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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Histoire des trois royaumes Han (423-230), Wei (423-209) et Tchao (403-222 av. J.-C.) (1910)
Extrait


Une édition électronique réalisée à partir du texte du Père Albert TSCHEPE, s.j., Histoire des trois royaumes Han (423-230), Wei (423-209) et Tchao (403-222 av. J.-C.). Variétés sinologiques n° 31. Imprimerie de la Mission catholique de l’orphelinat de T’ou-sé-wé, Chang-hai, 1910, X+164 pages + tables généalogiques. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

EXTRAIT :

Ou-ling-wang. Pour l’amour d’un concubine.

En 310, Ou-ling-wang étant allé s’amuser, dans son château de plaisance appelé Ta-ling, vit en songe une jeune fille qui jouait du luth, et qui chantait les paroles suivantes : Il est une jeune personne ravissante, et parée de brillants atours ; son visage est plus beau que la fleur Tiao ; hélas, ma pauvre Yng, quel sera ton destin ; puisque personne ne te connaît.

Quelques jours plus tard, le prince, animé par les joyeuses libations d’un festin, raconta plusieurs fois ce songe ; il semblait en être absorbé. Le seigneur Ou-koang, descendant du fa­meux empereur Chouen, apprenant ces détails, s’imagina aisément que la mystérieuse personne désignait sa propre fille, nommée Yng, et dont le surnom était Mong-yao ; il l’offrit à la reine, et par cette entremise, l’introduisit auprès du prince.

Elle captiva le cœur de Ou-ling-wang, à tel point qu’il en était devenu comme fou ; il oubliait son royaume ; il était tout entier à cette concubine ; il lui donna même le titre de reine (Hoei-heou).

. . . . . . . . . .

En 301, mourait la fameuse concubine dont nous avons parlé plus haut ; si Ou-ling-wang ne devint pas fou de chagrin, nous allons le voir commettre sottises sur sottises, par affection pour son fils, le prince Ho, né de cette femme.

En 299, Ou-ling-wang tenait cour plénière dans son palais appelé Tong-kong (ou de l’est), à la 5e lune, au jour nommé meou-chen. Dans cette assemblée solennelle de tous les grands du royaume, il déclara son fils aîné, le prince héritier Tchang, déchu de ses droits ; à sa place, il nommait le prince Ho, né de la concubine favorite ; et, pour couper court à toutes les difficultés, il abdiquait en sa faveur, et le faisait reconnaître comme roi par tous les dignitaires présents ; après quoi, on se rendit au temple des ancêtres, leur annoncer cette grande nouvelle, puis on procéda de suite à l’intronisation.

Le nouveau souverain, qui n’avait pas encore dix ans, reçut le nom de Hoei, en souvenir de sa mère, et fut appelé Hoei­-wen-wang  ; le sage Fei-i fut établi son précepteur et son premier ministre. Ou-ling-wang se contenta du titre de tchou-fou (père du souverain), et se chargea d’enseigner à son fils l’art du gouvernement.

. . . . . . . . . .

Ou-ling-wang revint à la capitale, publia une amnistie géné­rale, ordonna des festins et des réjouissances qui ne durèrent pas moins de cinq jours ; puis, pour adoucir le chagrin de son fils aîné, le prince Tchang, il le nomma gouverneur indépendant de la province de Tai, avec le titre de seigneur de Ngan-yang ; mais il ne réussit pas à guérir la blessure profonde, creusée dans son cœur par son injuste déché­ance ; un homme comme Tchang, nature fière et quelque peu mal équilibrée, avait plus de peine à supporter patiemment une telle faute commise par son père.

Ou-ling-wang lui donna pour ministre le grand seigneur T’ien-pou-li ; choix malheureux, car ce dignitaire, aussi orgueilleux que son maître, était incapable d’apaiser son ressentiment ; c’était jeter de l’huile sur le feu.

Le seigneur Li-touei apprenant cette nomination, vint trouver le premier ministre Fei-i, et lui dit :

— Le prince Tchang, caractère altier, nature énergique, a un parti très nom­breux dans le royaume ; il ne se contentera pas de sa nouvelle dignité ; son ministre T’ien-pou-li, de son côté, n’est pas moins ambitieux, et fait bon marché de la vie d’un homme ; tous deux se trouvant si unis par la conformité de leurs sentiments, ne tar­deront pas à former des intrigues ; n’envisageant que le profit momentané, sans prévoir les suites ultérieures, ils mettront immé­diatement la main à l’œuvre, et leur révolte ne saura attendre bien longtemps avant d’éclater au grand jour. C’est sur votre Excellence que tomberont leurs premiers coups ; pourquoi ne pas prétexter une maladie, et remettre votre charge au prince Kong-tse-tcheng ? vous échapperiez ainsi aux calamités qui vous menacent.

Fei-i répondit :

— Quand le roi confia son fils, notre souverain, à mes soins et à ma loyauté, il ajouta ces paroles : « ne vous ralen­tissez jamais dans votre zèle pour cet enfant ; ne reculez devant aucun péril, dût votre fidélité vous coûter la vie ! » Par deux fois, je me suis prosterné jusqu’à terre, protestant que je ne tromperais pas sa confiance, et que j’exécuterais ses ordres sans faillir jamais ; je les ai écrits, pour les avoir toujours sous les yeux. Et mainte­nant, par la seule crainte d’une révolte, de la part de ce T’ien-pou-li, j’oublierais des serments si sacrés ! Y pensez-vous ? « Celui à qui, j’ai juré fidélité est mort ; mais j’agirai de telle sorte que s’il ressuscitait, je puisse lever hautement la tête devant lui » ; vous connaissez ce proverbe ; il me dicte la conduite à tenir ; j’apprécie votre affection, et je suis touché des craintes qu’elle vous inspire à mon égard ; mais ma résolution est prise ; je ferai mon devoir, sans me préoccuper de ma sécurité personnelle.

— C’est parfait assurément, répliqua Li-touei, et je ne puis qu’applaudir au dévouement héroïque de votre Excellence ; mais je vois déjà le malheur fondre sur vous !

Ayant ainsi parlé, il se retira en pleurant à chaudes larmes. A peu de temps de là, il rencontrait le prince Kong-tse-tcheng, et le pressait de prendre des précautions pour empêcher une révolution qu’il croyait inévitable.

De son côté, Fei-i s’adressant au seigneur Sin-ki (ou Kao-sin) lui parla ainsi :

— Le prince Tchang et son ministre sont deux hommes vraiment odieux ; dans leurs rapports avec moi, leurs paroles sont doucereuses ; mais elles ne peuvent réussir à cacher leur mauvais cœur ; ils pourront peut-être leurrer le père de notre souverain ; alors ils se serviront de son nom pour usurper le pouvoir, et, rusés comme ils sont, ils renverseront l’ordre établi par lui. Je prévois ces malheurs ; la nuit, je n’en puis dormir ; le jour, je n’en puis prendre de la nourriture ; il faut aviser aux précautions nécessaires : si quelqu’un désormais demandait une audience au jeune roi, il faut m’avertir ; afin que je voie s’il y a quelque piège, quelque danger.

Sin-ki promit d’obéir ponctuellement.

A quelque temps de là, Ou-ling-wang tenait cour plénière, afin que tous les grands du royaume vinssent renouveler leurs hommages au jeune roi ; en réalité, c’était plutôt pour accoutumer tout le monde à lui obéir, comme au souverain légitime, et défi­nitivement établi ; c’était du même coup enlever au prince héritier Tchang tout espoir de monter sur le trône, et à son parti lui-même toute velléité de soulèvement.

A cette assemblée solennelle, Ou-ling-wang se tenait à côté du jeune souverain ; il fut touché de l’air triste et de la contenance embarrassée du prince Tchang, mêlé parmi la foule des autres dignitaires ; alors seulement il eut regret de l’avoir écarté du trô­ne ; il songea au moyen de réparer cette faute, et se proposa de diviser le royaume en deux parties ; celle du sud resterait à Hoei-­wen-wang ; celle du nord, avec Tai pour capitale, serait donnée au prince Tchang ; mais il voulut réfléchir à son aise, sur un projet si gros de conséquences, et si dangereux pour la tranquillité du peuple ; pour le moment il n’en parla à personne.

Peu de temps après cette réunion, Ou-ling-wang conduisait le jeune roi à une de ses résidences d’été, nommée Chao-k’iou, pour y prendre quelques jours de repos ; chacun d’eux habitait un palais séparé, ne pensant à aucun danger de révolte.

C’était pourtant le moment prévu et attendu avec impatience, par le prince Tchang et ses partisans, pour exécuter un coup de main : ils entourèrent secrètement les deux palais ; puis ils écrivi­rent un faux billet, mandant le jeune souverain auprès de son père. Le premier ministre Fei-i ayant reçu ce message, sortit pour voir ce qu’il en était ; il fut aussitôt massacré. Le sei­gneur Sin-ki donna l’alarme, et conduisit les gardes du roi repousser les assaillants ; le prince Kong-tse-tcheng et le seigneur Li-touei amenèrent du renfort de la capitale, et les révolutionnaires furent vaincus.

Cependant, le prince héritier Tchang, cerné par les troupes du roi, allait tomber entre leurs mains, et être massacré ; Ou-ling-wang eut pitié de lui, et lui ouvrit la porte de son palais ; Kong-­tse-tcheng en fit l’assaut, captura le pauvre réfugié, et le mit à mort.

Tout semblait fini ; nullement ! Kong-tse-tcheng prévoyant l’avenir dit à Li-touei :

— Le vieux roi ne nous pardonnera jamais d’avoir attaqué son palais, et massacré son fils ; il faut nous défaire de lui ; sinon, nous et nos deux familles, nous sommes perdus !

Sur ce, on continua de cerner le palais ; on publia l’avis sui­vant : quiconque ne s’empressera pas d’en sortir, sera exterminé avec toute sa parenté. Bientôt le vieux roi se trouva seul ; pour ne pas mourir de faim, il capturait quelques petits oiseaux ; enfin, après trois mois de réclusion absolue, il mourut d’inanition et de chagrin.



Retour au texte de l'auteur: Yves Martin, sociologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le lundi 11 juin 2007 7:30
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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