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Jean-Étienne-Marie Portalis (1746-1807)
ministre des cultes, membre de l’académie française, grand aigle de la Légion d’honneur.


Biographies des rédacteurs du Code civil
extraites de
la Biographie universelle de Michaud

 

PORTALIS (Jean-Etienne-Marie), ministre des cultes, membre de l’académie française, grand aigle de la Légion d’honneur, etc., etc., naquit au Beausset le 1er avril 1746, dans une famille de haute bourgeoisie établie en Provence depuis le commencement du 16e siècle. Il fit, sous la direction de son père, professeur de droit canonique à l’université d’Aix, de brillantes études chez les Oratoriens de Toulon et de Marseille et publia à dix-sept ans deux opuscules dont l’un, intitulé Des Préjugés, décelait un observateur déjà exercé ; l’autre contenait une critique mesurée, mais nette et ferme de l’Emile de Rousseau. Deux ans plus tard, Portalis débuta au barreau du parlement d’Aix et se signala tout d’abord à l’attention publique par l’espèce de révolution qu’il fit subir à la méthode oratoire alors en usage dans la plupart des barreaux de province. Une application large et intelligente des formes philosophiques aux causes les moins susceptibles en apparence de ce genre de développement, un dédain marqué pour les vaines subtilités de l’école, une élocution brillante et le plus souvent improvisée y révélèrent la présence d’un esprit hors ligne, et la suite ne fit que confirmer ces favorables pressentiments. Par sa persistance dans la voie nouvelle où il était entré, par la franchise et l’aménité de son caractère, Portalis triompha bientôt des obstacles qu’opposaient à ses succès l’esprit de routine et la jalousie de ses confrères. Les avocats les plus renommés recherchèrent son estime et son amitié, et l’un des plus distingués d’entre eux, Siméon, voulut se l’attacher plus étroitement en l’unissant à sa fille, dont le frère, ministre de l’intérieur sous la restauration (voy. ce nom), suivait avec éclat la même carrière. Les exercices du barreau n’empêchèrent point Portalis de prendre part aux débats qui agitaient alors les esprits.

Il publia un écrit plein de sagesse et d’érudition sur la Distinction des deux puissances et manifesta son esprit de tolérance dans une consultation imprimée sur la validité des mariages des protestants (1771, in-12), consultation que Voltaire appela « un véritable traité de philosophie, de législation et de politique » et qui eut une grande part à l’édit rendu en 1787 sur cette grave et délicate matière. Elu prématurément en 1787 par la confiance de ses concitoyens aux fonctions d’assesseur d’Aix, Portalis renonça pendant deux ans aux luttes oratoires pour se dévouer tout entier à l’accomplissement de son mandat. Il améliora par d’intelligents efforts l’administration locale, perfectionna le régime des impositions et la direction des travaux publics de la province, régularisa la dépense des gens de guerre par un règlement équitable, et prit une part active à l’organisation des vigueries dans lesquelles se subdivisait le comté de Provence. Portalis reprit ensuite le cours de sa carrière de jurisconsulte et la continua sans interruption jusqu’à la révolution française. De toutes les causes auxquelles il prêta l’appui de son talent, nulle n’eut un retentissement égal à l’instance en séparation de corps dirigée par la comtesse de Mirabeau contre le dissipateur célèbre qui devait concourir si activement, quelques années plus tard, à la destruction de la monarchie française. Le succès paraissait difficile, parce que rien n’établissait d’une manière concluante les sévices dont se plaignait la demanderesse. Portalis avait publié contre Mirabeau un mémoire où il l’attaquait dans ses sentiments de fils, d’époux, de père et de citoyen, sans exciter en lui aucune irritation apparente. Mais Mirabeau ayant eu sous les yeux une communication infidèle des conclusions de l’avocat général qui devait porter la parole, il entreprit de les combattre d’avance et, dans la chaleur du débat, il produisit une correspondance qui incriminait gravement la conduite de sa femme. Cet incident, dont Portalis se prévalut habilement, rendit impossible toute réconciliation entre les deux époux, et le parlement d’Aix consacra cette impression par un arrêt plus dommageable à la fortune qu’à la renommée de Mirabeau.

