le peuplement est discontinu et dispersé, nous avons tracé des cadres très vastes, trop peut-être, qu'il conviendra de rectifier par des travaux détaillés.

Ne nous faisons aucune illusion sur tout ce que ces divisions peuvent avoir d'arbitraire. Considérons-les comme une tentative, une base de travail. Il suffit pour ceux qui font des recherches régionales de s'entendre sur la nomenclature et sur les divisions fondamentales. Les critiques constructives qu'on voudra bien nous faire seront bienvenues. Posons simplement la question, qui est de savoir si notre plan est raisonnable, s'il peut et doit entrer dans le domaine de l'enseignement de la géographie régionale de la province de Québec ?


[52]



[1] Henri Hauser. Le problème du régionalisme. Dotation Carnegie, Paris, 1914, p. 7.

[2] Howard Odum et Harry Estill Moore, American Regionalism (A cultural historical approach to national integration).  Un vol. in-8°, X et 693 pages.  Holt & Company, New-York, 1938.

[3] Traduction libre du texte de l'auteur, qui est le suivant : "Regionalism can therefore be defined as the study of the relation of mon to geographic areas, and the potentialités which this relation represents in terms of human welfare and progress."

[4] Franz Boas, Anthropology and Modern Life, Norton and Company, New-York, 1938, p. 229. Citation tirée de Odum et Moore, op. cit., p. 19.

[5] Définition commentée dans Odum et Moore, op. cit., p. 19.

[6] Odum et Moore, op. cit., p. 2.

[7] V. B. Stanbery, An approach to régional planning.  Oregon State Planning Board (1935 ;), tiré de Odum et Moore, op. cit., p. 21.

[8] Liste des publications de M. Blanchard : L'Est du Canada français, 2 vol., Beauchemin, Montréal, 1935 ; « Etudes canadiennes (deuxième série)—I. La région du fleuve St-Laurent entre Québec et Montréal », Revue de Géographie Alpine (Grenoble) 1, XXIV, 1936, pp. 1-189 ; Idem, « IL Les Cantons de l'Est », 1, XXV, 1937, pp. 1-120 ; Idem, « III. Les Laurentides », 1, XXVI, 1938, pp. 1-183 ; Idem, « (troisième série) I. La plaine de Montréal », 1, XXVII, 1939, pp. 1-186 ; « Les formes de relief de la province de Québec (Canada français) », Annales de Géographie, t. XLVI, juillet 1937, pp. 407-410 ; Géographie Générale, tome second, pp. 157-219, Beauchemin, Montréal, 1939.

[9] Signalons en passant que la Colombie-Britannique a les mêmes problèmes cartographiques que le Québec. Le service provincial des Terres exécute là-bas des travaux remarquables. Voir les principales cartes parues, au Laboratoire de géographie de l'École des Hautes Études commerciales.

[10] Raoul Blanchard, « La région du fleuve Saint-Laurent », Revue de Géographie Alpine, 1936, pp. 1-189.



Retour au texte des auteurs. Dernière mise à jour de cette page le jeudi 17 septembre 2015 10:30
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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