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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Histoire de la civilisation chinoise (1931)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Richard Wilhelm (1873-1930), Histoire de la civilisation chinoise (1931). Traduction française de G. Lepage. Paris: Éditions Payot, 1931, 304 pp. Collection: Bibliothèque Historique. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

C25. — richard Wilhelm, Histoire de la civilisation chinoise.

Introduction : l’historiographie chinoise.

On a écrit un nombre considérable d’ouvrages historiques sur la Chine, mais il n’existe pas encore d’histoire de la civilisation chinoise. Toutefois ces ouvrages renferment une foule d’indications et de renseignements sur l’histoire de la civilisation, que l’on peut utiliser et développer, après, bien entendu, les avoir vérifiés et complétés d’après les sources existantes. Il convient donc de passer en revue rapidement les ouvrages historiques chinois pour nous rendre compte de ceux dont nous pourrons tirer parti.

En Chine, comme partout ailleurs, la tradition historique a précédé l’histoire écrite. Par analogie avec les autres civilisations anciennes, on admet généralement que cette tradition a été tout d’abord orale et présentée sous forme de vers rimés qui se gravaient plus facilement dans la mémoire. Beaucoup de passages du Tao‑te‑king de Lao-tse et des commentaires ajoutés par K’oung-tse au Livre des Changements comportent des vers de ce genre et on peut tenir pour certain que la forme versifiée que ces auteurs emploient exclusivement pour développer un texte p.10 connu depuis longtemps a été le procédé le plus usité par la tradition avant l’invention de l’écriture.

On trouve dans le Livre des Odes (Che‑king), qui a été rédigé sous sa forme actuelle par K’oung-tse, mais doit remonter à une date plus ancienne, beaucoup de renseignements relatifs à l’histoire et à la civilisation qui constituent un tableau de l’époque où les Odes ont été composées. La spontanéité des allusions et la naïveté des expressions font de cet ouvrage une source de tout premier ordre pour l’étude de l’histoire de la civilisation ancienne.

Mais même les notations historiques chinoises propre-ment dites remontent à une date très éloignée. Cela tient à ce qu’il a existé en Chine, depuis les temps les plus reculés, un fonctionnaire important, le scribe ou magicien des écrits. Il enregistrait les événements et, en tant qu’astrologue et historien, il possédait et transmettait à la postérité, sous forme de tradition écrite, la science et la sagesse célestes et terrestres. Il était plus qu’un historien, il était le sage dont l’opi-nion faisait loi, mais qui avait aussi pour devoir de noter tous les faits marquants. On constate déjà l’existence de ces scribes à l’époque légendaire de Houang-ti et on trouve constamment dans l’antique tradition les noms de quelques-uns d’entre eux — y compris celui de Lao-tse — ainsi que ceux des divers fonctionnaires qui se partageaient l’enregistrement et la transmission. Chacun des États feudataires possédait, comme le souverain, ses scribes qui, en vertu de leur qualité de détenteurs des documents, ont eu jusqu’à l’époque des Han le pas sur les premiers ministres.

Leurs annales, dont un grand nombre nous sont connues par leur titre, ont été presque toutes con-damnées au feu par Ts’in Che-houang-ti et détruites. Quoique les conséquences de cet acte sur la littérature chinoise de l’antiquité aient été généralement exagérées, elles n’en ont pas moins été désastreuses pour les documents historiques des États qui disputaient à Ts’in la suprématie. Le tyran victorieux voulait faire disparaître les traces des événements qui s’étaient déroulés avant son arrivée au pouvoir et passer vis-à-vis de la postérité pour le surhomme avec lequel l’histoire avait commencé. Cependant deux des anciens ouvrages ont échappé à la destruction. L’un est la Chronique sur bambous qui contient les archives administratives de l’État de Wei et a été découvert dans le tombeau d’un ancien souverain de ce pays et l’autre Le Printemps et l’Automne ou Annales de la principauté de Lou, que K’oung-tse a pris comme base des jugements qu’il porte sur l’histoire et qu’il a remanié dans ce but. Ces deux ouvrages notent très brièvement les événements dans l’ordre chronologique et sans accorder plus d’importce aux faits politiques qu’aux phénomènes astronomiques et météorologiques. A côté de ces sortes d’annales, il existait aussi d’anciens documents qui se composaient des discours de person-nages importants. L’Histoire des Han dit à propos de ces deux sources historiques : « Les scribes enregistraient à gauche les discours et à droite les événements ». Les événements sont consignés dans Le Printemps et l’Automne et les discours dans les Annales.