Portalis acheva de se signaler à l’attention publique par un mémoire soigneusement élaboré contre le rétablissement des états de Provence, question importante sur laquelle il avait été consulté par le gouvernement, et par une Lettre au garde des sceaux sur les réformes opérées dans le système judiciaire de l’Etat par le cardinal de Brienne (Aix, 1788). À cette lettre, écrite au nom du barreau auquel il appartenait, succéda un Examen impartial des édits du 8 mai (Aix, 1788, in-8°), ouvrage exclusivement propre à l’auteur, où il démontra l’illégalité de ces actes avec une supériorité remarquable, mais non sans mériter le reproche d’une tolérance officieuse pour les torts des parlements qui les avaient provoqués. Le ressentiment de Mirabeau fit écarter Portalis de l’assemblée des états généraux de 1789, où sa place était naturellement marquée et où par ses talents et l’autorité de son caractère il eût pu rendre d’importants services à la monarchie ébranlée. Portalis honora sa défaite par la noblesse de l’attitude qu’il déploya dès le début de la révolution française. Il se montra constamment fidèle aux amitiés illustres et périlleuses qu’il s’était acquises et ne cessa d’opposer un calme imperturbable aux orages populaires, jusqu’au moment où sa sûreté personnelle et celle de sa famille ayant été sérieusement compromises, il se vit obligé de chercher un asile loin de sa contrée natale. Après avoir résidé quelque temps à Lyon et à Villefranche, il vint à Paris, espérant s’y dérober plus facilement aux recherches actives dont il était devenu l’objet. Mais la fortune déconcerta ses prévisions. Arrêté au commencement de 1794, il allait être traduit devant le tribunal révolutionnaire avec un de ses frères, David Portalis, qu’on avait extrait des prisons de Grasse, lorsque la chute de Robespierre sauva la vie à tous deux. Redevenu libre, Portalis reprit ses travaux habituels et continua sur un théâtre plus élevé son rôle honorable de défenseur des opprimés. Il publia une brochure courageuse pour provoquer la restitution des biens aux familles des victimes révolutionnaires, et, dans un autre mémoire également énergique, il s’efforça de faire relever la ville d’Arles du régime d’oppression et de terreur que le gouvernement conventionnel lui avait infligé.

Le département de la Seine et celui du Var rendirent simultanément hommage à son mérite et à son caractère en le députant au corps législatif, où son âge l’appela à siéger dans le Conseil des Anciens. On retrouve avec intérêt Portalis dans toutes les discussions importantes qui se produisirent à la tribune jusqu’au coup d’Etat du 18 fructidor. II parla énergiquement en faveur de la liberté de la presse, combattit la création d’un ministère de la police générale, ainsi que le projet de loi tendant à maintenir le décret conventionnel qui excluait des fonctions publiques tous les prévenus d’émigration, les parents et amis d’émigrés, et s’opposa avec la même force à la proposition qui attribuait au directoire le droit de prononcer la radiation de la liste des émigrés. Portalis insista vivement aussi sur le rejet d’une autre résolution des Cinq-Cents qui renouvelait les persécutions exercées contre le clergé depuis le commencement de la révolution, et entraîna la majorité du Conseil dans le sens de son opinion. La conduite qu’il déploya dans le mémorable débat relatif aux naufragés de Calais ne fit pas moins d’honneur à son éloquence et à son humanité. Mais ses généreux efforts, bien qu’appuyés par les résolutions des deux conseils, ne purent triompher des persécutions acharnées du directoire, et les naufragés, ou, pour mieux dire, les débris de cette grande catastrophe, ne recouvrèrent la liberté qu’à l’avènement du général Bonaparte au consulat. L’estime universelle qui entourait le nom de Portalis, son désintéressement antique, la modération et la bienveillance de son caractère ne le sauvèrent pas des proscriptions du 18 fructidor. Echappé presque miraculeusement à l’incarcération dont il était menacé et à la déportation qui devait en être la suite, il se retira à Zurich, puis à Fribourg en Brisgaw, et se disposait à passer à Venise, lorsqu’une lettre du général Mathieu Dumas, son ancien collègue, l’invita à venir partager l’hospitalité qu’il avait rencontrée lui-même dans le Holstein.

