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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Bouddhisme chinois, tome II : Les vies chinoises du Bouddha. 1913
Extraits


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Léon WIEGER S.J. (1856-1933), Bouddhisme chinois, tome II : Les vies chinoises du Bouddha. 1913. Textes de la Chine. Les Humanités d’Extrême-Orient, Cathasia, série culturelle des Hautes Etudes de Tien-Tsin, Paris: LES BELLES LETTRES, édition de 1951, 278 pages. Une édition numérique réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

Extraits

Le songe de Maya

Chan-hoei descendit donc du ciel Tushita, pour s’incarner dans le sein de la mère de son choix. Māyā dormait. Elle vit, comme en songe, le P’ousa monté sur un éléphant blanc à six défenses, descendre du ciel vers elle, et pénétrer dans son flanc droit. Elle le vit dans l’intérieur de son sein, comme si son corps avait été de cristal. Inondée de bonheur comme si elle avait bu de l’ambroisie, elle contemplait son corps rayonnant comme le soleil et la lune. S’étant éveillée, elle alla trouver le roi son mari, lui raconta son rêve, et lui demanda ce qu’il signifiait. Le roi fit aussitôt appeler des devins brahmanes, leur conta le songe de son épouse, et leur demanda ce qu’il annonçait de faste ou de néfaste. Après avoir fait leurs calculs, ceux-ci dirent :

— La reine a certainement conçu. Le fils qu’elle porte, éclairera le monde, comme Buddha s’il suit la carrière ascétique, comme roi universel (Cakravartin) s’il embrasse la profession des armes.

Après qu’elle fut ainsi devenue enceinte, chaque jour la reine Māyā s’exerça dans les six grandes vertus. Les deva lui apportaient à manger et à boire. D’elle-même elle renonça à tous les plaisirs sensuels ordinaires. Dans tous les mondes, les causes de trouble disparurent. Jusque parmi les tribus sauvages, la paix et l’abondance régnèrent.

 

Vie dans les plaisirs

En ce temps, le roi Tsing-fan ayant bâti trois palais pour son fils, lui donna trois mille filles pour le servir. Mille étaient de service pendant chaque tiers de la nuit.

Se souvenant toujours de la prédiction de l’ascète Asita (n° 10), et cherchant à attacher son fils de toutes les manières, il lui donna encore plusieurs milliers de musiciennes et de bayadères, qui chantaient et dansaient jour et nuit.

Seul homme parmi toutes ces femmes, le prince satisfit tous ses désirs, et se livra au plaisir durant dix années entières.

Par précaution, le roi avait fait entourer son palais d’une palissade, munie d’une seule porte, laquelle était si lourde, qu’il fallait un grand nombre d’hommes pour l’ouvrir et la fermer, opération dont on entendait le bruit à une distance considérable. Des gardes armés veillaient devant cette unique porte.

Toutes ces précautions étaient pour empêcher, que le prince ne s’enfuit pour se faire moine.

 

Il annonce qu’il veut partir.

Dans le calme de la nuit, Siddharta se dit : Si je pars sans avoir averti mon père, j’agirai contre la piété filiale et manquerai aux convenances.

Il alla donc trouver son père, se prosterna, joignit les mains et lui dit :

— Père, je veux quitter le monde..

Le roi éclata en pleurs, et refusa son consentement... Le prince reprit :

— Père, je resterai, si vous pouvez me préserver de la maladie, de la vieillesse et de la mort...

— Hélas ! je n’ai pas ce pouvoir, dit le père. Même les ṛishi vieillissent et meurent.

Au jour, le roi fit appeler les membres du clan Sākya, et leur dit :

— La nuit dernière, le prince m’a demandé de quitter le monde. J’ai refusé, pour ne pas priver le pays d’un tel prince. Que faire, pour l’empêcher de donner suite à son projet ?..

— Gardons-le, dirent les membres du conseil de famille ; il ne pourra pas partir malgré nous.

Alors le roi ordonna que les quatre portes de la ville fussent gardées par les plus braves jeunes gens du clan Sākya, avec des chars de guerre et des lanciers. Des cuirassiers firent la ronde sur le rempart, jour et nuit.

