RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Histoire du Saguenay—Lac-Saint-Jean »

LE TOPONYME CHICOUTIMI. Une histoire inachevée. De ses origines géologiques à 2002. (2018)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Jacques PELLETIER, LE TOPONYME CHICOUTIMI. Une histoire inachevée. De ses origines géologiques à 2002. Jacques Pelletier: Éditions Ichkotimi, 2018, 318 pp. [Livre diffusé en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation formelle de l'auteur accordée le 18 juin 2018.]

[ii]

Avant-propos

Les fusions municipales, amorcées au Québec au début des années 2000, auront des répercussions de tous ordres dans la province. Ces réorganisations ont affecté 212 municipalités qui ont été fusionnées en 42 villes. La région du Saguenay n'a pas échappé à ce vent de fusion. La plus importante fut sans contredit celle de la fusion des villes du Haut-Saguenay pour former la ville de « Saguenay ».

Constituée le 14 février 2002, Saguenay est le résultat de la fusion de sept municipalités : Chicoutimi, Jonquière, La Baie, Laterrière, Shipshaw, Lac-Kénogami et une partie du Canton-Tremblay. Ces municipalités ont été regroupées en trois arrondissements : Jonquière, à l'ouest, incluant Shipshaw et Lac-Kénogami, La Baie, à l'est, et Chicoutimi, au centre incluant Laterrière et Canton-Tremblay.

Le nom décrété par la ministre Harel, soit Saguenay, pour l'appellation de cette nouvelle ville fusionnée, fut contesté par une partie importante de la population. Devant cette contestation, le conseil de ville a décidé d'inviter la population à participer à une consultation publique qui, ne nous méprenons pas, n'était pas une consultation référendaire, soumise aux règles strictes du Directeur général des élections du Québec. Elle s'est tenue les 12, 13 et 14 avril 2002 et s'adressait à plus de 120 000 électeurs : 35 810 (52,5%) électeurs ont choisi le nom de Saguenay alors que 32 399 (47,5%) ont préféré [1] le nom de Chicoutimi. Moins de 30% des électeurs ont donc décidé du sort du nom de Chicoutimi.

Le peuple a parlé dira-t-on ! Et malgré qu'une consultation publique ne fasse pas force de loi, notamment lorsque le vote est serré, le Conseil de ville confirma le nom de Saguenay. Comment se fait-il qu'aucun des noms des anciennes villes n'ait été retenu ? Certains diront que le nom de Saguenay était un nom plus rassembleur pour créer une nouvelle ville « unie ». C'est, du moins, le principal argument soutenu par les tenants du oui pour choisir le nom de Saguenay.

Des critères mentionnés dans la loi pour le choix du nom, soit la ville la plus populeuse parmi les villes fusionnées ou la ville centre, n'ont, de toute évidence, pas pesé fort dans la balance. Et que dire de l'avis très favorable, pour le nom de Chicoutimi, de la Commission de toponymie du Québec [2], émis le 12 octobre 2001, qui n'a soulevé aucun débat au Conseil municipal, si ce n'est de laisser les conseillers municipaux jouer aux Ponce Pilate et de laisser à une population mal informée le soin de décider.

D'ailleurs les propos tenus par le maire de Saguenay sont révélateurs du peu d'intérêt de ce dernier envers la valeur toponymique du nom de Chicoutimi :

« Le nom, il faut arrêter de donner de l'importance à tout le monde, mentionne-t-il. Ma femme s'appelle Linda. Elle se serait appelée Marie et je l'aurais mariée pareil [3] ». Sans commentaire !

[iii]

Cette déclaration nous pousse à croire que ce n'est pas seulement une méconnaissance de l'histoire de la région du Saguenay, de la part de nos gouvernements municipal et provincial, ainsi que de la population en général, qui a propulsé le nom de Saguenay. D'autres événements nous portent à nous interroger.

En effet, ce qui est aussi très intrigant dans cette affaire, c'est le silence de la Société historique du Saguenay qui s'est retirée très tôt du débat. N'oublions pas que cette société a comme mission, en plus de la conservation de documents, de « diffuser, promouvoir et encourager la recherche en histoire de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean par le biais de publications, de conférences, d'événements ou autrement [4] ». Le débat qui faisait rage aurait dû être une occasion inespérée de remémorer à toute la population l'importance du nom de Chicoutimi dans l'histoire régionale et même de prendre position à ce sujet. Elle avait pourtant l'intention de le faire si on se fie à une résolution de son conseil d'administration [5], datée du 10 mai 2001, soit presqu'un an avant la consultation populaire. Ce ne fut pas le cas, ni avant, ni après la décision du conseil de la ville de Saguenay. Cette résolution qui désapprouvait l'utilisation du nom de Saguenay comme nom de la nouvelle ville, est morte au feuilleton. Nous y reviendrons au chapitre 4.

Un regroupement de citoyens, dont un des chefs de file était M. Ghislain Bouchard, l'auteur de la célèbre fresque théâtrale, la Fabuleuse histoire d'un royaume, ne réussira pas à changer ce qui était déjà amorcé. Le nom de Saguenay apparaissait déjà dans les textes de loi et la majorité des élus municipaux avaient fait leur choix. Les modestes moyens dont disposait ce regroupement ne faisaient pas le poids devant la machine municipale et gouvernementale.