Portalis répondit à ce gracieux appel. Il partit au mois de mars 1798 et fut reçu comme un ancien ami au château d’Emckendorff, chez l’honorable comte de Reventlau, qui, trois ans plus tard, unit sa nièce, la jeune comtesse de Holck, au fils aîné de l’illustre proscrit. Ce fut au sein de cette douce retraite, visitée par tout ce que l’Allemagne septentrionale comptait alors d’hom­mes distingués dans la littérature, l’histoire et la philosophie, que Portalis écrivit son bel et capital ouvrage : De l’usage et de l’abus de l’esprit philosophique, monument remarquable du sentiment de réaction que les excès de la révolution commençaient à inspirer à tous les esprits sages contre le philosophisme du 19e siècle. Ce livre, publié en 1820, Paris, 2 vol. in-8°, par le fils de l’auteur, avec une intéressante Notice et une savante Introduction (1), fut traduit dès son apparition dans la plupart des langues de l’Europe ; sa renommée n’a fait que grandir depuis lors,et il est devenu de nos jours le sujet d’études approfondies qui en ont invariablement fixé le mérite. Sans être homme de parti, dans l’acception ordinaire de ce terme, Portalis était demeuré fidèle par sentiment et par principe à l’ancienne monarchie française. Il entretint avec Mallet-Dupan (voy. ce nom) à cette époque une correspondance pleine d’intérêt sur la conduite qu’avaient à tenir les princes de la maison de Bourbon dans l’hypothèse d’une restauration que les circonstances rendaient alors probable. « Tout le monde en France, écrivait-il, est fatigué du régime révolutionnaire... Mais il ne faut pas que le roi se présente comme le chef d’un parti. II faut qu’il respecte tout ce qui n’est que le résultat des événements et des choses... Ce serait une erreur de croire qu’il est contraire à sa dignité de ne pas rétablir toutes les institutions anciennes. La fierté des rois peut répugner à se trouver dans la dépendance de certains hommes ; mais leur sagesse les invite à ne pas méconnaître la dépendance des choses, dépendance à laquelle aucune puissance humaine ne peut se soustraire. » Des extraits de ces lettres furent mis par le maréchal de Castries sous les yeux de Louis XVIII, qui parut frappé du mérite des observations qui y étaient consignées. Mais la fortune ne tarda pas à donner un autre cours aux inspirations de Portalis. Le coup d’Etat du 18 brumaire marqua la fin de son exil. II revint à Paris le 13 février 1800, et fut appelé successivement par le premier consul Bonaparte aux fonctions de commissaire du gouvernement près du Conseil des prises, de membre de la commission chargée de la rédaction du code civil et de conseiller d’Etat. Alors s’ouvrit un nouvel et mémorable aspect de la vie publique de Portalis. Pénétré de la nécessité de renouer les rapports dès longtemps interrompus de la France avec le Saint-Siège, et de réconcilier, comme on l’a dit, la révolution avec le ciel, Napoléon avait signé le concordat de 1801. La création d’une administration chargée de la direction générale des cultes devint une conséquence naturelle de ce grand acte, et le choix du premier consul se fixa sur Portalis, que ses vastes connaissances dans le droit canonique, la constance héréditaire de ses sentiments religieux, la régularité de ses mœurs et le prestige de son élocution rendaient éminemment propre à cette mission. Portalis justifia pleinement la confiance du chef de l’Etat et le vif empressement avec lequel le clergé accueillit sa désignation. Après avoir, dans un discours justement admiré, présenté à la sanction du corps législatif le concordat et les articles organiques destinés à lui servir de complément, il s’occupa activement, de concert avec le cardinal Consalvi, de recomposer le personnel ecclésiastique et d’organiser toutes les parties de sa vaste et délicate administration.

