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Collection « Les auteur(e)s classiques »

André Siegfried, SAVOIR PARLER EN PUBLIC. (1950)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'André Siegfried, SAVOIR PARLER EN PUBLIC. Paris: Librairie Albin Michel, 1950, 162 pp. Une édition numérique réalisée par Pierre Patenaude, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac Saint-Jean, Québec.

[9]

SAVOIR PARLER EN PUBLIC

Préface
Esprit de cette étude


Les modes d'expression dont nous disposons sont multiples. Certaines choses s'écrivent mieux, d'autres se transmettent plus efficacement par la parole ; la musique seule permet d'exprimer tels sentiments, tels états d'âme, cependant qu'il faut prendre le pinceau pour représenter telle sensation ou même telle émotion ; le génie de l'ordre, de la grande administration se matérialise dans l'architecture. L'art consiste à choisir, dans chaque cas, l'instrument de communication le plus approprie, chaque peuple étant du reste mieux doué pour se servir de l'un d'eux : le Latin préférera la parole, le Français sans doute la plume, l'Allemand la musique. Quoi qu'il en soit le rôle de la [10] parole demeure essentiel : dans nos démocraties modernes comme dans la Cité antique, elle reste un instrument indispensable de la vie commune. Aujourd'hui comme hier, à Paris ou à Washington, comme autrefois à Rome ou à Athènes, il faut parler pour enseigner, parler pour accuser ou se défendre, parler pour guérir, parler pour se taire élire, parler pour conquérir le pouvoir et parler encore pour le conserver.

Les conditions de la parole en public sont donc un sujet d'extrême, d'actuel intérêt. Les anciens lui avaient consacré une attention passionnée, dont sont témoins les nombreux traités d'éloquence qu'ils nous ont légués. Les règles qu'ils ont déterminées sont de tous les temps et de tous les pays : à peine ont-elles besoin d'être mises au point pour s'appliquer aux circonstances qui sont les nôtres. Il est cependant certaines conditions techniques que l'Antiquité ne connaissait pas et qui, dans quelque mesure, sont de nature à modifier notre moderne rhétorique : il ne suffit plus de savoir parler à la tribune des assemblées nationales, ou dans les salles de commissions, ou encore [11] au Palais : il faut de plus en plus savoir utiliser la radio, c'est-à-dire atteindre des auditeurs innombrables, que l'on ne voit pas et dont on ne peut en conséquence qu'imaginer les réactions ; il faut, dans les conférences internationales, s'adresser à des délégués hétérogènes, casqués comme des guerriers, auxquels votre pensée (si vous en avez une) ne parviendra que traduite par des interprètes enfermés dans des cages, d'où elle sortira diffusée en cinq langues pendant même que vous parlez. Si vous vous adressez directement à des êtres humains, réunis pour vous entendre, vous disposerez de micros qui, au prix d'une légère déformation, décupleront le volume de votre voix. Ainsi la machine, cette maîtresse de notre époque, pénètre jusqu'à ce domaine de l'art qu'est l'éloquence.

Une technique nouvelle de la parole s'impose de ce fait, mais il ne semble pas qu'elle annule les quelques leçons fondamentales que la rhétorique ancienne nous avait transmises. Dès l'instant qu'on s'adresse à un groupe d'hommes, réunis pour constituer cet être collectif qu'est un public, il est un [12] certain nombre de règles qu'on ne saurait négliger sans risquer l'échec. Car la parole a ses lois propres, qui ne sont pas celles du style écrit, et, bien que dans les deux cas on use de mots et de phrases, il ne faut jamais écrire comme on parle ou parler comme on écrit.

Dans les pages qui suivent, je voudrais d'abord analyser et classer les diverses formes d'éloquence, puis, à titre d'exemple, faire le portrait de quelques grands orateurs que j'ai eu le privilège d'entendre. Je voudrais enfin – et peut-être suis-je bien hardi ? – établir un certain nombre de règles s'imposant à celui qui essaie de se faire écouter. Mon ambition est en somme d'écrire une sorte de Rhétorique, s'adressant plus particulièrement à mes contemporains et visant les circonstances dans lesquelles chacun d'eux peut être appelé à élever la voix.

On me demandera quels sont mes titres pour traiter pareil sujet, et surtout sous un angle en quelque sorte didactique ? Je n'ai jamais plaidé, ni gravi les marches de nos tribunes parlementaires, ni naturellement [13] (quoique l'envie ne m'en ait pas manqué) prononcé de sermon. Mais, comme professeur, je me suis adressé à de nombreux auditoires, et, comme candidat – malheureux du reste – j'ai pris la parole dans des réunions publiques, contradictoires et tumultueuses. Surtout, toujours curieux de notre vie politique, j'ai suivi, depuis l'adolescence, les plus grandes séances de la Chambre et du Sénat de la IIIe République. Plus récemment j'essayais encore, en vain hélas, de retrouver dans nos assemblées d'après-guerre, l'écho des grands débats d'autrefois. J'ai eu ainsi l'occasion d'entendre les principaux orateurs politiques d'un régime qui, dans l'histoire de l'éloquence parlementaire, peut se classer au premier rang. M'autorisant de cette expérience, qui est plus celle de l'auditeur que de l'acteur, j'essaierai de répondre à cette question : Comment faut-il faire pour bien parler, c'est-à-dire pour se bien faire écouter ?



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 5 avril 2012 18:37
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cegep de Chicoutimi.
 



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