De son côté, la reine Prajāpati réunit les filles du harem du prince, leur ordonna de veiller durant la nuit, et fit fermer à clef toutes les portes et les fenêtres.

On espérait que le prince, ainsi emprisonné, oublierait avec le temps ses désirs de vie monacale.

 

Évasion à minuit.

La nuit suivante, assis dans la salle des fêtes, le prince méditait sur les quatre intentions qui avaient animé les Buddha du passé... 1. Ils avaient tous désiré atteindre à la perfection de l’intelligence spirituelle, et la communiquer, pour délivrer tous les êtres des liens du plaisir et de la douleur... 2. Ils avaient tous désiré obtenir l’illumination, la juste et claire vue du karma de tous les hommes, pour leur ouvrir ensuite les yeux, et leur faire comprendre que seule l’absence de désir guérit de toutes les illusions et de tous les maux... 3. Ils avaient tous désiré combattre l’égoïsme, si invétéré parmi les hommes et si funeste, et leur faire pratiquer un altruisme éclairé.... Ils s’étaient tous apitoyés sur le manque de paix qui fait de ce monde comme une roue de feu tournante, et sur les liens par lesquels tous les êtres sont liés ; avec un immense désir de leur procurer la délivrance et le repos.

Soudain lui aussi prit sa résolution définitive et irrévocable. Il appela son écuyer Channa (alias Chandaka), et lui ordonna de seller son cheval Ka?n?taka...

— Au milieu de la nuit ? demanda l’écuyer...

— Oui, dit le prince. Je quitte le monde. Garde-toi de rien faire pour m’empêcher.

A ce moment, les deva endormirent tous les gardes de la ville et les filles du harem. Channa ayant sellé le cheval, le prince le monta. Alors la terre trembla. Les rois des quatre régions de l’espace, saisissant les sabots du cheval, l’élevèrent dans les airs. Brahmā et Indra le guidant, le prince passa par-dessus le rempart de la ville et la campagne, et arriva près du bois ou l’ascète Bhagavat se tenait avec ses disciples. Là il descendit de cheval, et s’assit pour se reposer.

 

Les filles de Māra tentent Siddharta.

Cependant Māra dit à ses filles :

— Éprouvez le cœur de cet homme !

Les filles de Māra allèrent à l’arbre, entourèrent Siddharta, et essayèrent sur lui toute la série des séductions féminines. Mais elles durent constater qu’il était invulnérable, pur comme le lotus que la boue ne souille pas, ferme comme le mont Sumeru qu’aucun tremblement de terre n’ébranle. Humiliées, elles redoublèrent d’efforts. Parures et chants, minauderies et caresses, tout fut en vain, elles n’arrivèrent à rien.

Las de leur impertinence, Siddharta leur dit :

— Un petit peu de bien, fait dans vos existences précédentes, vous a valu de renaître comme devī dans le ciel de Māra. Vous auriez dû vous souvenir que ce bonheur ne durera pas, et vous appliquer à vous préparer un avenir meilleur. Au lieu de cela, vous êtes venues ici, pour me pervertir. Vous êtes encore plus mauvaises que belles. Que me voulez-vous, sacs à ordures ? !..

Ce disant, Siddharta les montra au doigt. Aussitôt elles furent transformées en vieilles femmes, aux cheveux blancs, au teint fané. Aucun moyen ne put leur rendre leur forme de devī.

 

Parc et couvent Vẹnuvana.

Avec les trois frères Kāsyapa et ses douze cent cinquante moines, le Buddha se rendit à Rājag̣riha, pour visiter le roi Bimbisāra. A la tête de ses officiers, le roi sortit à sa rencontre, hors de la ville. Le Buddha lui fit son discours ordinaire :

— O roi ! la composition produit tous les maux, la renaissance, la connaissance, le désir, le karma, et ainsi de suite. Il faut tendre à se tirer de cette impermanence. Pour cela, il faut renoncer au plaisir, à son moi, causes de toutes les douleurs. Avec cette renonciation, toute souffrance disparaît. Avoir compris cela, c’est être près de la délivrance.