Il provoqua le rétablissement de l’œuvre des missions étrangères et de celle des soeurs hospitalières ; il fit restituer au culte l’église de Ste-Geneviève et décréter l’établissement du chapitre de St-Denis, contribua puissamment à la réorganisation des séminaires, améliora la condition si misérable des desservants, et obtint pour les condamnés les secours de la religion, dont ils avaient été privés jusqu’alors. Doué d’un esprit de modération et de tolérance égal à la fermeté de sa foi, Portalis s’appliqua à restreindre dans de justes limites le zèle du clergé ; il fit dissoudre plusieurs associations suspectes, et s’opposa constamment, dans l’intérêt même du catholicisme, à ce que la religion catholique fût déclarée religion de l’Etat. La participation essentielle de Portalis à la rédaction des articles organiques du concordat a été jugée avec moins de faveur par une grande partie du clergé français. On lui a reproché à cette occasion une condescendance abusive envers le pouvoir consulaire, pour lequel la religion était moins, à vrai dire, un intérêt de conscience qu’un moyen puissant de moraliser et de discipliner les esprits. Ces reproches se réfutent en grande partie par la position délicate que faisait à Portalis l’ombrageuse susceptibilité du gouvernement fondé au 18 brumaire, et qu’entretenait la répulsion brutale et absolue de son entourage militaire pour toute manifestation extérieure du culte catholique. En présence des ménagements que commandait une situation aussi épineuse, il s’agissait moins du bien à faire que du mal à empêcher. Si, en dehors de ces considérations, on réfléchit que les articles organiques, demeurés intacts dans leurs points essentiels après tant de révolutions successives, constituent encore aujourd’hui la règle fondamentale de nos rapports avec le Saint-Siège, on se trouve naturellement amené à conclure que Portalis tira de la périlleuse épreuve qui lui était imposée tout le succès qu’il était raisonnable d’espérer. La société française fut redevable à ce grand citoyen d’un autre bienfait, dont l’importance ne recommande pas mois sa mémoire à la postérité.

Nous voulons parler de la part active qu’il prit à la précieuse conquête du Code civil, soit par sa coopération aux travaux préliminaires de la commission spéciale chargée de sa rédaction, soit par l’admirable exposé qu’il fit de ce beau travail au Corps législatif. Jamais peut-être la philosophie de la loi n’avait inspiré un langage aussi plein d’élévation, de sagesse et d’onction. Il ne fallut rien moins que ses efforts, secondés par la volonté puissante de Napoléon, pour triompher des obstacles que rencontra le projet de ce Code, qui, malgré d’inévitables imperfections, est demeuré un des monuments les plus nobles et les plus purs de la civilisation moderne. Lors de la réorganisation de l’Institut, en 1805, Portalis avait été désigné par l’empereur pour remplacer l’avocat général Séguier dans la classe de littérature, qui répondait à l’ancienne Académie française. L’éloge de son prédécesseur, qui fit le sujet de son discours de réception, fut accueilli avec faveur et obtint du vivant de l’auteur l’honneur de deux éditions successives. L’attitude généralement si sage et si élevée que Portalis déploya dans le cours de son ministère ne l’empêcha pas toutefois de payer tribut à l’esprit militaire du temps et de mêler sa voix aux accents adulateurs qui contribuèrent si puissamment à égarer le moderne César dans les voies périlleuses du pouvoir absolu. Ce tribun si intrépide devant une popularité ameutée, si ferme dans la défense de la liberté de la presse et des droits de l’humanité contre l’oppression révolutionnaire, n’eut que des paroles d’encouragement contre le brillant capitaine qui venait d’étouffer sous les émotions décevantes de la gloire les derniers élans de la liberté. Dans une lettre, longtemps inédite, à l’empereur, du 4 janvier 1806, il proposait de décréter que l’épée que Napoléon portait à Austerlitz fût déposée dans un de nos temples, sous la garde d’un chapitre spécial, auquel on attacherait un hospice pour les vétérans ecclésiastiques, dont les places seraient données par le ministère de la guerre “sur la présentation d’un maréchal de France ou d’un général de division.”

