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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Textes historiques, Histoire politique de la Chine, tome I (1929)
Extraits


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Léon WIEGER S.J. (1856-1933), Textes historiques, Histoire politique de la Chine, tome I, pages 1-479. Imprimerie de Hien-hien, troisième édition, 1929. Une édition numérique réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

Extraits

Le peuple parlait mal de l’empereur.

Le peuple parlait mal de l’empereur. Le Grand Duc de Cháo, marquis de Yén, descendant du sage Chéu, lui dit :

— C’est que le peuple ne peut plus supporter son sort, que vous rendez trop dur.

L’empereur se fâcha. Il se procura une sorcière du pays de Wéi ; c’étaient les plus fameuses. Grâce à son pouvoir transcendant, cette sorcière savait aussitôt qui avait mal parlé du souverain ; elle dénonçait le coupable, lequel était mis à mort, sans autre forme de procès. Alors le peuple n’osa plus parler ; mais tous ceux qui se rencontraient, se faisaient signe des yeux. L’empereur était ravi.

— Hein, dit‑il au duc de Cháo, que je sais faire taire les médisants ?!...

— Hélas oui, dit le duc de Cháo, vous leur avez mis un bâillon. Mais bâillonner un peuple, c’est aussi dangereux que de barrer un fleuve. Un fleuve barré rompt ses digues et cause de grands maux ; la même chose arrive quand on ferme la bouche du peuple. Ceux qui règlent le cours des fleuves doivent les faire s’écouler librement ; ceux qui gouvernent le peuple doivent le laisser parler à son aise. Ce que le peuple a dans le cœur, il le répand dans ses paroles. Il est bon qu’il s’épanche ; on sait ainsi ce qu’il pense ; pourquoi le lui interdiriez-vous ? Si vous lui fermez la bouche, qu’est-ce que vous y gagnerez ?

L’empereur ne voulut rien entendre. 

 

L’empereur refuse de labourer le champ impérial

En 816, l’empereur refusa de labourer le champ impérial, dit ts’iēn-mou les mille arpents, dont les fruits étaient offerts dans les sacrifices impériaux. Le seigneur Koâi le blâma et dit :

— Vous agissez mal. Le peuple vit des champs. C’est par les champs, que le Seigneur d’en haut lui donne l’abondance, grâce à laquelle le peuple se multiplie, les ressources augmentent, l’ordre et la paix fleurissent. Si vous ne produisez pas, par votre travail, ce que vous devez offrir aux chênn, si vous extorquez ces dons au peuple, de quel front irez-vous ensuite demander aux chênn leur bénédiction et au peuple son dévouement ?

L’empereur fit la sourde oreille. Aussi, raconte Seu‑ma ts’iēn, en 789 son armée fut‑elle anéantie par les Joûng de l’Ouest, dans une plaine appelée Ts’iēn-mou les mille arpents.

 

L’empereur Suān était voluptueux et paresseux.

Il paraît que l’empereur Suān, était voluptueux et paresseux. L’histoire raconte l’anecdote suivante...

L’impératrice, du clan Kiāng, était sage et vertueuse. Elle ne parlait et n’agissait jamais que d’après les règles. Or l’empereur, restant au lit le matin, ne se levait que fort tard, retenant ses femmes dans le harem. Pour le corriger, si possible, l’impératrice Kiāng sortit un jour de ses appartements, ôta ses broches et ses pendants d’oreilles, puis, s’agenouillant en posture de criminelle à la porte de la prison du palais, elle envoya sa duègne dire à l’empereur :

— Je n’ai aucune bonne qualité. Il paraît, de plus, que je suis voluptueuse. J’en suis venue à être cause que l’empereur, manquant à ses devoirs, ne donne audience qu’à midi, ce qui fait penser qu’il préfère le plaisir au gouvernement. Or l’amour du plaisir engendre la prodigalité, la débauche et tous les désordres. Tous ces maux, c’est moi qui les ai causés ; je dois donc être punie ; veuillez déterminer ma peine, j’attends votre sentence !...

