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Collection « Les auteur(e)s classiques »

La physiologie sociale. Oeuvres choisies.
Avant-propos de l'éditeur


Une édition électronique réalisée à partir du livre C.-H. de Saint-Simon, La physiologie sociale. Oeuvres choisies. Introduction et notes de Georges Gurvitch, professeur à la Sorbonne. Paris: Presses universitaires de France, 1965, 160 pages.Collection: Bibliothèque de sociologie contemporaine. (Extraits de textes datant de 1803 à 1825).

Avant-propos

de Georges Gurvitch


Ce choix de textes de Claude-Henri de Saint-Simon (1760-1825) se distingue de plusieurs autres (Note 1) (dont nous sommes les premiers à reconnaître les mérites), par les traits suivants.

Nous n'avons retenu que les passages ayant un rapport direct ou implicite à la sociologie proprement dite, dont Saint-Simon, comme l'avait déjà fait ressortir Émile Durkheim, est le vrai fondateur. Ce dernier n'a-t-il pas écrit : « C'est à Saint-Simon qu'il faut, en bonne justice, attribuer l'honneur que l'on attribue couramment à Comte », d'avoir fondé une nouvelle science : la sociologie... « Et de cette science nouvelle, il n'en a pas seulement dressé le plan, il a essayé de la réaliser... On rencontre chez Saint-Simon les germes déjà développés de toutes les idées qui ont alimenté la réflexion de notre époque » (Note 2). Mais Durkheim a cru à tort - comme beaucoup d'auteurs de son temps - que Comte était un continuateur de Saint-Simon, tandis que les sources réelles de Comte sont bien différentes : de Bonald et de Maistre d'une part, Condorcet de l'autre, dont il cherche à réconcilier les idées (Note 3). Par ailleurs, Durkheim n'a pas vu que les vrais successeurs de Saint-Simon-sociologue furent Proudhon et surtout Karl Marx.

Cela nous conduit au second trait caractérisant notre choix de textes de Saint-Simon. Nous avons essayé de mettre en relief tous les passages qui font ressortir la parenté de la sociologie de Saint-Simon avec celle de Proudhon et de Marx, tout en marquant dans notre introduction, et parfois dans des notes, les points de divergence.

Enfin, et c'est le troisième aspect de notre choix, nous avons essayé de laisser de côté autant que possible la doctrine sociale et politique, c'est-à-dire les prétendues « applications pratiques » de la sociologie de Saint-Simon. C'est que les valeurs posées d'avance et culminant dans un idéal social projeté dans l'avenir ne découlent jamais de la sociologie conçue comme science, mais ne font que l'utiliser : consciemment - pour rechercher les voies et moyens stratégiques ; inconsciemment - pour camoufler l'idéal préconçu et affirmé comme imposé par la réalité des faits. Saint-Simon, qui fut le plus réaliste des « utopistes » et le plus utopiste des sociologues, facilite luimême cette séparation entre doctrine socio-politique et sociologie. En effet, selon les régimes et les conjonctures, il modifie les moyens : révolutionnaire pour les régimes militaires et précapitalistes, il est réformiste pour les régimes capitalistes et post-capitalistes. Il change d'idéal au cours des différentes étapes de sa vie : productivité industrielle maximum d'abord, liée à un utilitarisme d'inspiration benthamienne, accordant aux savants le pouvoir spirituel, et le pouvoir temporel aux industrielsentrepreneurs ; ensuite planification fondée sur la « pyramide industrielle » ayant à sa tête les « chefs des travaux » - une technocratie, par conséquent, mais libérale, car « l'administration des choses remplacera le gouvernement des personnes », et les producteurs-ouvriers devront profiter très largement d'une abondance toujours plus grande ; enfin, dans ses tout derniers ouvrages, Saint-Simon prêche l'union de l'amour et du travail grâce à laquelle les prolétaires deviendront « sociétaires » et « administrateurs », mais sans indiquer les moyens précis qui permettraient d'y parvenir. Cependant ces changements de doctrine socio-politique, dont le panthéisme humaniste est d'ailleurs explicitement formulé dans le Nouveau christianisme, n'entraînent pas une modification de la théorie proprement sociologique de Saint-Simon, si l'on excepte une plus grande précision dans la différenciation des classes sociales parmi les « producteurs ».