Il demandait aussi qu’on obligeât le clergé à prononcer, le jour anniversaire de cette grande bataille, un discours “sur la gloire des armées françaises et le devoir imposé à chaque citoyen de consacrer sa vie à son prince et à sa patrie”. Mais ces défaillances, trop habituelles à cette époque d’enivrement et de prestige, se perdent dans le souvenir des services que Portalis a rendus à la France, et peu de noms sont restés entourés de la vénération publique au même degré que le sien. Cet illustre homme de bien mourut dans les sentiments d’une piété vive et sincère, le 25 août 1807, des suites d’une opération que l’affaiblissement graduel de sa vue rendait depuis longtemps inévitable. Ses obsèques eurent lieu le 29 août dans un immense appareil, auquel concoururent tous les ordres de l’Etat. Son corps fut déposé, suivant l’ordre formel de l’empereur, dans l’un des caveaux du Panthéon, et des services solennels furent célébrés à l’occasion de sa mort dans toutes les églises de l’empire français. Une statue de Portalis orne une des galeries du musée de Versailles ; une autre est placée au palais du Luxembourg ; une troisième, inaugurée en 1847, décore le péristyle du palais de justice de la ville d’Aix ; son buste en marbre se fait remarquer parallèlement à celui de Tronchet, dans l’une des salles de la Cour de cassation, et son portrait peint par Collin figure dans la grande salle des séances publiques du Conseil d’État. 

Jean-Étienne Portalis était d’une taille élevée et bien prise. Sa physionomie fine et sérieuse, qu’éclairait un demi-sourire, réfléchissait avec fidélité les nuances et les impressions de son âme. Le fond de son caractère était une bonhomie pleine de grâce et mélangée de ces vives saillies, familières au climat qui l’avait vu naître et dont l’enjouement répandait un piquant intérêt sur sa conversation, naturellement grave et substantielle. Rien ne surpassait le charme de son élocution pleine et abondante, et qu’il savait émailler à propos d’ingénieuses sentences, que tenait toujours en réserve le trésor d’une incomparable mémoire. 

L’auteur de cette notice a publié un Essai sur la vie, le caractère et les ouvrages de Portalis (Paris, 1859, in-8°). M. Fregier a analysé ses travaux religieux et philosophiques dans un ouvrage remarquable intitulé Portalis, philosophe chrétien, 1861, i,-8°. L’académie de législation de Toulouse a mis à la même époque son éloge au concours ; le prix a été décerné à M. Louis Lallement, avocat à la cour impériale de Nancy, dont le travail a été imprimé, Paris, 1861, in-8° de 134 pages. MM. Hello, Ste-Beuve, Dupin aîné, Ch. Giraud, Hacquin, Th. Foisset, ont consacré d’intéressantes études à sa personne et à ses écrits. Les discours, rapports et autres travaux de Portalis sur le concordat et les articles organiques, et sur le Code civil, ont été recueillis en 2 volumes in-8° (Paris, 1845), par le vicomte Frédéric Portalis, conseiller à la cour royale de Paris, son petit-fils, qui a accompagné cette collection d’un savant opuscule intitulé Coup d’oeil sur la législation française en matière religieuse.

B-ÉE.

 

Texte extrait de Michaud, “Biographie universelle, ancienne et moderne, ou Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes”, deuxième édition. 