A ces paroles, les yeux de beaucoup d’auditeurs s’ouvrirent. Le roi fit profession de foi au Buddha, à sa doctrine, à son Ordre. Il pria le Buddha de vouloir bien se fixer au parc Ve?nuvana, qu’il lui offrit en don. Le Buddha accepta en disant :

— Vous faites là une très bonne œuvre.

Aussitôt le roi ordonna qu’on construisit et disposât tous les bâtiments nécessaires. Le Buddha vécut au parc Vẹnuvana, conversant avec les deva et avec ses moines. Le roi venait souvent l’y visiter, pour se faire instruire. Quand les travaux de construction et d’aménagement furent terminés, le roi fit donation solennelle du couvent au Buddha, en cette forme : Tenant dans ses mains un flacon plein d’eau de senteur, le roi se plaça devant le Buddha et dit :

— Je donne ce parc Ve?nuvana, et tout ce qu’il contient, au Buddha et à ses moines, les priant de l’accepter, pour mon bien...

et il répandit l’eau.

Bimbisāra fut le premier roi disciple du Buddha, et le Veṇuvana près de Rājag̣riha fut le premier couvent de son Ordre.

 

Le Buddha prêche sa mère.

Au temps où le Buddha séjourna durant trois mois dans les joies du ciel d’Indra, glorieux à éclipser le soleil et la lune, il dit à Mañjusrī :

— Cherche ma mère (alors devī dans ce ciel), et dis-lui que je suis ici.

A la vue de son fils, le lait monta aux mamelles de Māyā, et elle l’allaita comme elle avait fait après sa naissance.

Heureux de revoir sa mère, le Buddha lui dit :

— La joie et la douleur se succèdent. Il vous faut tendre au terme, à la fixité, par delà cette alternance.

A ces mots, les dernières erreurs de la mère se dissipèrent. Elle se prosterna et dit au Buddha :

— Oui, je crois que les passions plongent les êtres dans les voies inférieures ; je crois que les êtres sont liés et entravés par leurs désirs et leurs convoitises. Je désire, dans mes vies à venir, obtenir l’illumination pour moi, et délivrer les autres de leurs douleurs.

Le Buddha dit :

— La racine des douleurs de tous les êtres, c’est l’amour, la haine, l’erreur. Ces passions les empêchent de renaître dans les cieux, de sortir de la succession des renaissances. Elles les plongent dans beaucoup de maux, même dans cette vie terrestre, perte de la réputation, abandon des parents et amis, tortures de la conscience, amers regrets, terreurs à la mort. Tout cela vient de la triple racine vénéneuse, amour haine erreur. Pour arriver au salut, il faut rompre ce triple lien. Hélas ! la plupart des hommes travaillent au contraire à le renforcer.

A ces paroles du Buddha à sa mère, tous les assistants pleurèrent, et détestèrent leurs illusions passées.

 

Trépas dans le bosquet des sala.

Alors, près de Kusinagara, dans le bosquet des sala, entouré de deva, de nāga, de représentants de toutes les catégories d’êtres, le quinzième jour de la seconde lunaison, le Buddha se coucha sur le flanc droit, la tête au nord, les pieds au sud, le visage tourné vers l’occident, le dos tourné à l’orient. Les sala étaient au nombre de huit, formant quatre paires ; une paire à sa tête, une à ses pieds, une devant lui, une derrière lui. Au milieu de la nuit, du quatrième degré de contemplation, paisiblement, sans un soupir, le Buddha passa dans le repos. Aussitôt les têtes des sala se rejoignant, les huit arbres formèrent comme un dais au-dessus de son cadavre. Puis ils séchèrent sur pied, laissant tomber, en signe de deuil, leurs fleurs feuilles branches et écorces. Toutes les terres de tous les univers tremblèrent. Toutes les mers se soulevèrent. Tous les cours d’eau s’arrêtèrent. Le soleil et la lune cessèrent de luire. Un vent noir couvrit la terre de ténèbres. Les deva se lamentèrent dans les airs, croyant la ruine du monde imminente.


Retour au livre de l'auteur: Léon Wieger (1856-1933) Dernière mise à jour de cette page le jeudi 11 janvier 2007 10:57
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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