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Collection « Histoire du Saguenay—Lac-Saint-Jean »

Du racisme et de l’inégalité des chances — au Québec et dans le Canada —. (2002)
Préface, par Daniel Larouche.


Une édition réalisée à partir du texte de Russel-Aurore Bouchard, historien(ne), Du racisme et de l’inégalité des chances — au Québec et dans le Canada —. Suivi de Lettres éparses adressées à mes accusateurs publics et à quelques témoins. Chicoutimi, Saguenay, La Société du 14 juillet, 2002, 178 pp. (Livre reproduit dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation formelle de l'auteure accordée le 1er septembre 2007.)

Préface

Daniel Larouche, 2 août 2001.

 

À l’ombre d’une presse bienheureuse, au niveau supérieur, ceux qui gouvernent Blancs et Indiens du Saguenay–Lac-Saint-Jean pactisent en cette année 2001. Pendant que se négocie le pactole –autrement dénommé Traité d’Approche commune– l’immense mise en scène gouvernementale concoctée autour des Fêtes du Tricentenaire de la Grande Paix de Montréal (1701-2001) fait son cirque, déployant sa convaincante magie sur un peuple à mystifier et à divertir [1]. 

En dehors du bon peuple, spectateur forcé de son destin, il y a unanimité [2]... ou presque : les intellectuels d’office, les médias, les gouvernements, les dirigeants amérindiens, les préfets [3] (préfaits) et les administrateurs publics idoines s’entendent. Ils s’entendent pour que le concept de Première nation ait préséance en droit (non en devoir), au point où la souveraineté québécoise sur le sol s’apparenterait à un droit résiduel à exercer sur ce qu’il en restera au terme de la conclusion de traités. Ils s’entendent pour que les non-Indiens vivant sur le territoire deviennent, par convention absolue, imputables et coupables de tous les errements de leurs ancêtres à l’endroit des amérindiens. Ils croient ensemble et fermement que seul l’accroissement des privilèges tangibles aux Amérindiens en vertu des permissions contenues dans la Constitution de 1982 pourra venir à bout des graves problèmes sociaux qui affligent ces communautés. Ils s’entendent pour ne pas penser que la disponibilité équilibrée du travail pour toutes les collectivités territoriales –quelles qu’elles soient– pourrait être la clef de voûte d’un pays en assurant un accès universel, naturel et juste à la richesse pour toutes les communautés, pour les familles et les individus qu’ils soient amérindiens, québécois, canadiens ou plus d’un à la fois [4]. Ils s’entendent aussi pour préférer que les tractations entre pouvoir politique et représentants amérindiens échappent à tout débat respectant nos institutions démocratiques : il est préférable de substituer à celui-ci un pilonnage médiatique systématique de manière à fabriquer le consentement de la masse (sans les avatars de la démocratie). Ils partagent aussi sans le savoir un procédé commun : les problèmes de justice, d’équité et d’égalité des chances entre les groupes territoriaux qui forment une société nationale se traitent à la pièce, en vase clos, par le Haut, administrativement, et généralement, par l’octroi calculé de graisse (lire $$$) à la roue qui grince le plus, au moment opportun. Autrement dit, un procédé commun qui consiste à diviser toujours davantage pour régner un petit peu plus longtemps, aveuglément. Ainsi va la vie et le pays. 

Mais voilà ! au sein de cette symphonie d’unanimité, un bourdonnement disgracieux froisse l’oreille. Russel Bouchard, un citoyen-historien –qu’on dit de l’École de Chicoutimi (ce ne peut être, donc, qu’une toute petite école)– rompt l’harmonie. [5] Sous l’encre corrosive de sa plume prennent forme des questionnements, des hypothèses et des réponses documentées qui ébranlent les murs du temple unanime (et les parois de la tente). La parution de son étude historique intitulée Le dernier des Montagnais (1995) soulève l’ire chez les négociateurs montagnais et leurs vis-à-vis. Des universitaires joignent le choeur chargé de submerger d’harmonies la voix du bourdon discordant. 

Sur quelle erreur scientifique, sur quels vices de méthode porte l’attaque concertée ? La réplique ne porte justement pas sur des arguments scientifiques étayés et documentés : elle bâtit un procès d’intention à l’auteur ; elle lui impute des visées politiques inavouées ; elle manifeste, çà et là, le mépris d’intellectuels à la solde régulière, et sécurisés dans leur emploi, à l’égard d’un historien autonome qui devient leur pair seulement lorsqu’il s’agit de se faire «planter» dans leur revue. Elle se fonde surtout sur l’évocation habile, sulfureuse, totalitaire, de l’étiquette «raciste» , évocation vague et non démontrée qui, à elle seule, peut disposer du destin d’un lieutenant-gouverneur (Jean-Louis Roux), jeter un discrédit posthume sur l’oeuvre d’un historien qui n’est plus là pour se défendre (Lionel Groulx) ou «régler» l’avenir politique d’un souverainiste trop franc et compétent (Yves Michaud). 

Tout ce temps, Russel Bouchard réfute, répond, argumente et encaisse... 

Et cinq ans plus tard (14 juillet 2000), un entrefilet médiatique révèle, par mégarde, que gouvernement et leaders montagnais en sont venus à un arrangement sans équivalent qui aura pour effet d’octroyer aux Montagnais, à même le territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, le contrôle effectif sur plus de 4200 km2. Voilà un projet politique clair... 