L’empereur lui fit répondre :

— C’est moi qui ai mal agi ; c’est moi qui suis en faute ; vous êtes innocente !

et il fit rentrer l’impératrice Kiāng. De ce jour, il s’appliqua à mieux gouverner. Il donnait audience depuis le matin, jusqu’à midi. 

 

L’empereur résolut de mettre à mort le comte de Tóu.

En 785, l’empereur résolut de mettre à mort le comte de Tóu, sans que celui-ci fùt coupable d’aucune faute. Le lettré Tsoùo, l’ami du comte, s’opposa à l’empereur. Il revint neuf fois à la charge, sans que l’empereur se laissât fléchir.

Alors l’empereur lui dit :

— Tu soutiens ton ami contre ton souverain !...

Tsoùo dit :

— Si mon prince avait raison, si mon ami avait tort, j’aiderais mon prince à tuer mon ami. Mais puisque mon ami a raison, puisque mon prince a tort, je soutiens mon ami contre mon prince...

L’empereur irrité dit :

— Rétracte ce que tu viens de dire, et tu vivras ; sinon, tu mourras !

Tsoùo répondit :

— Un homme sage ne s’expose pas à la mort par bravade, mais il ne parle pas non plus contre sa conscience pour conserver sa vie. Or j’ai la preuve que c’est vous qui avez tort, et que le comte de Tóu est innocent...

L’empereur fit mourir le comte de Tóu. Le lettré Tsoùo mourut aussi (fut mis à mort).

En 782, l’empereur Suān fit le tour de l’empire, pour visiter les seigneurs. Comme il chassait dans une forêt, en plein midi, le comte de Tóu (son spectre) se dressa au bord du chemin, vêtu de rouge, couvert d’une coiffure rouge, tenant à la main un arc et des flèches rouges. Il décocha à l’empereur une flèche qui, transperçant son cœur, lui brise la colonne vertébrale, et le renversa mort sur la place.

 

Celle que l’histoire appelle Séu de Pāo.

Sous le règne de l’empereur Suān, une concubine du harem impérial devint mère d’une petite fille, dont l’empereur n’était pas le père, dit le texte : Elle eut peur et l’exposa. En ce temps‑là, un enfant chanta : les arcs en mûrier et les carquois en osier perdront la dynastie des Tcheōu. L’empereur Suān ayant appris qu’un homme et sa femme fabriquaient et vendaient ces articles, il ordonna de les prendre et de les mettre à mort. L’homme et sa femme s’enfuirent. Dans leur fuite, durant la nuit, passant près de la petite fille exposée, ils l’entendirent vagir. Émus de compassion, ils la ramassèrent et se réfugièrent à Pāo. Plus tard, l’homme et sa femme étant morts, la fille devenue grande et belle, resta seule. Alors les gens de Pāo, ayant offensé l’empereur, lui offrirent, pour l’apaiser, cette fille née dans le harem impérial et posée au bord du chemin. C’est elle que l’histoire appelle Séu de Pāo. Elle entra au harem en 779. L’empereur l’ayant vue, l’aima. Elle mit au monde Pài-fou... Sēu‑ma ts’iēn a soin de nous raconter que la concubine conçut sans connaître d’homme, par l’effet d’une certaine bave de dragon, conservée dans un linge depuis environ douze siècles. Les critiques traitent cette narration de fable étrange. Il reste que Séu de Pāo était une enfant trouvée. Les empereurs de Chine n’ont jamais été difficiles en matière de concubines. — Dès que la créature fatale eut gagné la faveur de l’empereur, le ciel annonça les malheurs à venir, par des phénomènes menaçants. Les vallées de la Wéi, de la King, de la Láo, furent ébranlées par un tremblement de terre, lequel fit ébouler une partie du mont K’î. Alors le Grand Annaliste Pâi yang-fou dit :

— Les Tcheōu vont périr. Ils ne dureront pas plus de dix ans ; car dix est le terme de la série des chiffres simples ; ceux que le Ciel a rejetés, ne dépassent pas la série...