Les citoyens du Haut-Saguenay n'avaient pas l'exclusivité de voir le nouveau nom de leur ville apparaître dans les projets de loi avant même qu'ils n'aient fait leur propre choix ; en autres, au lac Saint-Jean, les citoyens de Métabetchouan et de Lac-à-la-Croix vivaient la même situation. Voici ce que Russel-Aurore Bouchard [6] écrivait à ce sujet : Métabetchouan et Chicoutimi « sont les deux plus anciens lieux d'occupation et de rencontres humaines ayant survécu aux âges avec leurs noms de baptême, des sanctuaires identitaires pour mieux dire, des tabernacles où sommeillent les mânes des ancêtres sensées nous accompagner dans notre quête de survivance. »

Depuis lors, le sujet revient régulièrement dans les médias, alimenté tant par le Mouvement Chicoutimi [7] qui milite en faveur du retour du nom de Chicoutimi que par de simples citoyens ou par des historiens tels Russel-Aurore Bouchard [8], Serge Bouchard ou Jacques Lacoursière. Vous trouverez des coupures de presse à la fin du chapitre 6.

Ce n'est pas l'objet de ce livre que de trouver les causes profondes de ce dérapage. Nous laissons au lecteur le soin de juger s'il y avait un nom plus approprié que celui de Saguenay qui, jusqu'alors, désignait une [iv] rivière (de son vrai nom amérindien, la rivière Pitchitaouichetz) ainsi qu'une région, dont l'étendue dépasse largement les limites de la nouvelle ville fusionnée.

Cet essai va plus loin que de rechercher des arguments en faveurs du rétablissement du nom de Chicoutimi. Il a, avant tout, pour but de raconter l'histoire géologique, archéologique et historique du site de Chicoutimi. Puisque je n'ai pas du tout la volonté de réécrire l'histoire, je vais laisser parler les paléontologues, les archéologues, les explorateurs, les historiens et les géographes qui ont su décrire avec justesse ce qui s'est vécu sur le territoire de Chicoutimi.

Tout en étant sans complaisance, cet essai se veut objectif, instructif, à certains moments percutant, sans être pamphlétaire. Et si ce recueil ne suffit pas à modifier le cours de l'histoire, j'espère qu'il s'ajoutera à la base argumentaire qui permettra à d'autres, plus influents que l'auteur, de mener le dossier à terme.

Vous pourrez revivre, en version accélérée, le développement géologique de plus de deux milliards d'années du territoire qu'on désigne fort mal à propos de Royaume du Saguenay et celle du territoire de Chicoutimi au cours des derniers millénaires. Parmi toute la documentation parcourue, il a été parfois douloureux de choisir les événements qui étaient les plus pertinents pour démontrer l'importance du toponyme Chicoutimi, objet de cet essai.

Ce livre contient de nombreuses cartes géographiques anciennes, des citations des premiers explorateurs des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, des résultats de la recherche des archéologues sur les sites préhistoriques, des textes écrits par plusieurs de nos historiens relativement à la position stratégique de Chicoutimi, etc.

Il aura comme objectif principal d'informer le lecteur de l'histoire de ce toponyme qui a déjà plusieurs siècles d'existence parce que des hommes et des femmes ont foulé son territoire et qu'il est nécessairement le témoin de toute l'histoire de la région depuis quelques milliers d'années. En effet un toponyme ne sort pas d'une boîte à surprise. Il a fallu que des gens le créent afin de les aider à se rencontrer et à échanger des produits. Il n'a pu survivre que par l'usage constant que les gens en ont fait.

Comme nous pourrons le constater, à partir du chapitre 3, l'utilisation du nom Chicoutimi trouve probablement ses racines quelques temps après l'arrivée des premiers groupes iroquoiens ou algonquiens au bord de la rivière qu'ils nommaient Pitchitaouichetz et désignée du nom de Saguenay par les colons européens plusieurs siècles plus tard. À partir des récits de Cartier, nous vous exposerons les raisons pour lesquelles le nom Saguenay est inapproprié pour désigner cette nouvelle ville issue des fusions de 2002.

Ce livre se veut un hommage au toponyme Chegoutimy ou Chicoutimi qui représente un territoire forgé par la nature, que les humains ont occupé depuis des millénaires et sur lequel ils ont installé et développé une communauté importante et réputée au niveau provincial, national et international. Rendons à César ce qui est à César et redonnons au nom Chicoutimi la place qu'il mérite au Saguenay.

Jacques Pelletier, auteur



[1] Fusion municipale : que reste-t-il du débat entourant le nom de Saguenay ? Radio-Canada, 4 janvier 2012.

[2] Voir l'avis de la Commission à tapage 273 de cet essai.

[3] Radio-Canada, Ibidem

[4] Société historique du Saguenay, http://www.shistoriquesaguenay.com/, Notre mission.

[5] Hudon, Jean-Jacques, Information fournie par le président du conseil d'administration de la SHS, en fonction au moment de ces événements.

[6] Bouchard, Russel, “À la douce mémoire de ce peuple”, lettre ouverte publiée dans Le Lac-Saint-Jean, le 18 février 2001.

[7] Mouvement Chicoutimi, http://mouvement-chicoutimi.com/.

[8] Bouchard, Russel, “Regard éclectique et réflexions sur les années 1960-2012 au SLSJ”, revue Saguenayensia, vol. 14, numéros 3 et 4, 2013.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 24 juin 2018 7:51
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref