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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Histoire des croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine (1922)
Extraits


Une édition électronique sera réalisée à partir du texte de Léon WIEGER S.J (1856-1933), Histoire des croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine **, avec illustrations. Première et deuxième périodes : jusqu’en 65 après J.-C., 341 pages. deuxième édition, imprimerie de Hien-hien, 1922. Une édition numérique réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

Extraits

Les corps célestes étaient considérés par les Anciens d’alors, comme le sémaphore du Ciel, un appareil complexe au moyen duquel le Souverain d’en haut donnait des indications et des avertissements aux hommes. Les météores, favorables ou défavorables, étaient aussi censés produits par lui. Le culte chinois antique des corps célestes et des météores, ne fut donc pas inspiré par des théories animistes ou naturistes. Il fut une expression de la foi religieuse du temps….

 …Un certain K’oei est préposé à la musique en vue d’établir les relations entre les Génies, les Mânes et les hommes. C’est là, en effet, le but de la musique, art sacré et non profane chez les Anciens. Les sons des instruments et les voix des chanteurs, avertissaient, attiraient les Génies et les Mânes. Leur effet allait plus loin. Intimement liés aux nombres mère de la gamme, les accords de la musique étaient censés avoir, comme certains chiffres, une répercussion cosmique ; faire vibrer harmonieusement l’éther mondial, quand ils sont consonants et non dissonants, et attirer ainsi paix et prospérité. K’oei lui-même se vante, en 2002, que sa musique produit cet effet : quand les phonolithes résonnent, quand les cordes vibrent, quand les chants retentissent, les Ancêtres viennent visiter », dit-il... Visite spirituelle, men-tale, imaginaire, diront plus tard les Commentateurs. Est-il bien sûr que les Anciens l’aient entendu ainsi ?.. Sans doute ils ne crurent jamais que les Ancêtres viendraient manger et boire leurs offrandes. Mais les bronzes de la deuxième dynastie nous montreront qu’ils venaient au moins humer les offrandes, et qu’on relevait sur le sable ou sur la cendre, les empreintes de leurs pieds et de leurs mains….

 … Il s’agit des tortues dont les écailles servaient à consulter si telle ou telle décision serait faste ou néfaste, si un projet conçu réussirait ou non. Elles devaient avoir douze pouces de diamètre. L’animal dont la carapace atteignait ces dimensions, était censé âgé d’au moins mille ans. Mais ce n’est pas à sa longue expérience de la vie qu’on en appelait ; c’est au fait que sa carapace dorsale bombée et sa plaque ventrale plate, ressemblaient à la cloche céleste tournant par son bord sur le plateau terrestre, ce qui est la notion chinoise antique du cosmos. L’animal logé entre les deux écailles, représentait l’humanité. Analogie de figure, donc correspondance essentielle !….

 … Ce texte est décisif pour la question de la croyance, dans l’antiquité chinoise, à la survivance des âmes. Il nous montre princes et peuple réunis dans un ciel empyrée, au courant des affaires de ce bas monde, s’y intéressant et y intervenant. Tous les Commentateurs ont reconnu la chose. Écoutons Tchou‑hi qui les résume tous, qui lui ne croyait pas à la survivance, et à qui la clarté de ce texte arracha les aveux suivants…

 … C’était l’usage des Anciens de ce temps-là, quand ils désiraient quelque faveur, quand un bonheur leur était échu, quand une entreprise leur avait réussi, de couler en bronze un vase, portant à l’intérieur des symboles et des caractères qui exprimaient l’impétration ou la reconnaissance. A L’extérieur du vase étaient figurés les deux yeux de l’Ancêtre, représentant son attention bienveillante. Le vase commémoratif était placé dans le temple de la famille, pour servir aux offrandes, de génération en génération. Tout ce que nous possédons de symboles et de caractères antiques, nous a été conservé par les quelques bronzes de cette sorte, qui ont échappé à la destruction. Car les anciens Chinois ne gravèrent pas sur pierre ; et la fragilité de la matière employée par eux pour les écritures, bois, soie ou papier, n’a pas permis que des écrits antiques parvinssent jusqu’à nous tels quels….

 … Le cinquième ministère était présidé par le Grand Justicier. Il était chargé des procès et des peines, lesquelles étaient atroces, surtout pour intimider les restes des Li et des Miao, encore mêlés aux Chinois, disent les Commentateurs. Les Hia pouvaient se racheter des peines légales encourues, en tout ou en partie. J’ai énuméré plus haut les différentes formes de servitude pénale à vie, avec mutilation spécifique. Les condamnés à mort étaient, ou décapités, au bouillis vifs (ce qui coûtait moins de bois que de les brûler vifs), ou coupés en deux par le milieu du corps avec un couperet ad hoc, ou écartelés, ou déchiquetés lentement. Les criminels odieux au peuple, étaient d’ordinaire simplement jetés dans le marché comme disent les textes. C’est-à-dire que, un jour de grand marché, on les livrait liés à la populace, qui les mettait à mort en les frappant et en les piétinant. Il paraît que c’était là, pour les brutes d’alors, le comble de la liesse. Maintenant encore, en Chine, une exécution capitale est une réjouissance populaire, ce dont je puis témoigner. Enfin les cadavres de tous les suppliciés, étaient exposés en plein marché durant trois jours.

Parmi les crimes passibles de mort, figurèrent toujours, sous les trois premières dynasties, toutes les tentatives d’innovation matérielle, toute introduction d’une doctrine nouvelle... Le type de tous les vêtements, ustensiles, instruments, procédés, était officiel. Quiconque aurait tenté de modifier quelqu’un de ces types, eût été traité en révolutionnaire. Le génie inventif était ainsi réduit à néant. Celui qui aurait fait une découverte, aurait sans doute pu la faire connaître au gouvernement et solliciter la permission de l’exploiter, comme fit I‑ti, l’inventeur de l’eau-de-vie de grain, sous U le Grand. Mais I‑ti ayant été banni pour sa peine, les inventeurs postérieurs préférèrent ne pas l’imiter. Ils turent leurs inventions, et le monde chinois resta absolument figé jusque vers l’ère chrétienne, et plus ou moins jusqu’à nos jours... Quant aux tentatives d’innovation doctrinale, elles furent toujours punies de mort comme crime de lèse-majesté, le délinquant ayant osé se croire plus éclairé que l’empereur et ses ministres. Sous la dernière dynastie Ts’ing, un lettré fut encore mis à mort, pour avoir critiqué quelques caractères du dictionnaire de K’ang-hi….

 …. D’abord l’interprétation officielle des songes dans l’antiquité. C’était une affaire scientifique, considérée comme très grave, voici pourquoi. J’ai exposé, en parlant de la Grande Règle (page ?62 ), que les cinq gros viscères du corps humain, étaient considérés comme une participation, comme une parcelle, des cinq agents naturels. Il s’ensuit que cette parcelle reste sous l’influence de son tout, est impressionnée par son principe. Cette espèce d’induction produite dans les organes par les agents cosmiques, imperceptible dans l’agitation de la veille, devient sensible durant le silence de la nuit, dans la paix du sommeil. Elle constitue les songes, répercussion du macrocosme universel dans le microcosme humain, sympathie et covibration du principe vital avec la nature. Étant donnée une clef scientifique indiquant à quel agent se rapportait telle ou telle sorte de songe, on concluait à l’agent actuellement régnant, à sa croissance, à son déclin ; et on prenait des conclusions pratiques en conséquence. La chose était jugée tellement importante, que des officiers spéciaux étaient chargés de s’enquérir, à époque fixe, des songes faits par l’empereur, par les officiers, par les citoyens . Ces songes étaient comparés avec les phénomènes célestes et les météores terrestres, signes externes visibles, les songes étant des signes internes invisibles, mais les deux sortes de signes ayant et décelant la même cause, l’altération cosmique….

 … Vers l’an 540, le marquis King de Ts’i étant malade, recourut d’abord aux chenn des monts et des fleuves de son marquisat. Rien n’y fit. Il imagina alors d’immoler son sorcier officiel, pour l’envoyer demander sa guérison au Souverain d’en haut. Un conseiller l’exhorta à ne pas le faire. Car, lui dit-il, ou le Souverain d’en haut est intelligent, ou il ne l’est pas. S’il n’est pas intelligent, votre sorcier lui parlera en vain. S’il est intelligent, votre sorcier n’arrivera pas à le tromper, en disant du bien de vous, puisque notoirement vous gouvernez très mal ; d’autant que tant de gens ont sans doute déjà dit du mal de vous au Souverain d’en haut, que son opinion doit être faite sur votre compte. Si vous immolez votre sorcier, je crains bien qu’il ne se joigne aux autres, pour vous charger davan-tage... Le marquis King se désista….

 … En 535, texte capital. Dans le comté de Tcheng, le feu prince du sang Pai-you avait apparu plusieurs fois pour annoncer que, tel jour, il tuerait telle personne ; et les personnes ainsi désignées, étaient toutes mortes au jour fixé. Un autre prince du sang, alors ministre, le célèbre politique et philosophe Tzeu‑tch’an ayant réfléchi sur le cas, fit donner au fils de Pai-you de quoi faire d’abondantes offrandes aux mânes de son père. Les apparitions et les assassinats cessèrent aussitôt. — Questionné sur cette affaire, Tzeu‑tch’an donna les explications suivantes, admises jusqu’à nos jours par tous les philosophes chinois, comme l’expression de ce que l’on sait sur l’âme et la survivance. L’homme a deux âmes. L’une matérielle p’ai, issue du sperme, est produite d’abord. L’autre aérienne hounn, n’est produite qu’après la naissance, peu à peu, par condensation interne d’une partie de l’air respiré. Ceci explique pourquoi la vie animale précède, pourquoi l’intelligence ne se développe qu’avec les années.

A la mort, l’âme matérielle suit le corps dans la tombe ; l’âme aérienne subsiste libre. Les deux âmes survivent et agissent, à proportion de la vigueur physique et morale qu’elles ont acquise durant la vie ; par l’alimentation et par l’étude. Après la mort, leur préoccupation, à toutes deux, est de se procurer, par tous les moyens, le nécessaire pour l’entretien de leur vie spectrale, si on ne le leur offre pas. Quand une âme a des pourvoyeurs, elle ne fait ni bruit ni mal ; mais si on l’affame, elle brigande, par nécessité. La famille de Pai-you ayant été ruinée, avait cessé les offrandes, ce qui réduisit l’âme de Pai-you à brigander pour survivre. Dès que son fils lui refit les offrandes rituelles, ses brigandages cessèrent. »….


Retour au livre de l'auteur: Léon Wieger (1856-1933) Dernière mise à jour de cette page le lundi 12 mars 2007 9:51
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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