Un de ces anciens livres documentaires, le Chou‑king, ou Livre des Annales, est également un recueil d’anciens documents relatifs à l’histoire de la Chine. On prétend qu’il a été composé, ou au moins utilisé, par K’oung‑tse pour instruire ses disciples. Il est difficile d’émettre une opinion au sujet de ce livre historique, qui, comme tous ceux de son genre, a été condamné au feu par Ts’in Che‑houang‑ti. Il est généralement admis que le texte original se composait de cent chapitres. Quand, après la chute des Ts’in, les Han restaurèrent les lettres, un lettré nommé Fou‑cheng en rétablit vingt‑huit cha­pitres. Plus tard, K’oung‑an‑kouo, descendant de K’oung‑tse, découvrit un texte en caractères anciens qui comprenait seize chapitres de plus que le précédent. On croit que le texte de K’oung‑an‑kouo a été perdu dans la suite et que les vingt‑cinq chapitres soi-disant anciens qui figurent dans le Chou-king actuel ont été composés sous les Tsin orientaux, d’après des restes de citations et d’autres matériaux. A la même époque, on a divisé quelques‑uns des chapitres authen­tiques et ainsi obtenu les cinquante‑huit chapitres qui constituent aujourd’hui le Livre des Annales. Les parties authentiques reposent certainement sur d’anciennes traditions et contiennent des renseignements de tout premier ordre sur l’état de la civilisation dans la haute antiquité. Il ne faut toutefois utiliser ce livre qu’avec beaucoup de précaution, car même les parties les plus anciennes ont été transmises et probablement rétablies par K’oung-tse, non comme ouvrage histo-rique, mais pour servir de manuel de science politique.

Outre ce livre classique, les récits de l’époque des Tcheou sont susceptibles de fournir des renseignements intéressants, bien que certains passages aient été ultérieurement ajoutés au texte.

D’autres ouvrages anciens, sans être des histoires à proprement parler, contiennent cependant des rensei­gnements précieux pour l’histoire de la civilisation, parce qu’ils permettent de jeter un coup d’œil sur les temps anciens. Il faut citer en premier lieu le Livre des Changements dans lequel les oracles rendus par les diagrammes font allusion à des événements de l’époque, par exemple, au châtiment infligé au Kouei-fang (pays des démons), à la célébration du mariage des princesses royales suivant la coutume patriarcale et aux événements qui ont accompagné la fin de la dynastie des Yin et le début de celle des Tcheou. Un chapitre intitulé le Grand Commentaire donne un tableau complet de l’évolution de la civilisation antique de Fou-hi à Yao et Choun, évolution que les diagrammes du Livre des Changements représentent comme une révélation.

Il convient de mentionner encore les ouvrages qui exposent les coutumes des Tcheou — quoiqu’on ignore les dates auxquelles ils ont été composés — ainsi que les nombreux écrits perdus qui sont cités par les écrivains contemporains de Ts’in Che‑houang‑ti et dont il ne reste que peu de chose.

A la fin de la dynastie des Tcheou parurent les deux premiers ouvrages qui méritent vraiment le nom d’histoires : les ouvrages de Tso‑ki’ou et le Che‑pen. Il semble que les premiers aient compris les Discours des États (Kouo‑yu) d’où l’on a tiré plus tard le Tso tchouan. Ce dernier a été pris dans la suite pour un commentaire du Tch’oun ts’iou de K’oung-tse qu’aurait rédigé un disciple du Maître. Ce qui différencie l’œuvre de Tso-k’iou des annales précédentes, c’est, tout d’abord, qu’au lieu d’être l’histoire d’une principauté particulière, il étudie toutes les principautés, comme l’exigeait alors l’extension toujours croissante de l’em-pire chinois. De plus, il ne limite pas son récit aux actes du souverain et de l’État, mais envisage aussi les conditions morales et sociales du peuple. Enfin, il présente l’histoire sous la forme d’un récit organique, au lieu d’employer le style de chronique de ses devanciers. A ce point de vue, son ouvrage a produit, environ 400 ans avant Jésus-Christ, une véritable révolution dans l’historiographie chinoise.

On est malheureusement moins bien renseigné sur le Che‑pen qui a probablement disparu pendant les troubles qui ont marqué la chute des Tcheou. On sait cependant que le célèbre historien Se‑ma‑ts’ien, dont il sera question plus loin, s’en est servi comme d’une source principale pour se documenter, et, grâce à cette circonstance, nous sommes à peu près renseignés sur son contenu. Il donnait la liste des grands rois et des chefs d’États féodaux, les biographies des hommes illustres, les tables chronologiques, l’histoire des clans, des familles et des villes et des renseignements sur les monuments remarquables et sur les antiquités. Cette classification donnait une vue exacte de l’histoire qui permettait de comparer les différentes époques et, en outre, l’ouvrage tenait compte de l’état social, ce qui n’avait jamais été fait auparavant.