Avec cinq autres citoyens qui ont, par d’autres voies, fait les mêmes constats sur une réalité politique, démographique et sociale qui menace la survie de leur collectivité régionale [6] et qui partagent avec lui les mêmes préoccupations sur l’impact de l’aliénation annoncée du territoire, Russel Bouchard signe La Déclaration du 14 juillet 2000. Celle-ci, s’inspirant de la nécessaire égalité entre tous les citoyens de quelque origine qu’ils soient, met à l’ordre de la discussion l’existence d’une population de 282,000 âmes larguée de questions vitales, sur la base du sang, n’étant pas amérindiens statués. Larguée, car les représentants politiques (députés) des collectivités non-indiennes représentent leur parti –ou le gouvernement– auprès des citoyens de leur comté plutôt que leurs citoyens auprès de l’Assemblée nationale, à tout le moins en cette affaire. 

Là encore, pour faire progresser leur projet politique, les unanimistes se sont appliqués à attaquer et à neutraliser la petite opposition en maniant l’archet raciste contre ce Russel Bouchard sur qui tous les canons se pointaient. Pourquoi l’argument raciste (la présomption de racisme) est-il si efficace pour jeter du discrédit sur un individu, fusse cet argument parfaitement faux et malveillant ? Qu’est-ce au juste que le racisme ? Comment savoir si nos paroles et nos gestes participent du racisme ? Dans la situation que nous venons d’évoquer, comment se situent Russel Bouchard et ses détracteurs publics à l’égard d’une définition convenable du racisme ? Qui mérite l’épithète ? 

C’est à cette réflexion et à ce parcours que vous convient ici Russel Bouchard et La Société du 14 juillet. Pour que les mots et les hommes retrouvent leur sens.  

Daniel Larouche

2 août 2001


[1]    «Divertir» est, entre autres, synonyme du mot «détourner», lui-même synonyme de «voler» et «écarter». Ce qu’on ne ferait pas pour le divertissement du peuple ! Tant de bienveillance afflige...

[2]    L’unanimité est la condition gagnante par excellence. En vraie démocratie, elle reflète le triomphe de la raison, de la solidarité, de l’intérêt commun et de l’égalité des chances pour tous. Dans tout autre contexte, elle garantit à ceux qui ont su s’obtenir argent, avantages et privilèges exclusifs, la jouissance paisible et tranquille de leurs biens... avec la souriante complicité des spoliés, des extorqués, de toutes les bonnes gens bernés, mais émus par tant d’unanimité ! Ainsi, unanimité devient synonyme de duperie, escroquerie, tromperie, mensonge, vol, trahison et bien d’autres maux ou mots pertinents à notre situation actuelle. Maharashi Mahesh Yogi ne disait-il pas : « You see this hungry man ! I will make him a happy hungry man  » L’unanimité a ce pouvoir : elle assure aussi paix et tranquillité d’esprit aux pauvres gardés pauvres par leur riche mais «biens-veillant» rédempteur. Amen.

[3]    Moyennant raisonnable compensation ($) pour le troc d’un droit d’aînesse qui ne leur appartient pas ... et qu’ils administrent dans le meilleur intérêt administratif de leurs administrés. Pendant que les chefs indiens et d’autres font la politique –partageant territoire, souveraineté, redevances, pouvoirs (législatif, exécutif, fiscal)– nos administrateurs, eux, administrent. Et les citoyens, ne s’en doutant point, ne sont que des administrés, bénéficiaires insouciants (?) mais éphémères de ce qui nous reste encore du patrimoine à donner, à dilapider, pour d’autres qui, sagaces et éveillés, le réclament... politiquement. Sommes-nous, en politique, des cigales affables ? Comprend qui veut comprendre. Hé bien ! chantons maintenant !

[4]    Tout se passe en effet comme si la recherche individuelle du travail ou la détention d’une fortune privée héritée était la voie normale pour garantir sa survie et celle des siens lorsqu’on est non-amérindien. L’État s’occupera officiellement des personnes «mal prises», sans jamais reconnaître un pouvoir de négociation à la collectivité territoriale à laquelle appartiennent ces personnes.

            Lorsqu’on est amérindien, cela se passe autrement. L’État discute avec les représentants politiques territoriaux pour négocier un accès direct et communautaire aux revenus publics découlant de l’exploitation des ressources naturelles et des autres sources (taxes, impôts,...) alimentant le Trésor public. L’accès au seul pouvoir de discuter des besoins des populations et de la répartition de la richesse entre les collectivités territoriales n’est pas le même de part et d’autre. À titre d’exemple, où le député de votre comté a-t-il pris sa position relativement à l’adoption prochaine annoncée du traité dit d’Approche commune  ? A-t-il seulement la permission d’en avoir une ? De fait, c’est la majorité montréalaise à l’Assemblée Nationale qui décide de l’aliénation des terres du Saguenay–Lac-St-Jean et de la Côte-Nord. Il en est de même pour toutes les autres décisions engageant l’avenir de notre région.

[5]    Un professeur d’anthropologie (informé sur les arthropodes !) de l’Université Laval, faisant sans doute allusion à la voix discordante de Russel Bouchard et ne proférant de la sorte aucun souhait voilé, écrira, comme on aurait pu le faire aux temps héroïques :«Il y a des maringouins qui, à force de trop insister dans leurs agressions, ont dû faire face un jour à la main qui avait trop souvent été piquée...» (N. Clermont, La Presse, 19 avril 1996).

[6]    Les ouvrages Désintégration des régions... (JCL, 1990), Radiographie d’une mort fine... (JCL, 2000) et Le Pays trahi (Société du 14 juillet, 2001) cernent et expliquent l’ampleur et les causes décisionnelles de la problématique qui confrontent les populations des régions étiquetées «ressources» par le gouvernement du Québec.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 2 octobre 2007 18:44
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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