Évidemment, en sociologie, les coefficients idéologiques ne peuvent être éliminés d'aucune théorie, ni même d'aucune recherche empirique. Mais cela est vrai de toute science, qui est toujours une oeuvre humaine et une oeuvre collective. Il ne s'agit que de différents degrés d'intensité de ces coefficients. Par ailleurs, ils peuvent toujours être diminués étant rendus conscients. L'idéologie fluctuante et incertaine propre à la sociologie de Saint-Simon affaiblit plutôt qu'elle n'augmente ce coefficient. C'est ce qui rend cette sociologie particulièrement attirante au point de vue scientifique.

C'est également ce que nous allons essayer de montrer par notre choix de textes.
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Il existe deux éditions des Oeuvres complètes de Saint-Simon. Celle d'Olinde Rodrigues d'abord (Ire éd. 1832, 2e éd. 1841), mais elle est loin de comprendre toutes les publications de notre auteur. L'autre est due aux exécuteurs testamentaires d'Enfantin. Cette édition, qui s'échelonne de 1868 à 1876, est beaucoup plus complète que la précédente, mais très mal ordonnée. Sur 47 volumes, onze seulement sont consacrés aux oeuvres de Saint-Simon ; les textes de Saint-Simon sont dispersés au hasard, du volume XI au volume XXXVII, car des ouvrages d'Enfantin sont intercalés parmi ceux de Saint-Simon. Par ailleurs, les Oeuvres complètes sont évidemment épuisées depuis très longtemps. On comprendra tout le bien-fondé de la demande de Pierre-Maxime Schuhl d'une édition nationale des Oeuvres complètes de Saint-Simon (Note 4). De même on s'expliquera mieux le besoin permanent, durant ces dernières décennies, de nouveaux morceaux choisis des Oeuvres de Saint-Simon, dont nous présentons ici un échantillon (Note 5).
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Mais auparavant, et après avoir énuméré les ouvrages de Saint-Simon dans l'ordre chronologique (même ceux dont aucun passage n'est entré dans notre choix), nous allons essayer d'introduire à l'ensemble de la pensée sociologique de Saint-Simon.

Notes:

(1) Cf. Charles LEMONNIER, Oeuvres choisies de Saint-Simon, vol. I-III, 1854-1861 ; Célestin BOUGLÉ, Choix de textes de Saint-Simon, 1925, 2e éd., 1935 ; VOLGUINE, Oeuvres choisies de Saint-Simon, vol. I-III, 1948 (en russe) ; J. DAUTRY, Saint-Simon, textes choisis, Paris, Éditions Sociales, 1960.
(2) Émile DURKHEIM, Le socialisme (posthume), 1927, pp. 148-150.
(3) Cf. mon cours ronéotypé, Pour le centenaire de la mort d'Auguste Comte, 1957, C.D.U., pp. 4-10.
(4) P.-M. SCHUHL, Henri de Saint-Simon (1760-1825), Revue philosophique, 1960, p. 457.
(5) Les textes que nous reproduisons sont cités de préférence d'après les Oeuvres complètes, 1868-1876. Lorsque, pour différentes raisons, certains textes n'ont pu être cités selon cette édition, ce sont surtout les Oeuvres choisies de C. LEMONNIER qui ont été utilisées. Chaque source est indiquée en note.

Retour au texte de l'auteur: Claude-Henri de Saint-Simon Dernière mise à jour de cette page le Dimanche 16 mars 2003 09:44
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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