L’historiographie est entrée dans une phase nouvelle avec Se-ma-ts’ien qui a vécu quatre cents ans environ après Tso-k’iou. Dans l’intervalle, la civilisation chinoise avait subi de grands changements. Un empire unifié avait remplacé les États féodaux et, dans le domaine intellectuel, le goût pour l’ancienne littérature s’était développé au détriment de l’activité créatrice. L’empire avait pris de l’extension et annexé de nouvelles colonies à l’ouest. C’est à ce moment que, continuant l’œuvre de son père, Se-ma-ts’ien écrivit le Che‑ki ou Mémoires historiques. Ce fut la fin des historiographies officielles. Historiographe officiel lui-même, Se-ma-ts’ien n’en a pas moins laissé une œuvre qui est celle d’un historien indépendant embrassant d’un coup d’œil les époques qu’il s’est proposé de traiter ; après avoir jugé impartialement les causes des fluctuations de l’histoire, il réunit en un tout ordonné les renseignements qu’il possède. K’oung-tse est le premier qui, sans situation officielle, ait donné à titre privé dans Le Printemps et l’Automne, une description historique. Il a voulu dans cet ouvrage porter un jugement sur la société et, dans ce but, il a sacrifié la réalité ; car il présente les faits, non tels qu’ils ont été, mais tels qu’ils auraient dû être. On ne comprend la morale cachée du texte que si on le compare aux événements réels auxquels il se rapporte. Se-ma-ts’ien est, comme il le reconnaît lui-même, le descendant spirituel de K’oung-tse au point de vue de la critique historique. Il est parvenu, toutefois, à faire avec de sèches notices une histoire pleine de vie dans laquelle la morale découle des événements eux-mêmes, sans qu’il les ait dénaturés. Et cela grâce à l’utilisation consciencieuse des travaux de ses prédécesseurs. Il ne s’est cependant pas borné à juxtaposer des textes ; mais il a donné une forme parfaite à un nombre infini de sujets divers. On comprend qu’il ait reçu le titre de Père de l’histoire chinoise. L’influence qu’il a exercée sur l’historiographie chinoise ressort du fait que, les Annales des Han ne mentionnent que 191 volumes d’ouvrages historiques avant Se-ma-ts’ien, tandis que, quelques siècles plus tard, sous la dynastie des Soui, on en comptait 16.585.

La littérature historique a connu une très grande prospérité sous la dynastie des Tsin qui succéda à l’époque dite des Trois Royaumes et conserva le pouvoir jusqu’en 420 après J.‑C. L’Histoire des Trois Royaumes est un des ouvrages historiques les plus importants qu’il ne faut pas confondre avec le roman qui porte le même titre et embrasse la même période, mais est d’une date beaucoup plus récente.

Pan‑kou, le célèbre historiographe, auteur de l’His­toire des Han, inaugure une forme nouvelle de l’histoire. Pan-piao, son père, avait exprimé l’intention de pour-suivre l’œuvre commencée par Se-ma-ts’ien et Pan-kou et composa son ouvrage, non en sa qualité d’historiographe officiel, mais de son initiative personnelle. Cepen-dant son ouvrage se bornait à l’exposé de l’histoire de la dynastie des Han, et c’est en cela que sa méthode diffère de celle de Se-ma-ts’ien. Les mémoires historiques de Se-ma-ts’ien envisageaient tous les faits importants sans exception et, par conséquent, les questions d’évolution sociale aussi bien que les événements politiques. L’ouvrage de Pan-kou, au contraire, était avant tout une histoire des empereurs. Comme il ne concernait qu’une dynastie, il avait l’avantage d’être plus clair. De là est venue la coutume d’écrire une histoire particulière pour chacune des dynasties. La collection officielle des Vingt‑quatre histoires ne contient, en dehors des Mémoires de Se-ma-ts’ien, que des his-toires dynastiques particulières. On peut juger par là que Pan-kou a exercé sur l’histoire chinoise une grosse influence. Mais on ne peut pas dire que cette dernière n’ait eu que d’heureux résultats. Le cours de l’histoire, considéré surtout au point de vue de l’évolution de la civilisation, ne dépend pas des divisions établies entre les différentes dynasties dont l’ascension et la chute sont souvent causées par le hasard. Quand les événements sont présentés sans liaison naturelle entre eux, ils sont incompréhensibles : on ne voit pas le terrain social sur lequel ils se déroulent et le mur dressé entre les dynasties cache les répercussions qu’ils peuvent avoir sur l’avenir. De plus, il n’est pas possible d’écrire l’histoire d’une dynastie sans témoigner de partialité. Les ennemis de la dynastie sont considérés comme des rebelles et l’horizon se rétrécit.


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Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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