 

 

JEAN-ETIENNE PORTALIS 

(1746-1807) 

 

 

Grand Aigle de la Légion d’Honneur (1805) 

Rédacteur du Code Civil

 

Le Premier Empire, qui allait être instauré quelques semaines après la promulgation du code civil (30 Ventôse An XII - 21 mars 1804) le revendiqua comme l’une de ses plus grandes gloires. La légende tendit d’ailleurs à l’attribuer au seul génie de Napoléon : le code civil des français fut rebaptisé Code Napoléon par la loi du 3 septembre 1807 - quelques jours seulement après la mort de Portalis dont il fut l’un des rédacteurs. 

Napoléon lui-même ne confia-t-il pas dans le Mémorial de Ste Hélène : “ma vraie gloire, ce n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon code civil, ce sont les procès-verbaux du Conseil d’Etat”. Cela était prémonitoire puisqu’en effet, le code civil des français régie non seulement la France dans ses principes de droit depuis deux cents ans mais aussi de nombreux Etats d’Europe : Belgique, Luxembourg, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Espagne, Pologne mais aussi en Amérique du Sud : Argentine, Bolivie, au Moyen-Orient : en Egypte et même au Japon. 

Bonaparte, Premier Consul, trouva à la recommandation de Cambacérès, second Consul, futur archi-chancelier de l’Empire, Jean-Etienne-Marie Portalis celui qui devint son “bon génie”pour travailler à la rédaction du code civil ; convaincu dès le premier jour de l’importance de sa mission, Portalis déclarait : “Général, c’est le plus grand monument qui se puisse élever à une nation qu’un code des lois. Vous qui avez travaillé comme nous et plus que nous peut-être, vous devez en savoir quelque chose”. 

- 2 -  

Il est vrai que sans la détermination du Premier Consul et sans la compétence de Portalis, le code civil des français n’aurait sans doute pas existé. Bonaparte a mis autant d’énergie à faire voter les textes que sur les champs de bataille. On rapporte qu’au milieu de la nuit - car les séances se prolongeaient parfois jusqu’à 2 heures du matin - il secouait sévèrement les Conseillers d’Etat qui n’en pouvaient plus, “Holà, Messieurs, s’écriait-il, réveillez-vous, il n’est que 2 heures ; il nous faut gagner l’argent que nous donne le peuple français” et il ajoutait à propos de Portalis : “ainsi secondé, nous ferons de grandes choses”. 

Né en Provence le 1er avril 1746, Jean-Etienne Marie PORTALIS consacra toute sa vie au droit. Il fut avocat au Parlement dès l’âge de 19 ans et se tailla très vite une grande réputation, exerçant ses talents dans plusieurs procès retentissants comme celui contre Beaumarchais (le créateur de FIGARO) ou celui contre Mirabeau (le tribun de la Révolution Française) qui lui en voulu toute sa vie. 

Très tôt, il fut consulté par différentes autorités pour des avis ou des études sur des sujets importants. On doit à ses réflexions un édit de 1787 sur la validité du mariage des protestants qui n’avaient pas alors de statut légal. Assesseur de la ville d’Aix, Député à Paris pour défendre ses intérêts en 1782, il s’opposa aux édits de Lamoignon qui visaient à réduire les prérogatives des Parlements provinciaux. 

La Révolution le trouva dans une disposition d’esprit favorable mais il se montra vite hostile aux excès notamment à cette justice populaire où les droits de la défense ne pouvaient pas être garantis. Il fut indigné par le procès du Roi et composa un plan de défense du souverain. Au moment de la terrible répression jacobine qui sévit à Lyon en 1793, il se cacha à Paris où, découvert, il fut arrêté et n’échappa à l’échafaud que grâce à la protection d’un révolutionnaire de l’entourage de Robespierre qui lui devait de la reconnaissance pour service rendu. 