De fait, au commencement de la onzième année, l’empereur Yōu périt.

 

Séu de Pāo riait peu. L’empereur voulut la faire rire.

L’empereur Yōu était fou de son idole. Séu de Pāo riait peu. L’empereur voulut la faire rire. Il s’y prit de mille manières ; la favorite ne rit pas. Or l’empereur était convenu avec les seigneurs du domaine impérial, que, si une incursion soudaine de cavaliers barbares venait à mettre la capitale en péril, il les appellerait à son secours en allumant certains fanaux. Donc, pour faire rire Séu de Pāo, en pleine paix, l’empereur fit allumer les fanaux d’alarme. Quand les seigneurs arrivèrent à toute bride, ils ne trouvèrent aucun ennemi à combattre. A la vue de leur désappointement, la favorite éclata de rire. L’empereur en fut ravi. Quand il leur eut joué ce tour plusieurs fois de suite, les seigneurs n’ajoutant plus foi à ses signaux, ne se dérangèrent plus.

En 771, à l’instigation de la favorite, qui voyait en lui un compétiteur futur pour son fils, l’empereur exigea du seigneur de Chēnn, qu’il lui livrât son fils Î‑kiou, l’ancien héritier présomptif, afin qu’il pût le mettre à mort. Le seigneur de Chēnn refusa de le livrer. Alors l’empereur lui déclara la guerre. Aussitôt le seigneur de Chēnn appela à lui les barbares de l’Ouest, les Joûng‑Chiens, et tomba avec eux sur l’empereur. Celui-ci ayant allumé les fanaux d’alarme, personne ne vint à son secours. Les Joûng l’enveloppèrent et le massacrèrent au pied du mont Lî. Séu de Pāo fut emmenée captive. Tous les trésors des Tcheōu furent pillés... 

 

Le Souverain d’en haut m’a permis de venir le dénoncer.

Dans l’armée de Tchéng, le général Koung‑sounn û jalousait le général Ying K’ào‑chou. Quand l’assaut fut donné à Hù, K’ào‑chou escalada le premier le rempart et y planta la bannière de Tchéng. Ce que voyant, Koung‑sounn û lui décocha une flèche qui, entrée par le dos, lui perça le cœur et le renversa mort sur place. Hù fut pris. Quand on releva le cadavre de K’ào‑chou, on constata qu’il avait été frappé par derrière, donc par un homme de Tchéng. Très irrité, le comte ordonna de rechercher le meurtrier. Personne ne put ou ne voulut le dénoncer. Alors le comte fit ranger son armée en ordre de parade. Devant chaque groupe de cent hommes, les sorciers égorgèrent un porc ; devant chaque section de vingt‑cinq hommes, ils immolèrent un coq ; accompagnant ces sacrifices de leurs conjurations. Au moment on l’on brûla le texte écrit de ces conjurations, Koung-sonnn û se précipita soudain aux genoux du comte, criant à tue-tête :

— J’ai été traîtreusement assassiné par Koung‑sounn û. Le Souverain d’en haut m’a permis de venir le dénoncer.

Cela dit, un flot de sang s’échappa de sa bouche et il tomba mort... On comprit que l’âme de sa victime, s’était emparée de Koung‑sounn û, l’avait dénoncé par sa propre bouche puis exécuté elle-même.

 

L’empereur envoya des espions pour examiner l’armée de Méi-tei.

L’empereur ayant appris que Méi-tei se tenait à Tái-kou, envoya des espions pour examiner son armée. Or Méi-tei, qui s’y attendait, avait caché ses hommes vigoureux et ses animaux robustes, ne laissant en évidence que des vieillards, des enfants, et des animaux débiles. Dix espions étant revenus au camp impérial, dirent tous que les Huns seraient facilement vaincus. Cependant l’empereur envoya encore Liôu-king ; puis, sans attendre son retour, il leva le camp, et lança vers le nord toute son armée forte de 320 mille hommes. Liôu-king l’ayant rencontré sur la route, fit son rapport en ces termes :

— Quand deux nations se font la guerre, c’est à qui se fera passer pour le plus fort, afin d’en imposer à l’autre. Toute exhibition de faiblesse, est donc évidemment une ruse Or, étant allé vers les Huns, je n’ai vu que des animaux maigres, des vieillards et des enfants. Je suis persuadé qu’ils ont caché leur élite, en attendant l’occasion d’un bon coup. Je suis donc d’avis qu’on n’attaque pas les Huns...

A ce moment, l’armée était déjà en marche. L’empereur se fâcha et injuria Liôu-king en ces termes :

— Esclave de Ts’î, dont le beau parler a fait un officier, vas‑tu bien intimider mon armée par tes paroles inconsidérées ?! Qu’on le conduise lié à Koāng-ou !...

Prenant les devants, l’empereur poussa vers P’îng‑tch’eng. Le gros de l’armée ne l’avait pas encore rejoint, quand Méi-tei, à la tête de quatre cent mille cavaliers d’élite, coupa et entoura l’empereur sur le plateau de Pâi-teng. Durant sept jours, l’armée ne put pas faire passer de vivres au corps cerné. L’empereur pria le politicien Tch’ênn-p’ing, de le tirer par la ruse de ce mauvais pas. Celui-ci fit parvenir à la reine des Huns, le portrait d’une belle fille, avec cet mots : Les Hán ont une beauté ainsi faite. Maintenant, leur empereur étant dans la détresse, songe à l’offrir au khan... La reine craignant que cette femme ne lui ravit la faveur dont elle jouissait, dit au khan :

— Le Fils du Ciel qui règne sur les Hán, étant doué d’un pouvoir transcendant, même si nous prenions ses terres, nous ne pourrions pas les conserver...

Alors les Huns ouvrirent leur cercle, et l’empereur Hán put fuir. Renonçant, pour cause, à poursuivre la guerre, il revint sur ses pas. Il fit décapiter les dix espions qui l’avaient trompé, puis réhabilita Liôu-king en disant :

— C’est pour ne vous pas avoir écouté, que je me suis vu en détresse à P’îng-tch’eng.

 

L’empereur avait donné sa fille au roi des Huns.

Fidèle à la politique de la dynastie, en 152, l’empereur avait donné sa fille au roi des Huns, ce qui n’empêcha pas ceux-ci de faire, en 144, une incursion sur les terres de l’empire... Les Huns envahirent Yén-menn et la préfecture Cháng‑kiunn, dont Lì-koang était préfet. Un jour que Lì-koang était allé à la découverte, avec une escorte d’une centaine de cavaliers seulement, soudain il se trouva en vue d’un corps de cavaliers huns, fort de plusieurs milliers d’hommes. L’escorte de Li-koang fut d’avis de se replier au galop. Lì-koang leur dit :

Nous sommes très éloignés du gros de nos forces. Si nous fuyons, les Huns nous poursuivront et nous cribleront de leurs flèches en un moment. Si nous restons, les Huns nous prendront certainement pour l’avant-garde d’un corps considérable, et n’oseront pas nous attaquer...

Cela dit, il ordonna à ses cavaliers d’avancer. Quand il ne fut plus qu’à une faible distance des Huns, il ordonna à ses cavaliers de démonter et de desseller les chevaux, pour montrer bien clairement qu’il n’avait aucune envie de reculer. Un chef hun, monté sur un cheval blanc, s’étant approché pour examiner sa petite troupe, Lì-koang sautant à cheval avec une dizaine de ses soldats, lui donna la chasse et le tua d’un coup de flèche ; puis, étant revenu, il fit de nouveau desseller, et ordonna à tous ses soldats de laisser paître leurs chevaux et de se reposer. Jusqu’au soir, les Huns défiants ne s’aventurèrent pas à l’attaquer. Durant la nuit, Lì-koang battit en retraite, avec sa petite troupe.


Retour au livre de l'auteur: Léon Wieger (1856-1933) Dernière mise à jour de cette page le jeudi 11 janvier 2007 12:42
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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