- 3 - 

Tardivement, à cinquante ans seulement, Portalis se lança dans la politique active. Il fut élu au Conseil des Anciens en 1795 et présida cette Chambre haute du Directoire. Il s’opposa à toutes les mesures ayant à son goût un fondement trop révolutionnaire et se prononça publiquement contre les mesures de représailles à l’égard des émigrés, des prêtres réfractaires et contre les lois attentatoires à la liberté de la presse. 

Classé comme monarchiste modéré, il figura sur la liste des déportés lors du coup d’Etat de Fructidor (septembre 1797) ; promis à la déportation en Guyane, il s’exila en Suisse et en Allemagne et continua à y prêcher la modération. Il en profita pour étudier la philosophie allemande et rédigea son maître ouvrage qui ne sera publié qu’après sa mort “de l’usage et de l’abus de l’esprit philosophique durant le XVIIIème siècle”. 

La politique de pardon du Consulat lui permit de rentrer en France fin 1799; dès son retour, Bonaparte le nomma à la tête du Conseil des Prises (chargé de se prononcer sur la validité des arraisonnements faites par des vaisseaux français) avant de l’attacher à la commission chargée de rédiger le projet de code civil des français dont la Constituante avait déjà en son temps décidé la mise en chantier. 

Membre de la Section de Législation du Conseil d’Etat à partir de septembre 1800, Portalis est réputé pour avoir été celui qui le plus souvent rédigea les articles, sous-pesa les équilibres et fit pencher la balance. 

Le premier projet de code civil fut déposé le 21 janvier 1801 au corps législatif ; Portalis prononça plusieurs discours remarquables à cette occasion et fut le principal rédacteur de l’exposé des motifs des différents titres. Dans un dernier effort, le projet de Portalis fut voté le 21 mars 1804, le jour même de l’exécution du Duc d’Enghien.

- 4 -

Portalis, fasciné par le Premier Consul puis l’Empereur, lui resta d’une totale loyauté. Il écrivait : “Sous Bonaparte, tout le bien devient possible et facile. Je suis toujours étonné du génie de cet homme...”. Il se prononça pour la création de la Légion d’Honneur, pour le Consulat à vie, puis l’établissement de l’hérédité. Rares étaient ses ennemis “beaucoup l’aime, tous l’estime, personne ne le haie” disait-on de lui. Apprécié par Napoléon, il bénéficia des récompenses habituelles au titre de dignités qui lui avaient été octroyées, il fut Grand Aigle de la Légion d’Honneur, nommé à l’Institut dans la classe de langue et littérature française (équivalant à l’Académie Française) et aurait été fait Duc si les suites d’une opération de la cataracte ne l’avaient pas fait disparaître prématurément à l’âge de soixante ans. Portalis fut le premier des grands dignitaires civils du Régime Impérial à mourir en fonction ; il eut droit à ce titre à des obsèques nationales. Le 26 août 1807, au lendemain de sa mort, Jean-Etienne Marie PORTALIS entrait au Panthéon. En novembre 1808, Napoléon faisait ériger la statue du grand codificateur dans la salle des Tuileries réservées aux travaux du Conseil d’Etat. “Notre intention, écrivit-il alors, est que nos Ministres, Conseillers d’Etat et magistrats de toutes nos cours, voient dans cette résolution, le désir que nous avons d’illustrer leur talent et de récompenser leurs services”. 

Jean-Luc A. CHARTIER

 

          Avocat à la Cour d’Appel de Paris

          Officier

 

Auteur de “Portalis - Le père du Code Civil” Editions Fayard 

à paraître janvier 2004 

 

voir aussi le livre de Jean-Luc Chartier : Portalis Père du Code Civil


1 Deux éditions postérieures ont été publiées, l’une en 1827, l’autre en 1833 (2 vol. in-8°). 


Retour à l'auteur: Franz Boas (1858-1942) Dernière mise à jour de cette page le jeudi 15 novembre 2007 7:16
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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